CJCE, 5e ch., 11 juillet 1990, n° C-305/86
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Neotype Techmashexport GmbH
Défendeur :
Commission et Conseil des Communautés européennes, Groupement des industries de matériels d'équipement électrique et de l'électronique industrielle associée
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
Sir Slynn
Avocat général :
M. Van Gerven
Juges :
MM. Zuleeg, Joliet, Moitinho de Almeida, Rodríguez Iglesias
Avocats :
Mes Dirk Schroeder, Schuette, Ivo Van Bael, Bellis
LA COUR (cinquième chambre),
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 4 décembre 1986, la société de droit allemand Neotype Techmashexport GmbH (ci-après "Neotype") a, en vertu de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, demandé l'annulation de l'article 2 du règlement (CEE) n° 3019-86 de la Commission, du 30 septembre 1986, instituant un droit antidumping provisoire à l'égard des importations de moteurs électriques polyphasés normalisés d'une puissance de plus de 0,75 à 75 kilowatts inclus (ci-après "moteurs électriques"), originaires de Bulgarie, de Hongrie, de Pologne, de la République démocratique allemande, de Roumanie, de Tchécoslovaquie et d'Union soviétique (JO L 280, p. 68 - ci-après "règlement provisoire"), dans la mesure où cet article concerne l'importation par la requérante de moteurs électriques originaires d'Union soviétique (affaire C-305-86).
2 Par ordonnance du 8 mai 1987, la Cour a admis le Groupement des industries de matériels d'équipement électrique et de l'électronique industrielle associée (ci-après "Gimelec") à intervenir, dans l'affaire 305-86, à l'appui des conclusions de la partie défenderesse.
3 Par requête déposée au greffe de la Cour le 1er juin 1987, Neotype a, en vertu de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, demandé l'annulation des articles 1er et 2 du règlement (CEE) n° 864-87 du Conseil, du 23 mars 1987, instituant un droit antidumping définitif à l'égard des importations de moteurs électriques polyphasés normalisés, d'une puissance de plus de 0,75 à 75 kilowatts inclus, originaires de Bulgarie, de Hongrie, de Pologne, de la République démocratique allemande, de Tchécoslovaquie et d'Union soviétique, et portant perception définitive des montants garantis à titre de droit provisoire (JO L 83, p. 1 - ci-après "règlement définitif"), dans la mesure où ces dispositions concernent l'importation par la requérante de moteurs électriques originaires d'Union soviétique et portent perception définitive des montants déposés en garantie par la requérante (affaire C-160-87).
4 Par ordonnances des 30 septembre et 15 octobre 1987, la Cour a admis respectivement Gimelec et la Commission des Communautés européennes à intervenir, dans l'affaire C-160-87, à l'appui des conclusions de la partie défenderesse.
5 Par ordonnance de la Cour du 11 novembre 1987, les affaires C-305-86 et C-160-87 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l'arrêt.
6 Neotype est une société dont les activités portent, entre autres, sur l'importation de moteurs électriques originaires d'Union soviétique et exportés par la société soviétique Energomachexport, qui est un des actionnaires de Neotype.
7 En octobre 1985, Gimelec, soutenu par quatre autres associations nationales de l'électronique, a saisi la Commission d'une demande de réexamen de certaines mesures antidumping, conformément à l'article 14 du règlement (CEE) n° 2176-84 du Conseil, du 23 juillet 1984, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 201, p. 1). Cette demande visait le réexamen des décisions par lesquelles les engagements de prix souscrits par les exportateurs concernés avaient été acceptés par les institutions dans le cadre d'une procédure antidumping antérieure concernant les importations de moteurs électriques originaires de Bulgarie, de Pologne, de la République démocratique allemande, de Roumanie, de Tchécoslovaquie, de Hongrie et d'Union soviétique.
8 Le 30 septembre 1986, le Conseil et la Commission ont dénoncé les engagements précités et la Commission a institué, par le règlement n° 3019-86, précité, du même jour, un droit provisoire sur les importations de moteurs électriques originaires, entre autres, d'Union soviétique.
