CA Paris, 4e ch. A, 1 février 2006, n° 05-04356
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Jade (SNC), Oliveira et Moreira Lda (Sté)
Défendeur :
Rautureau, Rautureau Apple Shoes (SA), Orjas (SARL), Menport (SARL), Rolando da Conha Melo Lda (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Carre-Pierrat
Conseillers :
Mmes Magueur, Rosenthal-Rolland
Avoués :
Me Teytaud, SCP Moreau, SCP Bommart-Forster, SCP Hardouin
Avocats :
Mes Zafrani, Armengaud, Sportes, Meisner
Vu l'appel interjeté le 21 décembre 2001 par les sociétés Jade, Oliveira et Moreira et Orjas d'un jugement rendu le 5 décembre 2001 par le Tribunal de grande instance de Paris qui a :
* débouté la société Menport de sa demande de sursis à statuer,
* déclaré Guy Rautureau recevable à agir,
* annulé partiellement le procès-verbal de saisie contrefaçon opérée le 24 septembre 2001 dans les locaux de la société Orjas en ce qu'il contient des mentions relatives aux six modèles visés par le procès-verbal de constat du 10 septembre 2001, soit les modèles Fugue Noir, Cécilia, Sindi Noir, Fazer Noir, Anita et Régina,
* dit qu'en important, en offrant à la vente et en vendant des modèles de chaussures référencés Starlett Zip Boot et Tom Hi Botte créés par Guy Rautureau et commercialisés par la société Rautureau Apple Shoes sous la marque Free Lance, les sociétés Orjas, Menport, Oliveira et Moreira Lda et Jade ont porté atteinte aux droits patrimoniaux et moral d'auteur sur lesdits modèles dont la société Rautureau Apple Shoes et Guy Rautureau sont respectivement cessionnaire et titulaire,
* dit qu'en important, en offrant à la vente des modèles de chaussures référencés Néo 7 Zipper, Néo 7 Jodpur, Soft 7 Zipper, Tom Zip Boot, Tom Jodpur, Ronéo Zip Boot commercialisés par la société Rautureau Apple Shoes, les sociétés Orjas, Menport, Oliveira et Moreira Lda et Jade ont commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Rautureau Apple Shoes,
* constaté les actes de contrefaçon de la marque Free Lance par la société Orjas,
* interdit aux sociétés Orjas, Menport, Oliveira et Moreira Lda, Jade de poursuivre ces agissements sous astreinte de 152,45 euro par infraction constatée,
* condamné in solidum la société Orjas et la société Menport à payer à Guy Rautureau la somme de 4 573,47 euro à titre de dommages et intérêts,
* condamné in solidum la société Orjas, la société Oliveira et Moreira Lda et la société Jade à payer à Guy Rautureau la somme de 4 573,47 euro à titre de dommages et intérêts,
* condamné in solidum les sociétés Orjas et Menport à payer la somme de 45 734,71 euro à la société Rautureau Apple Shoes à titre de dommages et intérêts,
* condamné in solidum les sociétés Orjas, Oliveira et Moreira Lda et Jade à payer la somme de 30 489,80 euro à la société Rautureau Apple Shoes à titre de dommages et intérêts,
* condamné la société Orjas à payer à la société Rautureau Apple Shoes la somme de 15 244,90 euro à titre de dommages et intérêts,
* autorisé Guy Rautureau et la société Rautureau Apple Shoes à faire publier le dispositif de la décision dans trois revues ou journaux aux frais des sociétés Orjas, Menport, Oliveira et Moreira Lda, Jade, tenues in solidum, le coût total des insertions ne pouvant excéder la somme de 9 146,94 euro,
* ordonné l'exécution provisoire,
* condamné in solidum les sociétés Orjas, Menport, Oliveira et Moreira Lda, Jade à payer à Guy Rautureau la somme de 1 524,49 euro et celle de 1 524,49 euro à la société Rautureau Apple Shoes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Vu l'arrêt rendu le 8 octobre 2003 par la présente cour qui a sursis à statuer sur les demandes jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation saisie du pourvoi formé contre l'arrêt de la deuxième chambre de l'instruction de cette cour rendu le 22 mai 2003
Vu les dernières conclusions signifiées le 7 décembre 2005, par lesquelles la société Orjas, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, demande à la cour de:
* juger que Guy Rautureau ne démontre pas sa qualité de créateur et est irrecevable à agir,
* annuler le procès-verbal de saisie contrefaçon dressé le 24 septembre 2001,
* constater que les modèles de chaussures revendiqués par la société Rautureau Apple Shoes sont dépourvus de toute originalité et que cette dernière n'établit ni la matérialité de la contrefaçon de marque alléguée, ni des actes de concurrence déloyale dont elle se prétend victime,
* juger de surcroît qu'en tout état de cause, des actes de "contrefaçon verbale" ne peuvent donner lieu à une condamnation d'un montant de 15 244,90 euro, montant excessif par rapport à l'atteinte causée à la marque Free Lance et au préjudice subi par la vente d'une seule paire de chaussures,
* en conséquence, débouter Guy Rautureau et la société Rautureau Apple Shoes de leurs demandes,
* à titre subsidiaire, réduire le montant des dommages et intérêts alloués à de justes proportions, eu égard à sa très faible participation aux actes incriminés,
* rejeter la solidarité des condamnations prononcées,
* en tout état de cause, condamner in solidum Guy Rautureau et la société Rautureau Apple Shoes au paiement de la somme de 15 244,90 euro à titre de dommages et intérêts et à celle de 9 146,94 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Vu les dernières écritures en date du 12 décembre 2005, aux termes desquelles la société Menport, poursuivant la réformation de la décision entreprise, sauf en ce qu'elle a énoncé que les modèles Néo 7 Zipper, Néo Jodpur, Tom Zip Boot, Tom Jodpur ne peuvent être protégés au titre du droit d'auteur, prie la cour de:
* dire irrecevables les demandes formées par Guy Rautureau pour défaut de qualité et d'intérêt à agir,
* dire que le modèle de chaussures Tom 7 Hi Botte est dépourvu de toute originalité et de nouveauté,
* débouter Guy Rautureau et la société Rautureau Apple Shoes de leurs demandes en contrefaçon,
* dire que les modèles de chaussures Néo 7 Zipper, Néo Jodpur, Soft 7 Zipper, Tom Zip Boot, Tom Jodpur, Ronéo Zip Boot, Tom 7 Hi Botte, Starlett Zip Boot ne constituent pas des copies serviles,
* débouter Guy Rautureau et la société Rautureau Apple Shoes de leurs demandes pour concurrence déloyale,
* condamner solidairement Guy Rautureau et la société Rautureau Apple Shoes au paiement de la somme de 7 622,45 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
* à titre subsidiaire, réduire le montant des dommages et intérêts alloués, sans prononcer de solidarité,
* en toutes hypothèses, condamner solidairement Guy Rautureau et la société Rautureau Apple Shoes au paiement de la somme de 7 573,47 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Vu les ultimes écritures signifiées le 22 avril 2002, par lesquelles la société Jade et la société Oliveira et Moreira Lda, poursuivant l'infirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a retenu que les modèles Soft 7 Zipper et Ronéo Zipper étaient dépourvus de toute originalité, demandent à la cour de:
* débouter Guy Rautureau et la société Rautureau Apple Shoes de l'ensemble de leurs demandes,
* subsidiairement, de prononcer la mise hors de cause de la société Jade et de dire n'y avoir lieu à condamnation solidaire,
* ramener le montant des dommages et intérêts alloué à de plus justes proportion compte tenu du faible nombre de bottes vendues,
* en tout état de cause, condamner Guy Rautureau et la société Rautureau Apple Shoes solidairement à verser la somme de 7 622,45 euro à titre de dommages et intérêts à la société Jade et celle de 22 867,35 euro à la société Oliveira et Moreira et à chacune d'entre elles la somme de 4 573,47 euro au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 25 février 2005, aux termes desquelles Guy Rautureau et la société Rautureau Apple Shoes, poursuivant la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit qu'en important, en offrant à la vente et en vendant des modèles de chaussures référencés Starlett Zip Boot et Tom Hi Botte, les