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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 23 janvier 2006, n° 04-07653

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pereira Da Silva

Défendeur :

Movitex (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Roussel

Conseillers :

Mmes Courteille, Guieu

Avoués :

SCP Deleforge Franchi, Me Quignon

Avocats :

Mes Vergnaud, Doussot

Orléans, du 13 déc. 2004

13 décembre 2004

Données du litige,

Dans le courant des années 2000 et 2001, Mme Pereira Da Silva a reçu, émanant de la société Movitex, agissant sous le nom commercial Edmée de Roubaix, des lettres l'invitant à participer à un jeu de loterie dans le cadre duquel lui avait été attribué un numéro gagnant.

N'ayant reçu aucun prix et reprochant à la société Movitex de l'avoir trompée, Mme Pereira Da Silva l'a assignée devant le Tribunal de grande instance de Montargis.

Par jugement du 27 juin 2003, le tribunal a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Movitex et a débouté Mme Pereira Da Silva de toutes ses demandes et a également débouté la société Movitex de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Mme Pereira Da Silva a relevé appel de cette décision par déclaration déposée au greffe de la Cour d'appel d'Orléans en date du 6 octobre 2003.

Par arrêt du 13 décembre 2004 la cour a infirmé le jugement, dit que le Tribunal de grande instance de Montargis n'était pas territorialement compétent pour connaître du litige et renvoyé l'affaire devant la cour de céans.

Vu les conclusions déposées le 9 septembre 2005 par Mme Pereira Da Silva tendant à l'infirmation du jugement et à la condamnation de la société Movitex à lui payer une somme de 30 489,80 euro en exécution du quasi-contrat.

A titre subsidiaire, Mme Pereira Da Silva demande la condamnation de la société Movitex à lui payer la même somme sur le fondement des articles 1382 et 1384 du Code civil.

Elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société Movitex de sa demande de dommages intérêts.

Elle fait valoir que dans les annonces adressées à Mme Pereira Da Silva le caractère aléatoire du gain n'était pas suffisamment mis en exergue en sorte que la société Movitex a pris un engagement vis-à-vis d'elle ; que si l'existence d'un quasi-contrat n'est pas retenue, il convient de relever que la société Movitex a commis une faute en laissant espérer un gain à sa cliente.

Vu les conclusions déposées le 30 septembre 2005 par la société Movitex SA tendant à la confirmation du jugement et au débouté de Mme Pereira Da Silva de toutes ses demandes et à sa condamnation à lui payer une somme de 2 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce,

Sur le quasi-contrat,

Les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l'homme dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers.

L'organisateur d'une loterie qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l'existence d'un aléa s'oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer.

Il ressort des pièces versées aux débats par l'appelante que :

- le 16 août 2000, Mme Pereira Da Silva a reçu une lettre intitulée en première page : "Grand Jeu" : "un chèque de 100 000 F" et en deuxième page : "important : cliente attributaire d'un chèque" précisant "j'ai sélectionné les clientes pour notre grand jeu "un chèque de 100 000 F". Peux-tu donc prévenir de toute urgence Mme Da Silva et lui annoncer la bonne nouvelle : un chèque est libellé à son nom ... je confie à Me Berna, huissier de Justice à Tourcoing, la bonne régularité du jeu".

Au recto de cette page figure le règlement du jeu "un chèque de 100 000 F" exposant à l'article 1er que Edmée de Roubaix a organisé un jeu intitulé "un chèque de 100 000 F" ; à l'article 5 que plusieurs lots sont prévus le premier lot étant un chèque de 100 000 F et les autres lots des chèques de valeur inférieure ; à l'article 6 que parmi les destinataires l'huissier avait tiré au sort le gagnant du lot principal soit le chèque de 100 000 F enfin l'article 8 indique qu'aucun destinataire ne peut à la lecture des documents être certain du prix qu'il a gagné.

- le 12 février 2001, Mme Pereira Da Silva a reçu une lettre de rappel énonçant : "vous n'avez pas réclamé votre chèque Mme Da Silva - renonceriez-vous à 100 000 F Mme Da Silva ?".

En bas de page se trouve imprimée une "attestation d'huissier" ainsi libellée :

"Je soussigné Me Berna, huissier de justice à Tourcoing, atteste que les numéros 45 812 et 14 786 gagnent chacun un chèque dont un de 100 000 F".

Puis, en gros caractère l'annonce suivante : "Vous, Mme Da Silva : propriétaire de 100 000 F c'est encore possible si vous répondez maintenant"

- le bon de commande daté par Mme Da Silva du 26 février 2001 indique au recto :

"Bravo, c'est officiel ! Vous avez gagné un chèque * Mme Da Silva

lot n° 1 un chèque de 100 000 F

lot n° 2 un chèque de 25 000 F

lot n° 3 etc..."

Suit la liste de 20 numéros gagnants dont un numéro attribué à Mme Da Silva, le texte qui suit est ainsi rédigé : "oui, c'est officiel Mme Da Silva, vous êtes gagnante d'un chèque à la grande opération des 100 000 F.

Aucun des documents ainsi rappelés n'annonce à Mme Da Silva un gain d'un chèque de 100 000 F, en effet l'expression "un chèque de 100 000 F" n'est utilisée que comme le titre du jeu ; il n'est annoncé aux clientes que le gain d'un chèque dont le montant ne sera déterminé qu'à la suite d'un tirage au sort, il est d'ailleurs précisé à l'article 8 du règlement du concours, rédigé en caractères lisibles "aucun destinataire ne peut à la lecture des documents être certain du prix qu'il a gagné", le seul gain annoncé est donc celui d'un chèque qui suivant le tirage au sort peut être de 100 000 F à 100 F.

Le rappel sur l'ensemble des documents adressés aux clients de ce qu'il s'agit d'un jeu pour lequel il a été sélectionné, que celui-ci a toute "chance" de recevoir un chèque et qu'il est possible qu'il soit propriétaire de 100 000 F s'il répond à l'offre, constitue le rappel de l'aléa lié au jeu de sorte que la société Movitex n'a plus aucun engagement envers par Mme Da Silva étant par ailleurs relevé qu'il n'a pas établi que l'appelante ait entendu concourir au jeu, puisque l'une des lettres communiquées en original précise que Mme Da Silva n'a pas réclamé son chèque et que Mme Da Silva n'apporte pas la preuve de l'envoi d'une réponse à la société Movitex de sorte qu'il y a lieu de débouter Mme Pereira Da Silva de ses demandes fondées sur les dispositions de l'article 1371 du Code civil.

Sur la faute commise par la société Movitex :

Invoquant la responsabilité de la société Movitex sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, Mme Pereira Da Silva doit démontrer la faute commise par celle-ci ainsi que le préjudice subi en lien avec cette faute.

Ainsi que cela a été énoncé précédemment, les lettres adressées par la société Movitex à Mme Pereira Da Silva qui exposent clairement les conditions des tirages au sort, précisant qu'aucune certitude n'était garantie sur le montant des lots gagnés, ne mettent pas en évidence une quelconque tromperie de l'organisateur de la loterie ni une faute de celui-ci de sorte que Mme Pereira Da Silva sera déboutée de cette demande.

Succombant, Mme Pereira Da Silva sera condamnée à payer à la société Movitex la somme de 700 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés.

Par ces motifs, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme Pereira Da Silva de ses demandes ; Condamne Mme Ghislaine Pereira Da Silva à payer la somme de 700 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; La condamne en tous les dépens de première instance et d'appel ; Autorise Me Quignon, avoué, à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.