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Décisions

Cass. crim., 7 mars 2006, n° 05-82.482

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme Guihal

Avocat général :

M. Frechede

Avocats :

SCP Masse-Dessen, Thouvenin

Versailles, 9e ch., du 10 mars 2005

10 mars 2005

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par : X Klaus, Y Jacques, la société W, civilement responsable, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 10 mars 2005, qui, dans la procédure suivie contre les deux premiers du chef de complicité de publicité indirecte en faveur du tabac, a, sur renvoi après cassation, prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que s'est déroulée, en 1993 et 1994, une campagne de publicité en faveur des montres A, marque de diversification du groupe B, dont la société W est titulaire, et dont elle a consenti l'exploitation à des horlogers ; que le comité national contre le tabagisme a fait citer devant le tribunal correctionnel Klaus X et Jacques Y, dirigeants de la société B, et Patrick Z, représentant en France de la société W, les personnes morales étant citées en qualité de civilement responsables ; que la société B a été définitivement mise hors de cause par un jugement du 19 octobre 1998 dont la partie civile n'a pas relevé appel ; que la décision de la Cour d'appel de Paris, en date du 1er mars 2002, ayant relaxé les trois prévenus, a été cassée par arrêt du 18 mars 2003 ; que, par la décision attaquée, la juridiction de renvoi, statuant sur la seule action civile, a déclaré qu'étaient réunis les éléments constitutifs du délit de complicité de publicité indirecte en faveur du tabac à l'encontre des trois prévenus qu'elle a condamnés à des dommages-intérêts au profit du Comité national contre le tabagisme (CNCT), partie civile ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 28, 30, 49, 234 du traité de Rome, de la directive 2003-33-CE du Parlement européen et du Conseil, des articles L. 3511-3 à L. 3512-2 du Code de la santé publique, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir constaté que les dispositions de la loi du 10 janvier 1991 n'étaient pas contraires au droit communautaire, a déclaré les prévenus (Jacques Y et Klaus X, demandeurs) coupables de publicité indirecte en faveur du tabac, les a condamnés au paiement de dommages-intérêts envers la partie civile (le CNCT) et a déclaré une personne morale (la société W) civilement responsable de son préposé ;

"aux motifs que les dispositions de la loi Evin du 10 janvier 1991 relatives à la publicité indirecte en faveur du tabac s'appliquaient aussi bien aux produits nationaux qu'à ceux qui provenaient d'autres Etats membres et ne constituaient donc pas une mesure d'effet équivalent au sens de l'article 28 du traité instituant la Communauté européenne ; que ces restrictions étaient justifiées par le souci légitime de l'Etat français de protéger la santé publique au sens de l'article 30 du traité et pouvaient être considérées comme justifiées et proportionnées à cet objectif dès lors que, non seulement il était démontré par les statistiques produites que, depuis 1991, date d'entrée en vigueur de la loi Evin, la consommation de tabac en France n'avait cessé de décroître, tandis qu'elle avait augmenté régulièrement jusqu'à cette date, mais, en outre, que plusieurs études avaient attesté de l'impact du budget publicitaire d'une marque de tabac sur la consommation des jeunes ; qu'enfin, la directive invoquée par "la prévenue", qui n'était pas directement applicable par la juridiction nationale, n'évoquait pas la publicité en faveur des produits de diversification des marques de tabac, en sorte qu'il y avait lieu de considérer que la législation française était compatible avec le droit communautaire et de rejeter la demande des prévenus de voir poser une question préjudicielle à la Cour de justice des Communautés européennes ;

"alors que, de première part, l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 5 octobre 2000 a annulé la directive 98-43 du Conseil européen qui interdisait la publicité indirecte en faveur des produits de diversification du tabac et l'utilisation du même nom à la fois pour les produits du tabac et d'autres produits ou services à raison des entraves à la libre circulation des marchandises et à la libre prestation de service que cette prohibition entraînait ou était susceptible d'entraîner ; que la cour d'appel ne pouvait donc pas déclarer que la loi du 10 janvier 1991, en ce qu'elle interdisait la publicité indirecte en faveur des produits de diversification des produits du tabac, ne constituait pas une mesure d'effet équivalent au sens de l'article 28 du traité instituant la communauté européenne et n'était donc pas contraire au droit communautaire ;