9 Le 23 mars 1987, le Conseil a arrêté le règlement n° 864-87, précité, instituant un droit antidumping définitif sur les importations susmentionnées et portant perception définitive des montants garantis à titre de droit provisoire.
10 Pour un plus ample exposé des faits de l'affaire, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.
Sur le recours dirigé contre le règlement provisoire (affaire C-305-86)
11 La Commission, soutenue par la partie intervenante Gimelec, conteste la recevabilité du recours dirigé contre le règlement provisoire.
12 Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que cette question est indépendante de la possibilité d'invoquer l'illégalité du règlement provisoire comme cause d'illégalité du règlement définitif.
13 En ce qui concerne l'intérêt de Neotype à attaquer le règlement provisoire, il y a lieu de constater que, compte tenu du fait que les montants garantis à titre de droit antidumping provisoire ont été perçus, en vertu de l'article 2, paragraphe 1, du règlement définitif, au taux du droit définitivement institué, aucun effet juridique découlant du règlement provisoire ne peut être invoqué par Neotype (voir les arrêts du 5 octobre 1988, Brother/Commission, point 6, 56-85, Rec. p. 5655, et Technointorg/Commission et Conseil, point 12, 294-86 et 77-87, Rec. p. 6077).
14 En ce qui concerne l'intérêt de Neotype à faire constater la nullité du règlement provisoire en vue de réclamer des dommages et intérêts, il y a lieu de remarquer que Neotype pourrait, dans la mesure où les montants garantis en application du règlement provisoire ont été perçus en vertu du règlement définitif, invoquer l'illégalité du règlement définitif à l'appui d'une demande de réparation d'éventuels préjudices causés par le règlement provisoire. Dans cette mesure, le règlement définitif s'est en effet substitué au règlement provisoire; la légalité du règlement provisoire n'est dès lors pas susceptible d'avoir une incidence sur le fondement d'une demande en indemnisation.
15 En ce qui concerne les montants garantis qui ont été libérés du fait que le taux du droit définitif est inférieur au taux du droit provisoire, il convient de souligner que l'intérêt de Neotype à faire constater la nullité du règlement provisoire en vue de réclamer des dommages et intérêts ne pourrait être reconnu que dans la mesure où Neotype aurait visé un préjudice relatif auxdits montants garantis. A cet égard, il y a lieu de constater que Neotype n'a, à aucun stade de la procédure devant la Cour, précisé un dommage quelconque qu'elle aurait subi en vertu de l'application du règlement attaqué.
16 Dans ces conditions, il convient de conclure que la partie requérante ne justifie pas d'un intérêt à agir en ce qui concerne le recours dirigé contre le règlement provisoire. Ce recours doit, dès lors, être rejeté comme irrecevable sans qu'il soit nécessaire de considérer les arguments tirés de la nature du règlement provisoire.
Sur le recours dirigé contre le règlement définitif (affaire C-160-87)
Sur la recevabilité
17 Dans ses observations, la partie intervenante Gimelec soutient que le recours formé par Neotype contre le règlement définitif est irrecevable dans la mesure où les constatations formulées dans ce règlement, relatives à l'existence d'une pratique de dumping, ne concernent pas la requérante directement, puisque la marge de dumping pour les marchandises exportées avait été établie en fonction des prix à l'exportation de l'exportateur concerné, et non pas en fonction des prix de revente pratiqués par la requérante.
18 S'agissant d'une fin de non-recevoir d'ordre public, qu'il convient d'examiner d'office, en vertu de l'article 92, paragraphe 2, du règlement de procédure, il n'y a pas lieu d'examiner le point de savoir si une partie intervenante peut soulever une exception d'irrecevabilité qui ne l'a pas été par la partie dont elle soutient les conclusions.