sociétés Orjas, Menport, Oliveira et Moreira Lda ont porté atteinte aux droits patrimoniaux et moral de la société Rautureau Apple Shoes et de Guy Rautureau, qu'en important, en offrant à la vente et en vendant des modèles de chaussures constituant des copies des modèles référencés Néo 7 Zipper, Néo 7 Jodpur, Soft 7 Zipper, Tom Zip Boot, Tom Jodpur, Ronéo Zip Boot, les sociétés Orjas, Menport, Oliveira et Moreira Lda, Jade ont commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Rautureau Apple Shoes et constaté les actes de contrefaçon de la marque Free Lance par la société Orjas, demandent à la cour de l'infirmer pour le surplus et de:
* dire qu'en important, en offrant à la vente et en vendant des modèles de chaussures constituant la contrefaçon des modèles référencés Néo Jodpur, Tom Zip Boot, Soft 7 Zipper, Ronéo Zip Boot, Tom Jodpur, Néo 7 Zipper, les sociétés Orjas, Menport, Jade, Oliveira et Moreira Lda ont porté atteinte aux droits patrimoniaux et moral d'auteur dont la société Rautureau Apple Shoes et Guy Rautureau sont respectivement titulaires,
* dire qu'en important, en offrant à la vente et en vendant des modèles de chaussures constituant des copies serviles de chaussures référencés Starlett Zip Boot, Tom Hi Botte, les sociétés Orjas, Menport, Jade et Oliveira et Moreira Lda ont commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Rautureau Apple Shoes,
* condamner in solidum les sociétés Orjas, Menport, Jade et Oliveira et Moreira Lda à payer à Guy Rautureau la somme de 76 224,51 euro à titre de dommages et intérêts provisionnels,
*condamner in solidum ces sociétés à payer à la société Rautureau Apple Shoes la somme de 304 898,03 euro à titre de dommages et intérêts provisionnels pour les actes de contrefaçon de modèles et de concurrence déloyale,
*condamner la société Orjas à payer à la société Rautureau Apple Shoes la somme de 76 224,51 euro à titre de dommages et intérêts pour les actes de contrefaçon de la marque Free Lance,
*nommer un expert avec mission de rechercher les éléments susceptibles de déterminer les préjudices subis par Guy Rautureau et la société Rautureau Apple Shoes,
* condamner in solidum les sociétés Orjas, Menport, Jade, Oliveira et Moreira Lda, à payer tant à Guy Rautureau qu'à la société Rautureau Apple Shoes la somme de 12 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront notamment les frais de procédure de saisie-contrefaçon;
Vu l'acte de désistement extra judiciaire de la société Orjas, signifié le 10 février 2003 à la société Rolando da Conha Melo Lda ;
Sur ce, LA COUR,
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ;
Qu'il suffit de rappeler que, Guy Rautureau se prévalant, de la qualité de créateur de modèles de chaussures des collections, vendus sous la marque Free Lance, des hivers 1998/1999 à 2001/2002 et la société Rautureau Apple Shoes (ci-après la société RAS) de la titularité de cette marque ainsi que des droits patrimoniaux de Guy Rautureau, ont assigné les sociétés Jade, Oliveira et Moreira, Orjas, Menport et Rolando da Conha Melo Lda en contrefaçon de ces modèles et en concurrence déloyale ;
* sur la recevabilité à agir de Guy Rautureau:
Considérant que, contestant à Guy Rautureau la qualité d'auteur des modèles litigieux, la société Jade et la société Menport soutiennent que celui-ci serait irrecevable en ses demandes ;
Mais considérant que les tiers à l'encontre desquels sont argués des actes de contrefaçon ne sauraient contester, en l'absence de revendication par des tiers du droit d'auteur sur les modèles qui leur sont opposés, la qualité d'auteur du demandeur à l'action en contrefaçon;
Que, au surplus, les premiers juges ont, avec pertinence, relevé que pour chacun des modèles en cause Guy Rautureau a fait établir un procès-verbal d'huissier de justice recueillant une déclaration selon laquelle il avait, dans le cadre de contrats de licence concédés en sa qualité de styliste au profit de la société RAS, conçu et créé ces modèles et, à laquelle étaient annexés des planches descriptives ainsi que les catalogues concernant la collection concernée ;