"alors que, de deuxième part, la cour d'appel ne pouvait retenir que les restrictions de la loi du 10 janvier 1991 étaient justifiées par le souci légitime de l'Etat français de protéger la santé publique au sens de l'article 30 du traité et pouvaient être considérées comme justifiées et proportionnées à cet objectif dès lors qu'il était démontré par les statistiques produites que, depuis 1991, date d'entrée en vigueur de la loi Evin, la consommation de tabac en France n'avait cessé de décroître, tandis qu'elle avait augmenté régulièrement jusqu'à cette date et que, par ailleurs, plusieurs études avaient attesté de l'impact du budget publicitaire d'une marque de tabac sur la consommation des jeunes, sans préciser quelles étaient ces statistiques et études ni vérifier que ces éléments de preuve, non invoqués dans les écritures de la partie civile, auraient fait l'objet devant elle d'un débat contradictoire ;

"alors que, de troisième part, les demandeurs faisaient valoir que, dans son avis sur la légalité de la directive 98-43-CE annulée par l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 5 octobre 2000, l'Avocat général près la Cour de justice des Communautés européennes avait souligné qu'il n'allait pas du tout de soi que la publicité pour les produits et services autres que le tabac portant sur des marques ou éléments distinctifs associés au tabac pût avoir un effet sur le niveau de consommation de ces derniers produits de manière globale ; que le législateur communautaire n'avait pas tenté de justifier l'existence d'un tel lien et n'avait donc pas démontré qu'il avait des motifs raisonnables d'imposer des restrictions à cette publicité ; que cet avis était conforté par le rapport d'évaluation sur la loi Evin paru en 2000, qui constatait que, de 1991 à 1998, le prix des cigarettes avait connu neuf hausses successives et concluait que la politique du gouvernement en matière des prix du tabac avait largement contribué à la baisse de cette consommation depuis 1991 mais que "l'effet de la limitation de la publicité en faveur du tabac était en revanche difficilement qualifiable" ; que la cour d'appel ne pouvait laisser sans réponse de telles conclusions qui invoquaient des éléments de preuve précis de nature à contredire l'affirmation selon laquelle l'interdiction de la publicité indirecte en faveur des produits de diversification du tabac aurait eu un impact sur la baisse de la consommation de tabac ;

"alors que, de quatrième part, la cour d'appel ne pouvait affirmer péremptoirement que la directive 2003-30-CE du 26 mai 2003 n'était pas directement applicable, sans donner aucune explication à ce sujet ;

"alors que, de cinquième part, tirant les conséquences de l'annulation par l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 5 octobre 2000, de la directive 98-43 qui prohibait la publicité indirecte en faveur des produits de diversification du tabac, la directive 2003-33-CE a proscrit la publicité en faveur du tabac et des produits du tabac mais a laissé hors de son champ d'application la publicité indirecte en faveur des produits de diversification du tabac, rappelant en son article 8 que les Etats membres ne pouvaient interdire ou restreindre la libre circulation des produits ; que, bien qu'aucune mesure d'exécution de cette directive n'eût été mise en œuvre par l'Etat français comme l'exigeait son article 10, elle était néanmoins directement applicable dès lors qu'elle contenait, au sens de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 12 juillet 1990, des dispositions "inconditionnelles et suffisamment précises", c'est-à-dire une injonction faite aux Etats membres de ne pas interdire ou restreindre la libre circulation des produits ou services ; que la cour d'appel ne pouvait déclarer péremptoirement que la directive en question n'était pas directement applicable ;