19 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les règlements instituant un droit antidumping, bien qu'ils aient, par leur nature et leur portée, un caractère normatif, concernent directement et individuellement, entre autres, ceux des importateurs dont les prix de revente des marchandises en cause sont à la base de la construction du prix à l'exportation, conformément à l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement n° 2176-84, en cas d'association entre l'exportateur et l'importateur (voir arrêts du 29 mars 1979, ISO/Conseil, point 16, 118-77, Rec. p. 1277, et du 21 février 1984, Allied Corporation I/Commission, points 11 et 15, 239-82 et 275-82, Rec. p. 1005, ainsi que les ordonnances de la Cour du 8 juillet 1987, Sermes/Commission, points 14 à 16, 279-86, Rec. p. 3109, et Frimodt Pedersen/Commission, points 14 à 16, 301-86, Rec. p. 3123).
20 Les considérations qui sont à la base de cette jurisprudence valent aussi dans le cas où ce n'est pas l'existence d'une pratique de dumping qui est constatée en fonction des prix de revente de ces importateurs, mais le calcul du droit antidumping lui-même. Ainsi qu'il ressort de l'article 1er, paragraphe 4, sous a), du règlement définitif, le prix unitaire net franco frontière de la Communauté, en fonction duquel se détermine le montant du droit antidumping éventuellement à acquitter, correspond, pour les importateurs associés, à la valeur en douane au sens de l'article 6 du règlement (CEE) n° 1224-80 du Conseil, du 28 mai 1980, relatif à la valeur en douane des marchandises (JO L 134, p. 1). Selon cette disposition, la valeur en douane se fonde essentiellement sur le prix auquel les marchandises importées sont vendues par l'importateur concerné à des personnes non liées au vendeur. Les importateurs associés sont donc en mesure d'influencer, par ces prix de revente pratiqués pour les produits en cause vis-à-vis des acheteurs indépendants, le montant du droit à acquitter.
21 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que Neotype, qui est associée à l'exportateur des marchandises en cause, Energomachexport, et à laquelle la méthode de calcul précitée a été appliquée en vertu de l'article 1er, paragraphe 4, sous b), du règlement définitif, est directement et individuellement concernée par ce règlement.
22 Il résulte de ce qui précède que le recours introduit par Neotype dans l'affaire C-160-87 est recevable.
Sur le fond
23 Neotype invoque, à l'encontre du règlement définitif, les moyens suivants :
- calcul erroné de la valeur normale, notamment au regard du choix du pays de référence;
- motivation insuffisante du choix du pays de référence;
- détermination erronée du préjudice;
- méthode illicite de fixation du droit antidumping;
- inadmissibilité de la perception définitive des montants garantis à titre de droit provisoire.
Sur le moyen tiré du calcul erroné de la valeur normale
24 Par son premier moyen, Neotype fait d'abord valoir que la Yougoslavie, choisie comme pays de référence aux fins de l'établissement de la valeur normale, n'est pas un pays à économie de marché au sens de l'article 2, paragraphe 5, du règlement n° 2176-84 du fait qu'il existe un système de contrôle des prix maintenant ceux-ci, et notamment les prix des moteurs électriques, à un niveau artificiellement élevé.
25 A cet égard, il y a lieu de constater que l'article 2, paragraphe 5, du règlement n° 2176-84 prévoit que, dans le cas d'importations en provenance de pays n'ayant pas une économie de marché, la valeur normale est déterminée d'une manière appropriée et non déraisonnable, essentiellement, sur la base du prix effectivement pratiqué pour le produit similaire dans un pays à économie de marché.
26 Il convient de rappeler que le but de la disposition précitée est d'éviter la prise en considération des prix et des coûts dans les pays n'ayant pas une économie de marché, c'est-à-dire qui ne sont pas la résultante normale des forces qui s'exercent sur le marché (voir arrêt du 5 octobre 1988, Technointorg, précité, point 29).
27 Il y a lieu d'observer ensuite que l'article 2, paragraphe 5, précité, qualifie de pays n'ayant pas une économie de marché en particulier ceux des pays auxquels s'appliquent le règlement (CEE) n° 1765-82, du 30 juin 1982, relatif au régime commun applicable aux importations de pays à commerce d'État (JO L 195, p. 1), et que la Yougoslavie n'est pas au nombre des pays visés par ce règlement.
