CA Aix-en-Provence, 1re ch. B, 5 février 2004, n° 02-04465
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Maison Française de Distribution (SA), Monnet (ès qual.)
Défendeur :
Gillier, Bailet (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. André
Conseillers :
Mmes Charpentier, Zenati
Avoués :
Mes Jauffres, SCP Blanc-Amsellem-Mimran
Avocats :
Mes Lerda, Zbrozinski
Exposé du litige
Vu l'appel interjeté le 1er février 2002 par la société Maison Française de Distribution, dite ci-après MFD, du jugement rendu le 4 décembre 2001 par le Tribunal de grande instance de Grasse lequel a:
- constaté que la société MFD a manifesté au sein du jeu des " 1400 points " un engagement unilatéral de verser la somme promise et que cette offre a dûment été acceptée par René Gillier,
- constaté le comportement fautif de Maître Bailet, huissier de justice, dans la mise en scène de ce jeu,
- condamné en conséquence la société MFD à verser à René Gillier la contre-valeur de l'époque de la somme de 10 000 $ US soit 55 000 F ou 8 384,70 euro,
- débouté René Gillier de sa demande de dommages-intérêts,
- condamné Maître Bailet solidairement avec la société MFD au paiement de ces sommes,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la société MFD et Maître Bailet au versement de la somme de 8 000 F soit 1 219,59 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens,
Vu les conclusions récapitulatives déposées le 21 mai 2002 au nom de la société MFD représentée par son liquidateur amiable, Maître Jean-Michel Monnet, et de Maître René Bailet, huissier de justice, pour demander de réformer la décision entreprise, de débouter René Gillier de toutes ses demandes au motif que les documents adressés à monsieur Gillier ne pouvaient lui permettre de conclure avec certitude qu'il avait gagné 10 000 $ mais seulement un compact-disc laser stéréo et qu'à titre subsidiaire la société MFD n'a pas non plus engagé sa responsabilité contractuelle puisqu'elle ne s'est pas obligée à remettre ce gain à ce consommateur,
Vu les conclusions déposées par René Gillier le 9 avril 2003 qui demande de confirmer le jugement et, y ajoutant, de condamner la société MFD à lui payer la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, en faisant valoir que la société MFD a commis une faute dans la rédaction des documents qui l'a conduit à croire en toute bonne foi qu'il était titulaire des gains annoncés et que cette faute lui a causé un préjudice moral et financier puisqu'il avait prévu certaines dépenses qu'il n'a pu réaliser après avoir eu l'espérance d'un gain rapide et chiffré qui ne lui a pas été remis.
Motifs de la décision
Il résulte des documents produits, semblables à ceux adressés à monsieur Gillier, que ceux-ci n'ont pas pu donner naissance chez un consommateur normalement avisé et vigilant à de fausses espérances de gains, alors que l'existence d'un pré-tirage au sort puis d'un tirage est spécifiée dans le règlement du "jeu des 1400 points ", qu'il est en outre précisé dans la lettre d'accompagnement adressée personnellement au consommateur "avec vos 1400 points vous êtes gagnant d'un des prix mis en jeu... personne n'a eu plus de points que vous" et qu'il est gagnant au moins du lot constitué par un compact-disc laser stéréo, de sorte que le procédé publicitaire destiné à retenir l'attention du consommateur et à favoriser par lui l'envoi de commandes même s'il est spécifié, conformément à la réglementation en vigueur que le jeu est gratuit sans obligation d'achat, est si grossier qu'il n'a pu surprendre même momentanément la crédulité du destinataire de bonne foi, étant relevé en outre qu'il n'est pas invoqué qu'il aurait été contrevenu par la société MFD aux dispositions des articles L. 121-1 et suivants du Code de la consommation.
De plus, le courrier signé par Maître Bailet fait seulement mention de la qualité de gagnant du destinataire à la suite d'un " pré-tirage " qu'il a contrôlé et il précise que le destinataire est gagnant "d'un prix parmi tous ceux mis en jeu", de sorte qu'il n'a nullement affirmé que Monsieur Gillier avait gagné le lot maximum de 10 000 $ parce qu'il lui était attribué 1400 points et qu'il a respecté l'article 6 du règlement du jeu.
Les documents ci-avant analysés ne mettent en évidence aucune volonté ferme, certaine et non équivoque de la société MFD de s'engager à remettre à monsieur Gillier un lot de 10 000$ US, mais seulement un lot constitué par un compact-disc si le destinataire renvoyait le bon de participation, ce qui n'est pas contesté.
Enfin, sur le fondement quasi-contractuel, l'action de monsieur Gillier n'est pas plus fondée alors que l'aléa du gain maximum de 10 000 $ résulte du contenu des documents envoyés par la société MFD, de sorte que celle-ci ne s'est pas obligée par un fait purement volontaire à le délivrer, l'annonce de la qualité de gagnant du destinataire du courrier étant tempérée par la référence à un pré-tirage, par la nécessité de remplir un bon de participation en vue de participer au tirage ouvrant droit à un lot maximal et par la mention de l'existence d'un lot minimal.
Le jugement entrepris sera donc infirmé et monsieur Gillier sera débouté de l'ensemble de ses demandes.
Celui-ci, qui échoue en ses prétentions, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et sera débouté de sa demande d'indemnité au titre des frais de procédure non compris dans les dépens.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, Infirmant le jugement entrepris et statuant à nouveau, Déboute René Gillier de ses demandes au titre du jeu dit des "1400 points", et de ses demandes accessoires, Condamne René Gillier aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.