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Décisions

CJCE, 6e ch., 18 mai 2000, n° C-107/97

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Rombi , Arkopharma SA, Union fédérale des consommateurs "Que choisir?" , Organisation générale des consommateurs, Union départementale 06

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schintgen

Avocat général :

M. Fennelly

Juges :

MM. Hirsch, Ragnemalm

Avocats :

Mes Deur, Vandersanden, Lehman

CJCE n° C-107/97

18 mai 2000

LA COUR (sixième chambre),

1. Par jugement du 19 juillet 1996, parvenu au greffe de la Cour le 14 mars 1997, le Tribunal de grande instance de Grasse a posé, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), cinq questions préjudicielles relatives à l'interprétation de la directive 89-398-CEE du Conseil, du 3 mai 1989, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière (JO L 186, p. 27).

2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'une procédure pénale intentée contre M. Rombi, président-directeur général de la société Arkopharma SA, et Arkopharma SA elle-même, en sa qualité de civilement responsable (ci-après, ensemble, "Arkopharma"). Il est reproché à Arkopharma d'avoir falsifié des denrées alimentaires destinées à l'alimentation de l'homme et d'avoir commercialisé des denrées falsifiées en violation des articles L. 213-1 et L. 213-3 du Code de la consommation français. Par denrées alimentaires falsifiées, on entend les denrées non conformes à la réglementation en vigueur.

3. Les différents produits commercialisés par Arkopharma contiennent comme agent significatif un dérivé d'acide aminé, la L-carnitine, à des doses non autorisées par la législation française dans des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

4. La directive 89-398 a procédé à une refonte de la directive 77-94-CEE du Conseil, du 21 décembre 1976, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière (JO 1977, L 26, p. 55).

5. L'article 1er, paragraphe 2, de la directive 89-398 dispose:

"2. a. Les denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière sont des denrées alimentaires qui, du fait de leur composition particulière ou du processus de leur fabrication, se distinguent nettement des denrées alimentaires de consommation courante, qui conviennent à l'objectif nutritionnel indiqué et qui sont commercialisées de manière à indiquer qu'elles répondent à cet objectif.

b. Une alimentation particulière doit répondre aux besoins nutritionnels particuliers:

i) de certaines catégories de personnes dont le processus d'assimilation ou le métabolisme est perturbé

ou

ii) de certaines catégories de personnes qui se trouvent dans des conditions physiologiques particulières et qui, de ce fait, peuvent tirer des bénéfices particuliers d'une ingestion contrôlée de certaines substances dans les aliments

ou

iii) des nourrissons ou enfants en bas âge, en bonne santé."

6. L'article 2 de la directive 89-398 réserve aux produits visés à l'article 1er, paragraphe 2, sous b), i) et ii), l'usage des qualificatifs "diététiques" et "de régime".

7. Conformément à l'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 89-398, des dispositions spécifiques applicables aux groupes de denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière figurant à l'annexe I de ladite directive doivent être arrêtées par voie de directives spécifiques. Au nombre de ces groupes figurent notamment, au n° 4, le groupe des "Denrées alimentaires à valeur énergétique faible ou réduite destinées à un contrôle du poids" et, au n° 8, le groupe des "Aliments adaptés à une dépense musculaire intense, surtout pour les sportifs".

8. Ont ainsi été arrêtées, en vertu de l'article 4, paragraphe 1, de la directive 89-398, la directive 91-321-CEE de la Commission, du 14 mai 1991, concernant les préparations pour nourrissons et les préparations de suite (JO L 175, p. 35), modifiée par la directive 96-4-CE de la Commission, du 16 février 1996 (JO L 49, p. 12, ci-après la "directive 91-321"), la directive 96-5-CE de la Commission, du 16 février 1996, concernant les préparations à base de céréales et les aliments pour bébés destinés aux nourrissons et enfants en bas âge (JO L 49, p. 17), et la directive 96-8-CE de la Commission, du 26 février 1996, relative aux denrées alimentaires destinées à être utilisées dans les régimes hypocaloriques destinés à la perte de poids (JO L 55, p. 22).

9. Si, en vertu de l'article 4, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 89-398, ces directives spécifiques peuvent comporter, notamment, les exigences essentielles quant à la nature ou à la composition des produits appartenant à l'un des groupes de denrées alimentaires figurant à l'annexe I ainsi qu'une liste d'additifs, l'article 4, paragraphe 2, de la même directive prévoit qu'une liste des substances à but nutritionnel particulier telles que vitamines, sels minéraux, acides aminés et autres substances à ajouter aux denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière sera arrêtée.