28 Il convient donc d'examiner si, dans ce pays, le commerce des moteurs électriques fait l'objet d'un monopole complet ou presque complet ou si tous les prix intérieurs sont fixés par l'État. Or, ces deux conditions ne sont pas remplies dans le cas de la Yougoslavie. Comme l'indique le point 5 du règlement définitif, dont l'exactitude n'a pas été contestée par Neotype, il existe en Yougoslavie au moins trois entreprises commercialisant des moteurs électriques tant sur le marché intérieur que sur le marché de la Communauté. En outre, il ressort des pièces annexées au recours qu'il n'existait à l'époque aucun système général de fixation des prix en Yougoslavie et qu'en tout état de cause un tel système était inexistant dans le secteur des moteurs électriques.
29 L'argument de Neotype selon lequel la Yougoslavie n'est pas un pays à économie de marché au sens de l'article 2, paragraphe 5, du règlement précité doit donc être rejeté.
30 Neotype maintient encore que les prix yougoslaves ne constituent pas une base de comparaison appropriée et raisonnable au motif que la taille de ce marché serait insuffisante, notamment par rapport aux marchés des pays de référence retenus aux fins des mesures antidumping antérieures, et qu'il n'y aurait pratiquement pas d'importations vers la Yougoslavie susceptibles de créer quelque concurrence.
31 Ce raisonnement ne saurait être accepté. La taille du marché intérieur n'est pas, en principe, un élément susceptible d'entrer en considération dans le choix d'un pays de référence au sens de l'article 2, paragraphe 5, précité, dès lors qu'il y a, pendant la période d'enquête, un nombre suffisant de transactions pour garantir la représentativité de ce marché par rapport aux exportations en cause. Dans ce contexte, il convient de rappeler que, dans l'arrêt du 5 octobre 1988, Brother, points 12 et 13 (250-85, Rec. p. 5683), la Cour a rejeté la contestation de la pratique des institutions consistant à fixer le seuil de représentativité du marché intérieur, aux fins du calcul de la valeur normale selon l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2176-84, à 5 % des exportations en cause. Il ne résulte ni du dossier ni des débats menés devant la Cour que le marché yougoslave n'était pas représentatif dans le sens précité.
32 En ce qui concerne l'absence alléguée d'importations de moteurs électriques en Yougoslavie, il y a lieu de constater que ce fait ne suffirait pas à lui seul pour nier l'aptitude du marché yougoslave à servir de référence, dès lors qu'il existe sur ce marché une situation concurrentielle suffisante pour garantir la représentativité des prix qui y sont pratiqués. Au cours de la période considérée, il y avait trois producteurs de moteurs électriques sur le marché yougoslave. Même si les prix pratiqués par ces entreprises sur le marché intérieur étaient plus ou moins identiques, comme le prétend Neotype, cette circonstance ne suffirait pas à elle seule pour conclure à l'inexistence de concurrence, la similitude éventuelle des prix pouvant s'expliquer par des facteurs autres qu'un contrôle de prix exercé par l'État.
33 Il convient de relever, par ailleurs, que le fait d'avoir déterminé la valeur normale sur la base des prix pratiqués sur le marché yougoslave a conduit à définir une marge de dumping des moteurs électriques originaires d'Union soviétique qui est sensiblement inférieure à celle qui avait été établie dans le règlement provisoire et que le niveau de ces prix était donc en toute hypothèse moins élevé que celui des prix pratiqués sur le marché suédois.
34 Dans ces conditions, on ne saurait considérer que le Conseil a dépassé la marge d'appréciation accordée aux institutions par l'article 2, paragraphe 5, précité, en choisissant la Yougoslavie comme pays de référence.
35 Neotype soutient ensuite qu'en calculant la valeur normale le Conseil n'a pas tenu compte du taux d'inflation yougoslave, qui aurait atteint 80 % en 1985.
36 En réponse à une question posée sur ce point par la Cour, le Conseil et la Commission ont exposé que, dans le règlement définitif, la valeur normale avait été calculée sur la base de la moyenne pondérée des prix de vente intérieurs pratiqués par les producteurs yougoslaves au cours de l'année de référence 1985. La différence entre les taux d'inflation de la Communauté et ceux de la Yougoslavie se serait répercutée dans les fluctuations du taux de change écu-dinar, qui aurait subi un accroissement de 78,7 %.
