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Décisions

CJCE, cour plénière, 21 janvier 2003, n° C-378/00

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission des Communautés européennes

Défendeur :

Parlement européen, Conseil de l'Union européenne, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rodríguez Iglesias

Présidents de chambre :

MM. Puissochet, Wathelet

Avocat général :

M. Geelhoed

Juges :

MM. Gulmann, La Pergola, Jann, Skouris, von Bahr, Cunha Rodrigues, Mmes Macken, Colneric

Avocat :

Me Hoskins

CJCE n° C-378/00

21 janvier 2003

LA COUR,

1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 13 octobre 2000, la Commission des Communautés européennes a, en vertu de l'article 230, premier alinéa, CE, demandé l'annulation du règlement (CE) n° 1655-2000 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juillet 2000, concernant un instrument financier pour l'environnement (LIFE) (JO L 192, p. 1), en tant qu'il soumet l'adoption des mesures de mise en œuvre du programme LIFE à la procédure de réglementation prévue à l'article 5 de la décision 1999-468-CE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission (JO L 184, p. 23, ci-après la "seconde décision comitologie").

2. Par ordonnance du président de la Cour du 30 avril 2001, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord a été admis à intervenir au soutien des conclusions du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne.

Le cadre juridique

Le traité CE

3. Aux termes de l'article 202, troisième tiret, CE:

"En vue d'assurer la réalisation des objets fixés par le présent traité et dans les conditions prévues par celui-ci, le Conseil:

[...]

- confère à la Commission, dans les actes qu'il adopte, les compétences d'exécution des règles qu'il établit. Le Conseil peut soumettre l'exercice de ces compétences à certaines modalités. Il peut également se réserver, dans des cas spécifiques, d'exercer directement des compétences d'exécution. Les modalités visées ci-dessus doivent répondre aux principes et règles que le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après avis du Parlement européen, aura préalablement établis."

La seconde décision comitologie

4. La seconde décision comitologie a été adoptée sur le fondement de l'article 202, troisième tiret, CE et remplace la décision 87-373-CEE du Conseil, du 13 juillet 1987, fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission (JO L 197, p. 33, ci-après la "première décision comitologie").

5. La première décision comitologie prévoyait que le Conseil pouvait soumettre l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission à des modalités qui devaient être conformes aux procédures, dites "de comité", que ladite décision définissait.

6. Selon les cinquième, neuvième, dixième et onzième considérants de la seconde décision comitologie, celle-ci vise, en premier lieu, dans le souci d'une plus grande cohérence et prévisibilité dans le choix du type de comité, à définir les critères applicables au choix de la procédure de comité, étant entendu que ces critères ne revêtent pas un caractère contraignant, en deuxième lieu, à simplifier les modalités d'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission ainsi qu'à assurer une plus grande participation du Parlement dans les cas où l'acte de base conférant des compétences d'exécution à la Commission a été adopté selon la procédure prévue à l'article 251 CE, en troisième lieu, à assurer une meilleure information du Parlement et, en quatrième lieu, à assurer une meilleure information du public sur les procédures de comité.

7. Aux termes de l'article 2 de la seconde décision comitologie:

"Le choix des modalités procédurales pour l'adoption des mesures d'exécution s'inspire des critères suivants:

a) les mesures de gestion telles que celles relatives à l'application de la politique agricole commune et de la politique commune de la pêche ou celles relatives à la mise en œuvre de programmes ayant des incidences budgétaires notables devraient être arrêtées selon la procédure de gestion.

b) Les mesures de portée générale visant à mettre en application les éléments essentiels d'un acte de base, y compris les mesures concernant la protection de la santé ou de la sécurité des personnes, des animaux ou des plantes, devraient être arrêtées selon la procédure de réglementation.

Lorsqu'un acte de base prévoit que certains éléments non essentiels de cet acte peuvent être adaptés ou mis à jour par la voie de procédures d'exécution, ces mesures sont arrêtées selon la procédure de réglementation.

c) Sans préjudice des points a) et b), la procédure consultative est appliquée chaque fois qu'elle est considérée comme la plus appropriée."

