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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 30 mai 2006, n° 2005-21057

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

EDF (SA), RTE EDF Transport (SA)

Défendeur :

Compagnie du Vent (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Conseillers :

Mme Mouillard, Feltz

Avoués :

Me Teytaud, SCP Monin-Auriac de Brons, SCP Baufume & Galland

Avocats :

Mes Guillaume, Vogel, Cambus, Ollier

Com. rég. énerg., du 27 sept. 2005

27 septembre 2005

Le 6 septembre 2001, la SA Compagnie du Vent (ci-après la Compagnie du Vent) a demandé à la SA Electricité de France (ci-après EDF) une étude exploratoire pour le raccordement de son projet de centrale éolienne "Les Longs Champs" à Fienvillers (Somme), d'une puissance de production de 10 MW. Elle a réitéré des demandes en ce sens les 10 septembre 2002 et 15 avril 2003.

Le 19 août 2003, EDF a adressé à la Compagnie du Vent le résultat de l'étude exploratoire, qui mentionnait la nécessité d'adapter le réseau de transport (soit le réseau en haute tension du domaine B, dit réseau HTB).

Le 9 septembre 2003, la Compagnie du Vent a demandé à EDF une étude détaillée pour le raccordement de son projet de centrale éolienne.

Le traitement du dossier a été reporté à la demande de la Compagnie du Vent et, le 26 mai 2004, EDF a présenté une proposition technique et financière, pour un montant de 866 908,30 euro HT, qui prévoyait une durée de 18 mois pour la réalisation des travaux de raccordement au poste source de Doullens et une indisponibilité du réseau 90 kV, soit le réseau UTB, dépassant 50 % du temps.

La Compagnie du Vent a demandé des éclaircissements avant de l'accepter, le 31 août 2004, avec des réserves toutefois.

Le 29 novembre 2004, EDF a adressé à la, Compagnie du Vent un projet de convention de raccordement indiquant l'existence de contraintes sur le réseau 90 kV, de nature à entraîner des effacements (limitations partielles ou totales) de la production estimés à 171 jours par an pendant sept ans minimum.

Sans tenir compte de la demande de mise à jour formée par la Compagnie du Vent le 7 mars 2005, et en l'absence de signature de la convention dans le délai de trois mois, EDF a radié, le 17 mars 2005, son projet de la file d'attente.

Le 14 avril 2005, la Compagnie du Vent a renouvelé auprès d'EDF sa demande de proposition technique et financière pour le raccordement de son projet de centrale éolienne "Les Longs Champs".

Le 4 mai 2005, EDF a demandé des éléments complémentaires, que la Compagnie du Vent a fournis le 23 mai 2005.

Le 4 août 2005, la Compagnie du Vent a saisi la Commission de régulation de l'énergie (ci-après la Commission) d'une demande de règlement du différend qui l'opposait à EDF sur les conditions techniques et financières du raccordement au réseau public de distribution de ses installations de production d'électricité éolienne.

Le 17 août 2005, EDF a remis à la Compagnie du Vent une nouvelle proposition technique et financière pour le raccordement, prévoyant des conditions équivalentes à celles établies dans le précédent projet de convention.

Le 27 septembre 2005, la Commission a rendu la décision suivante:

"Article 1er : EDF a manqué à ses obligations de transparence dans le traitement des demandes de raccordement et a méconnu le droit d'accès au réseau de la Compagnie du Vent.

Article 2 : EDF communiquera à la Compagnie du Vent, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision, les éléments justifiant de manière précise et circonstanciée les délais de renforcement de la ligne 90 kV et les éventuelles périodes d'effacement.

Article 3 : EDF adressera à la Compagnie du Vent, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, un projet de convention de raccordement répondant aux principes rappelés dans les motifs.

Article 4 : EDF communiquera à la Commission de régulation de l'énergie, dans les mêmes délais que ceux prescrits aux articles 2 et 3, tous les éléments lui permettant de s'assurer de l'exécution de la présente décision.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la Compagnie du Vent, les conclusions d'EDF et les conclusions de RTE EDF Transport sont rejetés."