"alors que, enfin, et en tout état de cause, en application de l'article 234 du traité de Rome, la cour d'appel ne pouvait rejeter la demande tendant à voir poser à la Cour de justice des Communautés européennes la question préjudicielle de savoir si était compatible avec les principes du droit communautaire prohibant toute entrave à la liberté de circulation des produits et services entre Etats membres, garantie par les articles 28 et 49 du traité CE ainsi que par la directive 2003-33-CE du 26 mai 2003, avec la liberté d'expression et avec le droit de propriété garanti par I'article 10 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et l'article 1er du Protocole n° 1 y annexé, lesquels constituent des principes généraux du droit européen, l'interdiction absolue édictée par le législateur français dans les articles L. 3511-3 et L. 3511-4 du Code de la santé publique, d'effectuer de la publicité sous une marque de diversification rappelant une marque de tabac en faveur d'un produit autre que le tabac légalement importé et commercialisé dans tous les Etats membres de la Communauté, et si une telle prohibition était justifiée par le fait que la publicité qu'elle condamnait était susceptible de présenter un danger pour la santé publique en ce qu'elle induirait les consommateurs à consommer du tabac plutôt qu'à acheter les articles, objet de la publicité" ;

Sur le moyen, pris en sa première branche : - Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, la cour d'appel n'était pas tenue de s'expliquer sur la portée de l'arrêt du 5 octobre 2000 de la Cour de justice des Communautés européennes qui a annulé la directive 98-43-CE du 6 juillet 1998 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de publicité et de parrainage en faveur des produits du tabac ; que cette décision, qui est justifiée par l'incompétence du législateur européen, et non par des considérations de fond, est sans influence sur l'appréciation de la compatibilité avec le droit communautaire des dispositions nationales régissant la publicité indirecte en faveur du tabac ; d'où il suit que le grief est inopérant ;

Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches : - Attendu que la cour d'appel n'était pas tenue de s'expliquer plus qu'elle ne l'a fait sur l'inapplication, en l'espèce, de la directive 2003-33-CE du 26 mai 2003, qui, par son douzième considérant, écarte expressément de son champ d'application la publicité indirecte en faveur des produits du tabac ; que, dès lors, les griefs sont inopérants ;

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et sixième branches : - Attendu que, pour écarter l'exception d'incompatibilité de la loi française prohibant la publicité directe et indirecte en faveur du tabac, désormais codifiée aux articles L. 3511-1 et suivants du Code de la santé publique, avec les articles 28, 30 et 49 du traité instituant la Communauté européenne, et refuser de poser une question préjudicielle à la Cour de justice des Communautés européennes, l'arrêt retient que les dispositions critiquées, qui s'appliquent aussi bien aux produits nationaux qu'à ceux qui proviennent d'autres Etats membres, sont justifiées par la protection de la santé et proportionnées à cet objectif comme le démontre la diminution de la consommation depuis leur entrée en vigueur ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui procèdent de son pouvoir souverain d'appréciation, et d'où il se déduit que l'objectif de protection de la santé publique, poursuivi par la législation interne, ne peut, eu égard à l'impact, sur la consommation nationale de tabac, de la publicité ou propagande visée à l'article L. 3511-4 du Code précité, être atteint par des mesures moins contraignantes, et dès lors que les dispositions nationales n'instituent pas de discrimination arbitraire ou de restriction déguisée, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de soumettre à la Cour de justice des Communautés européennes une question préjudicielle, sur la portée des articles précités du traité, a justifié sa décision au regard desdites dispositions ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 7 et 10 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, 1er du Protocole additionnel n° 1 à cette Convention, 111- 2, 111-3, 111-4 du Code pénal, 5, 7, 8, 11, 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789, L. 3511-3, L. 3511-4, L. 3511-3 du Code de la santé publique, 485, 591, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré que les dispositions de la loi du 10 janvier 1991 n'étaient pas contraires à la Convention européenne des Droits de l'Homme, a condamné les prévenus (Jacques Y et Klaus X, demandeurs) au paiement de dommages-intérêts envers la partie civile (le CNCT) et a dit un employeur (la société W, également demanderesse) civilement responsable de son préposé ;

