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Décisions

Cass. crim., 1 juin 1999, n° 98-81.065

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. Lucas

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié

Paris, du 25 nov. 1997

25 novembre 1997

LA COUR : - Rejet du pourvoi formé par Laurent X, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 25 novembre 1997, qui, pour falsification de denrées alimentaires, l'a condamné à 15 000 francs d'amende. - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er et 2 du décret du 15 avril 1912 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes dans la vente des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires en ce qui concerne les denrées alimentaires et spécialement les viandes, produits de la charcuterie, fruits, légumes, poissons et conserves, 111-3 et 111-4 du Code pénal, L. 213-1 et L. 213-3 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 7.1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré X Laurent coupable de falsification, détention ou mise en vente de denrées servant à l'alimentation de l'homme, en l'espèce des compléments alimentaires contenant des additifs non autorisés ;

" aux motifs qu'en l'espèce Patrick Y et X Laurent ne contestent pas le fait que les produits incriminés constituent des "compléments alimentaires" ; que la cour considère, dès lors, que bien qu'il ne s'agisse pas véritablement de "nourriture", lesdits produits entrent dans la catégorie des aliments ; qu'elle relève que ces aliments ne sont pas destinés à une alimentation particulière (produits diététiques) et que, de ce fait, ils ne sont régis par aucune réglementation spécifique ; toutefois, que la cour estime que l'élément légal de l'infraction réside dans le décret du 15 avril 1912 ; que ce texte d'ordre général s'applique aux denrées alimentaires de consommation courante, donc aux aliments qui constituent les "compléments alimentaires" ; que la cour relève que le décret précité a institué une procédure d'autorisation préalable pour les substances à but nutritionnel, tels que vitamines et minéraux ; qu'elle constate qu'à l'époque de la prévention, aucun ajout d'additif à but nutritionnel n'était admis en alimentation courante ;

" alors que nul ne peut être puni pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi et que les compléments alimentaires n'étant régis par aucune réglementation spécifique, la cour d'appel ne pouvait entrer en voie de condamnation à l'encontre de X Laurent pour falsification de denrées alimentaires sur quelque fondement juridique que ce soit ;

" alors que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que le décret du 15 avril 1912 concerne les denrées alimentaires et spécialement les viandes, produits de la charcuterie, fruits, légumes, poissons et conserves ; que les "compléments alimentaires qui ne constituent pas des denrées alimentaires de consommation courante" n'entrent manifestement pas dans les prévisions de ce texte et que, dès lors, en étendant par voie d'analogie les dispositions de ce texte, l'arrêt attaqué a méconnu le principe susvisé ;

" alors que la cour d'appel ne pouvait, sans contradiction, faire état de ce que les compléments alimentaires "ne sont pas véritablement une nourriture" et déclarer pouvoir faire application à ces produits d'un texte qui ne s'applique, selon ses propres constatations, qu'aux denrées alimentaires de consommation courante " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Laboratoire de phytothérapie et d'herboristerie fabrique 3 produits qu'elle commercialise comme compléments alimentaires dénommés " Oligo Vital ongles et cheveux ", " Stimovital " et " Oligo Vital " ; que, sur le procès-verbal des agents de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes constatant que ces produits contenaient des additifs non autorisés, le dirigeant de la société, X Laurent, est poursuivi pour avoir, au cours des années 1994 et 1995, falsifié, détenu ou mis en vente des denrées servant à l'alimentation humaine qu'il savait falsifiées ;

Attendu que, pour caractériser la falsification, l'arrêt infirmatif énonce que les produits incriminés qui ne sont ni des médicaments, ni des produits diététiques soumis à la réglementation des aliments destinés à une alimentation particulière, relèvent, en tant que compléments alimentaires non diététiques, des règles générales applicables aux denrées alimentaires ; Que la cour d'appel, après avoir rappelé que le décret du 15 avril 1912 interdit, en son article 1er, de vendre des denrées alimentaires additionnées de produits chimiques autres que ceux dont l'emploi est autorisé par arrêtés ministériels retient que, en l'absence d'autorisation, les substances visées à la prévention ne pouvaient pas entrer dans la composition des produits incriminés ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; Que le moyen doit, dès lors, être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 511, L. 512, L. 596, L. 599 et R. 5113 du Code de la santé publique, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré X Laurent coupable de falsification, détention ou mise en vente de denrées servant à l'alimentation de l'homme, en l'espèce des compléments alimentaires contenant des additifs non autorisés ;

" aux motifs que X Laurent impute toute responsabilité pénale éventuelle à Fabrice Porte, directeur général et pharmacien "responsable" du laboratoire Z ; toutefois, que la Cour constate que les dispositions des articles L. 596, L. 599, L. 511, L. 512 et R. 5113 du Code de la santé publique ne visent que les actes relatifs à la préparation et à la vente des médicaments ; que, s'agissant en l'espèce d'aliments, la responsabilité du pharmacien de la société ne saurait être engagée ; en revanche, que X Laurent, président-directeur général de la société Z, déjà alerté par des contrôles précédemment réalisés, se devait de mettre en application la réglementation en vigueur en demandant, notamment, à ses donneurs d'ordres, d'adapter leurs formules de composition ; que cette absence de contrôle constitue l'élément intentionnel de l'infraction reprochée ;

" alors que la cour d'appel, qui constatait que les compléments alimentaires n'étaient pas véritablement une nourriture, ne pouvait, pour retenir la responsabilité pénale de X Laurent, non pharmacien et écarter celle du directeur général et pharmacien de la société Z, omettre de rechercher si les produits en cause n'appartenaient pas à la catégorie des produits définis par l'article L. 511 du Code de la santé publique et dont la préparation et la distribution relèvent du monopole des pharmaciens " ;

Attendu que, pour imputer le délit à X Laurent, qui invoquait, à sa décharge, la responsabilité pénale du seul directeur général de la société qu'il préside, l'arrêt se prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations et dès lors que le prévenu n'a pas invoqué la délégation de ses pouvoirs, la cour d'appel n'encourt pas le grief allégué ; que le moyen ne saurait, dès lors, être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.