LA COUR,

Vu les recours en annulation subsidiairement en réformation, formés le 4 novembre 2005 par EDF et par RTE;

Vu le mémoire contenant l'exposé complet de ses moyens, déposé le 5 décembre 2005 et soutenu par son mémoire en réplique du 13 mars 2006, par lequel EDF demande à la cour :

- à titre principal, d'annuler la décision de la Commission du 27 septembre 2005;

- à titre subsidiaire : d'annuler ou, à titre subsidiaire, de réformer la décision de la Commission :

• en ce qu'elle considère qu'elle a manqué à son obligation de traitement transparent et en ce qu'elle lui enjoint de communiquer à la Compagnie du Vent, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de sa décision, les éléments justifiant de manière précise et circonstanciée les délais de renforcement de la ligne 90 kV et les éventuelles périodes d'effacement;

• en ce qu'elle lui enjoint de présenter à la Compagnie du Vent une convention de raccordement dans les trois mois suivant la notification de sa décision;

• en ce qu'elle lui enjoint de prévoir dans le projet de convention de raccordement l'installation d'automates de délestage ou d'un système de "bridage", sauf ai elle démontre et justifie l'impossibilité technique de recourir à ce type d'équipements pour le projet de la Compagnie du Vent;

• en ce qu'elle lui enjoint de prévoir, dans le projet de convention de raccordement, la réalisation des travaux au poste source de Doullens dans le mois suivant la signature de cette convention;

• en ce qu'elle lui enjoint de prévoir, dans le projet de convention de raccordement, la réalisation des travaux de renforcement du réseau de transport d'électricité dans les trente mois suivant la signature de cette convention;

• en tout état de cause, de condamner la Compagnie du Vent à lui payer la somme de 3 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens;

Vu le mémoire contenant l'exposé complet de ses moyens, déposé le 5 décembre 2005 et soutenu par son mémoire eu réplique du 13 mars 2006, par lequel RTE demande à la cour :

• d'annuler, subsidiairement de réformer la décision en ce qu'elle impose à EDF de transmettre à un utilisateur toutes les informations qu'il demande, y compris lorsque des demandes nouvelles sont formées par celui-ci dans le cadre de la procédure de règlement de différend,

• de retenir qu'en l'état des demandes formées par la Compagnie du Vent, qui excédaient les informations devant être fournies au titre des obligations réglementaires de rendre publiques les méthodes générales et les hypothèses utilisées et de communiquer à l'utilisateur les résultats de l'étude de l'accordement réalisée, un refus de communication pouvait légitimement lui être opposé,

• de constater qu'il lui était matériellement impossible de mettre à la disposition du gestionnaire du réseau public de distribution les éléments lui permettant de répondre aux demandes formulées par la Compagnie du Vent dans ses observations en réplique devant la Commission,

• de dire que l'absence de réponse ne peut être considérée comme un manquement du gestionnaire du réseau de distribution à ses obligations et qu'en communiquant les informations fournies par lui, EDF n'a pas manqué à son obligation de traitement transparent et non discriminatoire,

• de condamner la Compagnie du Vent à lui payer une somme de 8 000 euro au titre l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu le mémoire en réponse de la Compagnie du Vent, déposé le 23 janvier 2006, par lequel cette dernière soulève l'irrecevabilité du recours de RTE, poursuit en toute hypothèse le rejet du recours d'EDF et de RTE et leur réclame une somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu les observations écrites de la Commission, en date du 20 février 2006, tendant à l'irrecevabilité du recours de RTE et au rejet de celui d'EDF;

Vu le "mémoire additionnel" déposé par la Compagnie du Vent le 20 mars 2006;

Vu la lettre du 20 mars 2006 par laquelle RTE demande le rejet de ce mémoire additionnel;

Vu le mémoire déposé par la Compagnie du Vent à l'audience du 21 mars 2006, par lequel cette dernière demande le renvoi de l'affaire à une date ultérieure et la fixation d'une date pour déposer tous mémoires en réponse à ceux d'EDF et de RTE du 13 mars 2006;

Vu les observations écrites du Ministère public, mises à la disposition des parties à l'audience, tendant à l'irrecevabilité du recours de RTE et au rejet de celui d'EDF;

Ouï à l'audience publique du 21 mars 2006, en leurs observations orales, les parties ou leurs conseils, ainsi que le conseil de la Commission et le Ministère public, chaque partie ayant été mise en mesure de répliquer;

Vu l'arrêt du 2 mai 2006 par lequel la cour a, en application des articles 442, 444 et 445 du nouveau Code de procédure civile, ordonné la réouverture des débats, invité RTE a produire l'extrait Kbis la concernant, fixé l'affaire à l'audience du 16 mai 2006;

