CA Paris, 25e ch. B, 14 janvier 2005, n° 03-04600
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
WM Événements (SARL)
Défendeur :
Séphora (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Jacomet
Conseillers :
Mme Collot, Mme Jaubert
Avoués :
SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Patrice Monin
Avocats :
Mes Estevenet, Argenton
LA COUR statue sur l'appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 17 janvier 2003 par le Tribunal de commerce de Paris.
La société WM Événements spécialisée dans l'organisation d'événements médiatiques, a été chargée par le Haut Comité aux Réfugiés des Nations Unies HCR de concevoir et réaliser à Paris un événement correspondant à la date exacte de son 50e anniversaire le 14 décembre 2000, prélude à la célébration qui devait se tenir devant la statue de la liberté à New York le 21 juin 2001.
La société Séphora spécialisée dans la vente de produits de beauté et de luxe et la société WM Événements ont conclu une "convention de partenariat officiel relative à l'événement du 14 décembre 2000" portant sur le 50e anniversaire du HCR.
Estimant que la société WM Événements n'avait pas fourni les prestations dans le délai convenu notamment sur la présence des personnalités attendues, la société Séphora après vaine mise en demeure l'a assignée pour voir prononcer la résolution judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la société WM Événements avec restitution de l'acompte et paiement de dommages et intérêts.
Le tribunal a statué ainsi qu'il suit :
- condamne la société WM Événements à payer la somme de 18 435,77 euro à la société Séphora,
- ordonne l'exécution provisoire du présent jugement, sans constitution de garantie,
- dit les parties mal fondées en leurs moyens et demandes plus amples ou contraires aux termes du présent jugement, les en déboute,
- condamne la société WM Événements aux dépens,
aux motifs essentiels :
* que les obligations auxquelles s'était engagée la société WM Événements étaient de moyen et non de résultat,
* que la société Séphora n'apportait pas la preuve de l'existence d'une faute contractuelle commise par la société WM Événements
* que toutefois la rupture de la convention par la société Séphora n'était pas abusive puisqu'elle n'a pas été faite sans avertissement préalable dûment motivé même si elle est intervenue à bref délai,
* qu'une compensation entre les sommes avancées par la société Séphora et le décompte produit par la société WM Événements devait s'opérer.
Vu les conclusions du 7 juillet 2003 de la société WM Événements appelante à titre principal et intimée incidemment pour voir par infirmation partielle du jugement :
* condamner la société Séphora à lui verser la somme de 30 489,80 euro correspondant au montant des honoraires perdus ou tout au moins la somme de 7 622,45 euro telle qu'elle figurait à l'état dressé le 21 décembre 2000 ainsi qu'à la somme de 8 000 euro à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, le solde des sommes avancées par la société Séphora devant être également conservé à titre de dommages et intérêts ;
* ordonner la restitution des sommes d'ores et déjà par elle versées au titre de l'exécution provisoire ;
Subsidiairement :
* constater qu'elle a engagé des frais de conception et de réalisation pour un montant total de 45 379,39 euro ;
En conséquence :
* dire que la société Séphora ne saurait obtenir le remboursement d'une somme supérieure à la différence entre la somme hors taxe allouée (53 357,16 euro) et le montant des dépenses par elle engagées en ce compris ses honoraires (45 379,19 euro + 7 622,55 euro), soit 355,52 euro ;
En toute hypothèse :
* condamner la société Séphora à lui payer la somme de 2 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du NCPC ;
* la condamner aux entiers dépens ;
Aux motifs essentiels ;
* que la convention liant les parties doit être qualifiée de contrat de "sponsoring" entraînant à sa charge une simple obligation de moyens ;
* que la participation de personnalités médiatiques n'était pas une condition déterminante de ce contrat ;
* qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations ;
* que la société Séphora a résilié abusivement le contrat de sponsoring ;
* que les juges consulaires se sont contredits en affirmant, d'une part, que la société WM Événements n'avait commis aucune faute et, d'autre part, que les avertissements de la société Séphora étaient dûment motivés alors qu'ils avaient pour but de tenter de justifier sa sortie de la convention de parrainage ;
* que le contrat n'étant pas résolu les premiers juges ne pouvaient espérer une compensation d'autant plus que la société Séphora n'a jamais soutenu conserver à sa charge les dépenses engagées.
Vu les conclusions du 5 octobre 2004 de la société Séphora intimée au principal et appelante incidemment pour voir par infirmation du jugement :
- prononcer la résiliation judicaire du contrat du 30 octobre 2000 aux torts et griefs exclusifs de la société WM Événements,
- débouter la société WM Événements de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société WM Événements à lui restituer :
* à titre principal, la somme de 63 815,16 euro TTC avec intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2000,
* à titre subsidiaire, la somme de 38 123,18 euro TTC avec intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2000 et ordonner la compensation des sommes dues par les parties l'une envers l'autre,
- condamner la société WM Événements à lui payer la somme forfaitaire de 8 000 euro au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
- condamner la société WM Événements au paiement de la somme de 5 000 euro conformément aux dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
aux motifs essentiels :
* que la convention liant les parties était un contrat de partenariat,
* que la présence à l'événement d'invités politiques et médiatiques constituait une condition déterminante de sa participation,
* que la société WM Événements avait une obligation de résultat,
* qu'à titre subsidiaire la société WM Événements a commis des fautes justifiant la résiliation du contrat.
La cour, en ce qui concerne les faits, la procédure, les moyens et prétentions des parties se réfère au jugement et aux conclusions d'appel.
Sur ce, LA COUR,
Considérant qu'il ressort des productions des parties que :
- aux termes de la convention du 30 octobre 2000 la société WM Événements s'est engagée à :
* concevoir et réaliser un événement le 14 décembre 2000 à Paris et plus particulièrement devant la statue de la liberté,
* mettre en œuvre tous ses efforts et mobiliser tous ses contacts en vue de la bonne réalisation de l'événement en faisant ainsi intervenir des personnalités politiques et médiatiques autour des représentants officiels du Haut Comité aux Réfugiés HCR, du président de Séphora et de Gad Weil,
* élaborer en concertation avec la société Séphora et le HCR la déclaration solennelle sur l'engagement de réfugiés,
* obtenir l'ensemble des autorisations administratives nécessaires au bon déroulement de l'événement,
* céder à la société Séphora les droits d'exploitation de toutes photos ou images tirées de l'événement,
- en contrepartie la société Séphora s'est engagée sur un budget global de 1 000 000 F HT et a versé dès la signature du contrat la somme de 418 600 F ;
Considérant que l'intitulé "convention de partenariat officiel relative à l'événement du 14 décembre 2000" du contrat du 30 octobre 2000 conclu entre les parties et son article 2 définissant les engagements de la société Séphora à élaborer avec le Haut Comité aux réfugiés HCR et la société WM Événements "une déclaration solennelle qui comportera un engagement de Séphora en termes d'embauche et d'intégration de réfugiés au sein des entreprises du groupe Séphora", supposent une implication à long terme de la société Séphora et non un simple soutien financier à un seul et unique événement, et que les obligations réciproques des parties, caractérisent un contrat de partenariat et non une convention de mécénat, parrainage (ou sponsoring) ;
Considérant que l'article 3-2 de la convention prévoit expressément que "WM fera ainsi intervenir des personnalités politiques et médiatiques autour des représentants officiels du HCR, du président de Séphora et de Gad Weil" ;
Que l'article intitulé "objet du contrat" précise également "les personnalités et le-public invités seront sur un bateau et pourront assister sans gène au spectacle" ;
Considérant que la liste des invités a été dressée de façon concertée début novembre 2000 avec l'agence Claudine Colin Communication dont l'intervention a été requise par la société Séphora ;
Considérant que certes la présence des personnalités tenait à des aléas tels que leur emploi du temps ou leur volonté de participer à l'événement dont la société WM Événements n'avait pas la maîtrise, que la présence de personnalités médiatiques et politiques constituait donc une simple obligation de moyen ;
Considérant que cependant il ressort de l'économie du contrat que la société Séphora n'aurait pas accepté d'investir la somme de 1 196 000 F TTC si l'opération n'avait pas rencontré un large écho dans les médias ;
Que le budget alloué aux postes de dépenses "presse" et "prise en charge des VIP" c'est à dire des personnes très importantes s'élevait à près de 200 000 F soit pas loin de la moitié de celui d'environ 510 000 F réservé à l'organisation technique de l'événement ;
Que l'engagement de la société WM Événements qui s'était prévalue d'un carnet d'adresse prestigieux, de faire intervenir ces personnalités, était important pour la société Séphora laquelle a laissé toute latitude à la société WM Événements sur la partie technique de l'événement (son, image) mais en revanche contrôlait l'avancement de la partie "relation publique" ;
Or considérant qu'il apparaît que la liste présentée le 21 novembre 2000 à la société Séphora ne présentait aucune personnalité politique et médiatique ;
