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Décisions

CA Bordeaux, 3e ch. corr., 30 septembre 2005, n° 04-00307

BORDEAUX

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Conseil national de l'ordre des pharmaciens

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Miori

Avocat général :

M. Lernout

Conseillers :

MM. Louiset, Berthomme

Avocat :

Me Jambin

TGI Bayonne, ch. corr., du 4 avr. 2002

4 avril 2002

Rappel de la procédure

Par actes reçus au secrétariat-greffe du Tribunal de grande instance de Bayonne, les parties civiles, le Conseil national de l'ordre des pharmaciens en date du 10 avril 2002 et Madame Morisson Dominique en date du 18 avril 2002 ont relevé appel des dispositions civiles d'un jugement contradictoire, rendu par ledit tribunal le 4 avril 2002, à l'encontre de X Serge poursuivi comme prévenu de s'être à Cambo-les-Bains, en tout cas sur le territoire national, entre le 1er janvier 2000 et le 5 avril 2001, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, livré à des opérations réservées aux pharmaciens sans réunir les conditions exigées pour l'exercice de la pharmacie, en l'espèce en proposant à la vente des médicaments par présentation sous les dénominations de "boisson A, thé B, thé C, thé D amincissant et anti-cholestérol, thé E, thé fortifiant F,

Infraction prévue par les articles L. 4223-1, L. 4211-1, L. 4221-1 du Code de la santé publique et réprimée par les articles L. 4223-1, L. 4223-3 al. 1 du Code de la santé publique.

- d'avoir à Cambo-les-Bains, entre le 1er janvier 2000 et le 5 avril 2001, effectué des publicités pour des médicaments n'ayant pas obtenu l'autorisation de mise sur le marché;

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 5122-1 et L. 5422-2 du Code de la santé publique.

LE TRIBUNAL

Sur l'action publique :

A relaxé Serge X du délit d'exercice illégal de la profession de pharmacien en ce qui concerne la mise en vente de médicaments par présentation, s'agissant du thé B, du thé C, du thé D, du thé E et du thé F,

L'a déclaré coupable pour le surplus,

A condamné Serge X à la peine d'amende de 1 800 euro.

Sur l'action civile :

A reçu Dominique Morisson en sa constitution de partie civile,

A condamné Serge X à payer à Dominique Morisson la somme de 300 euro à titre de dommages et intérêts et la somme de 700 au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Par arrêt en date du 21 janvier 2003, la Cour d'appel de Pau a reçu les appels comme réguliers en la forme. Au fond, a confirmé, en leur entier, les dispositions civiles du jugement du Tribunal de grande instance de Bayonne en date du 7 mars 2002.

Par arrêt en date du 4 novembre 2003, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt précité de la Cour d'appel de Pau en date du 21 janvier 2003, en ses seules dispositions relatives à l'action civile du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, toutes autres dispositions étant expressément maintenues. Pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi," renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de Bordeaux.

Procédure et prétentions des parties :

Serge X, qui exerce la profession de biomagnétiseur a été poursuivi devant le Tribunal correctionnel de Bayonne:

- d'une part, pour exercice illégal de la pharmacie et plus précisément pour avoir effectué des opérations réservées aux pharmaciens en proposant à la vente des médicaments parmi lesquels des boissons sous plusieurs appellations de thé,

- d'autre part, pour avoir effectué des publicités pour des médicaments n'ayant pas obtenu d'autorisation de vente sur le marché,

Il a été relaxé des fins de la poursuite par le Tribunal correctionnel de Bayonne par jugement du 4 avril 2002 pour le délit d'exercice illégal de la profession de pharmacien en ce qui concerne la mise en vente de médicaments par présentation s'agissant du thé B, du thé C, du thé D, du thé E et du thé F.

Le tribunal l'a, par contre, déclaré coupable du délit d'exercice de la profession de pharmacien par la mise en vente de la boisson A et du délit de publicité pour des médicaments n'ayant pas autorisation de vente sur le marché qui lui étaient reprochés.

