Cass. com., 23 mai 2006, n° 04-16.254
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Amstutz Levin (Sté)
Défendeur :
Muller (SA), Campa (SA), Casple (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
M. Sémériva
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
Mes Blanc, Blondel, SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky
LA COUR : - Joint les pourvois n° 04-16.254, formé par la société Amstutz Levin et compagnie, et n° 04-16.580, formé par la société Casple, qui attaquent le même arrêt ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 mai 2004), que la société Muller, titulaire d'un modèle déposé de panneau rayonnant de radiateur à grille décorative, et la société Campa, qui commercialise des produits de cette sorte, ont poursuivi en contrefaçon et concurrence déloyale les sociétés Casple et Amstutz Levin et compagnie (la société Amstutz Levin), pour avoir fabriqué et vendu, dans le courant de l'année 2000, des radiateurs imitant ce modèle ;
Sur le premier moyen du pourvoi de la société Casple : - Attendu que cette société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée pour contrefaçon de modèle, alors, selon le moyen, qu'antérieurement au 29 juillet 2001, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001 ayant ajouté au Code de la propriété intellectuelle un article L. 513-5 selon lequel la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente, les dessins ou modèles régulièrement déposés jouissaient seuls du bénéfice de la protection légale, de sorte que des faits de reproduction ou de commercialisation antérieurs au 29 juillet 2001 ne peuvent être invoqués au soutien d'une action en contrefaçon que s'ils ont porté atteinte à un exact modèle déposé et non à un modèle distinct, même d'apparence peu différente; que la cour d'appel avait constaté que les faits de commercialisation litigieux avaient été attestés par huissier le 30 octobre 2000, soit antérieurement au 29 juillet 2001 ; qu'en retenant néanmoins qu'il suffirait qu'un modèle ne présente pas de différences significatives avec un modèle déposé pour jouir de la protection légale contre de tels faits, la cour d'appel violé l'article L. 511-5 ancien du Code de la propriété intellectuelle, applicable à la cause ;
Mais attendu qu'en retenant que le produit mis sur le marché ne présentait pas de différences significatives avec le modèle déposé, la cour d'appel n'a pas étendu le champ de la protection attaché au dépôt de ce modèle, mais seulement constaté que le produit imité était bien conforme à ce dépôt ; que le moyen manque en fait ;
Sur le premier moyen de la société Amstutz Levin : - Attendu que cette société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée pour contrefaçon de modèle, alors, selon le moyen, que la contrefaçon suppose que l'élément caractéristique du modèle déposé ait été imité; qu'en n'ayant pas recherché, comme elle y était invitée, si l'élément caractéristique figurant dans la description du modèle déposé, à savoir un "panneau bombé" n'était pas absent du modèle argué de contrefaçon, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 521-4 du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu qu'en retenant que le radiateur vendu par le société Amstutz Levin reprenait l'ensemble des caractéristiques du modèle de la société Muller, à savoir la forme rectangulaire, les coins arrondis, ainsi que la grille perforée recouvrant le devant et les côtés du panneau, et que des différences minimes étaient sans effet sur la contrefaçon, à défaut d'affecter l'impression d'ensemble qui se dégage de l'examen des modèles en cause, la cour d'appel, qui n'était pas tenue par les termes de la description du modèle lors de son dépôt, a répondu, en les écartant, aux conclusions soutenant que la forme bombée du panneau de radiateur serait un élément caractéristique de ce modèle; que le moyen n est pas fondé;
Et sur le second moyen de la société Casple et le second moyen de la société Amstutz et Levin, réunis : - Attendu que ces sociétés font grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elles avaient commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Campa, alors, selon le moyen : 1°) que la réalisation d'une copie quasi-servile d'un modèle protégé ne peut, lorsqu'elle est retenue au soutien d'une condamnation du chef de contrefaçon, fonder également une condamnation du chef de concurrence déloyale ou parasitaire; qu'en se fondant sur un tel élément, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) que la mise sur le marché d'un produit contrefaisant à un prix inférieur à celui d'un modèle protégé et dans des conditions de nature à dévaloriser celui-ci n'est pas susceptible de caractériser un fait de concurrence déloyale distinct des faits de contrefaçon; qu'en se fondant sur un tel élément, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 3°) que l'action en concurrence déloyale doit être fondée sur des faits distincts de la contrefaçon; que faute d'avoir caractérisé une faute distincte des faits de contrefaçon, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel n'a pas accueilli une demande que la société Campa aurait, à titre de fabricant, formée en sus d'une action en contrefaçon, mais seulement retenu que cette société commercialisait les produits incorporant le modèle contrefait au préjudice de la société Muller, ce dont il suit, que, ne disposant pas personnellement d'un droit privatif sur le titre de propriété industrielle, elle était recevable à agir en concurrence déloyale et parasitaire, peu important que les éléments sur lesquels elle fondait sa demande soient matériellement les mêmes que ceux que le titulaire des droits de modèle aurait pu opposer; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette les pourvois.