Qu'il s'ensuit que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu la qualité d'auteur de Guy Rautureau sur les modèles revendiqués ainsi que son intérêt à agir et rejeté le moyen tiré, par les sociétés Orjas et Memport, de l'irrecevabilité des demandes formées par celui-ci;
* sur la nullité du procès-verbal de la saisie-contrefaçon pratiquée le 24 septembre 2001 dans les locaux de la société Orjas:
Considérant que, au soutien de sa demande en nullité, la société Orjas fait valoir, en premier lieu, que si dans son procès-verbal de saisie l'huissier de justice, désigné par ordonnance présidentielle du 20 septembre 2000, a mentionné qu'il était accompagné de Fabienne Champeaux, il s'est abstenu de préciser la qualité de cette dernière, de sorte que ce défaut de mention lui causerait un grief dès lors qu'il ne lui était pas possible de vérifier si les termes de l'ordonnance précitée, qui autorisait l'huissier à se faire assister de tout homme de l'art, pris en dehors des salariés de la requérante, étaient respectés;
Mais considérant que cette omission a été réparée puisqu'il a été justifié, en cours de procédure devant le tribunal, de l'identité et de la qualité de Fabienne Champeaux, conseil en propriété industrielle;
Que les premiers juges ont donc justement retenu que les termes de l'ordonnance du 20 septembre 2000 ayant été respectés, la société Orjas ne justifiait d'aucun grief, de sorte que ce moyen a été, à bon droit, écarté;
Considérant, en second lieu, que la société Orjas soutient que l'ordonnance du 20 septembre 2001 se limitait à autoriser Guy Rautureau et la société Rautureau Apple Shoes à faire pratiquer une saisie-contrefaçon dans ses locaux situés 314 rue Saint-Honoré 75001 Paris, concernant la marque Free Lance et les modèles Néo 7 Zipper et Tom 7 Hi Botte;
Or considérant que, selon la société Orjas, à la lecture du procès-verbal de saisie contrefaçon du 24 septembre 2001, il apparaîtrait que l'huissier, dans la deuxième partie des opérations, a procédé à la description de six autres modèles de bottines, ayant fait l'objet d'un procès-verbal de constat du 10 septembre 2001, et les a photographiés;
Mais considérant qu'il résulte de l'ordonnance précitée que Guy Rautureau et la société Rautureau Apple Shoes ont été autorisés à constater, outre les constatations relatives aux modèles précités, l'usage fait de la marque Free Lance pour commercialiser des modèles de chaussures sur lesquels n'est pas apposé la marque Free Lance;
Que l'huissier de justice a donc, après avoir recueilli la déclaration spontanée d'un des vendeurs présents dans les locaux selon laquelle tous les modèles présentés sont des copies des modèles Free Lance, Free Lance étant français, les modèles présentés à la vente, italiens et conformes et moins chers. Ce sont des copies, rempli sa mission en procédant à la description de l'ensemble des modèles qui étaient offerts à la vente et qui avaient fait auparavant, l'objet d'un constat d'achat en date du 10 septembre 2001 ;
Qu'il s'ensuit que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a, à tort, annulé partiellement le procès-verbal litigieux en ce qu'il contient des mentions relatives à ces modèles ;
Que ce moyen n'étant pas fondé, la société Orjas sera déboutée de sa demande en nullité du procès-verbal de la saisie-contrefaçon pratiquée le 24 septembre 2001;
* sur la validité des modèles
Considérant que Guy Rautureau et la société Rautureau Apple Shoes ne revendiquent sur les modèles litigieux, qui n'ont pas été déposés à l'INPI, que la protection du droit d'auteur instaurée par les dispositions du Livre I du Code de la propriété intellectuelle, de sorte qu'il convient de rechercher si ces modèles sont susceptibles de constituer, au sens de ces dispositions, une œuvre de l'esprit;
