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Décisions

Cass. crim., 27 juin 1994, n° 93-83.595

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tacchella (faisant fonction)

Rapporteur :

M. de Mordant de Massiac

Avocat général :

M. Perfetti

Avocat :

Me Cossa

Colmar, du 9 juin 1993

9 juin 1993

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par : X Paul, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 9 juin 1993, qui, pour falsification de boisson destinée à l'alimentation humaine, l'a condamné à 20 000 francs d'amende et à la publication de la décision ; - Vu le mémoire ampliatif produit ; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 3 du décret n° 72-309 du 21 avril 1972, 18 à 23 du règlement CEE 822-87, 8 du règlement CEE 823-87, 1er, 3 et 7 de la loi du 1er août 1905, 427, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X coupable d'avoir falsifié des boissons ou produits agricoles ou naturels destinés à être vendus, en l'espèce en enrichissant 2 500 litres de vin d'Alsace Muscat au-delà de la limite de 4 250 hg soit 2,5 % volume, et en répression l'a condamné à la peine de 20 000 francs d'amende, en ordonnant la publication, à ses frais, de l'arrêt par extraits dans les journaux "Dernières nouvelles d'Alsace et l'Alsace" ;

"aux motifs que le prévenu argue de son impossibilité de déterminer la cuve d'où provient le vin prélevé ; que cette position ne peut être sérieusement soutenue ; qu'elle a cependant convaincu les premiers juges qui font état de leur doute alors pourtant que c'est le prévenu lui-même qui a créé la confusion ; qu'il appartenait en conséquence aux premiers juges d'aller au-delà de l'approche voulue par le prévenu ; que les éléments constants sont : la médiocrité du millésime principalement pour le cépage Muscat dont le degré moyen pour les cépages Muscat Ottorel et Muscat d'Alsace était respectivement de 9,4 % et 9 % volume sur le ban d'Eguisheim, la déclaration du titre alcoolique volumique avant enrichissement de la cuve n° 2 soit 9 % volume, la déclaration du titre alcoométrique naturel déclaré de la cuve 12 A de 11,6 % ; que les cuves n° 2 et n° 12 A contenaient chacune 25 hl de vin ; qu'il suffit de rapprocher ces chiffres des degrés moyens des cépages obtenus sur le même ban communal pour en déduire que la cuve n° 2 contenait du Muscat et la cuve n° 12 A du Gewurztraminer ; que le prévenu fait valoir que le Muscat a gagné en degré alcoolique car récolté plus tardivement ; que le Muscat est un cépage précoce et fragile étroitement tributaire de la nature qui n'était pas excessivement généreuse en 1987 ; qu'admettre dans le cas d'espèce une récolte tardive ne prouverait pas encore le gain en degrés alcooliques naturels ; qu'en tout état de cause, le prévenu ne rapporte pas la preuve d'une récolte faite tardivement pour le cépage Muscat ; qu'il y a lieu dès lors de considérer que le vin a été chaptalisé à hauteur de plus de 2,5 % volume ; que la surchaptalisation est établie ; qu'elle constitue une falsification prévue par l'article 3, premier alinéa, de la loi du 1er août 1905 et punie des peines prévues à l'article 1er de la même loi ;

"alors que le juge correctionnel ne peut fonder sa décision que sur des preuves contradictoirement discutées devant lui ; qu'en l'espèce, il résulte tant des constatations de l'arrêt attaqué que des pièces figurant au dossier de la procédure que la cour d'appel s'est fondée sur plusieurs éléments qui résultent et ne peuvent résulter que d'une note adressée le 24 mars 1993 par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes au Procureur général, laquelle note n'a été à aucun moment communiquée à X ; que, dès lors, en se fondant sur des éléments d'information obtenus dans de telles conditions, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et les droits de la défense, et violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'il apparaît des pièces de procédure que le Ministère public a reçu de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes une note en date du 24 mars 1993 qu'il a, dés le 25 mars, fait classer au dossier de la procédure ; que l'audience s'est tenue le 31 mars 1993 pour l'arrêt être rendu le 9 juin 1993 ;