Le tribunal a, par la même décision, reçu Dominique Morisson dans sa constitution de partie civile ainsi que le Conseil national de l'ordre des pharmaciens et a condamné Serge X à payer :

1) à Dominique Morisson 300 euro à titre de dommages et intérêts et 700 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

2) au Conseil national de l'ordre des pharmaciens 1 500 euro à titre de dommages et intérêts et 1 200 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Par arrêt du 27 janvier 2003, la Cour d'appel de Pau a confirmé cette décision.

Pour statuer dans ces termes, la Cour d'appel de Pau a considéré que les dispositions pénales étaient définitives et que, compte tenu des faits retenus, les dommages et intérêts fixés par le tribunal réparaient exactement les préjudices.

Par arrêt du 4 novembre 2003, la Cour de cassation a cassé cet arrêt en ses seules dispositions relatives à l'action civile du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, toutes autres dispositions étant expressément maintenues et a renvoyé l'affaire devant cette cour en retenant :

- que si les juges du second degré, saisis du seul appel de la partie civile ne peuvent prononcer aucune peine contre le prévenu relaxé, ils n'en sont pas moins tenus, au regard de l'action civile, de rechercher si les faits qui lui sont déférés constituent une infraction pénale et de prononcer, en conséquence, sur la demande en réparation de la partie civile,

- que la cour d'appel a méconnu la portée de ce principe en ne recherchant pas si, comme le soutenait le demandeur, les boissons dénommées thés étaient des médicaments par présentation et si leur mise en vente constituait une infraction.

Régulièrement assigné à personne, Serge X n a pas comparu ni personne pour lui.

Il sera, par conséquent, statué à son égard, par arrêt contradictoire à signifier.

Le Conseil national de l'ordre des pharmaciens demande à la cour :

- de confirmer le jugement rendu le 4 avril 2002 par le Tribunal de grande instance de Bayonne en ce qu'il a déclaré Serge X coupable des faits, objets de la poursuite relativement aux produits Y, A, et huile de pépins de pamplemousse et accueilli sa constitution de partie civile,

- d'infirmer le même jugement en ce qu'il a débouté la partie civile de ses demandes indemnitaires relativement à la commercialisation par Serge X des produits,B, C, D amincissant et anti-cholestérol, E, fortifiant F,

- de condamner, en conséquence, Serge X à lui payer une somme de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts,

- de prononcer à l'encontre de Serge X, l'interdiction de vendre les produits Y, A, B, C, D amincissant et anti-cholestérol, E, fortifiant F et huile de pépins de pamplemousse sous une astreinte de 150 euro par produit et par infraction constatée à compter du jugement à intervenir,

- de voir, en outre, ordonner aux frais de Serge X la publication du dispositif ou des principaux attendus du présent arrêt dans un quotidien national et dans un quotidien régional, dans la limite d'un montant de 2 000 euro hors taxes par publication,

- de condamner Serge X à lui payer une somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour les frais exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.

Motifs de la décision :

Serge X a définitivement été déclaré coupable d'avoir à Cambo-les-Bains, entre le 1er janvier 2000 et le 5 avril 2001 effectué des publicités pour des médicaments n'ayant pas obtenu d'autorisation de mise sur le marché et pour avoir proposé à la vente, sans qu'il soit pharmacien, du thé A qui a été considéré comme étant un médicament par présentation.

La constitution de partie civile du Conseil national de l'ordre des pharmaciens (CNOP) est, dès lors, recevable dans la mesure où elle a pour objet d'obtenir la réparation du préjudice qui est résulté pour elle de ces infractions.

Bien que Serge X ait été définitivement relaxé des fins de la poursuite du chef du délit de s'être livré à des opérations réservées aux pharmaciens sans réunir les conditions exigées pour l'exercice de la pharmacie, en l'espèce en proposant à la vente des médicaments par présentation sous les dénominations thé B, thé C, thé D amincissant et anti-cholestérol, thé E, thé fortifiant F, le Conseil national de l'ordre des pharmaciens est recevable à demander qu'il soit jugé que ce fait constitue, néanmoins, une infraction pénale et à obtenir éventuellement la réparation du préjudice qui a pu en résulter.

Dans son article L. 512 devenu l'article L. 422-1, le Code de la santé publique prévoit que sont réservées aux pharmaciens les plantes médicinales inscrites à la pharmacopée sous réserve des dérogations établies par décret.