Vu l'extrait Kbis de la société RTE EDF Transport déposé au greffe le 5 mai 2006 et les observations sommaires de cette société déposées le 9 mai 2006;

Ouï l'audience publique du 16 mai 2006, en leurs observations orales sur ce point, les parties ou leurs conseils, ainsi que le conseil de la Commission et le Ministère public;

SUR CE :

1°) sur la procédure suivie devant la cour

Considérant que l'article 11 du décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 dispose que le premier président ou son délégué fixe les délais dans lesquels les parties à l'instance doivent se communiquer leurs observations écrites ; que, par ordonnance du 5 décembre 2005, le magistrat délégué par le premier président a laissé un délai jusqu'au 23 janvier 2006 à la Compagnie du Vent pour déposer un mémoire en défense et jusqu'au 13 mars 2006 à RTE et EDF, parties requérantes, pour déposer leurs mémoires en réplique, l'affaire devant ensuite être plaidée;

Que la Compagnie du Vent, après avoir déposé un mémoire additionnel le 20 mars 2006 dont RTE demande le rejet, a remis à la cour, à l'audience du 21 mars 2006, un nouveau mémoire dans lequel, excipant notamment de ce que RTE a développé pour la première fois le 13 mars 2006 divers moyens au soutien de la recevabilité de son recours et se prétendant dans l'incapacité d'y répondre dans le laps de temps qui a précédé l'audience, elle demande le renvoi de l'affaire en raison d'une violation des principes de la contradiction et de l'égalité des armes;

Considérant que les délais fixés par le magistrat délégué en application de l'article 11 précité sont impératifs, sauf lorsque, eu égard aux développements de la discussion qui s'ensuit, une atteinte au principe de la contradiction impose de recevoir des écritures complémentaires;

Considérant qu'en l'espèce, le respect des principes invoqués commandait que RTE soit mis en mesure de répondre aux moyens d'irrecevabilité de son recours soulevés par la Compagnie du Vent le 23 janvier 2006 ; que cette dernière, qui avait tout loisir d'anticiper la discussion qu'elle instaurait, ne saurait se faire un grief des arguments développés par la requérante pour répondre à sa fin de non-recevoir, d'autant que, bien que n'y ayant pas été invitée par le magistrat délégué, elle avait encore la possibilité d'y répliquer dans le délai d'une semaine qui précédait l'audience, ce qu'elle a d'ailleurs fait en déposant un mémoire additionnel le 20 mars 2006; que, dans ces conditions, ce mémoire doit être admis, l'atteinte alléguée n'est pas constituée et la demande de renvoi doit être rejetée;

2°) sur la recevabilité du recours de RTE

Considérant qu'il résulte de la décision déférée et des pièces de la procédure suivie devant la Commission que, la Compagnie du Vent ayant formé des demandes, non seulement contre EDF mais également contre RTE, ce dernier, qui était alors un service d'EDF, a été invité par la Commission à faire connaître ses observations, puis les a développées en séance;

Considérant que, par la décision attaquée, la Commission a relevé que le différend dont elle était saisie portait sur le raccordement des installations de production d'électricité de la Compagnie du Vent au réseau public de distribution, et non au réseau public de transport et qu'il opposait donc cette dernière à EDF seule, en qualité de gestionnaire du réseau public de distribution ; qu'elle en a déduit que les demandes formées contre RTE, gestionnaire du réseau public de transport, étaient irrecevables;

Considérant qu'il résulte des documents produits qu'au 27 septembre 2005, date à laquelle la Commission s'est réunie en séance puis a rendu la décision attaquée, RTE, dont les statuts, homologués par le décret n° 2005-1089 du 30 août 2005, étaient entrés en vigueur le 1er septembre 2005, était devenu une société anonyme à directoire et à conseil de surveillance sous la dénomination de "société RTE EDF Transport" qui a été immatriculée le 21 juin 2005 au greffe du Tribunal de commerce de Nanterre ; que la décision lui a du reste été notifiée dans les formes prévues à l'article 7 du décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000;

Considérant qu'il suit de là que, contrairement à ce que la Commission prétend dans ses observations, RTE n'a pas été seulement entendu comme simple témoin, ainsi que l'article 5 du décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 en réserve la possibilité, mais comme une partie dont l'intervention avait été appelée;

