Cass. com., 10 mai 2006, n° 03-14.581
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Besson, Bach (ès qual.), Besson (Sté)
Défendeur :
Groupe Volkswagen France (SA), Volkswagen Finance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Beaudonnet
Avocats :
SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Peignot, Garreau
LA COUR : - Donne acte à M. Besson de son désistement partiel à l'encontre de M. Bach en qualité de mandataire ad hoc de la société Besson; - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 février 2003), que M. Besson était, en vertu de contrats renouvelables annuellement, concessionnaire exclusif de la société VAG France, devenue Groupe Volkswagen France (Volkswagen France) pour les véhicules Volkswagen et Audi ; que le 19 juin 1989, cette société l'a informé du fait que le contrat de concession ne serait pas renouvelé à son échéance du 31 décembre suivant si sa surface de vente n'était pas développée; que les parties ont signé, le 21 décembre 1989, un contrat de concession exclusive à durée indéterminée; qu'après acquisition d'un terrain et travaux financés par la société Besson au moyen d'un crédit-bail immobilier souscrit auprès de l'UCB avec la caution solidaire de M. Besson, les nouveaux locaux ont été inaugurés en mai 1993; que le 3 septembre 1993, la société Volkswagen Finance a résilié la convention de financement conclue le 26 janvier 1993 avec la société Besson afin d'octroyer à cette dernière des possibilités de crédits pour l'exercice de son activité commerciale; qu'après ouverture du redressement judiciaire de la société Besson le 13 avril 1994, le contrat de concession a été résilié par la société Volkswagen France le 6 juin 1994; que le tribunal de grande instance a rejeté les demandes de M. Besson tendant à la réparation du préjudice causé par la rupture des conventions de financement et de concession conclues entre la société Besson et les sociétés Volkswagen;
Attendu que M. Besson, caution des engagements pris par la société Besson, fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de son action tendant à la réparation du préjudice né de la rupture des conventions de trésorerie et de concession de vente automobile conclues entre cette société et les sociétés Volkswagen France et Volkswagen Finance, alors, selon le moyen : 1°) que le concédant qui exige de son concessionnaire des investissements substantiels destinés à accroître ses capacités de vente s'interdit par là même, pendant toute la durée d'amortissement des investissements, de rompre le crédit qu'il lui a promis pour couvrir les besoins courants de l'activité commerciale, à moins que la rupture ne soit justifiée par la situation financière irrémédiablement compromise du concessionnaire ou par des agissements de ce dernier qui mettraient en péril les intérêts du concédant ; qu'en l'espèce, la cour constate que c'est à la demande expresse de Volkswagen, et sous peine de ne pas voir renouveler son contrat de concession, que M. Besson s'est engagé dans des investissements immobiliers ; que M. Besson faisait valoir dans ses conclusions que ces investissements étaient extrêmement onéreux, Volkswagen ayant exigé qu'il transfère son fonds à une société à constituer, qu'il acquière à ses frais un terrain de 5 à 6 000 mètres carrés au moins, qu'il fasse construire à ses frais un magasin de 1 500 mètres carrés, d'un coût de 3 200 000 francs et augmente de 5 à 28 le nombre des salariés; qu'en se bornant à affirmer que ces exigences de développement ne caractérisaient aucune faute de Volkswagen quand il lui appartenait de rechercher si elles n'interdisaient pas au concédant, sauf à manquer à son obligation d'exécuter de bonne foi ses obligations contractuelles, de résilier le crédit promis au concessionnaire trois mois seulement après l'inauguration des nouveaux locaux au prétexte de deux impayés d'un montant global de 176 044,09 francs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, ensemble les articles 1134 et 1135 du même Code; 2°) qu'il résultait des conclusions d'appel des sociétés Volkswagen que celles-ci justifiaient la résiliation sans préavis de la convention de financement de l'activité du concessionnaire par l'existence de deux prélèvements impayés d'un montant global de 176 044,09 francs seulement; qu'en affirmant que la résiliation de la convention de financement était consécutive à une "accumulation d'impayés" sans préciser les éléments pris hors des conclusions des parties sur lesquels elle fondait cette affirmation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil; 3°) que la proposition de report de l'exigibilité des sommes dues par la société Besson et d'abandon partiel de la créance correspondante résultait d'une lettre adressée par Volkswagen le 19 octobre 1993, soit postérieurement à la lettre de rupture de la convention de crédit, et visait seulement à aménager les conséquences de la déchéance du terme résultant de ladite rupture; qu'en déduisant l'absence de rupture brutale de ce que Volkswagen avait accordé à son concédant dans ce courrier, des aménagements dans le paiement de ses dettes, la cour d'appel en a dénaturé le sens et la portée et violé l'article 1134 du Code civil; 4°) qu'en justifiant l'absence de rupture brutale de la convention de crédit par une proposition de report de l'exigibilité des sommes dues faite postérieurement à la lettre de rupture de cette convention, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et entaché par là même sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil; 5°) qu'en énonçant que les investissements exigés par Volkswagen n'étaient pas à l'origine des impayés laissés par la société Besson, qui tenaient plutôt à une politique de vente "fondée(s) sur des remises ou conditions de reprise disproportionnées préjudiciables à la situation financière de l'entreprise" sans s'expliquer sur la lettre de Volkswagen France du 6 juin 1994, citée dans les conclusions de M. Besson, d'où il résultait que, de l'aveu même du concédant, cette politique de remises et de reprises était le seul moyen de pallier l'insuffisance du potentiel de vente du territoire concédé à la société Besson et de couvrir ainsi les investissements exigés de celle-ci, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; 6°) que l'incidence de la convention de financement sur la viabilité de l'activité réaménagée du concessionnaire était admise par le concédant lui-même, qui s'était engagé à aider au financement de celle-ci si elle était restructurée conformément aux normes qu'il imposait ; qu'en refusant d'admettre que la rupture brutale du crédit octroyé à la société Etablissements Besson compte tenu des charges considérablement accrues qui pesait sur elle n'était pas la cause de la cessation des paiements intervenue en avril 1994, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil;
Mais attendu que, contrairement à ce qui est soutenu, la cour d'appel ne s'est pas bornée à constater que la société Besson avait décidé en toute connaissance de cause d'opter pour le développement de sa surface de vente, demandé par le concédant sous peine de non-renouvellement du contrat de concession, et qu'elle avait obtenu de l'UCB le financement d'un projet immobilier conçu en période d'expansion économique et financièrement viable ; que, pour estimer non fautive la résiliation par la société Volkswagen Finance, le 3 septembre 1993, de la convention de financement qu'elle avait conclue le 26 janvier 1993 avec la société Besson pour les besoins de l'activité commerciale de cette dernière, la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas contesté que deux prélèvements pour un montant total de 176 044,09 francs n'avait pas été payés, retient que la rupture de la convention est intervenue après une accumulation d'impayés, que ces impayés résultent, non pas des investissements immobiliers réalisés par le concessionnaire, mais d'une politique de vente fondée sur des remises et des conditions de reprises disproportionnées préjudiciables à la situation financière de l'entreprise et de pertes importantes dues à une dégradation de la marge commerciale; que c'est cette situation de l'entreprise, et non la rupture de la convention de financement, ni a fortiori celle du contrat de concession intervenue le 6 juin 1994, qui est à l'origine de la cessation des paiements de la société Besson déclarée en avril 1994; qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à entrer dans le détail de l'argumentation des parties sur l'interprétation du courrier adressé par la société Volkswagen France à la société Besson le 6 juin 1994, a pu statuer comme elle a fait et a légalement justifié sa décision; que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses troisième et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.