Considérant que Guy Rautureau et la société Rautureau Apple Shoes caractérisent de manière très précise chacun de leurs modèles référencés Néo 7 Zipper, Néo 7 Jodpur, Soft 7 Zipper, Tom Zip Boot, Tom Jodpur, Ronéo Zip Boot, Starlett Zip Boot et Tom Hi Botte ; que leurs caractéristiques étant reprises, sans être contestées par les sociétés appelantes, dans le jugement déféré - pages 8 à 15 - la cour y fait donc expressément référence;
Considérant que, pour s'opposer à l'action en contrefaçon engagée à leur encontre, les sociétés appelantes contestent toute originalité aux modèles litigieux qui, s'inscrivant dans le courant des tendances générales, présenteraient un aspect classique relevant du domaine public;
Mais considérant qu'il résulte de l'examen auquel la cour s'est livrée que, s'agissant des modèles Starlett Zip Boot et Tom Hi Botte, les premiers juges ont, aux termes d'une appréciation pertinente que la cour adopte, justement retenu leur originalité ;
Qu'en effet, s'agissant du modèle Tom Hi Botte, force est de constater que les sociétés appelantes ne produisent aucun document relatif à une quelconque antériorité, notamment, de l'emplacement des empiècements caractéristiques de ce modèle, alors que l'empiècement latéral et sa liaison horizontale à la fermeture à glissière par l'empiècement qui coupe la botte dans sa hauteur au niveau de la cheville, apportent au modèle une physionomie propre révélant un effort créatif portant l'empreinte de la personnalité de son auteur;
Qu'il en est de même concernant le modèle Starlett Zip Boot dont il n'est pas justifié qu'un modèle antérieur relatif à ce genre de bottines fines, soit caractérisé, comme dans le modèle litigieux, par un talon fin, dont l'élargissement dans sa partie haute permet d'adopter la forme de la tige et d'enrober sa base, qui révèle un effort créatif portant l'empreinte de la personnalité de son auteur;
Considérant que, en revanche, s'agissant des modèles Néo 7 Zipper, Néo 7 Jodpur, Soft 7 Zipper, Tom Zip Boot, Tom Jodpur et Ronéo Zip Boot, les premiers juges ont, à tort, décidé que, en l'absence d'originalité, ces modèles n'étaient pas éligibles à la protection conférée par le droit d'auteur;
Qu'en effet, le tribunal a retenu, aux termes d'une motivation reprise à l'identique pour l'ensemble de ces modèles, que, au regard des documents versés aux débats par les sociétés appelantes, même si aucun d'entre eux ne reproduit intégralement les éléments caractéristiques de forme des modèles litigieux, ceux-ci apparaissent comme étant soit connus, soit banals, soit purement fonctionnels et comme tel appartenant au domaine public ;
Mais considérant que si les éléments qui composent ces modèles sont, pour la plupart, effectivement connus et que pris séparément ils appartiennent au fond commun de l'univers de la chaussure féminine, en revanche, leurs combinaisons, telles que revendiquées pour chacun de ces modèles, leur confèrent, dès lors que l'appréciation portée par la cour doit s'effectuer de manière globale, en fonction de l'aspect d'ensemble produit par la combinaison des divers éléments propre à chaque modèle et non par l'examen de chacun de ces éléments pris individuellement ; que cette combinaison d'éléments doit donc présenter une physionomie propre et traduire un parti pris esthétique qui porte l'empreinte de la personnalité de son auteur;
Que, s'agissant:
* du modèle de bottines Néo 7 Zipper, les premiers juges ont isolé certaines des caractéristiques revendiquées, de sorte qu'ils n'ont pas porté une appréciation globale, alors qu'ils étaient dans l'obligation de les combiner avec les autres éléments mentionnés comme les surpiqûres, l'aspect de la semelle ou encore l'intérieur de la tige en cuir coloré,
* du modèle de bottines Néo 7 Jodpur, le tribunal a procédé à un examen individuel de chacun des éléments antérieurs invoqués par les appelants, sans les combiner entre eux, alors même que l'originalité de ce modèle réside dans leur combinaison,
* du modèle de bottines Soft 7 Zipper, il convient de formuler la même critique que précédemment du jugement déféré,