Que l'article 38 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ne contenant aucune restriction quant aux parties admises à former un recours, RTE est donc recevable en son recours, à condition toutefois de démontrer son intérêt à agir comme l'exige l'article 546 du nouveau Code de procédure civile;

Considérant qu'à cet égard RTE fait valoir à juste titre que le litige et les injonctions prononcées par la Commission le concernent également, dès lors que, selon les études et projets de convention établis par EDF, le projet de raccordement de l'installation de la Compagnie du Vent nécessite un aménagement du réseau dont il a la gestion, que le désaccord de la Compagnie du Vent porte notamment sur les conditions retenues pour y parvenir -soit un délai estimé à 7 ans pendant lequel ce producteur se verrait infliger des effacements à raison de 171 jours par an- et que la décision contient des injonctions à EDF qui concernent ce réseau, notamment celle de justifier les éventuelles périodes d'effacement en fonction des limites en soutirage et en injection imposées au niveau du poste de Doullens par le gestionnaire du réseau public de transport et les délais de renforcement de la ligne 90 kV que la Commission de régulation de l'énergie considère, en tout état de cause, ne pouvoir excéder une durée de trente mois à compter de la notification de la présente décision" (article 3, qui renvoie aux motifs);

Que le recours de RTE est donc recevable;

3°) sur la décision

- sur la recevabilité de la demande de règlement de différend présentée par la Compagnie du Vent

Considérant qu'EDF soulève l'irrecevabilité de cette demande au motif qu'aucun désaccord n'était formalisé entre elle-même et la Compagnie du Vent lorsque cette dernière a saisi la Commission, le délai de trois mois que lui impartit l'article 8.3 du cahier des charges type de la concession du réseau d'alimentation générale en énergie électrique pour répondre à la demande présentée par la Compagnie du Vent le 14 mai 2005, qui n'avait couru qu'à compter du jour où cette dernière avait complété son dossier soit à compter du 23 mai 2005, n'étant pas expiré lorsque cette société a saisi la Commission le 4 août 2005;

Mais considérant que, selon l'article 38 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, la Commission peut être saisie "en cas de différend entre les gestionnaires et les utilisateurs de réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité (...), lié à l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion (...) des contrats et protocoles visés (...) à l'article 23 de la même loi"; qu'ayant constaté que la demande de proposition technique et financière présentée par la Compagnie du Vent le 14 avril 2005 n'était que la réitération de celle du 9 septembre 2003, c'est à juste titre que la Commission a écarté le moyen d'EDF, dès lors qu'il est constant que les parties n'avaient pu parvenir à un accord sur cette première demande, la Compagnie du Vent n'ayant finalement pas accepté les conditions contenues dans la convention de raccordement et EDF l'ayant radiée de la liste d'attente faute par elle d'avoir signé ce contrat dans le délai de trois mois, la conduisant ainsi à formaliser une nouvelle demande; qu'il n'importe à cet égard que la radiation de la liste d'attente ait été justifiée au regard de la "procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d'électricité aux réseaux publics de distribution", adoptée par EDF le 7 juin 2004 et publiée sut son site Internet, le désaccord existant de toute façon préalablement ;

- sur le fond

* sur l'injonction de l'article 3, en ce qu'elle concerne le réseau de distribution proprement dit :

Considérant qu'en son article 3, la décision enjoint à EDF de proposer une convention de raccordement au réseau de distribution, répondant aux principes rappelés par les motifs ; qu'en ce qui concerne le réseau de distribution, sont visés notamment les frais de "consultance", que la Commission écarte comme non justifiés, et le délai de réalisation des travaux au poste source de Doullens, qu'elle juge excessif, de sorte qu'elle impose à EDF d'en indiquer un nouveau dans le projet de convention de raccordement, "qui ne saurait, en tout état de cause, excéder une durée d'un mois à compter de la signature de la convention par la Compagnie du Vent" (page 15) ;

