CA Aix-en-Provence, 1re ch. C, 16 novembre 2004, n° 00-06858
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Biotonic (SA)
Défendeur :
Brouillard
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bruzy
Conseillers :
Mmes Vidal, Fenot
Avoués :
SCP Latil-Penarroya-Latil-Alligier, SCP Bottai-Gereux
Avocats :
Me Chas, SCP Drevet
Faits et prétentions des parties:
La SA Biotonic est appelante d'un jugement du Tribunal de grande instance de Draguignan en date du 2 mars 2000 qui l'a condamnée, à la suite du jeu publicitaire qu'elle avait organisé, à payer à Martine Brouillard la somme de 100 000 F avec intérêts légaux à compter du 7 juin 1999 ainsi que 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC et qui a ordonné l'exécution provisoire de sa décision à hauteur de 50 000 F.
Par un arrêt du 26 mai 2003, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a invité les parties à conclure sur le moyen de droit fondé sur les dispositions de l'article 1371 du Code civil.
En l'état de ses dernières écritures déposées le 3 juillet 2003 auxquelles il est renvoyé pour le détail de son argumentation, la SA Biotonic a, pour l'essentiel, rappelé que Madame Brouillard ne pouvait invoquer les dispositions de l'article 1134 du Code civil en se prévalant seulement de certains des termes employés sur les documents publicitaires alors qu'elle avait l'obligation d'en lire l'intégralité.
Elle soutient que l'analyse de différents documents publicitaires montre que Madame Brouillard ne pouvait valablement espérer recevoir le prix mis en jeu en l'absence de numéro désigné gagnant sur le document reçu.
Elle estime que l'aléa est parfaitement mis en évidence dans l'ensemble des documents et que d'ailleurs le règlement insiste sur les modalités du jeu et évoque le pré-tirage au sort effectué par huissier de justice avant l'envoi de l'enveloppe publicitaire. Elle en déduit que l'article 1371 du Code civil ne peut trouver à s'appliquer.
Elle ajoute que Madame Brouillard ne peut solliciter de dommages et intérêts au visa de l'article 1382 du Code civil et faire semblant d'ignorer qu'il s'agissait d'un jeu promotionnel.
Elle poursuit ainsi la réformation du jugement et demande que Madame Brouillard soit déboutée de ses demandes.
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où sa responsabilité serait retenue, elle sollicite la réduction de l'indemnisation réclamée.
En tout état de cause, elle réclame 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Par ses dernières conclusions déposées le 13 juin 2003, Martine Brouillard soutient que les documents reçus ne souffrent d'aucune interprétation, qu'ils indiquent tous clairement qu'elle a gagné les 100 000 F et qu'elle a passé le cap des pré-tirages. Elle ajoute que la société ne peut sérieusement soutenir que le mot gagnant est synonyme de "pré-sélectionné".
Elle réclame la confirmation du jugement sur le fondement de l'article 1134 du Code civil indiquant que les dispositions de l'article 1371 du Code civil sont également applicables.
Elle sollicite également la condamnation de la SA Biotonic à lui payer en sus sur le fondement de l'article 1382 du Code civil la somme de 30 000 F de dommages et intérêts pour résistance abusive ainsi que l'allocation de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Motifs de la décision:
Aux termes de l'article 1371 du Code civil, les quasi contrats sont les faits purement volontaires de l'homme dont il résulte un engagement quelconque.
Il s'ensuit que sur ce fondement, l'organisateur d'une loterie qui annonce à une personne dénommée un gain sans mettre en évidence un aléa peut être tenu d'avoir à le délivrer.
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et rien au dossier ne conduit la cour à le faire d'office
La société Biotonic a adressé à Martine Brouillard les documents publicitaires suivants:
* sur la première page du document intitulé "communiqué officiel", il est indiqué: "OUI, Mme Brouillard, le règlement "le plus gros chèque de l'année" (prix : 100 000 F, 10 millions de centimes est pour vous - réponse impérative pour réclamer les 100 000 F"
* au verso sont précisées les instructions pratiques pour recevoir le prix en jeu desquelles il ressort qu'il convient de coller le papillon d'authentification désigné GAGNANT UNIQUE, de le coller sur la fiche d'inscription et d'attendre
* le second est intitulé "compte rendu de réunion". Il y est mentionné : " suite aux actions engagées sous le contrôle d'un huissier de justice nous sommes en mesure d'affirmer de façon DEFINITIVE que Madame Brouillard doit recevoir le règlement "le plus gros chèque de l'année" (prix : 10 millions de centimes).
La lettre adressée personnellement à Madame Brouillard qui suit cette annonce indique " (...) concrètement cela signifie, dans votre cas, que ces 10 millions vous seront bien versés uniquement si nous recevons de votre part l'unique papillon d'authentification déclaré GAGNANT UNIQUE (il n'y en a qu'un) pour cela je vous prie de vous reporter à l'annexe B (...) je vous conseille vivement de réagir au plus vite (...) je vous demande donc (...) de nous renvoyer au plus vite la fiche de préinscription définitive sur laquelle doit bien sûr figurer votre papillon d'authentification (...)"
L'annexe B mentionne en rouge "l'unique papillon déclaré gagnant par l'huissier permet de recevoir la somme de 100 000 F" et l'inscription "IMPERATIF : à découper et à coller sur la fiche d'inscription définitive" en face du papillon d'authentification portant le nom de la destinataire du courrier et de la mention en rouge "GAGNANT DEFINITIF'
Il ressort de ces documents qu'aucun aléa n'a été mis en exergue par la société organisatrice de cette loterie.
En effet, si le papillon d'authentification que devait renvoyer Madame Brouillard porte la mention "GAGNANT DEFINITIF'" et non celle de GAGNANT UNIQUE, l'attention du consommateur n'est nullement attirée pour autant sur l'existence d'un aléa;
Le règlement du jeu est en caractères illisibles aucune mention particulière n'attirant l'attention du consommateur à sa lecture au demeurant très pénible, voire quasiment impossible en raison des caractères employés à sa dactylographie.
L'existence d'un pré-tirage au sort qui au demeurant ne résulte pas d'une mention évidente ne suffit pas à établir l'existence d'un aléa alors même qu'il ressort des documents envoyés que Madame Brouillard a gagne.
Par voie de conséquence, le jugement qui a condamné la société Biotonic à payer à madame Brouillard la somme de 100 000 F sera confirmé.
Ne démontrant pas l'existence d'un préjudice né du retard et indépendant de celui indemnisé par les intérêts au taux légal, Madame Brouillard sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts supplémentaires pour résistance abusive. L'équité ne commande pas de faire application en appel des dispositions de l'article 700 du NCPC.
Les dépens seront laissés à la charge de l'appelante qui succombe
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en matière civile - Confirme le jugement en toutes ses dispositions - Et y ajoutant, déboute les parties de leurs demandes en appel sur le fondement de l'article 700 du NCPC - Condamne la SA Biotonic aux dépens d'appel et en autorise le recouvrement selon les dispositions de l'article 699 du NCPC.