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Décisions

CAA Versailles, 1re ch., 9 mars 2006, n° 03VE03280

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Laboratoire Glaxosmithkline

Défendeur :

Ministère de la Santé et des Solidarités

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Robert

Rapporteur :

M. Blin

Commissaire du gouvernement :

Mme Le Montagner

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, Mes Morain, de Montsembernard

TA Versailles, du 10 juin 2003

10 juin 2003

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n° 2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une Cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du Code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la société Laboratoire Glaxosmithkline, dont le siège est situé 100 route de Versailles, à Marly-le-Roi (78163), par la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez ; Vu la requête et le mémoire ampliatifs, enregistrés respectivement le 12 août 2003 et le 17 octobre 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par lesquels la société Laboratoire Glaxosmithkline demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 0102269 en date du 10 juin 2003 par lequel Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 19 mars 2001 du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé interdisant les publicités pour la spécialité pharmaceutique Ziagen qui reprendrait les allégations mentionnées dans cette décision ; 2°) d'annuler cette décision ; 3°) de condamner l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé à lui verser 5 500 euro au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ; Il soutient que le jugement a méconnu le principe du contradictoire ; que la décision attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ; que la notification de la décision, qui ne comportait pas le procès-verbal de la commission, est entachée d'irrégularité ; que le procès-verbal produit ultérieurement ne mentionne pas la qualité des membres cités ; qu'il n'est pas possible de vérifier que ces membres avaient été régulièrement nommés lorsqu'ils ont siégé ; que la présence simultanée des titulaires et des suppléants n'était pas conforme à l'équilibre réalisé entre les différents acteurs intéressés par l'article R. 5054 du Code de la santé publique ; que certains suppléants ont siégé en même temps que leur titulaire ; que le tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen ; qu'il a entaché sa décision d'erreur de droit en jugeant que la présence simultanée des titulaires et des suppléants n'était pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure ; que les allégations du requérant auraient dû être tenues pour établies dès lors que l'Administration ne prouvait pas leur inexactitude ; qu'en énonçant qu'il n'établit pas que les suppléants auraient pris part aux votes, le tribunal administratif a renversé la charge de la preuve ; que le jugement est entaché d'insuffisance de motivation et d'erreur de droit en ce que le tribunal administratif a considéré que la décision attaquée était suffisamment motivée ; que le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé exclut du bénéfice du Ziagen les patients en échec ou en thérapie de sauvetage sans en expliciter la raison ni en fait ni en droit ; que c'est à tort que le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a considéré que les documents de publicité interdits étaient contraires aux dispositions de l'article L. 5122-2 du Code de la santé publique ; que les documents publicitaires n'élargissent pas l'indication du Ziagen donnée par l'autorisation de mise sur le marché ; qu'il résulte des avis de la Commission de la transparence que cette indication inclut les quatre axes thérapeutiques présentés dans les documents publicitaires ; que les mentions publicitaires sont aussi conformes à l'autorisation de mise sur le marché qui reconnaît l'efficacité du Ziagen en présence de souches mutées ; qu'il est également démontré que le Ziagen présente une faible toxicité mitochondriale in vitro ; que, s'agissant de la tolérance, les documents publicitaires font état des cas d'hyper sensibilité ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu les directives n° 84-450 du 10 septembre 1984 et n° 92-28 du 31 mars 1992 du Conseil des communautés européennes ; Vu le Code de la santé publique ; Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ; Vu le Code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 février 2006 : - le rapport de M. Blin, président-assesseur ; - les observations de Me Morain pour la société Laboratoire Glaxosmithkline et celles de Me de Montsembernard pour l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ; - et les conclusions de Mme Le Montagner, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué : - Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du Code de justice administrative : " ... La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. " ;

Considérant que, par décision du 19 mars 2001 et à la suite de l'avis de la Commission chargée du contrôle de la publicité et de la diffusion de recommandations sur le bon usage des médicaments, le directeur de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a interdit toute publicité pour la spécialité pharmaceutique Ziagen qui reprendrait les mentions visées dans cette décision ; qu'a l'appui de sa demande tendant à l'annulation de cette décision, la société Laboratoire Glaxosmithkline a fait valoir que la Commission chargée du contrôle de la publicité était irrégulièrement composée ; qu'en réponse à ce moyen, par mémoire du 22 mai 2003, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a soutenu que les membres dont la nomination n'apparaissait pas au journal officiel, étaient des membres de droit représentant des ministres, qu'aucun texte n'imposait la publication de leur nomination et que, par ailleurs, aucun texte n'interdisait la présence simultanée du titulaire et du suppléant au sein de la même commission dès lors que seul le titulaire avait pris part au vote ; qu'à l'appui de ces moyens, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a précisé, pour la première fois dans l'instance, le nom des membres concernés ainsi que leur qualité ; qu'ainsi, ce mémoire contenait des éléments nouveaux ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'il n'a été communiqué à la société Laboratoire Glaxosmithkline que le 23 mai 2003 et que cette société n'a reçu copie de ce mémoire qu'après l'audience du 26 mai 2003 ; qu'ainsi, le principe du contradictoire ayant été méconnu, le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Laboratoire Glaxosmithkline devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée : - Sur les moyens tirés de ce que la décision du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé n'aurait été rendue qu'au vu du premier avis de la Commission chargée du contrôle de la publicité et de la diffusion de recommandations sur le bon usage des médicaments et de ce que la procédure aurait méconnu le principe du contradictoire : - Considérant qu'aux termes de l'article R. 5047-5-II du Code de la santé publique : " ... II. - Le directeur général de l'Agence peut, après avis de la commission prévue à l'article R. 5054 : a) Interdire la publicité, sous quelque forme que ce soit, ou la poursuite de la campagne publicitaire ; ... Ces mesures d'interdiction ne peuvent être prises qu'après que l'intéressé a été avisé et, s'il le désire, entendu par la commission. Elles sont publiées au Journal officiel de la République française " ;

Considérant qu'il est constant qu'à la suite de la première séance de la Commission chargée du contrôle de la publicité et de la diffusion de recommandations sur le bon usage des médicaments du 19 décembre 2000, la société requérante a été informée par lettre du 22 décembre 2000 de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé que certaines énonciations de cinq de ses publicités relatives à la spécialité pharmaceutique Ziagen étaient susceptibles de faire l'objet d'une interdiction ; qu'elle a été entendue par la commission qui s'est réunie le 9 janvier 2001 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé aurait rendu la décision attaquée du 19 mars 2001, laquelle vise l'avis de la commission du 9 janvier 2001, sans avoir pris connaissance de cet avis ; qu'ainsi, la société Laboratoire Glaxosmithkline n'est pas fondée à soutenir que la procédure n'aurait pas revêtu un caractère contradictoire ;

Sur le moyen tiré de ce que la composition de la Commission chargée du contrôle de la publicité et de la diffusion de recommandations sur le bon usage des médicaments aurait été irrégulière : - Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article R. 5054 du Code de la santé publique que la Commission chargée du contrôle de la publicité et de la diffusion des recommandations sur le bon usage des médicaments est composée de 31 membres ; qu'aux termes de l'article R. 5054-2 du même Code : "... Les délibérations ne sont valables que si la moitié au moins des membres de la commission sont présents " ; qu'il ressort des pièces du dossier que lors des séances du 19 décembre 2000 et du 9 janvier 2001, 21 et 22 membres ayant voix délibérative étaient présents ; qu'ainsi, la règle du quorum a été respectée ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 5054-1 du Code de la santé publique : "A l'exception des membres de droit, les membres de la commission sont nommés pour une période de trois ans renouvelable par arrêté du ministre chargé de la Santé. Des suppléants sont désignés en nombre égal et dans les mêmes conditions. En cas de vacance survenant au cours d'un mandat, le mandat du suppléant appelé à remplacer un membre titulaire ou celui du membre nouveau appelé à remplacer un suppléant prend fin à la même date que celui du membre remplacé? " ;

Considérant que si, en application des dispositions précitées, les membres de la Commission chargée du contrôle de la publicité sont nommés par arrêté du ministre chargé de la Santé, publié au journal officiel, cette règle ne vise pas les membres de droit ; que l'Agence de sécurité sanitaire a indiqué le nom et la qualité de ces membres ; que si l'Agence de sécurité sanitaire ne produit aucune pièce justificative à l'appui de ces informations, la société Laboratoire Glaxosmithkline ne présente aucun élément de nature à remettre en cause la véracité de ces affirmations ; que, par suite, la société Laboratoire Glaxosmithkline n'est pas fondée à soutenir que ladite commission aurait été irrégulièrement composée ;

Considérant que la Commission chargée du contrôle de la publicité et de la diffusion de recommandations sur le bon usage des médicaments a donné son avis à l'issue de ses séances du 19 décembre 2000 et du 9 janvier 2001 ; que s'il ressort des pièces du dossier que, lors de ces séances, plusieurs suppléants étaient présents en même temps que leurs titulaires, seuls les titulaires ont participé aux votes ; que, dès lors, eu égard à la composition de la commission et à l'objet de la consultation, la circonstance que des suppléants ont assisté aux délibérations alors que les titulaires étaient présents n'a pas été de nature à entacher d'irrégularité la procédure consultative ;

Sur le moyen tiré de ce que le procès-verbal de la Commission chargée du contrôle de la publicité et de la diffusion de recommandations sur le bon usage des médicaments n'a pas été communiqué à la société Laboratoire Glaxosmithkline lors de la notification de la décision attaquée : - Considérant qu'aux termes de l'article 14 du décret du 28 novembre 1983 : " Le procès-verbal indique le nom et la qualité des membres présents, les questions traitées au cours de la séance et le sens de chacune des délibérations. En outre, tout membre de l'organisme consultatif peut demander qu'il y soit fait mention de son désaccord avec la majorité. Le procès-verbal est transmis à l'autorité compétente pour prendre la décision. Lorsque la décision doit être motivée en application de la loi susvisée du 11 juillet 1979, la notification doit être accompagnée des mentions du procès-verbal se rapportant à la question sur laquelle il est statué par cette décision " ;

Considérant que les conditions dans lesquelles il a été procédé à la notification d'une décision administrative sont sans influence sur sa légalité ; que, dès lors, pour demander l'annulation de cette décision, la société Laboratoire Glaxosmithkline ne peut utilement faire valoir qu'en application de l'article 14 du décret du 28 novembre 1983, la notification de la décision attaquée aurait dû être accompagnée des mentions du procès-verbal de la Commission chargée du contrôle de la publicité ;

Sur la motivation de la décision attaquée : - Considérant qu'aux termes de l'article trois de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " la motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constitue le fondement de la décision " ;

Considérant que la société Laboratoire Glaxosmithkline fait valoir que la motivation de la décision attaquée, s'agissant des interdictions relatives aux indications " en échec de traitement ", " en thérapie de sauvetage ", " en instauration de traitement " ne serait pas suffisante ; que toutefois, le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire a visé les dispositions applicables du Code de la santé publique, et notamment celles de l'article L. 5122-2 de ce Code qu'il a résumées dans sa décision ; qu'il a énoncé que les documents publicitaires concernés étaient contraires aux dispositions de cet article en ce que les indications précitées n'ont pas été validées par l'autorisation de mise sur le marché du Ziagen et qu'elles n'étaient pas démontrées par les études produites par la société Laboratoire Glaxosmithkline, en présentant pour chaque indication des précisions quantitatives et qualitatives ; qu'ainsi, la décision attaquée est suffisamment motivée et n'a pas méconnu les dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée : - Sur les moyens tirés de ce que la décision attaquée serait illégale au regard des dispositions des directives du Conseil des communautés européennes du 10 septembre 1984 et du 31 mars 1992 et que les dispositions de l'article L. 5122-2 du Code de la santé publique seraient incompatibles avec lesdites directives : - Considérant, en premier lieu, que l'article 2 de la directive du Conseil du 31 mars 1992 concernant la publicité faite à l'égard des médicaments à usage humain dispose : 2. Tous les éléments de la publicité d'un médicament doivent être conformes aux renseignements figurant dans le résumé des caractéristiques du produit. / 3. La publicité à l'égard d'un médicament : - doit favoriser l'usage rationnel du médicament, en le présentant de façon objective et sans en exagérer les propriétés, - ne peut être trompeuse ; que l'article six de ladite directive, relatif à la publicité faite auprès des professionnels de santé, dispose : " toute publicité à l'égard d'un médicament auprès des personnes habilitées à le prescrire ou à le délivrer doit comporter :-les informations essentielles compatibles avec le résumé des caractéristiques du produit. " ; que l'article 12 de la même directive dispose : " ... les Etats membres veillent à ce qu'il existe des moyens adéquats et efficaces pour contrôler la publicité faite à l'égard des médicaments... /2 ... Les Etats membres confèrent aux tribunaux ou aux organes administratifs des compétences les habilitant ... : - à ordonner la cessation d'une publicité trompeuse... " ; que l'article 2 de la directive du Conseil du 10 septembre 1984 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de publicité trompeuse définit cette dernière comme étant : toute publicité qui, d'une manière quelconque, y compris sa présentation, induit en erreur ou est susceptible d'induire en erreur les personnes auxquelles elle s'adresse ou qu'elle touche et qui, en raison de son caractère trompeur, est susceptible d'affecter leur comportement économique ou qui, pour ces raisons, porte préjudice ou est susceptible de porter préjudice à un concurrent ; qu'aux termes de l'article L. 5122-2 du Code de la santé publique : " La publicité définie à l'article L. 5122-1 ne doit pas être trompeuse ni porter atteinte à la protection de la santé publique. Elle doit présenter le médicament ou produit de façon objective et favoriser son bon usage. Elle doit respecter les dispositions de l'autorisation de mise sur le marché " ;

Considérant que quelles que soient les précisions qu'elles contiennent à l'intention des Etats-membres et les délais qu'elles fixent pour l'adaptation de la législation et de la réglementation des Etats-membres, les directives communautaires ne sauraient être invoquées par les ressortissants de ces Etats à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif individuel ; que, par suite, la société Laboratoire Glaxosmithkline ne peut utilement soutenir que la décision attaquée, qui est un acte individuel, méconnaîtrait les dispositions des directives du Conseil des Communautés européennes du 10 septembre 1984 et du 31 mars 1992 ;

Considérant, en second lieu, que les dispositions de l'article L. 5122-2 du Code de la santé publique, qui prévoient notamment que la publicité concernée doit respecter les dispositions de l'autorisation de mise sur le marché, ne sont pas incompatibles avec les objectifs définis par les termes clairs des directives précitées ;

Sur le moyen tiré de ce que le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé aurait commis une erreur de droit en interdisant les mentions publicitaires qui ne correspondraient pas à des données validées par l'autorisation de mise sur le marché ou les études produites par la société Laboratoire Glaxosmithkline : - Considérant que l'autorisation de mise sur le marché en date du 8 juillet 1999 du médicament Ziagen dispose que : "Ziagen est indiqué, en association avec d'autres agents antirétroviraux, pour le traitement des patients adultes infectés par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH). La démonstration du bénéfice de Ziagen est principalement basée sur les résultats d'études conduites chez des patients n'ayant jamais reçu d'antirétroviraux, en association à la lamivudine et la zidovudine. " ; que si cette autorisation de mise sur le marché ne restreint pas l'indication de Ziagen à une catégorie de patients infectés par le VIH, elle mentionne le caractère limité des études qui constituent la démonstration de l'efficacité de ce médicament ; qu'ainsi, en estimant que les mentions publicitaires concernées ne respectaient pas les dispositions de l'autorisation de mise sur le marché, méconnaissaient les dispositions de l'article L. 5122-2 du Code de la santé publique et devaient en conséquence être interdites, dès lors que ces informations n'avaient pas été validées par cette autorisation et les études qui en constituent le fondement sans qu'il y ait lieu de déterminer si les mentions publicitaires concernées étaient trompeuses, le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé n'a pas commis d'erreur de droit ;