8. Les articles 3 à 6 de la seconde décision comitologie définissent respectivement quatre procédures intitulées "procédure consultative" (article 3), "procédure de gestion" (article 4), "procédure de réglementation" (article 5) et "procédure de sauvegarde" (article 6).

9. Lors de l'adoption de la seconde décision comitologie, le Conseil et la Commission ont fait la déclaration commune suivante, publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 17 juillet 1999 (JO C 203, p. 1):

"Le Conseil et la Commission conviennent que les dispositions relatives aux comités assistant la Commission dans l'exercice de ses compétences d'exécution prévues en application de la décision 87-373-CEE devraient être adaptées dans les meilleurs délais, afin de les mettre en conformité avec les dispositions des articles 3, 4, 5 et 6 de la décision 1999-468-CE, conformément aux procédures législatives appropriées.

[...]

Toute modification du type de comité prévu dans un acte de base doit se faire cas par cas, au cours de la révision normale de la législation, en s'inspirant, entre autres, des critères prévus à l'article 2.

Cette adaptation ou cette modification doit être réalisée dans le respect des obligations qui incombent aux institutions communautaires. Elle ne devrait pas remettre en cause les objectifs de l'acte de base, ni l'efficacité de l'action de la Communauté."

Le règlement n° 1655-2000

10. Le règlement n° 1655-2000 a été adopté sur le fondement de l'article 175, paragraphe 1, CE et remplace le règlement (CEE) n° 1973-92 du Conseil, du 21 mai 1992 (JO L 206, p. 1), qui avait créé l'instrument financier pour l'environnement (ci-après "LIFE").

11. Selon l'article 1er du règlement n° 1655-2000, "[l]'objectif général de LIFE est de contribuer à la mise en œuvre, à la mise à jour et au développement de la politique et de la législation environnementales de la Communauté, en particulier pour ce qui concerne l'intégration de l'environnement dans les autres politiques, ainsi qu'à un développement durable dans la Communauté".

12. Les projets qui répondent aux critères fixés par le règlement n° 1655-2000 peuvent se voir octroyer des soutiens financiers dans les conditions et suivant les procédures établies par ce règlement.

13. Selon l'article 2 dudit règlement, LIFE se compose de trois volets thématiques, dénommés "LIFE-Nature", "LIFE-Environnement" et "LIFE-Pays tiers".

14. L'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1655-2000 dispose:

"LIFE est mis en œuvre par étapes. La troisième étape commence le 1er janvier 2000 et se termine le 31 décembre 2004. L'enveloppe financière prévue pour la mise en œuvre de la troisième étape couvrant la période allant de 2000 à 2004 est établie à 640 millions d'euro."

15. Aux termes du vingtième considérant du règlement n° 1655-2000:

"Il y a lieu d'arrêter les mesures nécessaires pour la mise en œuvre du présent règlement en conformité avec la décision 1999-468-CE du Conseil du 28 juin 1999 fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission".

16. Il résulte des articles 3, paragraphe 7, et 11, paragraphe 1, du règlement n° 1655-2000 que, dans l'exercice des compétences d'exécution dudit règlement, la Commission est assistée d'un comité qui est, dans le cas des mesures concernant le volet LIFE-Nature, celui institué par l'article 20 de la directive 92-43-CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206, p. 7), et, dans les autres cas, celui institué par l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 1655-2000.

17. La procédure de comité appliquée pour l'adoption des mesures de mise en œuvre du règlement n° 1655-2000 est, en vertu de l'article 11, paragraphe 2, de celui-ci, la procédure de réglementation prévue à l'article 5 de la seconde décision comitologie.

18. Les mesures que la Commission est habilitée à adopter en vertu des compétences d'exécution que lui confère le règlement n° 1655-2000 sont de deux types.

