CA Douai, 1re ch. sect. 1, 21 mars 2005, n° 04-01252
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Lepine
Défendeur :
Daxon Movitex (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Roussel
Conseillers :
Mme Hirigoyen, Mme Guieu
Avoués :
SCP Levasseur-Castille-Levasseur, SCP Carlier-Regnier
Avocat :
Me Seilliez-Bernard
Vu l'ordonnance rendue le 8 janvier 2003 par le Président du Tribunal d'instance de Roubaix faisant injonction à la société Movitex de payer à Madame Lepine la somme de 13 000 euro outre intérêts.
Vu le jugement du Tribunal d'instance de Roubaix du 17 novembre 2003 mettant à néant l'ordonnance d'injonction de payer et déboutant les parties de leurs demandes respectives.
Vu l'appel relevé par Madame Lepine le 20 février 2004,
Vu les conclusions récapitulatives n° 3 déposées pour Madame Lepine le 22 décembre 2004 demandant à la cour de :
Vu les articles 1154, 1371, 1382, 1383 du Code civil,
Vu la loi du 29 juillet 1881, article 41, alinéa 3 à 5,
Vu l'article L. 132-1 du Code de la consommation,
- recevoir Madame Lepine en son appel, le déclarer bien fondé,
Réformant et statuant à nouveau :
- constater que Madame Lepine a bien été déclarée gagnante d'un chèque de 6 500 euro,
- constater que Madame Lepine a bien été déclarée gagnante du doublement de la somme,
- dire que la clause litigieuse du règlement est abusive et donc réputée non écrite (article L. 132-1 du Code de la consommation) et que les trois conditions du nouveau quasi-contrat de loteries sont réunies,
En conséquence,
- condamner la société Daxon Movitex à verser à Madame Lepine la somme de 13 000 euro outre intérêts à compter du 8 janvier 2003,
- dire que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,
- condamner la société Daxon Movitex à verser à Madame Lepine une somme de 4 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner la société Daxon Movitex à verser à Madame Lepine une somme de 2 000 euro pour procédure et résistance abusives,
- condamner la société Daxon-Movitex à verser à Madame Lepine la somme de 2 000 euro pour dommages-intérêts vu les calomnies proférées dans les conclusions,
- donner acte au mari de la concluante, Jean Lepine, qu'il se réserve d'agir en dénonciation calomnieuse,
- exiger, comme mesure de salubrité publique, la publication de l'arrêt dans cinq journaux nationaux et régionaux différents aux frais de la société Daxon Movitex, puisque cette société sévit sur tout le territoire,
- condamner la société Daxon Movitex aux entiers dépens de première instance et d'appel et aux frais d'huissiers qui s'élèvent à la somme totale de 351,47 euro.
Vu les dernières conclusions (n° 4) déposées pour la société Movitex demandant à la cour de :
- constater que Madame Lepine ne justifie pas avoir participé au tirage des numéros gagnants permettant de gagner 6 500 euro,
- constater que Madame Lepine ne justifie pas avoir participé au jeu du double gain permettant de doubler la somme de 6 500 euro,
- confirmer en tous points le jugement déféré,
- lui donner acte de ce qu'elle accepte, à titre commercial, que soit attribué à Madame Lepine un nouveau chèque achat de 15 euro si elle a égaré le précédent sur simple demande,
- condamner Madame Lepine au paiement de la somme de 2 000 euro pour procédure abusive et 2 500 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- débouter Madame Lepine de toutes prétentions,
Vu les conclusions déposées le 31 décembre 2004 pour Madame Lepine tendant au rejet des conclusions précitées,
Vu les conclusions procédurales en réponse déposées le 3 janvier 2005 pour la société Movitex,
Vu l'ordonnance de clôture du 3 janvier 2005.
Motifs :
1- Sur la demande de rejet des dernières conclusions de la société Movitex :
Madame Lepine dit avoir été dans l'incapacité de répondre aux dernières conclusions déposées pour la société Movitex trois jours avant le prononcé de la clôture.
Les conclusions en cause ont été déposées le 30 décembre 2004 dans la suite des écritures n° 3 prises par Madame Lepine dont la société Movitex n'a effectivement eu connaissance que le 23 décembre 2004, date de signification.
Au regard de cette chronologie et alors qu'il n'apparaît pas que les dernières conclusions de la société Movitex nécessitaient une réponse, il n'est pas caractérisé de circonstances particulières qui auraient empêché le respect du principe de la contradiction.
Il n'y a donc pas lieu au rejet des écritures du 30 décembre 2004 qui sont recevables.
2 - Sur le fond :
La cour se trouve saisie du litige qui oppose Madame Lepine à la société Movitex exerçant sous l'enseigne Daxon à raison d'un jeu de type loterie publicitaire, organisé par cette société du 25 juin au 15 octobre 2000, doté pour premier prix d'un chèque de 6 500 euro et comportant un second jeu permettant de doubler le gain.
Il importe de noter que la société Movitex indique aux motifs de ces écritures que Madame Lepine (ou son mari non destinataire du jeu) a participé à ce tirage au sort en renvoyant son bon de participation "ce que la concluante reconnaît honnêtement quoique l'appelante soit dans incapacité d'en justifier".