L'article L. 511 du même Code devenu l'article L. 5111-1 prévoit, pour sa part, qu'on entend par médicament, toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales ainsi que tout produit pouvant être administré à l'homme ou à l'animal en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques.

En l'espèce, si le thé ne peut, en soi, être considéré comme un médicament, la présentation qui a été faite par Serge X des différents thés mis en vente doit être considérée comme les faisant entrer dans le cadre de l'article L. 511 susmentionné.

Il s'avère en effet :

- que le thé B est présenté comme soignant l'hypertension, le cholestérol, la mauvaise haleine due à la mauvaise digestion, glossite et les gerçures des lèvres,

- que le thé C est vendu avec pour propriété de réduire l'hypertension, le taux de glycémie (diabète) et de tonifier le coeur,

- que le thé D est présenté comme réduisant la lipémie, les oedèmes et les toxines,

- que le thé E est présenté comme permettant de lutter contre les vertiges, les troubles de la vue, les palpitations et les insomnies,

- que le thé fortifiant F est présenté comme combattant l'hypertension, les lumbagos, les problèmes d'articulation du genou et l'impuissance sexuelle,

Les différents thés ainsi mis en vente constituaient donc bien des médicaments en raison de la présentation qui en était faite.

Serge X ayant sciemment mis en vente ces différents thés, les éléments constitutifs de la totalité des infractions visées dans la prévention se trouvent, dès lors, établis.

Sur les intérêts civils;

La constitution de partie civile du CNOP est, en conséquence, recevable du chef de l'ensemble des éléments des deux délits qui étaient reprochés à Serge X.

Le préjudice subi par la profession pharmaceutique qu'il représente sera suffisamment réparé par l'attribution d'une indemnité de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts toutes causes de préjudice confondues y compris celui résultant de la mise en vente des différents thés susmentionnés.

L'indemnité de 1 200 euro prévue par les premiers juges au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale est justifiée. Elle ne sera, par contre, pas augmentée.

Il n'y a pas lieu de prononcer contre Serge X l'interdiction de vendre les produits qu'il n'est pas autorisé à négocier, les sanctions pénales qu'il encourrait dans cette hypothèse apparaissant suffisamment dissuasives sans qu'il soit nécessaire de prononcer, en outre, contre lui une astreinte de ce chef.

La publication de la présente décision, qui n'est pas opportune, ne sera pas ordonnée.

Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et contradictoirement à signifier à l'égard de Serge X et contradictoirement à l'égard du Conseil national de l'ordre des pharmaciens (CNOP), Vu le jugement du Tribunal correctionnel de Bayonne du 4 avril 2002, l'arrêt de la Cour d'appel de Pau du 21 janvier 2003 et l'arrêt de la Cour de cassation du 4 novembre 2003, Déclare recevable l'appel relevé par le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, Dit que les éléments constitutifs du délit d'exercice illégal de la pharmacie consistant pour Serge X à s'être à Cambo-les-Bains entre le 1er janvier 2000 et le 5 avril 2001, livré à des opérations réservées aux pharmaciens sans réunir les conditions exigées pour l'exercice de la pharmacie en proposant à la vente des médicaments par présentation sous la dénomination de thé B, thé C, thé D amincissant et anti-cholestérol, thé E, et thé fortifiant F, sont établis. Déclare, en conséquence, recevable la constitution de partie civile du Conseil national de l'ordre des pharmaciens au titre du préjudice consécutif à la totalité des infractions visées dans la prévention. Dit que le préjudice du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, toutes causes de préjudices confondues y compris le préjudice consécutif à la vente des thés susmentionnés, doit être fixé à la somme de 1 500 euro et que l'indemnité revenant au Conseil national de l'ordre des pharmaciens au titre de l'article 475 du Code de procédure pénale doit être fixée à 1 200 euro. Confirme, en conséquence, le jugement entrepris en ce qu'il a fixé aux mêmes sommes les indemnités revenant au Conseil national de l'ordre des pharmaciens. Déboute le Conseil national de l'ordre des pharmaciens du surplus de ses demandes.