19. Il s'agit, d'une part, des mesures concernant l'octroi d'un soutien financier à des projets de conservation de la nature et à des mesures d'accompagnement (article 3), à des projets de démonstration, à des projets de développement et/ou de mise à jour de la politique et de la législation de la Communauté dans le domaine de l'environnement, ainsi qu'à des mesures d'accompagnement (article 4), à des projets d'assistance technique aux pays tiers ainsi qu'à des mesures d'accompagnement (article 5), ou à des projets présentés par des pays d'Europe centrale et orientale candidats à l'adhésion au titre de LIFE-Nature ou de LIFE-Environnement (article 6). Les projets et mesures d'accompagnement précités auxquels un soutien financier est accordé sont repris dans une décision-cadre ou une décision adressée aux États membres par la Commission.

20. Il s'agit, d'autre part, de l'adoption de lignes directrices concernant la sélection des projets de démonstration présentés au titre du volet LIFE-Environnement (article 4, paragraphe 4). Ces lignes directrices, publiées au Journal officiel des Communautés européennes, doivent favoriser une synergie entre les activités de démonstration et les principes directeurs de la politique communautaire en matière d'environnement, dans l'optique d'un développement durable.

21. Lors de l'adoption du règlement n° 1655-2000, des déclarations ont été effectuées par le Conseil et la Commission (JO 2000, L 192, p. 10).

22. La Commission a notamment déclaré:

"La Commission note l'accord du Parlement européen et du Conseil pour prévoir une procédure de réglementation pour le choix des projets, et non pas la procédure de gestion proposée par la Commission dans la proposition modifiée après la deuxième lecture du Parlement.

La Commission insiste, ainsi qu'elle l'a déclaré au moment de l'adoption de la position commune, sur l'importance d'appliquer les critères de l'article 2 de la décision 1999-468-CE du Conseil du 28 juin 1999 fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission.

La Commission croit que le choix des projets étant une mesure ayant des implications budgétaires substantielles devrait suivre la procédure de gestion.

La Commission considère qu'ignorer les termes de l'article 2 de la décision 1999-468-CE du Conseil dans un cas aussi clair que celui-ci est contraire à l'esprit comme à la lettre de la décision du Conseil.

La Commission doit donc réserver sa position sur la question, y compris son droit de prendre toute action future appropriée devant la Cour."

23. Le Conseil a fait la déclaration suivante:

"Le Conseil prend note de la déclaration de la Commission sur le choix de la procédure de comité pour l'adoption, par la Commission, des mesures d'exécution dans le cadre du règlement LIFE.

En choisissant la procédure de réglementation prévue à l'article 5 de la décision 1999-468-CE du Conseil du 28 juin 1999 fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission, le Conseil a tenu compte de l'expérience acquise avec la procédure de réglementation dans le cadre de LIFE au cours de la première phase (depuis 1992) et de la deuxième phase (depuis 1996) ainsi que de la nature de cet instrument, qui joue un rôle essentiel pour la protection de l'environnement dans la Communauté et contribue à la mise en œuvre et au développement de la politique communautaire dans ce domaine.

Le Conseil rappelle que les critères énoncés à l'article 2 de la décision 1999-468-CE du Conseil ne sont pas juridiquement contraignants et ont un caractère indicatif. Le Conseil considère que le champ d'application des compétences d'exécution dans le règlement en question justifie pleinement le recours à la procédure de réglementation."

Sur la recevabilité

24. En premier lieu, le Conseil a exprimé, lors de la procédure écrite, des doutes sur la possibilité pour la Commission d'introduire un recours en annulation afin de faire prévaloir son point de vue concernant le type de procédure de comité qui devait être choisi pour l'adoption des mesures d'exécution du règlement n° 1655-2000.