"aux motifs qu'il résultait de l'article 10 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et de l'article 1er du Protocole additionnel à celle-ci, que l'exercice des droits et libertés pouvait faire l'objet de restrictions prévues par la loi et nécessaires dans une société démocratique si ces restrictions étaient proportionnées avec l'intérêt public les justifiant ; qu'en l'espèce, le souci de l'Etat français de protéger la santé publique, qui constituait un intérêt général légitime, justifiait les restrictions apportées à la liberté d'association et au droit de propriété des marques, ces restrictions étant par ailleurs proportionnées avec l'objectif poursuivi ; qu'il était démontré par les statistiques produites que, depuis 1991, date d'entrée en vigueur de la loi Evin, la consommation du tabac en France n'avait cessé de décroître, tandis qu'elle avait augmenté régulièrement jusqu'à cette date ; que, par ailleurs, plusieurs études avaient attesté de l'impact du budget publicitaire d'une marque de tabac sur la consommation des jeunes ; qu'en outre, la rédaction de l'article L. 3511-4 du Code de la santé publique, qui définissait, en son alinéa 1, la notion de publicité indirecte en faveur du tabac et disposait, en son alinéa 2, que I'interdiction de la publicité indirecte n'était pas applicable "à la propagande ou à la publicité en faveur d'un produit autre que le tabac ou un produit du tabac (...) mis sur le marché avant le 1er janvier 1990 par une entreprise juridiquement et financièrement distincte de toute entreprise qui fabrique, importe et commercialise du tabac ou un produit du tabac", était suffisamment claire et précise pour permettre aux prévenus de connaître les exigences requises par la loi pour déroger à l'interdiction de toute publicité indirecte en faveur du tabac et de prévoir les conséquences des comportements qu'ils avaient adoptés ; que les articles L. 3511-4 et suivants du Code de la santé publique ne constituaient donc pas une violation des droits garantis par la Convention européenne des Droits de l'Homme ;

"alors que, d'une part, le principe de légalité des délits et des peines exprimé par les articles 7 et 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789, par l'article 111-3 du Code pénal et l'article 7 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, qui a pour corollaire nécessaire celui de l'interprétation stricte de la loi pénale, rappelé notamment par l'article 111-4 du Code pénal, exige que la loi définisse de manière claire et précise l'infraction poursuivie ; que la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que la loi - l'article L. 111-4 du Code de la santé publique - était suffisamment claire et précise pour permettre aux prévenus de connaître les exigences requises pour déroger à l'interdiction de toute publicité indirecte en faveur du tabac et de prévoir les conséquences des comportements qu'ils avaient adoptés, sans expliquer, bien qu'elle y eût été expressément invitée, comment une telle affirmation pouvait se justifier compte tenu de la position prise par la Cour de cassation dans son rapport pour l'année 1996, où elle indiquait que "la chambre criminelle (...) s'(était) efforcée de redonner au texte la construction et la cohérence perdue au fil des amendements parlementaires", observation dont il se déduisait nécessairement que la loi manquait bien de clarté au point que la Haute juridiction avait dû la lui redonner et, partant, que la loi, qui seule peut être prise en considération, ne définissait pas l'infraction de façon claire et précise ;

"alors que, d'autre part, la cour d'appel ne pouvait se borner à énoncer que les restrictions apportées par la loi Evin à la liberté d'expression et au droit de propriété des marques étaient justifiées par le souci de l'Etat français de protéger la santé publique et proportionnées à l'intérêt public les justifiant dès lors qu'il était démontré par les statistiques produites que, depuis 1991, date d'entrée en vigueur de la loi Evin, la consommation de tabac en France n'avait cessé de décroître, tandis qu'elle avait régulièrement augmenté jusqu'à cette date, et que, par ailleurs, plusieurs études avaient attesté de l'impact du budget publicitaire d'une marque de tabac sur la consommation des jeunes, sans préciser quelles étaient ces statistiques et études par elle analysées et versées aux débats contradictoires qui lui auraient permis d'émettre une telle opinion ;