10. Conformément à l'article 9 de la directive 89-398, diverses dispositions spécifiques s'appliquent pour la mise sur le marché des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière et n'appartenant pas à l'un des groupes figurant à l'annexe I.Pour l'essentiel, ces dispositions spécifiques subordonnent la mise sur le marché des denrées alimentaires concernées à l'obligation d'informer les autorités compétentes.

11. Selon l'article 10 de la directive 89-398:

"1. Les États membres ne peuvent interdire ou entraver le commerce des produits visés à l'article 1er et conformes à la présente directive et, le cas échéant, aux directives prises en application de la présente directive, pour des motifs liés à la composition, aux caractéristiques de fabrication, de présentation ou à l'étiquetage de ces produits.

2. Le paragraphe 1 n'affecte pas les dispositions nationales applicables en l'absence de directives prises en application de la présente directive."

12. Si l'article 15, paragraphe 1, de la directive 89-398 définit le calendrier des mesures nationales de transposition à adopter afin que le commerce des produits conformes à la présente directive soit admis et le commerce des produits non conformes interdit, l'article 15, paragraphe 2, indique que "Le paragraphe 1 n'affecte pas les dispositions nationales qui, en l'absence de directives visées à l'article 4, régissent certains groupes de denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière".

La réglementation nationale

13. En France, le décret n° 91-827, du 29 août 1991, relatif aux aliments destinés à une alimentation particulière (JORF du 31 août 1991, ci-après le "décret n° 91-827"), vise à transposer la directive 89-398. Il reproduit la plupart des dispositions de la directive 89-398 et notamment, en son article 1er, la définition des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière contenue dans ladite directive.

14. L'article 9, premier alinéa, du décret n° 91-827 abroge le décret n° 81-574, du 15 mai 1981, portant application de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services en ce qui concerne les denrées alimentaires et boissons destinées à une alimentation particulière (JORF du 17 mai 1981 et rectificatif du 27 juin 1981, ci-après le "décret n° 81-574"), qui transposait en droit français la directive 77-94. L'article 9, second alinéa, du décret n° 91-827 prévoit toutefois que les arrêtés concernant les produits destinés à une alimentation particulière pris en application des textes antérieurs au présent décret demeurent en vigueur dans la mesure où ils ne sont pas contraires aux dispositions du décret n° 91-827.

15. L'arrêté du 4 août 1986 relatif à l'emploi des substances d'addition dans la fabrication des aliments destinés à une alimentation particulière (JORF du 30 août 1986, ci-après l'"arrêté du 4 août 1986") a été pris en application du décret n° 81-574. Il définit les conditions dans lesquelles l'emploi d'additifs est autorisé pour la préparation des aliments destinés à une alimentation particulière, et notamment les doses maximales d'additif autorisées.

16. En vertu de l'article 4, point 2, de l'arrêté du 4 août 1986, la L-carnitine, qualifiée d'additif à but nutritionnel, est uniquement admise, d'une part, dans la fabrication des aliments pour nourrissons et enfants en bas âge, à une dose comparable à la dose physiologique normalement présente dans le lait de femme mais sans pouvoir être supérieure à 15,4 mg par litre de produit reconstitué, et, d'autre part, dans la fabrication des aliments destinés à une alimentation particulière autres que ceux destinés aux nourrissons et enfants en bas âge, à une dose maximale de 100 mg pour 1 000 kilocalories de produit.

17. Par ailleurs, la réglementation française interdit l'addition de L-carnitine dans l'alimentation courante.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

18. Arkopharma est poursuivie devant le tribunal de grande instance de Grasse pour avoir produit et commercialisé divers produits, parmi lesquels "Arkotonic Gélules", "Turbodiet 300", "Turbodiet Fort", "Elle Carnitine Gélules" et "Elle Carnitine Forte", qui contiennent de la L-carnitine à une dose qui dépasse celle autorisée par la réglementation française applicable pour l'alimentation particulière.

19. Arkopharma a fait valoir à l'appui de sa défense que, en raison d'une transposition incomplète de la directive 89-398, le droit français est contraire au droit communautaire. Le décret n° 91-827 prévoirait que les arrêtés concernant les produits destinés à une alimentation particulière qui ont été adoptés antérieurement à la directive 89-398 demeurent en vigueur dans la mesure où ils ne sont pas contraires aux dispositions de celle-ci. Cette technique de réglementation constituerait une violation de l'obligation de transposition de la directive 89-398 dans la mesure où l'arrêté du 4 août 1986 ainsi maintenu en application serait contraire au régime mis en œuvre, au plan communautaire, par la directive 89-398 et, en droit national, par le décret n° 91-827.

20. Dans ces conditions, le tribunal de grande instance de Grasse a sursis à statuer et a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) Un État membre peut-il assurer la transposition correcte d'une directive communautaire en maintenant par l'acte national de transposition des textes antérieurs adoptés sur la base d'un texte national de transposition abrogé d'une directive antérieure abrogée, en se bornant à indiquer dans le nouvel acte de transposition que ces textes demeurent en vigueur dans la mesure où ils ne sont pas contraires au nouveau texte national ?