25. Le Conseil fait valoir à cet égard que, lors de la procédure d'adoption du règlement n° 1655-2000, la Commission n'a pas utilisé pour défendre son point de vue toutes les possibilités que lui offre le traité. En particulier, après avoir adopté, avant l'entrée en vigueur de la seconde décision comitologie, une proposition de règlement prévoyant une procédure de comité correspondant à la procédure de réglementation, la Commission s'est abstenue, après l'entrée en vigueur de ladite décision, de présenter, avant l'adoption d'une position commune par le Conseil, une proposition modifiée prévoyant l'application de la procédure de gestion, alors que l'article 250 CE lui laissait cette possibilité.

26. Selon le Conseil, l'attitude de la Commission en l'espèce ne correspond guère à un esprit de coopération loyale entre institutions.

27. Pour autant que, par les observations susmentionnées, le Conseil ait entendu contester la recevabilité du recours, il y a lieu d'indiquer ce qui suit.

28. L'article 230 CE fait une distinction nette entre le droit de recours des institutions communautaires et des États membres, d'une part, et celui des personnes physiques et morales, d'autre part, en ouvrant notamment à la Commission le droit de contester, par un recours en annulation, la légalité de tout acte adopté conjointement par le Parlement et le Conseil, sans que l'exercice de ce droit soit conditionné par la justification d'un intérêt à agir (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 1987, Commission/Conseil, 45-86, Rec. p. 1493, point 3). Par ailleurs, l'exercice de ce droit n'est pas non plus conditionné par la position prise par la Commission lors de la procédure d'adoption de l'acte en cause (voir, par analogie, s'agissant des positions prises par les représentants des États membres formant le Conseil à l'occasion de l'adoption d'un règlement, arrêt du 12 juillet 1979, Italie/Conseil, 166-78, Rec. p. 2575, point 6).

29. En second lieu, il convient de constater, ainsi que l'a fait M. l'avocat général aux points 136 et 137 de ses conclusions, que le choix de la procédure de comité effectué à l'article 11, paragraphe 2, du règlement n° 1655-2000 est détachable des autres dispositions dudit règlement, de sorte qu'un recours en annulation partielle du règlement n° 1655-2000 en tant qu'il prévoit le recours à un comité de réglementation est possible.

30. Il résulte de ce qui précède que le recours est recevable.

Sur le fond

31. À l'appui de son recours, la Commission invoque deux moyens, tirés, d'une part, de la violation de l'article 2 de la seconde décision comitologie et, d'autre part, de la violation de la lettre et de la finalité de ladite décision.

32. Par la première branche de son premier moyen, la Commission soutient que les critères définis à l'article 2 de la seconde décision comitologie n'ont pas été respectés.

33. Par la seconde branche du même moyen, la Commission soutient que les effets juridiques de l'article 2 de la seconde décision comitologie et les obligations qui en résultent ont été méconnus. Elle fait valoir à cet égard que, en méconnaissant les effets juridiques de l'article 2 de la seconde décision comitologie, le législateur communautaire a violé l'obligation de motivation qui s'y rattache, puisqu'il a omis d'indiquer dans le règlement n° 1655-2000 les motifs qui l'ont conduit à retenir une procédure de comité différente de celle que les critères fixés par cette disposition auraient dû le conduire à retenir.

34. À cet égard, il y a lieu de rappeler que le défaut ou l'insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles, au sens de l'article 230 CE, et constitue un moyen distinct de celui, portant sur la légalité au fond de l'acte attaqué, concernant la violation d'une règle de droit relative à l'application du traité, au sens du même article (voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367-95 P, Rec. p. I-1719, point 67, et du 30 mars 2000, VBA/Florimex e.a., C-265-97 P, Rec. p. I-2061, point 114).