Considérant que c'est à tort qu'EDF - qui ne discute pas le retrait des frais de "consultance" - soutient que la Commission a commis une erreur de droit et de fait en ce qui concerne le délai des travaux à réaliser au poste source, dès lors que la décision constate que les travaux intéressant ce poste ne consistent que dans "le réglage des protections départ et arrivée desservant le producteur", ce qu'EDF ne conteste pas, et que cette dernière ne justifie pas de la durée de dix-huit mois qu'elle invoque ; qu'ayant retenu, par une estimation qu'EDF - qui persiste à invoquer un délai de six mois sans le motiver - ne contredit pas utilement, que ces travaux pourraient être effectués dans un délai plus court, la Commission a justifié sa décision de ramener ce délai à un mois ; qu'ainsi, le moyen d'EDF, en ce qu'il vise ce délai, n'est pas fondé;

* sur les injonctions en ce qu'elles concernent le renforcement du réseau 90 kV

Considérant que, pour statuer comme elle a fait, la Commission retient essentiellement, tout d'abord, que la Compagnie du Vent, qui demande le raccordement de ses installations au réseau public de distribution, agit en tant qu'utilisateur de ce réseau et qu'il ne saurait donc y avoir de différend, au sens de l'article 38 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, qu'entre EDF et la Compagnie du Vent, de sorte que les demandes formées par cette dernière contre RTE sont irrecevables;

Qu'elle énonce ensuite que, lorsque la demande de raccordement est susceptible d'avoir des incidences sur le réseau public de transport, il appartient à EDF, gestionnaire du réseau public de distribution, de mettre en œuvre tous les moyens lui permettant d'obtenir, au besoin auprès de RTE, gestionnaire du réseau public de transport, l'ensemble des informations nécessaires pour remplir son obligation de traitement transparent et non discriminatoire lots de l'élaboration de la proposition technique tarifaire et qu'elle ne peut se soustraire à cette obligation que si la transmission des informations demandées ne peut se faire sans la communication de données confidentielles au sens du décret du 16 juillet 2001, ce qu'il lui appartient d'apprécier personnellement; qu'elle en déduit qu'en se bornant à transmettre les informations générales et incomplètes communiquées par RTE, qui se retranchait derrière le caractère confidentiel des informations complémentaires qui lui étaient demandées, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les informations refusées aient revêtu un caractère confidentiel, EDF a manqué à l'obligation de traitement transparent des demandes de raccordement que lui impose l'article 5 du décret du 13 mars 2003;

Que, constatant ensuite qu'EDF n'a transmis, pour justifier du principe et des délais de renforcement du réseau public de transport, que les documents qui lui avaient été remis par RTE soit la "procédure administrative type" de construction d'ouvrages à 90 kV qui ne prend pas en compte les caractéristiques du projet de la Compagnie du Vent, alors au surplus que le principe de la réalisation des travaux de renforcement n'était même pas arrêté, la Commission en déduit qu'EDF n'a pas apporté les éléments suffisants ; qu'elle lui enjoint en conséquence, sauf si elle justifie que la transmission des informations demandées par la Compagnie du Vent ne peut se faire sans la communication de données confidentielles, de communiquer "à la Compagnie du Vent, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision, les éléments justifiants de manière précise et circonstanciée les délais de renforcement de la ligne 90 kV et les éventuelles périodes d'effacement" (article 2), précisant encore (pages 16) qu'"EDF devra justifier les éventuelles périodes d'effacement, en fonction des limites en soutirage et en injection imposées au niveau du poste source de Doullens par le gestionnaire du réseau public de transport, et les délais de renforcement de la ligne 90 kV, que la Commission de régulation de l'énergie considère, en tout état de cause, ne pouvoir excéder une durée de trente mois à compter de la notification de la présente décision";

Qu'estimant enfin qu'EDF doit être en mesure de proposer, en suite de la proposition technique et tarifaire communiquée le 17 août 2005, une convention de raccordement dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision, elle lui délivre une injonction en ce sens (article 3), en précisant que cette convention ne devra pas contenir de périodes d'effacement de la production, à moins qu'EDF ne démontre, par une étude, l'impossibilité pour la Compagnie du Vent d'injecter en permanence et en totalité l'énergie produite par son installation de production, compte tenu des limites en soutirage et en injection imposées au niveau du poste source de Doullens, ajoutant que, dans une telle hypothèse, EDF devra inclure dans son projet de convention l'installation d'automates de délestage ou d'un système de "bridage", destinés à pallier le renforcement du réseau public de transport et dont les coûts en conséquence ne seront pas à la charge de la Compagnie du Vent;