La participation au jeu de Madame Lepine est donc acquise et l'intervention alléguée de Monsieur Lepine en lieu et place de son épouse est inopérante.
De même, les assertions de Madame Lepine relatives à une falsification de documents destinée à la priver de toute possibilité de preuve et de recours sont inopérantes dès lors que si les parties s'opposent sur l'analyse et l'interprétation des documents publicitaires transmis à Madame Lepine en vue de la participation au jeu, elles s'accordent sur la teneur matérielle desdits documents.
Madame Lepine agit sur le fondement du quasi-contrat de loterie en soutenant que le gain de 6 500 euro lui a été annoncé de façon nominative et explicite, qu'il n'est fait mention d'un aléa sur aucun des documents transmis, qu'elle était donc fondée à croire à la réalité du gain correspondant au premier prix avec doublement de la somme en vertu du second jeu soit au total 13 000 euro.
Les documents transmis par la société Movitex sont libellés au nom de Madame Lepine, repris de nombreuses fois, et comprennent :
- un "Dernier avis" où l'on peut lire notamment :
"Chère Madame Lepine ou plutôt chère gagnante... Vous allez bel et bien recevoir un chèque.... Le plus extraordinaire reste à vous annoncer. Seul le n° 715 qui est le plus élevé permet de gagner la plus grosse somme, le chèque de 6 500 euro...
Il n'y a aucune erreur possible, cela est stipulé en toutes lettres dans le règlement, déposé et validé en l'étude de Maître Berna. J'espère vous avoir pleinement rassurée quant à la réalité de votre gain. A présent, imaginez-vous quelques instants Madame Lepine : quelle serait votre joie en recevant un chèque de 6 500 euro..."
- une attestation de Maître Berna, huissier de justice à Tourcoing, aux termes de laquelle Madame Lepine est " déclarée gagnante d'un chèque " avec " attribution officielle de numéro " à savoir le " numéro gagnant 715 ", attestation ainsi conclue : "Bravo Madame Lepine, vous avez bel et bien un numéro gagnant. Allez vite voir les chèques joints".
- un document portant en titre "Numéro gagnant du chèque ci-dessous : n° 715 ou l'un des quatre chèques suivants" sur lequel sont reproduits quatre chèques, le premier avec "talon preuve" n° 715 au nom de Madame Lepine étant celui de 6 500 euro et les suivants de 2 500 euro (n° 313), 500 euro (n° 148) et 15 euro (n° 19).
Au recto de l'attestation de l'huissier de justice, on trouve la reproduction du règlement du jeu où figurent, en particulier, les précisions suivantes :
Daxon a déterminé 4 numéros gagnants et en a attribué un à chaque destinataire. Chacun des numéros ouvre l'accès à un nombre différent de lots (de 1 à 4). Plus le numéro est élevé, plus il y a accessibilité à un nombre important de lots.
Étant donné le mécanisme du jeu et le nombre de participants, un même numéro peut être attribué plusieurs fois. Aucun destinataire ne peut à la seule lecture des documents être certain d'être gagnant d'un des prix principaux ".
Cette dernière clause du règlement selon laquelle un participant au jeu ne peut savoir s'il a ou non gagné à la lecture des documents publicitaires ne présente pas le caractère abusif allégué s'agissant de la simple confirmation de ce qui s'évince clairement des documents eux-mêmes.
En effet, loin de contenir la promesse d'une somme définitivement acquise, les documents précités annoncent l'attribution d'un chèque qui pouvait être celui de 6 500 euro compte tenu du numéro gagnant attribué mais sans certitude quant au montant dudit chèque.
Ainsi, Madame Lepine ne pouvait se méprendre sur l'aléa affectant l'attribution du lot.
Le jugement mérite donc confirmation en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement.
Cette solution impose le débouté des demandes de publication et dommages-intérêts pour procédure et résistance abusives formées ai cause d'appel.
Par ailleurs, Madame Lepine qui ne démontre pas l'atteinte à l'honneur alléguée en suite de calomnies doit être déboutée de sa réclamation de dommages-intérêts présentée sur ce fondement.
La demande de donné acte formée au nom de Monsieur Lepine est irrecevable dès lors que celui-ci n'est pas partie à l'instance.
Il sera donné acte à la société Movitex de son offre de remise d'un chèque achat de 15 euro.
Il n'est pas caractérisé d'abus de procédure de la part de Madame Lepine en sorte que la société Movitex doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Enfin, l'équité ne commande pas d'indemniser l'une ou l'autre des parties de ses frais irrépétibles.
Par ces motifs, Dit n'y avoir lien au rejet des dernières conclusions de la société Movitex ; Confirme le jugement entrepris en toutes dispositions ; Y ajoutant, déclare irrecevable la demande de donné acte formée au nom de Monsieur Lepine ; Donne acte à la société Movitex de son offre de remettre à Madame Lepine à titre commercial un chèque achat de 15 euro ; Déboute les parties de toutes autres demandes ; Condamne Madame Lepine aux dépens d'appel avec distraction au profit de la SCP Carlier Régnier, avoués associés, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.