37 Il y a lieu de constater qu'en choisissant une telle méthode pour prendre en considération le taux d'inflation dans le pays de référence le Conseil n'a pas dépassé la marge d'appréciation reconnue aux institutions dans l'évaluation de situations économiques complexes comme celle de l'espèce. Neotype n'a, par ailleurs, apporté aucun élément pour démontrer que cette méthode ne permettait pas de tenir compte de manière appropriée du taux d'inflation yougoslave pendant la période d'enquête.
38 Le grief de Neotype relatif à l'ignorance du taux d'inflation yougoslave n'est dès lors pas fondé.
39 Enfin, Neotype fait valoir que le taux de change officiel du dinar yougoslave retenu par le Conseil aux fins du calcul de la marge de dumping ne correspondait pas à la valeur réelle de cette devise, les banques de la Communauté ne versant que 0,15 à 0,17 DM pour 100 dinars, alors que le cours officiel d'achat aurait été de 0,27 DM.
40 A cet égard, il convient de rappeler que, dans l'arrêt du 7 mai 1987, Nachi Fujikoshi/Conseil, point 53 (255-84, Rec. p. 1861), la Cour a décidé que, pour la détermination d'une marge de dumping, les institutions peuvent prendre en compte les taux de change officiels sur la base desquels s'effectuent les transactions du commerce international.
41 Les arguments avancés par Neotype ne sauraient mettre en cause la validité de cette méthode appliquée en l'espèce aux fins du calcul de la valeur normale. D'une part, les cours de change auxquels se réfère la requérante ne sont pas applicables aux transactions commerciales entre la Communauté et la Yougoslavie, mais représentent des cours d'achat des billets de banque pratiqués par les banques en République fédérale d'Allemagne. D'autre part, il n'existe aucune raison d'appliquer la méthode précitée, comme l'a d'ailleurs reconnu la requérante dans sa réponse écrite à une question de la Cour, pour définir la valeur normale applicable aux exportations yougoslaves, alors qu'une méthode de calcul différente doit être choisie pour les exportateurs des pays à commerce d'État concernés par le règlement définitif.
42 Le raisonnement de Neotype relatif aux cours de change du dinar retenus par le Conseil ne saurait donc être accepté.
43 Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du calcul prétendument erroné de la valeur normale doit être rejeté.
Sur le moyen tiré de l'insuffisante motivation du choix du pays de référence
44 Neotype estime que le choix de la Yougoslavie comme pays de référence aux fins de la détermination de la valeur normale n'a pas été suffisamment motivé.
45 A cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante (voir, notamment, arrêts du 7 mai 1987, Nachi Fujikoshi/Conseil, précité, point 39, et du 14 mars 1990, Gestetner/Commission, point 69, 156-87, Rec. p. 0000), la motivation exigée par l'article 190 du traité doit faire apparaître, d'une manière claire et non équivoque, le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et à la Cour d'exercer son contrôle.
46 Cette exigence a été satisfaite en l'espèce. Le choix de la Yougoslavie comme pays de référence fait l'objet de la partie C de la motivation du règlement définitif et, notamment, de son point 8. Il y est exposé, entre autres, que la Commission a, depuis l'imposition du droit provisoire et suite à l'ouverture d'une procédure antidumping parallèle à l'égard des moteurs électriques originaires de Yougoslavie, procédé à une vérification des prix pratiqués par trois producteurs-exportateurs yougoslaves sur le marché intérieur. Le Conseil constate, en outre, que la Yougoslavie est un pays à économie de marché et que le fait d'établir la valeur normale des produits vendus dans les pays à commerce d'État en question sur la base des prix du marché yougoslave a permis d'assurer une égalité de traitement de tous les exportateurs impliqués dans les deux procédures en cours.
47 Le moyen tiré par Neotype d'une motivation insuffisante du choix de la Yougoslavie comme pays de référence doit dès lors être rejeté.
