Cass. crim., 22 juin 1994, n° 93-82.585
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Souppe (faisant fonction)
Rapporteur :
M. Jorda
Avocat général :
M. Monestie
Avocats :
SCP Waquet, Farge, Hazan
LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par : X Yves, Y Albert, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, du 11 mai 1993, qui a condamné le premier, pour falsification de denrées servant à l'alimentation des animaux et vente desdites denrées, à 50 000 francs d'amende et le second, pour falsification de denrées, à 15 000 francs d'amende ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire produit commun aux deux demandeurs ; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1 et 3 de la loi du 1er août 1905, L. 511, L. 606, L. 608, L. 610 du Code de la santé publique, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les docteurs Y et X coupables de falsification de denrées alimentaires destinées à l'alimentation des animaux, l'un pour avoir prescrit la fabrication d'un concentrat nutritionnel renfermant un additif non autorisé, l'autre pour l'avoir fabriqué ;
"aux motifs que le produit litigieux ne constitue pas un médicament mais un prémélange contenant un additif destiné à être incorporé aux aliments pour animaux, non autorisé par la liste réglementaire du 20 mars 1981 ; que le docteur X a lui-même précisé que ce produit était fourni dans le cadre d'un essai clinique susceptible d'étayer un dossier d'autorisation en tant qu'additif ;
"alors, d'une part, que, aux termes de l'article L. 511 du Code de la santé publique, "on entend par médicament (...) tout produit pouvant être administré à l'homme ou à l'animal en vue de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques" ; que, dès lors, constitue un médicament le produit blanchissant à base d'EDTA fabriqué par un laboratoire vétérinaire et prescrit dans le but de restaurer l'équilibre physiologique des veaux, dénaturé par une alimentation trop riche en fer ; que ni le fait que l'EDTA soit incorporé à un aliment, ni la circonstance que l'un des prévenus ait indiqué que l'essai clinique de l'agent blanchissant aurait été effectué dans l'éventualité d'un dépôt de dossier d'additif ne modifie la nature du produit et la fonction à laquelle il a été effectivement destiné ; qu'en déniant au produit blanchissant à base d'EDTA la qualité de médicament, sans avoir vérifié si son administration aux veaux était susceptible de corriger, restaurer ou modifier leurs fonctions organiques, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 511 du Code de la santé publique et privé sa déclaration de culpabilité de toute base légale ;
"alors, d'autre part, que le délit de falsification suppose de la part de son auteur un élément intentionnel, à savoir la volonté de tromper l'utilisateur sur la qualité, les caractéristiques ou l'efficacité de la denrée concernée ; que l'arrêt attaqué, qui constate que le docteur X avait procédé à un essai clinique afin de dégager des résultats chiffrés susceptibles d'étayer un dossier d'autorisation du produit, écarte par là -même toute intention frauduleuse de la part des prévenus ; que, dès lors, faute d'avoir constaté l'existence d'un des éléments constitutifs du délit poursuivi, elle n'a pas caractérisé celui-ci et a de nouveau privé sa déclaration de culpabilité de toute base légale ;
"alors enfin que la défense avait, par voie de conclusions, fait valoir que le concentrat à base d'EDTA avait été élaboré par la société Sogeval dans le cadre de son activité de fabrication de médicaments vétérinaires, et prescrit par des docteurs vétérinaires dans le strict respect de la législation sur les médicaments, dans le but d'un essai clinique en vue d'un dossier d'acceptation soit comme médicament, soit comme additif ; que le produit n'a été utilisé qu'à titre ponctuel dans des cas spécifiques pour une période très limitée et n'a concerné que 3 % des animaux produits par la société Vals ; que la fabrication du produit a cessé le 18 décembre 1989, bien avant l'intervention de l'agent de la répression des fraudes en septembre 1990 ; que la société Sogeval a toujours régulièrement détenu de l'EDTA, l'utilisant dans la fabrication de médicaments pour lesquels elle avait une autorisation de mise sur le marché ; que, cependant, ces moyens péremptoires de défense, ayant pour effet d'établir l'absence de falsification de denrées alimentaires et l'absence d'intention frauduleuse, ont totalement été ignorés par la cour d'appel, qui a entaché ainsi sa décision d'un défaut de réponse à conclusions manifeste" ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 1 et 3 de la loi du 1er août 1905 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X coupable du délit de vente de denrées falsifiées servant à l'alimentation des animaux ;
"alors qu'en aucune de ses énonciations, il ne constate un fait de commercialisation par ce dernier du produit litigieux" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ; d'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette les pourvois.