Que sommée par fax du 22 novembre 2000 de la société Séphora de produire avant le 24 novembre 2000 la liste des personnalités ayant accepté de participer à l'événement accompagnée des justificatifs correspondants, la société WM Événements n'a pu apporter la preuve de ses diligences alors qu'elle prétend vainement les avoir préalablement contactées avant d'en avoir dressé la liste avec l'agence Claudine Colin ;
Qu'à 22 jours de l'événement la société WM Événements ne justifie pas des contacts pris avec les cabinets des personnalités dont elle avait pourtant annoncé les noms pour connaître leur disponibilité et permettre la réussite de l'événement ;
Que consciente de sa carence la société WM Événements a informé le 23 novembre 2001 la société Séphora qu'elle avait été contrainte de s'adjoindre les services d'une société de relations publiques habilitée à travailler avec elle alors qu'elle s'était prévalue au moment de la signature du contrat du carnet d'adresse prestigieux susmentionné, que cependant cette intervention n'a pas eu d'effet ;
Que la société WM Événements soutient qu'elle a réussi à organiser l'événement qu'elle avait finalisé le 4 décembre 2000, que toutefois aucune personnalité politique et médiatique n'était présente et que celui-ci a eu un faible écho dans la presse ;
Considérant qu'en outre en ce qui concerne les délais c'est seulement le 16 novembre 2000 et à la suite de la réunion s'étant tenue la veille que la société WM Événements a transmis à la société Séphora les différents volets composant le carton d'invitation des personnalités alors qu'il ne présentait a priori aucune difficulté particulière ;
Que la société Séphora a donné son accord sur ce carton et n'a pas formé d'observation sur le nouveau carton présenté par la société WM Événements tenant compte des modifications exigées par le HCR commanditaire de l'événement, de sorte que la société WM Événements prétend vainement qu'elle attendait l'accord de la société Séphora pour imprimer les cartons et les envoyer aux invités ;
Que le 22 novembre 2000 la société Séphora qui n'avait toujours pas reçu l'exemplaire définitif du texte final des cartons d'invitation pouvait raisonnablement craindre qu'ils ne parviennent pas aux invités dans un délai convenable susceptible de recueillir leur réponse positive ;
Considérant que ce n'est que par télécopie du 27 novembre 2000 à la suite d'une réunion précédente avec la société Séphora, que la société WM Événements lui a adressé le script du film devant être diffusé le 14 décembre 2000 soit à seulement 15 jours de l'événement ;
Qu'il ressort de la lettre du 4 décembre 2000 de la société WM Événements à la société Séphora que la musique était toujours en écriture à 10 jours de la manifestation ;
Considérant que les manquements de la société WM Événements tant dans le contact des personnalités politiques et médiatiques que dans la gestion des délais de l'organisation de l'événement qu'elle avait acceptés, ont conduit la société Séphora à rompre le contrat de partenariat ;
Que le contrat de partenariat du 30 octobre 2000 ne contient aucune disposition relative aux modalités de sa résiliation et n'impose aucun délai de préavis ;
Qu'il ressort des correspondances échangées et des réunions que la société Séphora a évoqué son retrait du partenariat dès le 24 novembre 2000 par télécopie et lettre recommandée avec accusé de réception puis le 24 novembre 2000 lors d'une réunion et enfin par lettre du 28 novembre 2000 confirmant la fin du partenariat ;
Que si la rupture est intervenue à bref délai elle a été précédée de réclamations et mises en demeure dûment motivées, restées vaines, avertissant la société WM Événements de la volonté de la société Séphora de mettre fin aux relations contractuelles, qu'en l'absence de transmission des éléments demandés environ 2 semaines avant 1'événement, la rupture du contrat avec avertissement préalable est justifiée par les manquements de la société WM Événements à ses obligations et n'est donc pas abusive ;
Qu'en conséquence par infirmation du jugement il y a lieu de prononcer la résolution du contrat de partenariat du 30 octobre 2000 aux torts exclusifs de la société WM Événements ;
Que par suite il convient de condamner la société WM Événements à restituer l'acompte de 63 815,16 euro TTC (ou 418 600 F TTC) versé à la signature de la convention par la société Séphora avec intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance du 29 janvier 2001 ;
Qu'en revanche la société Séphora qui expose avoir perdu du temps et de l'argent pour suivre et coopérer au projet, ne produit aucun justificatif d'un préjudice financier entre la signature du contrat le 30 octobre 2000 et la rupture de celui-ci ;
Considérant que la résolution du contrat étant prononcée aux torts de la société WM Événements cette dernière sera déboutée de ses demandes de paiement ;
Considérant que l'équité commande de condamner la société Séphora à payer à la société WM Événements la somme de 3 000 euro pour frais irrépétibles ;
Par ces motifs, Infirme le jugement ; Statuant à nouveau ; Prononce la résolution judiciaire du contrat de partenariat du 30 octobre 2000 aux torts de la société WM Événements ; Condamne la société WM Événements à payer à la société Séphora la somme de 63 815,16 euro TTC avec intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2001 ; Condamne la société WM Événements à payer à la société Séphora la somme de 3 000 euro pour frais irrépétibles ; Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ; condamne la société WM Événements aux dépens d'appel ; Admet la SCP Monin, avoué, au bénéfice de l'article 699 du NCPC.