* du modèle de bottines Tom Zip Boot, les premiers juges se bornent à prendre en considération les modèles Butterfly qui, s'il convient de relever que certains éléments identiques sont antérieurs à ceux du modèle critiqué, ne reprennent pas les autres éléments caractéristiques, en leur combinaison, de ce modèle qui lui confère son originalité,
* du modèle de bottines Tom Jodpur, la cour reprend sa motivation développée pour le modèle Néo 7 Jodpur,
* du modèle de bottines Ronéo Zip Boot, le tribunal se borne à reprendre les mêmes observations que celles émises pour le modèle Néo 7 Zipper, alors qu'il s'en distingue sur certains éléments et que, en tout état de cause, l'approche globale qui doit être faite révèle que dans leur combinaison les éléments revendiqués sont originaux;
Considérant qu'il en résulte que les modèles Néo 7 Zipper, Néo 7 Jodpur, Soft 7 Zipper, Tom Zip Boot, Tom Jodpur, et Ronéo Zip Boot sont éligibles à la protection instituée par le Livre I du Code de la propriété intellectuelle ;
Qu'il s'ensuit que le jugement déféré sera, en ce qui concerne ces modèles, infirmé;
* sur la contrefaçon des modèles:
Considérant qu'il résulte du procès-verbal de constat dressé, le 10 septembre 2001, par Me Arnaud Jaguenet, huissier de justice, dans les locaux de la société Orjas et du procès-verbal de saisie-contrefaçon établi, le 24 septembre 2001, par le même huissier de justice que, observation étant faite que les appelants ne formulent aucune critique précise autre que celle relative à l'originalité:
* le modèle référencé Fugue Noir, 3590 36, constitue la contrefaçon du modèle Néo Jodpur,
* le modèle référencé Sindi Noir, 3607, constitue la contrefaçon du modèle Tom Zip Boot,
* le modèle référencé Cécilia (282-38-211), constitue la contrefaçon du modèle Soft 7 Zipper,
* le modèle référencé Anita (286-38-211), constitue la contrefaçon du modèle Ronéo Zip Boot,
* le modèle référencé Fazer (3608), constitue la contrefaçon du modèle Tom Jodpur,
* le modèle référencé Régina, constitue la contrefaçon du modèle Starlett Zip Boot,
* le modèle référencé, au sein de la société Menport (3589) et offert à la vente par la société Orjas sous la dénomination Fague Noir, constitue la contrefaçon du modèle Néo 7 Zipper,
* le modèle Fagot Noir, constitue la contrefaçon du modèle Tom Hi Botte;
Considérant que, en ce qui concerne les ressemblances qui caractérisent les actes de contrefaçon, ces procès-verbaux sont corroborés par les constatations opérées par M. Corassant et formalisées sous forme de tableaux;
Considérant, enfin, que les quelques différences qui pourraient être constatées, sont insignifiantes et sans effet sur la contrefaçon, à défaut d'affecter l'impression d'ensemble qui se dégage des modèles en cause ;
Qu'il s'ensuit que le jugement déféré doit être confirmé en ce qui concerne la contrefaçon des modèles référencés Starlett Zip Boot et Tom Hi Botte et infirmé en ce qui concerne les actes de contrefaçon des modèles Néo 7 Zipper, Néo 7 Jodpur, Soft 7 Zipper, Tom Zip Boot, Tom Jodpur et Ronéo Zip Boot;
* sur la contrefaçon de la marque Free Lance:
Considérant que la société Orjas ne saurait contester l'usage qu'elle a fait du terme Free Lance, non seulement verbalement mais également matériellement, afin d'offrir à la vente et de vendre les modèles précédemment reconnus comme étant contrefaisants ;
Qu'en effet, elle se borne à invoquer la nullité du procès-verbal de saisie revendication, moyen qui a été écarté par la cour, et contester les propos tenus par l'un de ses vendeurs sans verser aux débats le moindre élément de nature à corroborer cette contestation ;
Qu'il s'ensuit que le jugement déféré mérite confirmation en ce que les premiers juges ont retenu à l'encontre de la société Orjas des actes de contrefaçon de la marque Free Lance;
* sur la concurrence déloyale:
Considérant que la société RAS soutient que le fait, d'abord, de multiplier les copies serviles, ensuite de reprendre une ligne de produits pour constituer un effet de gamme, et, enfin de vendre à un prix inférieur des modèles de qualité moindre, constitue des actes de concurrence déloyale;
Mais considérant que si le grief de copie-servile et celui du prix sont susceptibles d'aggraver le préjudice résultant de la contrefaçon laquelle se définit comme la reproduction intégrale ou partielle de l'œuvre sans l'autorisation de son auteur, ils ne constituent pas un fait distinct de concurrence déloyale;
Considérant, en revanche, que l'effet de gamme, créé par la contrefaçon de huit modèles qui n'est pas fortuite, est susceptible de créer un risque de confusion dans l'esprit d'un consommateur d'attention moyenne qui peut leur attribuer une origine commune, d'autant que la société Orjas qui vend dans son magasin des modèles faisant référence à la marque Free Lance et des copies de ces modèles, aggrave, par ce comportement, le risque de confusion;
Qu'il s'ensuit que le jugement déféré sera, par substitution de motifs, confirmé en ce qui concerne les modèles Néo 7 Zipper, Néo 7 Jodpur, Soft 7 Zipper, Tom Zip Boot, Tom Jodpur et Ronéo Zip Boot et infirmé s'agissant des modèles Starlett Zip Boot et Tom Hi Botte qui doivent être inclus dans les actes de concurrence déloyale retenus par le cour;
* sur les mesures réparatrices:
Considérant que Guy Rautureau doit être indemnisé non seulement au titre de ses droits d'auteur sur les modèles Starlett Zip Boot et Tom Hi Botte, mais également sur les modèles Néo 7 Zipper, Néo 7 Jodpur, Soft 7 Zipper, Tom Zip Boot, Tom Jodpur et Ronéo Zip Boot;
Que, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'expertise, la cour dispose des éléments nécessaires, tels qu'ils ont été rappelés par le tribunal, pour fixer à la somme de 36 000 euro le préjudice subi par Guy Rautureau;
Considérant que la diffusion des modèles contrefaisants a, en banalisant leur création originale, porté atteinte à la valeur patrimoniale des modèles en cause et, en outre, le caractère quasi-servile des copies réalisées contribue indéniablement à avilir et à déprécier les modèles aux yeux de la clientèle;
Que dans ces conditions, et compte tenu des éléments du dossier auxquels il a été fait précédemment en référence, et sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'expertise, la cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour fixer à la somme de 120 000 euro le montant des dommages et intérêts à allouer à la société RAS en réparation du préjudice subi au titre de la contrefaçon des modèles et des actes de concurrence déloyale;
Considérant que, référence étant également faite aux éléments précédemment relevés, il convient d'allouer à la société RAS la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de la contrefaçon de la marque Free Lance;
Considérant que, compte tenu de la participation propre à chacune des sociétés appelantes dans les actes de contrefaçon de modèles et de concurrence déloyale, ainsi que des relations contractuelles entre elles, il y a lieu de condamner in solidum:
* les sociétés Orjas et Memport à payer à Guy Rautureau la somme de 20 000 euro et les sociétés ORIAS, Oliveira et Moreira, et Jade à lui payer la somme de 16 000 euro,
* les sociétés Orjas et Memport à payer à la société RAS la somme de 80 000 euro et les sociétés Orjas, Oliveira et Moreira, et Jade à lui payer la somme de 40 000 euro;
Considérant que, pour mettre fin aux actes illicites commis par les sociétés appelantes, il convient de confirmer les mesures d'interdiction et de publication ordonnées par le tribunal, sauf pour cette dernière mesure à faire mention du présent arrêt ;
* sur les autres demandes:
Considérant qu'il résulte du sens de l'arrêt que les sociétés Menport, Jade et Oliveira et Moreira seront déboutées de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et qu'elles ne sauraient, ainsi que la société Orjas, bénéficier des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; que, en revanche, il convient de les condamner in solidum, sur ce même fondement, à verser à Guy Rautureau et la société Rautureau Apple Shoes à titre d'indemnité complémentaire la somme de 10 000 euro, chacun ;
