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Décisions

CAA Nantes, 1re ch. B, 28 novembre 2005, n° 03NT01769

NANTES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Bureau d'Etudes Neuilly (SA)

Défendeur :

Ministre de l'Economie des Finances et de l'Industrie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Magnier

Commissaire du gouvernement :

M. Hervouet

Rapporteur :

M. Luc Martin

Avocat :

Me Leclercq

CAA Nantes n° 03NT01769

28 novembre 2005

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 décembre 2003, présentée pour la SA Bureau d'Etudes Neuilly, qui a son siège 20 rue de Marmignolles à Marmagne (18500) et vient aux droits de la SA Bureau d'Etudes X, par Me Leclercq, avocat au barreau de Bourges ; la SA Bureau d'Etudes Neuilly demande à la cour : 1°) de réformer le jugement n° 99.3086 et 99-3087 en date du 30 septembre 2003 du Tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes tendant, d'une part, à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1994, 1995 et 1996, d'autre part, à la réduction des cotisations supplémentaires de contribution forfaitaire sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1995 et 1996, enfin, à la réduction des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à la SA Bureau d'Etudes X au titre de la période du 1er octobre 1993 au 31 janvier 1997 ; 2°) de prononcer la réduction demandée des impositions susmentionnées restant en litige ; 3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 550 euro sur le fondement de l'article L.761-1 du Code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le Code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; Vu le Code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 octobre 2005 : - le rapport de M. Luc Martin, rapporteur ; - et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement : - Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que fait valoir la SA Bureau d'Etudes Neuilly, le tribunal a suffisamment répondu au moyen tiré de l'aveu, par l'administration, de ce qu'à l'occasion d'une précédente vérification de comptabilité, le caractère déductible des dépenses de parrainage exposées par la société n'avait pas été remis en cause ;

Considérant, en second lieu, que la circonstance que le tribunal n'a pas ordonné à l'administration, comme cela était demandé par la SA Bureau d'Etudes Neuilly, de produire le dossier informatique confidentiel tenu au centre de Nemours ainsi qu'une lettre de dénonciation figurant dans ledit dossier ne saurait être regardée comme une atteinte au principe du contradictoire, lequel interdit au juge de soustraire à l'examen des parties les pièces qui lui sont présentées par l'une d'elles, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce ; que la violation des droits de la défense ne peut pas davantage être utilement invoquée ; que si, en vertu des dispositions de l'article R. 611-10 du Code de justice administrative, le tribunal peut demander aux parties toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige, cette demande de pièces constitue une simple faculté pour le juge ; que, par suite, le tribunal, qui n'était pas tenu de demander à l'administration la production du dossier fiscal du contribuable, n'a pas, en s'abstenant de le faire, entaché d'irrégularité la procédure contentieuse ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition : - Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la SA Bureau d'Etudes Neuilly, l'administration a exposé, dans sa réponse aux observations du contribuable du 12 septembre 1997, les raisons pour lesquelles elle entendait maintenir les redressements, notifiés en matière d'impôt sur les sociétés, portant sur la remise en cause du caractère déductible de dépenses de parrainage ; que si, en ce qui concerne l'imposition desdites dépenses à la taxe sur la valeur ajoutée, elle s'est bornée à justifier le maintien des redressements contestés en mentionnant : le redressement impôt sur les sociétés étant maintenu, le rappel taxe sur la valeur ajoutée l'est également, elle n'a pas, ce faisant, méconnu les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dès lors que la société requérante n'avait formulé, dans sa réponse à la notification de redressements, aucune observation propre au rappel de taxe sur la valeur ajoutée ; que le moyen tiré de ce que l'acte anormal de gestion est inapplicable en matière de taxe sur la valeur ajoutée est inopérant pour contester le caractère suffisamment motivé de la réponse aux observations du contribuable ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les dépenses de parrainage : - Considérant qu'aux termes de l'article 39 du Code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même Code : 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant...notamment : ... 7° Les dépenses engagées dans le cadre de manifestations de caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises, lorsqu'elles sont exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation ; qu'en vertu des règles qui gouvernent l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie, d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du Code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du Code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est à dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que, dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