35. Il y a donc lieu de considérer que la seconde branche du premier moyen de la Commission soulève un moyen, distinct de celui concernant la violation de l'article 2 de la seconde décision comitologie, tiré de ce que le règlement n° 1655-2000, en tant qu'il soumet l'adoption des mesures de mise en œuvre du programme LIFE à la procédure de réglementation prévue à l'article 5 de la seconde décision comitologie, sans exposer les raisons pour lesquelles les critères de choix entre les différentes procédures de comité, définis à l'article 2 de ladite décision, n'ont pas été suivis en l'espèce, a violé l'obligation de motivation établie par l'article 253 CE.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 2 de la seconde décision comitologie

36. À titre liminaire, il convient d'examiner si l'article 2 de la seconde décision comitologie constitue une règle de droit relative à l'application du traité, au sens de l'article 230 CE, dont le respect s'impose au législateur communautaire lorsqu'il adopte un acte de droit dérivé directement sur le fondement du traité (ci-après un "acte de base"), tel le règlement n° 1655-2000.

37. La Commission soutient à cet égard que, en vertu de l'article 202 CE, les modalités auxquelles le Conseil peut soumettre l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission doivent répondre aux principes et aux règles que celui-ci a préalablement établis, de sorte que les dispositions de la seconde décision comitologie, qui énoncent ces principes et ces règles, ont une valeur organique et s'imposent au législateur communautaire lorsqu'il adopte un acte de base.

38. Selon le Parlement, la Commission interprète de manière incorrecte l'article 202 CE. La seconde décision comitologie ne s'imposerait pas au législateur communautaire lors de l'adoption d'un acte de base. L'article 202 CE habiliterait seulement le Conseil à imposer à la Commission des règles relatives à l'exercice des compétences qui ont été attribuées à cette dernière, telles que celles relatives au déroulement des différentes procédures de comité. En revanche, l'article 202 CE n'habiliterait pas le Conseil à énoncer des règles qui limitent la possibilité pour le législateur communautaire de choisir librement au cas par cas entre ces différentes procédures, en définissant à l'avance les critères applicables à ce choix.

39. À cet égard, il y a lieu d'indiquer à titre liminaire que, constituant un acte de droit dérivé, la seconde décision comitologie, comme la première, ne peut ajouter aux règles du traité (voir arrêt du 27 octobre 1992, Allemagne/Commission, C-240-90, Rec. p. I-5383, point 42).

40. Toutefois, il résulte de l'article 202, troisième tiret, CE, sur le fondement duquel a été adoptée la seconde décision comitologie, que le Conseil est habilité à établir des principes et des règles auxquelles doivent répondre les modalités d'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission. Ces principes et ces règles doivent donc être respectés lors de l'adoption des actes conférant des compétences d'exécution à la Commission et il y a lieu de considérer que l'article 202 CE se réfère à cet égard aussi bien aux actes adoptés par le Conseil seul qu'aux actes adoptés par ce dernier en codécision avec le Parlement (voir, en ce sens, arrêt du 2 octobre 1997, Parlement/Conseil, C-259-95, Rec. p. I-5303, point 26).

41. Le domaine des principes et des règles que le Conseil est habilité à établir en la matière n'étant pas limité par l'article 202 CE à la définition des différentes procédures auxquelles peut être soumis l'exercice par la Commission des compétences d'exécution qui lui sont conférées, il y a lieu d'admettre qu'ils peuvent aussi porter sur les modalités de choix entre ces différentes procédures.

42. Ayant ainsi constaté que le Conseil peut établir les principes et les règles à respecter lors du choix entre différentes procédures de comité et que ceux-ci s'imposent au législateur communautaire lors de l'adoption d'un acte de base conférant des compétences d'exécution à la Commission, il convient ensuite d'examiner quelle portée la seconde décision comitologie a entendu conférer en l'espèce aux critères de choix énoncés à son article 2. En effet, ainsi que M. l'avocat général l'a relevé au point 87 de ses conclusions, même si l'article 202 CE permet au Conseil d'adopter en la matière des critères ayant un caractère contraignant, il ne l'exige pas nécessairement, le Conseil pouvant se borner à définir des critères indicatifs.

43. À cet égard, il y a lieu de constater d'emblée que la seconde décision comitologie n'a pas entendu conférer aux critères énoncés à son article 2 un caractère contraignant.