Considérant que c'est à juste titre qu'EDF critique cette décision; qu'en effet, il résulte de l'article 15, II et III, de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 que c'est au gestionnaire du réseau public de transport d'électricité qu'il incombe d'assurer l'équilibre des flux sur ce réseau ainsi que sa sûreté et son efficacité, en tenant compte des contraintes techniques qui pèsent sur celui-ci, de veiller à l'interconnexion des différents réseaux nationaux ainsi qu'à la disponibilité et à la mise en œuvre des services et des réserves nécessaires au fonctionnement du réseau, enfin à la compensation des pertes liées à l'acheminement de l'électricité ; qu'il s'ensuit qu'EDF ne détient pas les informations et documents qu'il lui est enjoint de communiquer; qu'en outre, elle ne dispose d'aucun pouvoir de coercition contre RTE pour obtenir cette communication ou interférer dans la gestion du réseau public de transport d'électricité, pas plus qu'elle ne peut se substituer à cette société dans l'appréciation du caractère confidentiel des documents en cause, étant rappelé à cet égard qu'il résulte du décret n° 2001-630 du 16 juillet 2001, notamment de son article 2, que c'est à chaque gestionnaire de réseau qu'il appartient d'apprécier la confidentialité des documents qu'il détient;

Qu'au surplus, les dispositions de l'article 38 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, selon lesquelles la Commission de régulation de l'énergie peut être saisie "en cas de différend entre les gestionnaires et les utilisateurs de réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité (...) lié à l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats et protocoles visés (...) à l'article 23 de la même loi...", ne font pas obstacle à ce que la Commission statue sur un différend, né à l'occasion d'une demande de raccordement au réseau public de distribution, qui oppose l'utilisateur de ce réseau au gestionnaire du réseau de transport lorsque, comme en l'espèce, le raccordement projeté est susceptible d'influer sur le réseau de transport; qu'au demeurant, dans la présente affaire, RTE était intervenu dans la procédure de traitement de la demande;

Que, saisie d'un tel différend, il appartient à la Commission de vérifier que le gestionnaire du réseau public de transport s'est soumis aux obligations générales qui lui incombent en tant que tel - ainsi que RTE l'admettait du reste devant elle - notamment que son intervention à la procédure de demande de raccordement engagée avec le gestionnaire d'un autre réseau s'est effectuée sur un mode transparent, qu'il a délivré à cette occasion des avis objectifs, non discriminatoires et fondés sur des impératifs liés au bon accomplissement des missions de service public et sur des motifs techniques tenant à la sécurité et la sûreté des réseaux, ainsi qu'à la qualité de leur fonctionnement, et qu'il s'est conformé également à la mission que lui impartit l'article 14 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, consistant à exploiter et entretenir le réseau public de transport d'électricité tout en assurant un développement qui permette le raccordement des producteurs, des réseaux publics de distribution et des consommateurs, ainsi que l'interconnexion avec les autres réseaux;

Qu'il suit de là qu'en écartant RTE de la procédure et en délivrant à EDF des injonctions que seul RTE était en mesure d'exécuter, la Commission a méconnu ses pouvoirs et commis des erreurs de droit; que sa décision doit être annulée de ce chef; sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, et, l'instruction devant être reprise sur les demandes formées par la Compagnie du Vent contre RTE dont la pertinence n'a pas encore été examinée, l'affaire doit être à nouveau soumise à la Commission de régulation de l'énergie;

Et considérant qu'il ne résulte pas de ce qui précède que la Compagnie du Vent ait commis une erreur dans la conduite de la procédure; que chacune des parties gardera donc la charge de ses dépens, sans qu'il y ait lieu au surplus de faire application en la cause des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, Dit n'y avoir lieu à renvoi de l'affaire à une audience ultérieure ni à rejet du mémoire additionnel déposé le 20 mars 2006 par la Compagnie du vent; Rejette le recours d'EDF, mais seulement en ce qu'il tend à l'annulation ou la réformation de l'article 3 de la décision du 27 septembre 2005 de la Commission, en ce qu'il lui enjoint de faire figurer, dans la convention de raccordement au réseau de distribution, un délai pour la réalisation des travaux au poste source de Doullens qui ne saurait excéder une durée d'un mois à compter de la signature de la convention par la Compagnie du Vent; Annule pour le surplus la décision du 27 septembre 2005 de la Commission de régulation de l'énergie; Renvoie l'affaire devant la Commission de régulation de l'énergie; Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés.