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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 25 janvier 2005, n° 04-01262

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Biotonic (SA)

Défendeur :

Berthomé

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lebreuil

Conseillers :

MM. Grimaud, Baby

Avoués :

SCP Malet, SCP Boyer-Lescat-Merle

Avocats :

Mes Cabane, Dupont

TGI Toulouse, du 4 mars 2004

4 mars 2004

Faits et procédure

Mlle Berthomé a participé courant 2001 à une loterie organisée par la société de vente par correspondance Biotonic. Informée qu'elle était la " gagnante confirmée " du lot unique de 100 000 F, elle a réclamé celui-ci par trois lettres recommandées successives, mais s'est finalement vu répondre qu'elle n'était pas la gagnante.

Elle a donc assigné la SA Biotonic devant le Tribunal de grande instance de Toulouse, pour obtenir sa condamnation à lui payer à titre de dommages-intérêts la somme annoncée, outre 1 524,49 euro de dommages-intérêts pour sanctionner sa mauvaise foi.

La SA Biotonic a conclu à l'incompétence du tribunal, sur le fondement de l'article 42 du nouveau Code de procédure civile, dès lors que son siège social est à Mougins, et a demandé le renvoi de l'affaire devant le Tribunal de grande instance de Grasse. Mlle Berthomé a répondu qu'elle pouvait se prévaloir de l'article 46 de ce Code, dès lors que l'opération litigieuse avait un caractère contractuel, et que Toulouse est le lieu d'exécution de ce contrat, accessoire du contrat de vente au titre duquel elle a reçu livraison des produits à son domicile toulousain.

Le juge de la mise en état, par ordonnance du 4 mars 2004, a retenu le fondement contractuel de la demande et rejeté l'exception d'incompétence.

La SA Biotonic a relevé appel de cette décision par déclaration remise le 22 mars 2004 au greffe de la cour.

Moyens et prétentions des parties

L'appelante soutient que le fondement de la demande ne peut être qu'un quasi-contrat, selon l'interprétation de la Cour de cassation, qui dit applicable en l'espèce l'article 1371 du Code civil.

Citant ensuite un grand nombre de décisions de juges du fond, elle précise qu'un quasi-contrat ne peut bénéficier de la disposition dérogatoire de l'article 46 du nouveau Code de procédure civile, dont l'application doit être limitée aux seuls contrats.

Elle ajoute qu'elle a adressé à Mlle Berthomé le règlement complet du jeu, mentionnant expressément qu'il s'agissait d'un pré-tirage et que ses promesses de gain, malgré leur caractère attractif nécessaire à leur efficacité publicitaire, n'étaient pas des promesses fermes.

La cliente ne peut en outre invoquer l'article 46 alors même qu'elle se plaint d'un défaut de paiement : un paiement n'est pas une livraison. Elle demande donc à la cour de constater l'incompétence du Tribunal de grande instance de Toulouse au profit de celui de Grasse, et demande 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'intimée répond que selon la Cour de cassation, l'offre de gain non-suivie d'effet engage la responsabilité contractuelle de son auteur : elle a reçu une offre précise de gain, qu'elle a acceptée, et il y a donc contrat avec obligations réciproques. Elle-même a rempli les siennes, contrairement à sa co-contractante.

D'autre part, la commande de produits est présentée comme indispensable au gain, de sorte que la participation au jeu apparaît comme l'accessoire du contrat de vente, dont dépend son efficacité. Toulouse est bien le lieu de livraison dans te cadre du contrat de vente, et l'accessoire doit suivre le principal.

Elle conclut donc à la confirmation.

Sur quoi

L'intimée soutient la compétence des juridictions toulousaines sur le fondement de l'article 46 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile, qui permet de saisir, an matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu d'exécution de la prestation de service.

Mais l'application de ce texte suppose non seulement l'existence certaine d'un contrat, question discutée an l'espèce et qui devra être tranchée par le juge du fond saisi, mais aussi une livraison ou une prestation de service effectives, le lieu où celles-ci ont au lieu ou devaient avoir lieu déterminant le siège du tribunal compétent or, le paiement d'un gain n'est pas une livraison, ni une prestation de service. Dès lors, il apparaît que les conditions d'application de l'article 46 du nouveau Code de procédure civile ne sont pas réunies en l'espèce.

D'autre part, il ne peut être prétendu que la compétence des juridictions toulousaines devrait être déduite de l'existence d'un contrat de vente de produits, dont la conclusion était présentée par la société Biotonic comme un préalable dont dépendait l'attribution éventuelle du gain : ce contrat, qui se suffisait à lui-même, a été entièrement exécuté par chacune des parties et il n'est pas litigieux. Il ne peut donc fonder la compétence territoriale du tribunal appelé à se prononcer sur une autre relation entra les parties dont la nature contractuelle elle-même est incertaine.

La loterie ne peut en outre être qualifiée d'accessoire de la vente elle est au contraire le seul motif de la conclusion de cette vente, l'intimée reconnaissant dans ses écritures qu'elle a commandé des produits uniquement pour pouvoir gagner 100 000 F. Dès lors, il apparaît que les conditions d'application des dispositions de l'article 46 invoquées par Mlle Berthomé ne sont pas réunies, de sorte qu'il convient de s'en tenir au droit commun, et de constater l'incompétence du Tribunal de grande instance de Toulouse, au profit de celui de Grasse, lieu du siège social de la société défenderesse.

L'équité n'impose cependant pas en l'espèce de faire droit à la demande d'indemnisation de ses frais irrépétibles formée par la SA Biotonic.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Reçoit l'appel formé par la SA Biotonic à l'encontre de l'ordonnance du juge de la mise en état, Y faisant droit, Dit que le Tribunal de grande instance de Toulouse est territorialement incompétent pour statuer sur les demandes de Mlle Berthomé, Renvoie l'affaire et les parties devant le Tribunal de grande instance de Grasse, Déboute la SA Biotonic de sa demande sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Mlle Berthomé aux entiers dépens, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle, la SCP Malet étant autorisée à se prévaloir des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.