44. Une telle interprétation ressort tout d'abord du libellé de l'article 2 de la seconde décision comitologie.

45. Ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 85 de ses conclusions, l'emploi du conditionnel dans la plupart des versions linguistiques de la seconde décision comitologie indique que les critères énoncés à l'article 2 de ladite décision et servant à choisir entre la procédure de gestion ou celle de réglementation ne sont pas obligatoires. De plus, cet article indique que le choix des modalités procédurales pour l'adoption des mesures d'exécution "s'inspire" des critères énoncés.

46. Cette interprétation est confirmée par le cinquième considérant de la seconde décision comitologie, qui indique expressément que les critères applicables au choix de la procédure de comité ne revêtent pas un caractère contraignant.

47. En outre, il ressort de la déclaration commune faite par le Conseil et la Commission lors de l'adoption de la seconde décision comitologie que toute modification du type de comité prévu dans un acte de base doit se faire cas par cas, les critères prévus à l'article 2 de ladite décision ne servant qu'à inspirer ce choix, ce qui indique que ces critères n'ont pas, selon les auteurs de cette déclaration, un caractère contraignant.

48. Il découle de ce qui précède que les critères fixés par l'article 2 de la seconde décision comitologie n'ont pas un caractère contraignant et que, partant, le moyen tiré de ce que le règlement n° 1655-2000 n'aurait pas respecté lesdits critères doit être rejeté comme inopérant.

Sur le moyen tiré de la violation de l'obligation de motivation

49. Il convient d'examiner, en premier lieu, si le législateur communautaire était tenu en l'espèce de motiver le choix qu'il a fait à l'article 11, paragraphe 2, du règlement n° 1655-2000, de recourir à la procédure de réglementation prévue à l'article 5 de la seconde décision comitologie, et, en second lieu, le cas échéant, s'il a satisfait à cette obligation de motivation.

Sur l'existence d'une obligation de motivation

50. Il convient de relever d'emblée que, contrairement à ce que soutiennent le Parlement et le Conseil, le fait que les critères définis à l'article 2 de la seconde décision comitologie n'ont pas un caractère contraignant n'exclut pas que cette disposition puisse avoir certains effets juridiques et notamment que le législateur communautaire soit soumis à l'obligation de motiver sur ce point l'acte de base qu'il adopte, lorsqu'il s'écarte de ces critères.

51. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour a jugé que, même si un acte adopté par une institution communautaire n'énonce pas une règle de droit à l'observation de laquelle cette institution serait en tout cas tenue, mais énonce simplement une règle de conduite indicative de la pratique à suivre, ladite institution ne peut s'en écarter sans donner les raisons qui l'y ont amenée (voir, en ce sens, arrêts du 30 janvier 1974, Louwage/Commission, 148-73, Rec. p. 81, point 12; du 1er décembre 1983, Blomefield/Commission, 190-82, Rec. p. 3981, point 20; du 1er décembre 1983, Michael/Commission, 343-82, Rec. p. 4023, point 14, et du 13 décembre 1984, Lux/Cour des comptes, 129-82 et 274-82, Rec. p. 4127, point 20).

52. La même solution s'impose en l'espèce au vu de la finalité poursuivie par l'article 2 de la seconde décision comitologie.

53. Il ressort en effet du cinquième considérant de la seconde décision comitologie que les critères applicables au choix de la procédure de comité ont été définis par ladite décision dans le souci d'une plus grande cohérence et prévisibilité dans le choix du type de comité.

54. Un tel objectif serait compromis si le législateur communautaire pouvait, lors de l'adoption d'un acte de base conférant des compétences d'exécution à la Commission, s'écarter des critères définis par la seconde décision comitologie sans avoir à exposer les raisons qui l'y ont conduit.

55. Il résulte de ce qui précède que, lorsque le législateur communautaire s'écarte, dans le choix d'une procédure de comité, des critères qui sont énoncés à l'article 2 de la seconde décision comitologie, il doit motiver ce choix.