Sur les moyens tirés de ce que la décision attaquée serait entachée d'inexactitude matérielle et d'erreur d'appréciation : - Considérant que les brochures publicitaires concernées préconisent la prescription du Ziagen dans le cas des patients " en échec de traitement " ; que l'indication " en échec de traitement " n'a pas été validée par l'autorisation de mise sur le marché ; que, par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les patients ne peuvent être regardés comme étant en échec de traitement que lorsqu'ils ont subi une trithérapie ; qu'ainsi, la société Laboratoire Glaxosmithkline ne peut, en tout état de cause, se prévaloir d'une étude effectuée sur des patients dont 80 % étaient en échec à la suite, non d'une trithérapie mais d'une bithérapie ; que, par suite, le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé n'a entaché sa décision ni d'erreur d'appréciation ni d'inexactitude matérielle en estimant que cette indication était contraire aux dispositions de l'article L. 5122-2 du Code de la santé publique ;

Considérant qu'une brochure publicitaire de la société Laboratoire Glaxosmithkline préconise le Ziagen pour les patients " en thérapie de sauvetage " ; que, toutefois, cette indication n'a pas été validée par l'autorisation de mise sur le marché ; que si la requérante se prévaut d'une étude de Masur et autres, cette étude a été menée sans comparateurs, qu'il s'agisse d'une autre molécule ou d'un placebo, et seuls 41 patients sur les 101 patients de l'étude peuvent être regardés comme étant en situation de sauvetage ; qu'en outre, le bénéfice de ce médicament n'a été constaté que pour 7 % de ses 41 patients ; qu'ainsi, en tout état de cause, la société Laboratoire Glaxosmithkline n'est pas fondée à invoquer cette étude au soutien de sa demande d'annulation de la décision attaquée ; qu'elle ne peut utilement se prévaloir d'une autre étude qu'elle ne produit pas au dossier ; que dans ces conditions il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en estimant que l'indication " en thérapie de sauvetage " était contraire aux dispositions de l'article L. 5122-2 du Code de la santé publique, le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ait entaché sa décision d'inexactitude matérielle ou d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que, s'agissant de la prescription du Ziagen pour les patients " en instauration de traitement ", le directeur général de l'Agence s'est fondé sur le rapport Delfraissy relatif à la prise en charge des personnes infectées par le VIH ; que si la société Laboratoire Glaxosmithkline soutient que ce rapport n'a pas de valeur contraignante, il regroupe un ensemble de recommandations d'experts français ; que par suite, le directeur général de l'Agence a pu se fonder sur ce rapport sans commettre d'erreur de droit ; que ce rapport préconise, dans le cas des patients ayant des charges virales plasmatiques élevées, une trithérapie avec inhibiteur de protéase comme traitement de première intention ; que, par ailleurs, et en tout état de cause, il résulte du résumé des caractéristiques du produit annexé à l'autorisation de mise sur le marché du Ziagen que l'expérience clinique de ce médicament a été réalisée, s'agissant des patients recevant ce médicament comme le premier traitement antirétroviral, sur des patients dont 70 % avaient une charge virale indétectable ; que dans ces conditions, il ne résulte pas des pièces du dossier qu'en estimant que l'indication du Ziagen " en instauration de traitement ", dans la mesure où il n'exclut pas les patients à charge virale élevée, était contraire aux dispositions de l'article L. 5122-2 du Code de la santé publique, le directeur général de l'Agence ait entaché sa décision d'inexactitude matérielle ou d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que, s'agissant de la prescription du Ziagen pour les patients " en transfert ", c'est-à-dire dans les cas où il devient nécessaire de modifier le traitement antirétroviral, cette indication n'a pas été validée par l'autorisation de mise sur le marché ; qu'aux termes de l'autorisation de mise sur le marché du Ziagen, " chez les patients lourdement préretraités par les inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse, l'efficacité de l'abacavir est très faible. " ; qu'il ressort des pièces du dossier, que le directeur de l'Agence a pu, sans erreur manifeste d'appréciation ni erreur matérielle, estimer que la prescription du Ziagen " en transfert " n'était pas acceptable dans la mesure où cette efficacité n'avait été démontrée que chez des patients traités d'emblée par trithérapie incluant un inhibiteur de protéase, et interdire la mention contestée sur le fondement de l'article L. 5122-2 du Code de la santé publique;