Sur le moyen tiré de la détermination erronée du préjudice
48 Neotype soutient que le Conseil a commis des erreurs manifestes lors de la détermination du préjudice. En ne comparant que les chiffres à l'importation des années 1982 à 1985, le Conseil aurait négligé la réduction considérable des importations observée au cours de la période précédente, c'est-à-dire de 1977 à 1981. En outre, la part de marché des importations en provenance des pays visés par le règlement définitif aurait diminué, entre 1982 et 1985, de 13 % et, par rapport à 1978, même de 27,5 %.
49 En ce qui concerne le premier argument avancé par Neotype, il convient de rappeler que la procédure antidumping qui a abouti à l'adoption du règlement définitif avait été ouverte à la suite d'une demande de réexamen formulée par les associations des producteurs communautaires concernés. Cette enquête avait pour objet de vérifier si les engagements souscrits par les exportateurs des pays concernés et acceptés par les institutions au cours d'une procédure antidumping antérieure continuaient à être suffisants pour éliminer le préjudice causé par les importations faisant l'objet de dumping. Les chiffres des importations réalisées avant 1982 avaient donc déjà été pris en considération dans le cadre de cette procédure antidumping antérieure. Il n'y avait dès lors pas lieu de les utiliser dans l'examen de la situation postérieure à 1982.
50 En ce qui concerne la diminution de la part de marché des moteurs électriques importés, invoquée par Neotype, il convient de relever que, selon l'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 2176-84, l'examen du préjudice doit comprendre un ensemble de facteurs dont l'un ou l'autre ne saurait à lui seul constituer une base de jugement déterminante.
51 En l'espèce, le Conseil, tout en reconnaissant que la part du marché des importations en cause a diminué de 23 % en 1982 à 19,6 % en 1985, a déterminé le préjudice en fonction de plusieurs facteurs énumérés à l'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 2176-84. Ainsi, comme l'indique le point 25 du règlement provisoire auquel se réfère le point 19 du règlement définitif, le volume des importations des moteurs électriques en provenance des pays en cause a augmenté de 716 000 unités en 1982 à 748 300 unités en 1985 après avoir subi une diminution à 604 000 et 689 500 unités respectivement en 1983 et 1984. Aux points 21 à 24 du règlement définitif, il est, en outre, fait état d'une sous-cotation non négligeable des prix de revient de même que des prix de vente des producteurs communautaires en fonction des prix de revente des moteurs électriques importés. Le Conseil constate ensuite, aux points 25 et 26 du règlement attaqué, que, en dépit d'un accroissement depuis 1982 des ventes et de la production, les producteurs communautaires de moteurs électriques ont connu des pertes d'exploitation variant entre 2 et 25 % du prix de revient, à l'exception de deux seules entreprises dont l'une est située dans un État membre où la pénétration des importations en cause est très faible. Enfin, il est exposé, au point 26 du règlement définitif, que les emplois directement concernés par la production de moteurs électriques dans la Communauté ont continué de décliner entre 1982 et 1985.
52 Eu égard à ces circonstances, dont l'exactitude n'a pas été contestée par Neotype, on ne saurait admettre que, en concluant à l'existence d'un préjudice important causé aux producteurs communautaires par les importations en cause, et cela malgré la diminution de leur part de marché dans la mesure susmentionnée, le Conseil ait dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation.
53 Neotype soutient encore que le Conseil aurait dû calculer la part de marché des moteurs électriques en provenance des pays concernés non pas sur la base des chiffres des importations, mais sur celle des ventes dans la Communauté, dont le nombre serait moins élevé que celui des importations en raison de la durée de stockage.
54 A cet égard, il suffit de constater qu'une divergence éventuelle entre les chiffres des importations et des ventes provoquée par la nécessité de maintenir des stocks dans la Communauté ne représente qu'un problème temporaire correspondant à la phase de constitution de ces stocks, mais on ne saurait raisonnablement admettre qu'à long terme le volume des moteurs électriques importés dépasse de manière sensible le volume des ventes de ces moteurs. Vu le fait que des moteurs électriques en provenance des pays concernés ont déjà été vendus dans la Communauté en quantités considérables pendant les années 70 et que la constitution des stocks devait donc être achevée, on ne saurait reprocher au Conseil d'avoir calculé la part du marché pendant la période d'enquête sur la base des importations.