56. Il convient dès lors d'examiner si, en l'espèce, le législateur communautaire, en choisissant, dans le règlement n° 1655-2000, de recourir à la procédure de réglementation, a fait un choix qui s'écarte des critères énoncés par la seconde décision comitologie et si, partant, ce choix devait faire l'objet d'une motivation dans ledit règlement.

57. La Commission soutient à cet égard que l'application des critères définis à l'article 2 de la seconde décision comitologie aurait dû conduire le législateur communautaire à choisir, dans le cas du règlement n° 1655-2000, la procédure de gestion et non la procédure de réglementation.

58. Selon la Commission, les mesures à prendre pour l'exécution du règlement n° 1655-2000 sont des mesures de gestion. En effet, il s'agirait pour la Commission, d'une part, d'établir la liste des projets susceptibles de faire l'objet d'un financement communautaire, après avoir vérifié qu'ils remplissent l'ensemble des conditions et critères énoncés par le règlement n° 1655-2000, et, d'autre part, d'établir des lignes directrices, conformément à l'article 4, paragraphe 4, dudit règlement. Ces lignes directrices seraient strictement liées à la gestion du programme LIFE et viseraient essentiellement à donner aux candidats potentiels un guide pratique de présentation des projets de démonstration éligibles à LIFE-Environnement.

59. Le Parlement et le Conseil se bornent à soutenir que les critères de l'article 2 de la seconde décision comitologie ne produisent aucun effet juridique, sans prendre position sur la question de savoir si le choix de la procédure de réglementation effectué à l'article 11, paragraphe 2, du règlement n° 1655-2000 s'écarte desdits critères.

60. À cet égard, il convient de constater, ainsi que l'a fait M. l'avocat général aux points 121 à 123 de ses conclusions, que les mesures que la Commission est habilitée à adopter en vertu des compétences d'exécution que lui confère le règlement n° 1655-2000 s'analysent comme des mesures de gestion relatives à la mise en œuvre d'un programme ayant des incidences budgétaires notables, au sens de l'article 2, sous a), de la seconde décision comitologie.

61. Ces mesures d'exécution relevaient donc en principe de la procédure de gestion définie à l'article 4 de la seconde décision comitologie ou, le cas échéant, conformément à l'article 2, sous c), de ladite décision, de la procédure consultative définie à son article 3.

62. Il s'ensuit que, lorsqu'il a choisi, comme il était en droit de le faire, de s'écarter des critères indicatifs définis par l'article 2 de la seconde décision comitologie en décidant de recourir, pour l'adoption des mesures d'exécution du règlement n° 1655-2000, à la procédure de réglementation définie à l'article 5 de ladite décision, le législateur communautaire était tenu de motiver ce choix.

Sur le respect de l'obligation de motivation

63. La Commission soutient que le règlement n° 1655-2000 ne contient aucune motivation adéquate en ce qui concerne le choix de la procédure de comité effectué dans ledit règlement et que la déclaration du Conseil faite lors de l'adoption de celui-ci ne permet pas de satisfaire à l'obligation de le motiver sur ce point.

64. Le Conseil soutient que, bien qu'il ne fût pas tenu de le faire, le législateur communautaire a motivé de manière appropriée, au vingtième considérant du règlement n° 1655-2000, sa décision de recourir à un comité de réglementation, motivation qui a été développée sous la forme de la déclaration que le Conseil a faite lors de l'adoption dudit règlement et publiée au Journal officiel des Communautés européennes.

65. À cet égard, il convient de relever d'emblée que ladite déclaration ne saurait être prise en compte en vue d'apprécier si le règlement n° 1655-2000 satisfait à l'obligation de motivation établie par l'article 253 CE.