Considérant que dans l'aide de visite et les brochures intitulées "Ziagen, un antirétroviral de choix, une robustesse virologique " et "Ziagen, un antirétroviral de choix chez des patients en échec " il est attribué à ce médicament une activité sur les souches mutées à la transcriptase inverse ; que, toutefois, l'autorisation de mise sur le marché a mis en évidence des souches mutées résistantes à cette spécialité, et notamment des mutations de virus intervenant au niveau de la région du codon de la transcriptase inverse ; que, par ailleurs, il résulte du rapport Delfraissy que l'abacavir n'est actif que sur certaines souches mutées et est résistante en présence de trois mutations ou plus ; que si la requérante se prévaut des études CNA 2007 et Ruffault et autres, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé soutient sans être contredite que la première étude a seulement mis en évidence que 42 % des patients avaient une souche sensible à l'abacavir et que la seconde a révélé l'existence de 12 % de résistance à Ziagen ; qu'ainsi, en estimant que les allégations relatives aux souches mutées et à la robustesse virologique du Ziagen étaient de nature à inciter à la prescription de cette spécialité pharmaceutique chez tous les patients porteurs de souches mutées, le directeur général de l'Agence n'a entaché sa décision ni d'erreur manifeste d'appréciation ni d'inexactitude matérielle ;

Considérant que les brochures litigieuses ont attribué au Ziagen " peu de toxicité mitochondriale in vitro " ; que, toutefois, ces propriétés pharmacologiques ne sont pas validées par l'autorisation de mise sur le marché qui précise au contraire que " des cas d'acidose lactique, parfois fatale, associés habituellement à une hépatomégalie importante et à une stéatose hépatique, ont été observés après administration d'analogues nucléosidiques. " ; que la circonstance que le Ziagen présenterait une toxicité mitochondriale inférieure à celle d'autres inhibiteurs nucléotides n'est pas de nature à justifier une présentation tendant à sous-estimer la toxicité du Ziagen ; que, dès lors, le directeur général de l'Agence n'a commis ni inexactitude matérielle ni erreur manifeste d'appréciation en estimant que la mention " peu de toxicité mitochondriale in vitro " était contraire à l'article L. 5122-2 du Code de la santé publique;

Considérant que dans les brochures contestées la société Laboratoire Glaxosmithkline a porté les mentions " atout tolérance " et " une bonne tolérance " accompagnée de présentation succincte ou absente de l'hypersensibilité de certains patients au Ziagen alors qu'il résulte de l'autorisation de mise sur le marché que : " dans les études cliniques, des réactions d'hypersensibilité ont été observées chez environ 3 % des patients traités par l'abacavir. Dans certains cas, ces réactions d'hypersensibilité ont menacé le pronostic vital et ont parfois entraîné une évolution fatale, malgré la prise de précautions. " ; que, dans ces conditions, le directeur général de l'Agence, qui a estimé que les mentions " bonne tolérance " et "atout tolérance ", alors que les effets indésirables n'étaient pas clairement développés dans les documents concernés, étaient inacceptables au regard des risques encourus et étaient contraires aux dispositions de l'article L. 5122-2 du Code de la santé publique et, n'a pas entaché sa décision d'inexactitude matérielle ou d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée par La société Laboratoire Glaxosmithkline devant le tribunal administratif doit être rejetée ; que doivent être rejetées par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à sa charge le paiement à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé de la somme de 2 000 euro au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Décide

Article 1er : Le jugement du 10 juin 2003 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande présentée pour la société Laboratoire Glaxosmithkline devant le Tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 3 : La société Laboratoire Glaxosmithkline est condamnée à verser la somme de 2 000 euro à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la société Laboratoire Glaxosmithkline tendant à ce que l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé soit condamnée à lui verser 5 500 euro au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative sont rejetées.