"alors que, enfin, la cour d'appel ne pouvait laisser sans réponse les conclusions des demandeurs faisant valoir qu'il résultait de l'avis de l'avocat général près la Cour de justice des Communautés européennes sur la légalité de la directive 98-43-CE prohibant la publicité indirecte en faveur des produits de diversification du tabac ainsi que du rapport édité en 2000 sur l'application de la loi Evin qu'aucune preuve n'avait été apportée du lien entre la publicité indirecte en faveur des produits de diversification du tabac et la diminution de la consommation de ce produit" ;

Attendu que, pour écarter l'exception soulevée par les prévenus et prise de la contrariété entre les articles L. 3511-3, L. 3511-4 et L. 3512-2 du Code de la santé publique et les articles 6 et 7 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et 1er du Protocole additionnel, l'arrêt énonce que les dispositions claires et précises de la loi nationale sont une mesure nécessaire à la protection de la santé qui constitue un intérêt général légitime ; que les juges, se référant à l'impact de la publicité sur la consommation de tabac, ajoutent que les restrictions ainsi apportées à la liberté d'expression et au droit de propriété des marques sont proportionnées à l'objectif poursuivi ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des dispositions conventionnelles invoquées ; d'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 3511-3, L. 3511-4, 3512-2 du Code de la santé publique, 121-3, 121-7 du Code pénal, 2 du Code civil, 427 du Code de procédure pénale, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, statuant sur les seuls intérêts civils, a condamné les prévenus (Jacques Y et Klaus X, demandeurs) au paiement de dommages-intérêts envers la partie civile (le CNCT) pour complicité de publicité indirecte en faveur du tabac, et a déclaré un employeur (la société W, également demanderesse) civilement responsable de son préposé ;

"aux motifs que les publicités en cause rappelaient un produit du tabac et constituaient des publicités indirectes en faveur du tabac ; que la dérogation prévue par la loi à l'interdiction d'effectuer une publicité indirecte au profit des produits autres que le tabac mis sur le marché avant le 1er janvier 1990 par une entreprise juridiquement ou financièrement distincte d'une entreprise qui fabriquait, importait ou commercialisait du tabac ou un produit du tabac, était exclue pour les produits commercialisés même avant le 1er janvier 1990, par des entreprises qui, sans constituer juridiquement et financièrement une entité avec celles qui fabriquaient, importaient ou commercialisaient du tabac ou un produit dérivé du tabac, se rattachaient à ces dernières par un lien juridique ou financier, fût-il indirect ou occasionnel ; que le lien né d'un contrat de licence de marque, quelle que fût la date de création de ce lien, était de nature à faire obstacle à l'application de la dérogation ; qu'il était établi que la marque Camel appartenait à la société W, filiale du groupe B qui fabriquait et commercialisait des cigarettes et l'exploitation de cette marque par les sociétés Oto et Melco résultait de la conclusion du contrat de licence de marque accordé à ces sociétés par la société W ; que les campagnes de publicité pour les montres A constituaient donc une publicité indirecte en faveur du tabac, illicite compte tenu des liens unissant l'entreprise exploitant les montres et l'entreprise commercialisant les cigarettes de même marque ; qu'il résultait de trois documents saisis lors d'une perquisition opérée dans le cadre d'une autre procédure, le 2 février 1995, dans les bureaux de Jacques Y, de la responsable de la comptabilité de la société B France et de l'assistante de Patrick Z, que la stratégie de diversification du groupe B en Europe dans différents produits, notamment les montres A, avait été conçue et élaborée par la société W dont le représentant en France était Patrick Z, en étroite collaboration avec les dirigeants de la société B France, Klaus X et Jacques Y, qui avaient été informés, avaient approuvé et intégré dans leur propre stratégie de communication des politiques commerciales destinées à exploiter au mieux les activités de logos rappelant les cigarettes ; qu'il ressortait des termes mêmes des documents saisis que les prévenus avaient été amenés à donner leurs opinions sur les plans litigieux et avaient par là-même participé à leur élaboration et à leur rédaction, lesquelles avaient été exécutées par les annonceurs commercialisant les montres, qui étaient les auteurs principaux du délit poursuivi ; que la participation à l'élaboration et à l'organisation de ces plans par de prétendues campagnes de diversification était constitutive du détournement de l'interdiction posée par la loi Evin ; qu'un tel comportement caractérisait l'élément matériel de la complicité du délit prévu par l'article L. 3511-3 du Code de la santé publique, prévention sur laquelle les prévenus avaient pu s'expliquer contradictoirement aussi bien devant le tribunal que devant la cour ; que l'existence de l'élément moral de la complicité résultait de ce que l'objectif des prévenus consistait à maintenir, malgré son inter- diction, la publicité en faveur de la marque de tabac Camel par le biais de l'utilisation de nouveaux outils de communication (la publicité en faveur des montres A) ; que les éléments de la complicité de publicité indirecte en faveur du tabac étaient donc réunis à I'encontre de Klaus X, Jacques Y et Patrick Z ;