2) Les articles 10, paragraphe 2, et 15, paragraphe 2, de la directive n° 89-398-CEE du Conseil, du 3 mai 1989, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les denrées destinées à une alimentation particulière (JOCE n° L 186, du 30 juin 1989), autorisent-ils unÉtat à continuer d'appliquer une réglementation antérieure à la directive et à son acte de transposition ?

3) La classification, par la directive n° 89-398-CEE du Conseil, du 3 mai 1989, relative au rapprochement des législations des États, des denrées destinées à une alimentation particulière en neuf groupes (visés par son annexe 1) devant faire l'objet de directives spécifiques et en denrées hors groupes pour lesquelles de telles directives ne sont pas prévues, permet-elle l'application par un État membre d'une réglementation fondée sur une classification reposant sur une distinction entre les produits de régime et les produits diététiques ou sur une distinction entre les aliments pour nourrissons et enfants en bas âge et les aliments autres que ceux destinés aux nourrissons et enfants en bas âge ?

4) Les articles 10, paragraphe 2, et 15, paragraphe 2, de la directive n° 89-398-CEE du Conseil, du 3 mai 1989, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les denrées destinées à une alimentation particulière, réservant l'application des mesures nationales dans l'hypothèse de l'absence d'adoption des directives spécifiques, prévues par l'article 4 de la directive, empêchent-ils les particuliers de se prévaloir des dispositions de la directive pour mettre en cause les modalités de transposition retenues par les États membres et les faire déclarer inapplicables par les juridictions nationales dans la mesure où elles sont contraires aux dispositions de la directive ?

5) Le fait que le contrôle des denrées alimentaires soit exercé dans le cadre des directives communautaires n'implique-t-il pas que les États sont soumis, dans l'exercice de ces contrôles, au respect des principes généraux communautaires et, en particulier, au respect de la confiance légitime ?"

Sur la recevabilité des questions préjudicielles

21. Le Gouvernement français considère les questions préjudicielles comme irrecevables au motif que les produits contenant de la L-carnitine à des doses élevées commercialisés par Arkopharma seraient des compléments alimentaires. À ce titre, ils ne pourraient pas être considérés comme des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière au sens de la directive 89-398, en sorte qu'ils n'entreraient pas dans le champ d'application de celle-ci. Partant, la réponse de la Cour ne serait pas nécessaire pour résoudre le litige au principal.

22. Ces arguments ne sauraient être retenus. Conformément à une jurisprudence constante, il appartient aux seules juridictions nationales qui sont saisies du litige et qui doivent assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d'apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu'elles posent à la Cour (voir, notamment, arrêts du 14 décembre 1995, Banchero, C-387-93,Rec. p. I-4663, point 15, et du 5 juin 1997, Celestini, C-105-94, Rec. p. I-2971, point 21). En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l'interprétation du droit communautaire, la Cour est en principe tenue de statuer (voir, notamment, arrêt du 15 décembre 1995, Bosman, C-415-93, Rec. p. I-4921, point 59).

23. Il est également de jurisprudence constante que, en appliquant le droit national, qu'il s'agisse de dispositions antérieures ou postérieures à une directive, la juridiction nationale appelée à l'interpréter est tenue de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci et se conformer ainsi à l'article 189, troisième alinéa, du traité CE (devenu article 249, troisième alinéa, CE) (voir, notamment, arrêts du 13 novembre 1990, Marleasing, C-106-89, Rec. p. I-4135, point 8, et du 16 juillet 1998, Silhouette International Schmied, C-355-96, Rec. p. I-4799, point 36).

24. À la lumière de cette jurisprudence, il y a lieu de constater que l'interprétation de la directive 89-398 demandée par la juridiction de renvoi n'apparaît pas manifestement inutile à la solution du litige au principal, ne serait-ce que dans la mesure où une telle interprétation est nécessaire pour déterminer si les produits en cause au principal relèvent de la directive 89-398.

25. Il en résulte que les questions posées par la juridiction de renvoi doivent être déclarées recevables.

Sur les première, deuxième et troisième questions

26. Par ces trois questions, qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction nationale demande en substance si, eu égard notamment à ses articles 10, paragraphe 2, et 15, paragraphe 2, la directive 89-398 s'oppose à ce qu'un État membre maintienne en vigueur, postérieurement à la transposition de la directive 89-398, une réglementation nationale antérieure, telle que celle en cause au principal, qui porte sur les additifs autorisés dans la fabrication de denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière, même lorsque cette réglementation est fondée sur une classification différente de celle utilisée par la directive.