Attendu, qu'en cet état, et dés lors que la pièce critiquée se trouvait acquise aux débats par son versement au dossier avant l'audience, le demandeur, qui se trouvait assisté d'un avocat, ne saurait se faire un grief de ce qu'il n'a pas été destinataire d'une ampliation de ladite note ; que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 3 du décret n° 72-309 du 21 avril 1972, 18 à 23 du règlement CEE 822-87, 8 du règlement CEE 823-87, 1er, 3 et 7 de la loi du 1er août 1905, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, renversement de la charge de la preuve, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X coupable d'avoir falsifié des boissons ou produits agricoles ou naturels destinés à être vendus, en l'espèce en enrichissant 2 500 litres de vin d'Alsace Muscat au-delà de la limite de 4 250 hg soit 2,5 % volume, et en répression l'a condamné à la peine de 20 000 francs d'amende, en ordonnant la publication, à ses frais, de l'arrêt par extraits dans les journaux "Dernières nouvelles d'Alsace et l'Alsace" ;

"aux motifs que l'article 3 du décret 72 309 du 21 avril 1972 dispose que sont frauduleuses les manipulations ou pratiques effectuées en infraction aux prescriptions des articles 18 à 23 du règlement CEE 822-87 et aux règlements des communautés européennes pris pour l'application de ces dispositions ou prescriptions énoncées à l'article 3 ; que les articles 18 à 23 du règlement CEE 822-87 et l'article 8 du règlement CEE 823-87 précisent les limites d'enrichissement auxquelles ont droit les vins des différentes zones de la communauté, et le règlement CEE modifié 1594.70 pris en application des articles précédents fixe les obligations relatives aux déclarations d'enrichissement ; que les premiers juges ont relevé qu'il ne semblait pas que le prévenu ait sciemment omis d'indiquer sur les déclarations d'enrichissement les appellations d'origine des moûts enrichis ; qu'il a été développé à l'audience par le représentant de l'Administration que les circulaires n'avaient pas spécifié qu'il appartenait aux viticulteurs d'indiquer les vins contenus dans les cuves (cépages Gewurtztraminer, Riesling ou Muscat etc...) ; qu'il n'en demeure pas moins que toute déclaration doit être faite avec sincérité et impose qu'un contrôle puisse être effectué facilement grâce précisément aux indications réglementaires fournies par le viticulteur ;

"alors, d'une part, que la falsification des boissons et des produits agricoles ou naturels à être vendus, pour être punissable au sens des textes susvisés, doit résulter d'une intention frauduleuse, de sorte qu'il appartient au juge de constater les circonstances de la cause dont se déduit la mauvaise foi du prévenu ; qu'en l'espèce, faute d'avoir relevé la mauvaise foi de X, laquelle ne saurait s'induire des circonstances de fait évoquées par l'arrêt, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de ces textes ;

"alors, d'autre part, que, ayant relevé que le représentant de l'Administration avait développé à l'audience que les circulaires n'imposaient pas aux viticulteurs l'obligation d'indiquer le nom des vins contenus dans les cuves, la cour d'appel ne pouvait, sans renverser la charge de la preuve en violation des textes susvisés et des droits de la défense, déduire que les déclarations effectuées par le demandeur avaient été faites sans sincérité du seul fait que le contrôle n'avait pu être effectué à partir desdites déclarations" ;

Attendu que Paul X, viticulteur à Eguisheim, a été poursuivi devant la juridiction correctionnelle, sur le fondement des articles 3 de la loi du 1er août 1905, 18 du règlement 816-70-CEE, 18 à 23 du règlement 822-87-CEE, 3 et 4 du décret du 21 avril 1972, pour avoir surchaptalisé du vin ;

Attendu que, pour déclarer Paul X coupable des faits visés à la prévention, la cour d'appel énonce que le rapprochement des résultats d'un prélèvement effectué sur un vin de muscat mis en bouteilles par le prévenu, faisant apparaître un titre alcoométrique volumique de 13,5 %, avec la déclaration qu'il avait souscrite en vue de l'enrichissement de ce vin, qui mentionnait un titre alcoométrique volumique naturel de 9 %, démontrait une augmentation du titre alcoométrique de 4,5 % supérieure à celle de 2,5 % admise par la réglementation ; qu'elle fait observer, par ailleurs, que le prévenu avait, par l'imprécision de ses déclarations d'enrichissement, faites sans souci de sincérité, créé une confusion entravant les opérations de contrôle ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a, sans inverser la charge de la preuve, caractérisé, en tous ses éléments constitutifs -y compris intentionnel- l'infraction dont elle a reconnu le prévenu coupable ; que le moyen qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, contradictoirement débattus devant eux, ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.