66. En effet, d'une part, la motivation d'un acte communautaire doit figurer dans celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, C-291-98 P, Rec. p. I-9991, points 73 et 75) et, d'autre part, elle doit être adoptée par l'auteur de l'acte lui-même (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C-137-92 P, Rec. p. I-2555, point 67), de sorte que, en l'espèce, une déclaration adoptée par le Conseil seul ne peut en tout état de cause servir à motiver un règlement adopté conjointement par le Parlement et le Conseil, tel le règlement n° 1655-2000.

67. S'agissant de la question de savoir si le règlement n° 1655-2000 contient lui-même une motivation suffisante en ce qui concerne le choix de la procédure de comité applicable, il convient de constater que le vingtième considérant dudit règlement, qui est la seule disposition de celui-ci susceptible de fournir une telle motivation, se borne à indiquer qu'il y a lieu d'arrêter les mesures nécessaires pour la mise en œuvre dudit règlement "en conformité" avec la seconde décision comitologie.

68. Or, une telle indication, qui équivaut à un simple renvoi au texte communautaire applicable, ne peut pas constituer une motivation suffisante (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 1986, Usinor/Commission, 185-85, Rec. p. 2079, point 21). En effet, elle ne permet pas de connaître les raisons particulières pour lesquelles la procédure de réglementation a été choisie dans le cas du règlement n° 1655-2000, alors que ce choix n'apparaît pas conforme aux critères indicatifs définis à l'article 2 de la seconde décision comitologie.

69. Il s'ensuit que le moyen tiré par la Commission de la violation de l'obligation de motivation établie par l'article 253 CE est fondé.

70. Dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner le dernier moyen invoqué par la Commission, tiré de la violation de la lettre et de la finalité de la seconde décision comitologie.

71. La Commission a conclu à l'annulation du règlement n° 1655-2000 en tant qu'il soumet l'adoption des mesures de mise en œuvre du programme LIFE à la procédure de réglementation prévue à l'article 5 de la seconde décision comitologie. Le recours de la Commission tend donc à obtenir l'annulation de l'article 11, paragraphe 2, du règlement n° 1655-2000, dont résulte le choix de la procédure de réglementation prévue à l'article 5 de la seconde décision comitologie pour l'adoption des mesures de mise en œuvre du programme LIFE.

72. Il découle des considérations qui précèdent que l'article 11, paragraphe 2, du règlement n° 1655-2000 doit être annulé.

Sur la limitation des effets de l'annulation

73. La Commission demande à la Cour de maintenir les effets du règlement n° 1655-2000 jusqu'à sa modification, à intervenir dans les plus brefs délais après l'adoption du présent arrêt.

74. Dans l'intérêt de la sécurité juridique, il convient de faire droit à la demande de la Commission.

75. Il y a donc lieu pour la Cour de faire usage du pouvoir d'indiquer les effets d'un règlement annulé qui doivent être considérés comme définitifs, pouvoir que lui confère l'article 231, second alinéa, CE.

76. Il sera, dans les circonstances de l'espèce, fait un juste usage de ce pouvoir en décidant que les mesures d'exécution du règlement n° 1655-2000 déjà adoptées à la date du présent arrêt ne sont pas affectées par celui-ci et que les effets de l'article 11, paragraphe 2, du règlement n° 1655-2000 seront intégralement maintenus jusqu'à ce que le Parlement et le Conseil adoptent de nouvelles dispositions concernant la procédure de comité à laquelle sont soumises les mesures d'exécution dudit règlement.

Sur les dépens

77. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Parlement et du Conseil et ceux-ci ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête:

1) L'article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1655-2000 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juillet 2000, concernant un instrument financier pour l'environnement (LIFE), est annulé.

2) Les mesures d'exécution du règlement n° 1655-2000 déjà adoptées à la date du présent arrêt ne sont pas affectées par celui-ci.

3) Les effets de l'article 11, paragraphe 2, du règlement n° 1655-2000 sont intégralement maintenus jusqu'à ce que le Parlement et le Conseil adoptent de nouvelles dispositions concernant la procédure de comité à laquelle sont soumises les mesures d'exécution dudit règlement.

Le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne sont condamnés aux dépens.