27. Dans la mesure où la première question porte plus particulièrement sur la transposition correcte de la directive 89-398 en droit interne, il convient de rappeler que la Cour ne peut pas, par la voie de l'article 177 du traité, statuer sur la validité d'une mesure de droit interne au regard du droit communautaire, comme il lui serait possible de le faire dans le cadre de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE) (voir arrêt du 12 décembre 1996, X, C-74-95 et C-129-95, Rec. p. I-6609, point 21).

28. Il y a lieu, néanmoins, de constater qu'une question concernant la transposition correcte d'une directive en droit interne vise, au fond, à apprécier si la réglementation nationale telle que résultant de la transposition est valide parce que compatible avec la directive. En effet, une telle réglementation nationale ne saurait être compatible avec la directive et, partant, valide que si la transposition a été effectuée correctement.

29. Si, selon une jurisprudence constante, la Cour n'est également pas compétente, dans le cadre de l'article 177 du traité, pour se prononcer sur la compatibilité d'une réglementation nationale avec le droit communautaire, elle peut tout de même fournir à la juridiction nationale tous éléments d'interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent lui permettre d'apprécier la compatibilité d'une réglementation nationale avec le droit communautaire pour le jugement de l'affaire dont elle est saisie (voir arrêt du 12 décembre 1990, SARPP, C-241-89, Rec. p. I-4695, point 8).

30. Ainsi, l'interprétation de la directive 89-398 en vue d'une réponse aux questions reformulées au point 26 du présent arrêt est de nature à fournir en même temps tous les éléments nécessaires à la juridiction nationale pour juger de la compatibilité de la réglementation nationale avec la directive.

31. Par voie de conséquence, il suffit d'examiner les questions ainsi reformulées sans qu'il y ait besoin de traiter séparément la question relative à la transposition correcte de la directive 89-398.

Sur le champ d'application de la directive 89-398

32. Avant de répondre aux première, deuxième et troisième questions, telles que reformulées au point 26 du présent arrêt, il y a lieu de vérifier si la directive 89-398 est susceptible de s'appliquer à des produits tels que ceux contenant de la L-carnitine à des doses élevées commercialisés par Arkopharma.

33. Le Gouvernement français soutient que les préparations commercialisées par Arkopharma sont des compléments alimentaires, lesquels sont définis comme des produits constitués, notamment, d'additifs nutritionnels destinés à compléter l'alimentation courante afin de pallier l'insuffisance réelle ou supposée des apports journaliers. Ils seraient considérés, en droit interne, comme des denrées alimentaires et seraient soumis, à ce titre, aux textes de portée générale applicables à l'ensemble des aliments. Plus particulièrement, la L-carnitine serait autorisée à titre d'additif à but nutritionnel seulement dans deux catégories d'aliments destinés à une alimentation particulière, à savoir, en vertu de l'article 4 de l'arrêté du 4 août 1986, dans les préparations pour nourrissons et enfants en bas âge et dans les produits diététiques pour adultes, mais ne relèverait d'aucune réglementation communautaire harmonisée.

34. Arkopharma estime que les produits qu'elle commercialise relèvent principalement du groupe n° 8 figurant à l'annexe I de la directive 89-398, ou du groupe n° 4 figurant à la même annexe. Lors de l'audience, Arkopharma a indiqué que ses produits pourraient également relever du groupe n° 5, "Aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales", sans toutefois justifier leur appartenance à ce groupe.

35. Il convient de relever, à titre liminaire, qu'il ressort des motifs du jugement de renvoi que le tribunal de grande instance de Grasse considère la L-carnitine comme un nutriment et les préparations commercialisées par Arkopharma qui la contiennentcomme des compléments alimentaires. Il n'est pas contesté que, à ce titre, les produits commercialisés par Arkopharma et contenant de fortes doses en L-carnitine constituent des denrées alimentaires.

36. Dès lors, il est en l'occurrence sans pertinence que, dans d'autres dosages, en combinaison avec d'autres substances et sous d'autres conditionnements, la L-carnitine puisse se présenter comme additif, voire comme médicament.

37. Aux termes de son article 1er, paragraphe 1, la directive 89-398 concerne les denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière. Selon son article 1er, paragraphe 2, sous a), sont destinées à une alimentation particulière les denrées alimentaires qui, du fait de leur composition particulière ou du processus particulier de leur fabrication, se distinguent nettement des denrées alimentaires de consommation courante, qui conviennent à l'objectif nutritionnel indiqué et qui sont commercialisées de manière à indiquer qu'elles répondent à cet objectif. Selon son article 1er, paragraphe 2, sous b), une alimentation particulière doit répondre aux besoins nutritionnels particuliers de certaines catégories de personnes.

38. Il n'est pas contesté que les produits commercialisés par Arkopharma présentent, en leur qualité de compléments alimentaires, une composition particulière comme contenant des doses importantes de L-carnitine et se distinguent ainsi nettement des denrées alimentaires de consommation courante. Le premier des critères énoncés à l'article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 89-398 est donc rempli en l'espèce.

39. Le troisième des critères énoncés à l'article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 89-398 est également rempli dans la mesure où les produits en cause au principal sont commercialisés, ainsi qu'il ressort des indications non contestées données par Arkopharma, notamment lors de l'audience, comme produits destinés à améliorer les performances sportives et à favoriser la perte de poids.

40. En revanche, le Gouvernement français soutient que les produits en cause au principal ne conviennent pas aux objectifs nutritionnels indiqués par Arkopharma, en sorte qu'il ne rempliraient pas le deuxième critère prévu à l'article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 89-398, et qu'ils ne répondent pas non plus aux besoins nutritionnels particuliers de certaines catégories de personnes contrairement à ce qu'exigerait l'article 1er, paragraphe 2, sous b), i) et ii), de la directive 89-398.

41. Cette objection du Gouvernement français ne saurait cependant avoir pour effet d'exclure d'emblée du champ d'application de la directive 89-398 les produits commercialisés par Arkopharma. D'une part, les articles 3, paragraphe 1, 11 et 12 de la directive 89-398 - le premier énonçant l'obligation que les produits soient appropriés, de par leur nature et leur composition, à l'objectif nutritionnel particulier, les derniers prévoyant diverses mesures en cas de non-respect de cette obligation - font apparaître que la directive 89-398 s'applique à tout le moins aussi longtemps qu'il n'est pas établi que les produits en cause sont inappropriés aux besoins nutritionnels particuliers auxquels ils sont destinés.

42. D'autre part, dans le cadre de l'article 177 du traité, il incombe à la seule juridiction de renvoi de vérifier si les produits en cause au principal sont de nature à convenir effectivement aux objectifs nutritionnels indiqués par Arkopharma, c'est-à-dire s'ils facilitent effectivement la perte de poids ou les performances sportives.

43. Il résulte des considérations qui précèdent que l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 89-398 doit être interprété en ce sens que des compléments alimentaires, tels que ceux en cause au principal, qui contiennent de la L-carnitine à des doses élevées et sont commercialisés de manière à indiquer qu'ils répondent à un objectif nutritionnel particulier relèvent du champ d'application de cette directive tant qu'il n'est pas établi par les juridictions nationales qu'ils ne conviennent pas aux objectifs nutritionnels indiqués par le fabricant ou ne répondent pas aux besoins nutritionnels particuliers de l'une des catégories de personnes visées à l'article 1er, paragraphe 2, sous b), i) et ii), de ladite directive.

Sur l'interprétation de la directive 89-398

44. Il découle des termes mêmes des articles 10, paragraphe 2, et 15, paragraphe 2, de la directive 89-398 qu'une réglementation nationale telle que celle en cause au principal ne saurait être affectée par les dispositions de cette directive lorsque ni celle-ci ni des directives prises en son application, notamment des directives spécifiques visées à son article 4, paragraphe 1, n'édictent de règles relatives aux additifs autorisés en général dans la fabrication de denrées ou groupes de denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière ou, plus généralement, relatives à la composition de ce type de denrées alimentaires.

45. Dès lors, il convient d'examiner si la directive 89-398 elle-même ou une directive prise en son application, notamment une directive spécifique visée à son article 4, paragraphe 1, comportent de telles règles.

46. Il ressort de ses deuxième et troisième considérants que la directive 89-398 constitue une première étape dans l'élimination des entraves à la libre circulation des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière résultant des différences entre les législations nationales et que, au stade actuel, le rapprochement des législations nationales qu'elle propose a pour objet la mise au point d'une définition commune, la détermination de mesures permettant d'assurer la protection du consommateur contre les tromperies sur la nature des produits et la fixation des règles auxquelles doit répondre l'étiquetage des produits en question.

47. En revanche, la directive 89-398 ne réglemente par elle-même ni les additifs autorisés en général dans la fabrication de ce type d'aliments ni les substances à but nutritionnel à y ajouter et ne comporte aucune exigence précise quant à la composition de ces derniers.

48. En ce qui concerne l'ensemble des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière, il y a lieu de relever que l'article 4, paragraphe 2, de la directive 89-398 prévoit l'adoption d'une liste des substances à but nutritionnel particulier telles que vitamines, sels minéraux et acides aminés. Abstraction faite de la question de savoir si la L-carnitine appartient à la catégorie des acides aminés en sa qualité de dérivé d'acide aminé, il ressort du dossier et des observations d'Arkopharma et du Gouvernement français que ladite liste n'a pas été arrêtée jusqu'à présent.

49. Plus spécifiquement, d'une part, pour les denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière n'appartenant pas à l'un des groupes figurant à l'annexe I de la directive 89-398, aucune réglementation n'est prévue au sujet des additifs autorisés et, plus généralement, au sujet de la composition de ces denrées, hormis l'adoption de la liste des substances à but nutritionnel visée au point précédent.

50. D'autre part, pour celles appartenant à l'un de ces groupes, l'article 4, paragraphe 1, de la directive 89-398 prévoit certes l'adoption d'une réglementation relative à leur composition, y compris les additifs y entrant, sous la forme de directives spécifiques, mais, ainsi qu'il a été relevé au point 8 du présent arrêt, en l'état actuel du droit communautaire, trois directives seulement ont été adoptées sur le fondement de cet article et leur champ d'application n'inclut pas les produits, tels que ceux en cause au principal, qui appartiennent à l'un ou l'autre des groupes nos 4 et 8 figurant à l'annexe I de la directive 89-398.

51. Ainsi, il y a lieu de conclure que, à défaut, premièrement, d'une réglementation communautaire relative aux additifs autorisés en général dans les denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière, et plus particulièrement à la L-carnitine, et, deuxièmement, d'une réglementation relative à la composition desdites denrées, le droit communautaire ne s'oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, relative aux additifs autorisés dans la fabrication de ce type de denrées alimentaires.

52. Ce constat ne saurait être mis en cause par une prétendue divergence entre la classification introduite par la directive 89-398 et celle retenue par l'arrêté du 4 août 1986.

53. En premier lieu, il convient de rappeler qu'une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, doit être interprétée dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive pour atteindre le résultat visé par cette dernière (voir, notamment, arrêts Marleasing, précité, point 8, et du 23 février 1999, BMW, C-63-97, Rec. p. I-905, point 22).

54. Ainsi la juridiction nationale doit-elle tenir compte de la définition établie par l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 89-398 et de la possibilité ouverte par l'article 2, paragraphe 1, de celle-ci d'utiliser les qualificatifs "diététiques" et "de régime" lorsqu'elle interprète une réglementation nationale qui utilise notamment une classification reposant sur la différence entre produits diététiques et produits de régime.

55. En second lieu, s'agissant plus spécifiquement de la divergence entre classification communautaire et classification nationale, il convient de relever que la directive 89-398 repose, d'une part, sur la différence entre denrées alimentaires appartenant à l'un des groupes figurant à l'annexe I de la directive, pour lesquelles elle prévoit à son article 4, paragraphe 1, l'adoption d'une liste d'additifs, et les autres denrées alimentaires, pour lesquelles elle ne prévoit aucune réglementation spécifique relative aux additifs.

56. D'autre part, la directive 89-398 fait une distinction entre des additifs et des substances à but nutritionnel. Pour ces dernières, elle prévoit en son article 4, paragraphe 2, l'adoption d'une liste valable pour l'ensemble des denrées alimentaires relevant de la directive 89-398.

57. En revanche, la réglementation nationale en cause au principal repose, abstraction faite de la différence entre les produits diététiques et les produits de régime, sur la double distinction entre les additifs à but technologique et ceux à but nutritionnel autorisés, d'une part, et entre les aliments pour nourrissons et enfants en bas âge et les autres aliments destinés à une alimentation particulière, d'autre part.

58. Hormis le fait qu'il ressort de l'annexe IV de la directive 96-5 et de l'annexe III de la directive 91-321 mentionnées au point 8 du présent arrêt, prises en application de l'article 4, paragraphe 1, de la directive 89-398, que la L-carnitine est considérée, sous le régime de la directive 89-398, non comme additif, mais comme substance nutritive, la classification introduite par la directive 89-398 ne saurait s'opposer, dans un cas de figure tel que celui de l'affaire au principal, à une réglementation nationale fondée essentiellement sur la distinction entre additifs à but technologique et additifs à but nutritionnel, d'une part, et entre aliments pour nourrissons et enfants en bas âge et autres aliments destinés à une alimentation particulière, d'autre part, que si elle avait pour conséquence d'autoriser l'utilisation de la L-carnitine pour des personnes pour lesquelles elle est exclue par la réglementation nationale ou à des doses interdites par ladite réglementation ou l'inverse.

59. Or, à défaut d'autres directives que celles déjà prises en application de l'article 4, paragraphe 1, de la directive 89-398, mentionnées au point 8 du présent arrêt, rien ne permet de conclure, et il n'est pas allégué par les parties, que, en l'état actuel de la réglementation communautaire, la différence entre la classification communautaire et la classification nationale aboutisse à de telles conséquences.

60. Il résulte des considérations qui précèdent que, en l'état actuel de la réglementation communautaire, la directive 89-398 et les directives prises en son application ne s'opposent pas à ce qu'un État membre maintienne en vigueur, postérieurement à la transposition de la directive 89-398, une réglementation nationale antérieure, telle que celle en cause au principal, qui porte sur les additifs autorisés dans la fabrication des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière, même lorsque cette réglementation est fondée sur une classification différente de celle utilisée par la directive 89-398.

Sur la quatrième question

61. Par cette question, la juridiction de renvoi demande en substance s'il est possible à un justiciable d'invoquer la directive 89-398 à l'encontre d'une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui porte sur les additifs autorisés dans la fabrication de denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière et qui est contraire aux dispositions de cette directive.

62. À cet égard, il suffit de constater qu'à défaut de dispositions résultant de la directive 89-398 ou des directives prises en application de son article 4 et portant sur la composition des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière ou sur l'utilisation d'additifs ou de substances à but nutritionnel particulier dans la fabrication de ce type de denrées, il n'existe, en l'état actuel du droit communautaire, aucune réglementation communautaire pertinente dont un particulier pourrait se prévaloir pour s'opposer à une telle réglementation nationale, en ce qui concerne les additifs et les substances à but nutritionnel autorisés dans la fabrication d'aliments tels que ceux en cause au principal.

Sur la cinquième question

63. Par sa dernière question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les États membres sont soumis aux exigences découlant des principes généraux reconnus en droit communautaire, et notamment du principe de la protection de la confiance légitime, lorsqu'ils procèdent au contrôle de la composition des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière et, en particulier, des additifs et des substances à but nutritionnel entrant dans leur fabrication.

64. La juridiction de renvoi n'a pas fourni d'explications au sujet de cette question. Néanmoins, à la lumière des observations d'Arkopharma, qui soutient être autorisée à commercialiser les produits en cause au principal en vertu du droit communautaire, et afin de donner à la juridiction de renvoi une réponse utile pour lui permettre de trancher le litige dont elle est saisie, la question doit être comprise comme visant à savoir si les autorités nationales sont limitées, pour des raisons tenant à la protection de la confiance légitime d'Arkopharma, à un contrôle de la conformité des produits en cause avec la réglementation communautaire relative à l'emploi de la L-carnitine.

65. Il est de jurisprudence constante que les exigences découlant de la protection des principes généraux reconnus dans l'ordre juridique communautaire, au nombre desquels figure le principe de la protection de la confiance légitime, lient également les États membres lorsqu'ils mettent en œuvre des réglementations communautaires et que par suite ceux-ci sont tenus, dans toute la mesure du possible, d'appliquer ces réglementations dans des conditions qui ne méconnaissent pas lesdites exigences. Dès lors qu'une réglementation nationale entre dans le champ d'application du droit communautaire, la Cour, saisie à titre préjudiciel, doit fournir tous les éléments d'interprétation nécessaires à l'appréciation, par la juridiction nationale, de la conformité de cette réglementation avec les principes généraux dont la Cour assure lerespect (voir, s'agissant des droits fondamentaux, qui figurent au nombre des principes généraux, arrêt du 24 mars 1994, Bostock, C-2-92, Rec. p. I-955, point 16).

66. Certes, ainsi que le souligne Arkopharma, le principe de la protection de la confiance légitime est le corollaire du principe de sécurité juridique, qui exige que les règles de droit soient claires et précises, et vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit communautaire (arrêt du 15 février 1996, Duff e.a., C-63-93, Rec. p. I-569, point 20).

67. Toutefois, selon la jurisprudence de la Cour, le respect de la confiance légitime ne peut être invoqué à l'encontre d'une réglementation communautaire que dans la mesure où la Communauté elle-même a créé au préalable une situation susceptible d'engendrer une confiance légitime (voir, par exemple, arrêt du 15 avril 1997, Irish Farmers Association e.a., C-22-94, Rec. p. I-1809, point 19). Or, dans la matière des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière, la réglementation communautaire pertinente n'a créé au préalable aucune situation susceptible d'engendrer, dans le chef d'Arkopharma, une confiance légitime que celle-ci pourrait faire valoir en sa faveur.

68. En effet, si le cinquième considérant de la directive 89-398 fait apparaître qu'elle vise notamment à un contrôle efficace des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière, en revanche, ainsi qu'il a été relevé aux points 44 à 59 du présent arrêt, cette directive ne réglemente par elle-même ni les exigences quant à la composition de ce type de denrées alimentaires ni les additifs et les substances à but nutritionnel visées à l'article 4, paragraphe 2, autorisés dans leur fabrication.

69. Il s'ensuit que, abstraction faite de trois directives prises en application de la directive 89-398, le contrôle visé par la juridiction de renvoi ne saurait porter que sur le respect de la réglementation nationale sur les additifs et les substances à but nutritionnel autorisés dans la fabrication des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière.

70. Arkopharma soutient également que la faculté qu'ont les États membres d'appliquer, notamment dans le cadre de l'article 10, paragraphe 2, de la directive 89-398, leur propre réglementation relative aux exigences quant à la composition des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière et aux additifs autorisés dans leur fabrication doit être appréciée à la lumière des dispositions et principes régissant la libre circulation des marchandises.

71. Certes, conformément à la thèse défendue par Arkopharma, les États membres ne peuvent jouir de leur faculté de régler la composition des denrées alimentaires relevant de la directive 89-398 que sous réserve des articles 30, 34 et 36 du traité CE (devenus, après modification, articles 28 CE, 29 CE et 30 CE) régissant la libre circulation des marchandises, parce que les dispositions nationales concernant la composition des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière et les additifs autorisésdans leur fabrication sont de nature à constituer des restrictions au commerce intracommunautaire.

72. Toutefois, en l'occurrence, il ne ressort pas du dossier de l'affaire au principal qu'Arkopharma a exercé une activité d'importation ou d'exportation des produits en cause. Dans ces conditions, la Cour n'a pas été mise en mesure d'apprécier si les règles et principes découlant de la libre circulation des marchandises trouvent à s'appliquer à une activité telle que celle en cause au principal. Cette décision incombe dès lors à la juridiction nationale, seule compétente pour constater et apprécier les faits du litige dont elle est saisie.

73. Par conséquent, il y a lieu de répondre à la cinquième question que les États membres sont soumis, pour le contrôle de la composition des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière et, en particulier, des additifs et des substances à but nutritionnel entrant dans leur fabrication, aux exigences découlant des principes généraux reconnus en droit communautaire, et notamment du principe de la protection de la confiance légitime. Toutefois, dans l'affaire au principal, la réglementation communautaire pertinente n'a pas pu faire naître, dans le chef d'Arkopharma, une confiance légitime que celle-ci pourrait faire utilement valoir. Il appartient à la juridiction nationale de décider si les règles relatives à la libre circulation des marchandises à l'intérieur de la Communauté trouvent à s'appliquer à une activité telle que celle en cause au principal.

Sur les dépens

74. Les frais exposés par le Gouvernement français et la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre),

Statuant sur les questions à elle soumises par le tribunal de grande instance de Grasse, par jugement du 19 juillet 1996, dit pour droit:

1) L'article 1er, paragraphe 2, de la directive 89-398-CEE du Conseil, du 3 mai 1989, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière, doit être interprété en ce sens que des compléments alimentaires, tels que ceux en cause au principal, qui contiennent de la L-carnitine à des doses élevées et sont commercialisés de manière àindiquer qu'ils répondent à un objectif nutritionnel particulier relèvent du champ d'application de cette directive tant qu'il n'est pas établi par les juridictions nationales qu'ils ne conviennent pas aux objectifs nutritionnels indiqués par le fabricant ou ne répondent pas aux besoins nutritionnels particuliers de l'une des catégories de personnes visées à l'article 1er, paragraphe 2, sous b), i) et ii), de ladite directive.

2) En l'état actuel de la réglementation communautaire, la directive 89-398 et les directives prises en son application ne s'opposent pas à ce qu'un État membre maintienne en vigueur, postérieurement à la transposition de la directive 89-398, une réglementation nationale antérieure, telle que celle en cause au principal, qui porte sur les additifs autorisés dans la fabrication des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière, même lorsque cette réglementation est fondée sur une classification différente de celle utilisée par la directive 89-398.

3) À défaut de dispositions résultant de la directive 89-398 ou des directives prises en application de son article 4 et portant sur la composition des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière ou sur l'utilisation d'additifs ou de substances à but nutritionnel particulier dans la fabrication de ce type de denrées, il n'existe, en l'état actuel du droit communautaire, aucune réglementation communautaire pertinente dont un particulier pourrait se prévaloir pour s'opposer à une telle réglementation nationale, en ce qui concerne les additifs et les substances à but nutritionnel autorisés dans la fabrication d'aliments tels que ceux en cause au principal.

4) Les États membres sont soumis, pour le contrôle de la composition des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière et, en particulier, des additifs et des substances à but nutritionnel entrant dans leur fabrication, aux exigences découlant des principes généraux reconnus en droit communautaire, et notamment du principe de la protection de la confiance légitime. Toutefois, dans l'affaire au principal, la réglementation communautaire pertinente n'a pas pu faire naître, dans le chef d'Arkopharma, une confiance légitime que celle-ci pourrait faire utilement valoir. Il appartient à la juridiction nationale de décider si les règles relatives à la libre circulation des marchandises à l'intérieur de la Communauté trouvent à s'appliquer à une activité telle que celle en cause au principal.