Considérant que la SA Bureau d'Etudes X, qui a pour activité la réalisation d'études en vue de l'implantation de lignes électriques pour le compte d'EDF, et dont le capital était alors détenu en quasi totalité par M. et Mme Jacques X, a fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité portant en matière d'impôt sur les sociétés sur les exercices clos en 1994, 1995 et 1996 ; qu'à l'issue de ce contrôle, le vérificateur a notamment réintégré dans les résultats de chacun des exercices vérifiés des sommes enregistrées au compte 623 500 (participation publicitaire) et au compte 625 700 (réception) correspondant à des dépenses de parrainage ; que la SA Bureau d'Etudes Neuilly, qui vient aux droits de la SA Bureau d'Etudes X, conteste cette réintégration en soutenant que lesdites dépenses ont été exposées dans le cadre de manifestations de caractère sportif et familial dans l'intérêt direct de l'exploitation ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les dépenses litigieuses ont consisté en subventions versées, durant la période vérifiée, d'une part, à hauteur de 715 000 F, à l'association PGSM, qui avait pour objet de collecter des fonds afin de financer la carrière de pilote automobile du fils de M. et Mme Jacques X, d'autre part, à hauteur de 180 000 F, à la société Graff Racing, qui constituait l'écurie automobile au sein de laquelle l'intéressé exerçait son activité de pilote et au nom de laquelle il était engagé dans diverses compétitions nationales et internationales ; que la SA Bureau d'Etudes Neuilly ne produit aucun document, tel qu'un contrat de parrainage, susceptible de justifier de la nature des contreparties attendues du versement desdites subventions ; que si elle soutient que la SA Bureau d'Etudes X a bénéficié d'une publicité en direction du grand public grâce aux quatre autocollants portant son nom, apposés sur la voiture de course du fils de ses dirigeants, une telle publicité ne présentait pas un intérêt direct pour son exploitation dès lors qu'il est constant qu'elle n'avait pour seul client qu'EDF ; que la société requérante fait également valoir que son engagement financier a permis à la SA Bureau d'Etudes X d'inviter des cadres d'EDF à venir assister à des courses automobiles auxquelles participait le fils de M. et Mme X, à renforcer sa notoriété auprès d'eux, et, partant, à développer son chiffre d'affaires ; qu'elle produit à l'appui de ses allégations des lettres de personnels d'EDF la remerciant pour ses invitations à assister, au sein de l'écurie Graff Racing, à des épreuves sur des circuits automobiles ; qu'alors même que les relations ainsi nouées avec des personnels d'EDF par la SA Bureau d'Etudes X ne garantissait pas à celle-ci l'obtention de marchés, lesquels étaient attribués après mise en concurrence à l'entreprise la plus compétitive, ni même une augmentation de son chiffre d'affaires, la réception de personnels d'EDF sur les circuits automobiles à l'occasion de compétitions auquel participait le fils de M. et Mme X, était de nature, pour la SA Bureau d'Etudes X, à renforcer son image de marque auprès de sa clientèle ; que si, par suite, la société requérante doit être regardée comme justifiant dans cette mesure de l'intérêt pour l'exploitation des dépenses de parrainage, elle n'établit cependant pas que le montant de ces dépenses consacrées à la réception, sur les circuits, de personnels d'EDF ait excédé 82 000 F, somme dont elle affirme sans être contredite qu'elle a été versée à l'écurie Graff Racing en 1996 pour une réception de personnels EDF à l'occasion de l'épreuve des 24 heures du Mans ; qu'il suit de là que ne peuvent être admises en déduction, sur le fondement des dispositions précitées du 7° du 1 de l'article 39 du Code général des impôts, que les seules dépenses versées à la société Graff Racing au cours de l'exercice clos en 1996 à hauteur de 82 000 F (12 500,82 euro) ;