55 Au vu de ce qui précède, le moyen tiré de la détermination prétendument erronée du préjudice doit être rejeté.
Sur le moyen tiré de la méthode illicite de fixation du droit antidumping
56 Par son quatrième moyen, Neotype fait valoir que le règlement n° 2176-84 n'autorise pas le Conseil à fixer, à l'égard des importateurs associés, un droit antidumping variable en fonction de la différence entre le prix mentionné à l'annexe du règlement attaqué et la valeur en douane déterminée selon l'article 6 du règlement n° 1224-80, précité.
57 Selon l'article 6, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, la valeur en douane des marchandises importées se fonde, en premier lieu, sur le prix unitaire correspondant aux ventes des marchandises importées, ou des marchandises identiques ou similaires importées, à des personnes non liées aux vendeurs, au moment ou à une date proche de l'importation des marchandises à évaluer. Si de telles ventes n'ont pas eu lieu, la valeur en douane se fonde, en vertu du paragraphe 1, sous b), de cette disposition, sur le prix unitaire auquel les marchandises importées, ou des marchandises identiques ou similaires importées, sont vendues dans la Communauté, à la date la plus proche qui suit l'importation des marchandises à évaluer, mais dans les 90 jours à compter de cette importation.
58 En ce qui concerne ce moyen, il convient de rappeler d'abord qu'en vertu de l'article 13, paragraphe 2, du règlement n° 2176-84 les règlements instituant un droit antidumping indiquent en particulier le montant et le type de droit institué ainsi que certains autres éléments. Il résulte de cette disposition que les institutions sont libres de choisir, dans les limites de leur marge d'appréciation, entre les différents types de droit.
59 Comme l'indique le point 38 du règlement attaqué, le Conseil a décidé, dans un souci de transparence, d'efficacité et d'incitation des exportateurs à augmenter leurs prix, d'instituer un droit variable calculé en fonction de la différence entre un prix minimal et le prix au premier acheteur indépendant. Le Conseil a, en outre, estimé nécessaire de baser, en fonction des importateurs qui sont liés à un exportateur, le calcul d'un éventuel droit antidumping sur le prix au premier acheteur non lié à l'exportateur, déterminé selon l'article 6 du règlement n° 1224-80.
60 En procédant de telle sorte, le Conseil n'a pas dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation dès lors que, notamment, un droit variable est, en général, plus favorable aux opérateurs économiques concernés, du fait qu'il permet d'éviter toute perception de droits antidumping, à la condition, toutefois, que les importations soient effectuées à des prix qui se situent au-dessus du prix minimal fixé.
61 En ce qui concerne la détermination du prix au premier acheteur indépendant, il convient de constater que l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement n° 2176-84 reconnaît qu'aux fins d'examen d'une pratique alléguée de dumping le prix à l'exportation payé ou à payer par un importateur qui est associé avec l'exportateur ne peut servir de référence. Cette disposition prévoit que, dans un tel cas, le prix à l'exportation peut être construit sur la base du prix auquel le produit est revendu pour la première fois à un acheteur indépendant. Les mêmes incertitudes à l'égard des transactions entre parties qui sont associées entrent en jeu en l'espèce en ce qui concerne la détermination du prix unitaire net franco frontière de la Communauté en fonction duquel le montant du droit antidumping varie.
62 Le règlement n° 1224-80 lui-même prévoit d'ailleurs, à son article 3, paragraphe 2, sous b), qu'aux fins de la détermination de la valeur en douane dans une vente entre personnes liées la valeur transactionnelle n'est acceptée que si elle est très proche d'une valeur établie en fonction des éléments autres que ceux afférents à la transaction en cause. Une des valeurs de référence indiquées à cette disposition (sous i) est la valeur en douane de marchandises identiques ou similaires, telle qu'elle est déterminée par application de l'article 6 dudit règlement.