"alors que, d'une part, en énonçant, après avoir considéré que les dispositions de la loi interdisant la publicité indirecte, n'étaient pas applicables à la publicité en faveur d'un produit autre que le tabac mis sur le marché avant le 1er janvier 1990 par une entreprise juridiquement ou financièrement distincte de toute entreprise qui fabriquait, importait ou commercialisait du tabac ou produit du tabac, "la création de tout lien juridique ou financier entre ces entreprises rendait caduque cette dérogation", le législateur n'a disposé que pour l'avenir et a donc seulement décidé que ce texte faisait perdre le bénéfice de la dérogation et n'a pu viser que la création après le 1er janvier 1990 d'un lien juridique faisant par là-même disparaître, c'est-à-dire rendant caduc, le bénéfice de la dérogation dont I'entreprise considérée jouissait antérieurement ; que la cour d'appel ne pouvait ainsi décider que le lien né d'un contrat de licence de marque, quelle qu'en fut la date de création, était de nature à faire obstacle à l'application de la dérogation prévue à l'article L. 3511-4 du Code de la santé publique ;

"alors que, d'autre part, en vertu du principe de sécurité juridique déduit de l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et du principe fondamental de la non-rétroactivité de la loi comme du principe de la légalité des délits et des peines, la jurisprudence, pas plus que la loi, ne peut avoir une portée rétroactive ; que la jurisprudence ayant estimé devoir redonner à la loi la construction et la cohérence perdues au fil des amendements parlementaires (rapport de la Cour de cassation pour 1996, page 218), inaugurée par des arrêts du 22 janvier 1997, ne pouvait trouver application pour sanctionner des faits antérieurement commis ; que la cour d'appel ne pouvait décider le contraire ;

"alors que, enfin, le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves légalement admissibles, ce qui n'est pas le cas des preuves obtenues ou produites dans des conditions illicites, voire passibles pénalement de sanction ou sanctionnées ; que la cour d'appel ne pouvait donc fonder la culpabilité des prévenus sur les trois documents saisis lors d'une perquisition ordonnée par un juge d'instruction dans le cadre d'une autre procédure concernant une autre marque, documents dont il était acquis aux débats et reconnu par la partie civile elle-même qu'ils n'avaient été produits dans la présente instance qu'au prix d'une violation du secret de l'instruction et du secret professionnel" ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation des prévenus se prévalant, en raison d'engagements contractuels antérieurs au 1er janvier 1990, des dispositions de l'article L. 3511-4, alinéa 2, du Code de la santé publique, l'arrêt énonce que le lien juridique né de contrats de licence de la marque de tabac à des horlogers, quelle que soit sa date de création, s'oppose au bénéfice de la dérogation prévue ;

Attendu qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu les principes d'application de la loi pénale dans le temps, a exactement appliqué le texte précité, qui prévoit, en pareil cas, la caducité de la dérogation ;

Attendu que, par ailleurs, aucune disposition ne faisant obstacle à la production, devant la juridiction correctionnelle, qui apprécie les preuves soumises à son examen, de pièces provenant d'une information ouverte dans une autre procédure, le grief allégué à la troisième branche du moyen n'est pas encouru, dès lors qu'il n'est pas contesté que les documents litigieux aient été communiqués aux parties en temps utile pour être contradictoirement débattus ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.