En ce qui concerne les avantages en nature : - Considérant que la société requérante conteste la réintégration dans les résultats de la SA Bureau d'Etudes X, au titre des exercices clos en 1994, 1995 et 1996, de frais engagés pour le compte de M. et Mme X et regardés par l'administration comme des avantages occultes ;

Considérant qu'aux termes de l'article 54 bis du Code général des impôts : Les contribuables visés à l'article 53 A... doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une société qui comptabilise indistinctement les avantages en nature accordés à son personnel dans son compte de frais généraux ne respecte pas les conditions posées par l'article 54 bis précité ;

Considérant qu'il est constant que les frais litigieux, alors même qu'ils ont été pour partie comptabilisés en frais généraux sous différents postes (chauffage, eau, téléphone) et dont il n'est pas établi qu'ils auraient été réintégrés deux fois dans la base imposable, n'ont pas été comptabilisés sous une forme explicite en tant qu'avantages en nature ; que, dès lors, ils ne peuvent être regardés comme des avantages en nature déductibles ; que la seule circonstance, invoquée par la société requérante, que ces frais auraient été imposés entre les mains des époux X en tant que supplément de salaires et non en tant que revenus de capitaux mobiliers, ne saurait suffire à les faire regarder à l'égard de la société comme des suppléments de rémunération déductibles de ses résultats ; que la SA Bureau d'Etudes Neuilly ne peut se prévaloir utilement, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative 4 G-2331, n° 29, du 30 avril 1988, selon laquelle les entreprises sont autorisées à ne pas mentionner effectivement la nature et la valeur des avantages en nature dans leur comptabilité, sous réserve de présenter, à l'appui de leur déclaration, un état comportant l'indication du montant par catégorie des avantages alloués au cours de l'exercice, dès lors qu'elle n'établit pas avoir présenté un tel état à l'appui de ses déclarations durant la période en litige ;

En ce qui concerne la plus-value de cession de parts sociales : - Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA Bureau d'Etudes X et les membres de la famille X détenaient respectivement 100 et 850 des 1 000 parts qui composaient le capital de la SARL Delta Energie Aquitaine ; que, le 30 juin 1996, une société tiers a racheté l'ensemble du capital de cette SARL ; que la vente des parts par les membres de la famille X a eu lieu moyennant un prix unitaire de 901,18 F tandis que la SA Bureau d'Etudes X a cédé les siennes au prix unitaire de 340 F ; que l'administration, estimant que cette dernière avait minoré la valeur de ses parts, a fixé cette valeur à 901,18 F ; que le tribunal a ramené ladite valeur à 842,11 F, montant correspondant au prix moyen de vente de l'ensemble des parts détenues par les membres de la famille X et par la SA Bureau d'Etudes X ; que si la SA Bureau d'Etudes Neuilly soutient que ce dernier montant aboutit à une surimposition des enfants de M. et Mme X, un tel moyen est inopérant pour contester les impositions assignées à la SA Bureau d'Etudes X ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA Bureau d'Etudes Neuilly est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté la totalité du surplus des conclusions de ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative : - Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, soit condamné à payer à la SA Bureau d'Etudes Neuilly la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Décide

Article 1er : Les bases de l'impôt sur les sociétés assignées à la SA Bureau d'Etudes X au titre de l'exercice clos en 1996 et les bases de la taxe sur la valeur ajoutée assignées à cette même société au titre de la période du 1er octobre 1993 au 31 janvier 1997 sont réduites d'un montant de 12 500,82 euro (douze mille cinq cents euro quatre vingt-deux centimes) au titre de l'année 1996.

Article 2 : La SA Bureau d'Etudes X est déchargée de la différence entre le montant, d'une part, des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution forfaitaire sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1996, d'autre part, des droits de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 1993 au 31 janvier 1997 et le montant résultant de l'article précédent.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA Bureau d'Etudes Neuilly est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Bureau d'Etudes Neuilly et au ministre de l'Economie, des Finances et de l'Iindustrie.