Par ces motifs, Déclare parfait le désistement d'appel de la société Orjas à l'encontre de la société Rolando da Conha Melo et constate l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour en ce qui concerne cette partie, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a * déclaré Guy Rautureau recevable en ses demandes, * dit qu'en important, en offrant à la vente et en vendant des modèles de chaussures référencés Starlett Zip Boot et Tom Hi Botte créés par Guy Rautureau et commercialisés par la société Rautureau Apple Shoes sous la marque Free Lance, les sociétés Orjas, Menport, Oliveira et Moreira Lda et Jade ont porté atteinte aux droits patrimoniaux et moral d'auteur sur lesdits modèles dont la société Rautureau Apple Shoes et Guy Rautureau sont respectivement cessionnaire et titulaire, * dit que, par substitution de motifs, en important, en offrant à la vente des modèles de chaussures référencés Néo 7 Zipper, Néo 7 Jodpur, Soft 7 Zipper, Tom Zip Boot, Tom Jodpur, Ronéo Zip Boot commercialisés par la société Rautureau Apple Shoes, les sociétés Orjas, Menport, Oliveira et Moreira Lda et Jade ont commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Rautureau Apple Shoes, * constaté les actes de contrefaçon de la marque Free Lance par la société Orjas, * interdit aux sociétés Orjas, Menport, Oliveira et Moreira Lda, Jade de poursuivre ces agissements sous astreinte de 152,45 euro par infraction constatée, * autorisé Guy Rautureau et la société Rautureau Apple Shoes à faire publier le dispositif de la décision dans trois revues ou journaux aux frais des sociétés Orjas, Menport, Oliveira et Moreira Lda, Jade, tenues in solidum, le coût total des insertions ne pouvant excéder la somme de 9 146,94 euro, * condamné in solidum les sociétés Orjas, Menport, Oliveira et Moreira Lda, Jade à payer à Guy Rautureau la somme de 1 524,49 euro et celle de 1 524,49 euro à la société Rautureau Apple Shoes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Y ajoutant, dit que la mesure de publication devra faire mention du présent arrêt, L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau, Dit qu'en important, en offrant à la vente et en vendant des modèles de chaussures constituant la contrefaçon des modèles référencés Néo Jodpur, Tom Zip Boot, Soft 7 Zipper, Ronéo Zip Boot, Tom Jodpur, Néo 7 Zipper, les sociétés Orjas, Menport, Jade, Oliveira et Moreira Lda ont porté atteinte aux droits patrimoniaux et moral d'auteur dont la société Rautureau Apple Shoes et Guy Rautureau sont respectivement titulaires, Dit qu'en important, en offrant à la vente et en vendant des modèles de chaussures référencés Régina et Fagot Noir, les sociétés Orjas, Menport, Jade et Oliveira et Moreira Lda ont commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Rautureau Apple Shoes, Condamne in solidum : * les sociétés Orjas et Memport à payer à Guy Rautureau la somme de 20 000 euro et les sociétés Orjas, Oliveira et Moreira, et Jade à lui payer la somme de 16 000 euro, * les sociétés Orjas et Memport à payer à la société Rautureau Apple Shoes la somme de 80 000 euro et les sociétés Orjas, Oliveira et Moreira, et Jade à lui payer la somme de 40 000 euro, Condamne la société Orjas à payer à la société Rautureau Apple Shoes la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts pour la contrefaçon de la marque Free Lance, Rejette toutes autres demandes, Condamne in solidum les sociétés Orias, Menport, Jade et Oliveira et Moreira Lda à verser à Guy Rautureau et la société Rautureau Apple Shoes une indemnité complémentaire de 10 000 euro, chacun, au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne in solidum les sociétés Orjas, Menport, Jade et Oliveira et Moreira Lda aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.