63 Dans ces circonstances, on ne saurait reprocher au Conseil d'avoir fixé pour les importateurs associés, dont Neotype, le montant du droit antidumping variable en fonction de la valeur en douane, au sens de l'article 6 du règlement n° 1224-80.
64 Neotype fait encore valoir que la méthode de calcul subsidiaire, mentionnée à l'article 1er, paragraphe 4, sous a), du règlement définitif, à savoir la détermination du prix net franco frontière sur la base de la valeur en douane au sens de l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1224-80, n'est pas suffisamment précise et viole le principe de clarté des actes administratifs.
65 Cette disposition prévoit que :
"Si la valeur en douane des marchandises importées ne peut être déterminée par application des articles 3, 4, 5, 6 ou 7, elle est déterminée par des moyens raisonnables compatibles avec les principes et les dispositions générales de l'accord et de l'article VII de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce et sur la base des données disponibles dans la Communauté."
66 Compte tenu des garanties ainsi prévues par l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1224-80 et du fait que y est indiquée une méthode subsidiaire, le renvoi à cette disposition par le règlement définitif doit être regardé comme conciliable avec le règlement n° 2176-84 et avec les principes généraux du droit communautaire. Dans l'éventualité où les autorités douanières devraient se baser, dans un cas particulier, sur cette méthode de calcul subsidiaire, il appartiendrait aux autorités administratives nationales de veiller à ce que la définition du montant du droit antidumping variable se fasse de manière transparente et dans les limites fixées à l'article 2, paragraphe 3, précité.
67 Le moyen de Neotype tiré de la méthode prétendument illicite de la fixation du droit antidumping doit donc être rejeté.
Sur le moyen tiré de l'inadmissibilité de la perception définitive des montants garantis à titre de droit provisoire
68 Neotype soutient, enfin, que la perception définitive, en vertu de l'article 2 du règlement définitif, des montants garantis à titre de droit antidumping provisoire est illicite dans la mesure où le règlement provisoire était nul et ne pouvait dès lors pas être confirmé par le règlement définitif.
69 A cet égard, il y a lieu de relever, à titre liminaire, que la légalité du règlement définitif portant perception du droit antidumping provisoire ne peut être affectée par une illégalité éventuelle du règlement provisoire que dans la mesure où celle-ci s'est répercutée sur le règlement définitif.
70 Il convient de constater que les moyens invoqués par Neotype à l'encontre du règlement provisoire ne sauraient être invoqués à l'encontre du règlement définitif. Le premier moyen de Neotype selon lequel le règlement provisoire serait illégal en raison d'une irrégularité commise dans la procédure d'audition n'affecte pas la perception définitive du droit provisoire. En effet, même si Neotype n'avait pas été informée en temps utile de l'institution du droit provisoire, cette circonstance ne saurait se répercuter sur la perception définitive de ce droit dans la mesure où Neotype a eu la possibilité de faire connaître ses arguments avant que n'intervienne le règlement définitif. S'agissant des deuxième et troisième moyens invoqués par Neotype, il convient de souligner que le choix de la Suède comme pays de référence a été modifié dans le règlement définitif, qui est fondé sur les conditions du marché yougoslave. Le quatrième moyen tiré de la détermination erronée du préjudice qui a également été invoqué à l'encontre du règlement définitif a été rejeté ci-dessus (voir points 48 à 55). Par son cinquième moyen, Neotype a contesté la méthode appliquée pour la fixation du droit provisoire. A cet égard, il suffit de relever que cette méthode ne saurait affecter la légalité du règlement définitif qui a été adopté au terme d'une procédure distincte et en fonction d'éléments d'appréciation nouveaux.
71 Le moyen tiré de l'inadmissibilité de la perception définitive des montants garantis en vertu du droit provisoire doit, dès lors, être rejeté.
72 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
73 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux des parties intervenantes qui ont conclu en ce sens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre),
déclare et arrête :
1) Les recours sont rejetés.
2) La partie requérante est condamnée aux dépens, y compris ceux des parties intervenantes.