CRE, 27 septembre 2005
COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉNERGIE
Décision
Se prononçant sur un différend qui oppose La Compagnie du Vent à Electricité de France (EDF) relatif au raccordement de ses installations de production d'électricité au réseau public de distribution
La Commission de régulation de l'énergie,
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 4 août 2005 sous le numéro 05-38-15, présentée par La Compagnie du Vent, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Montpellier sous le numéro B 350 806 683, dont le siège social est situé 650, rue Louis Lépine, 34000 Montpellier, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur Jean-Michel Germa, ayant pour avocat Maître Fabrice Cassin, CGR Legal, 35, boulevard des Capucines, 75002 Paris.
La Compagnie du Vent a saisi la Commission de régulation de l'énergie du différend l'opposant à Electricité de France (EDF), gestionnaire du réseau public de distribution, sur les conditions de raccordement de son projet de centrale éolienne " Les Longs Champs " à Fienvillers (Somme).
La Compagnie du Vent soutient que les périodes d'effacement imposées par le gestionnaire du réseau, la radiation de son projet de la file d'attente des raccordements et le refus de lui adresser une nouvelle convention de raccordement sont constitutifs d'un refus d'accès au réseau au sens de l'article 38 de la loi du 10 février 2000. Elle en déduit que la Commission de régulation de l'énergie est compétente pour en connaître.
La Compagnie du Vent considère que le gestionnaire du réseau public de distribution lui oppose un refus d'accès au réseau, en violation de l'article 23 de la loi du 10 février 2000, caractérisé par le contenu exorbitant de la proposition technique et financière et le non-respect du délai fixé par l'article 8.3 du cahier des charges du réseau d'alimentation générale en énergie électrique (RAG).
La Compagnie du vent considère qu'EDF n'a apporté aucune justification véritable pour la réalisation des travaux au poste source, dont les délais sont, par ailleurs, excessifs. Elle relève que la proposition technique et financière indique un délai de 18 mois pour la réalisation des travaux au poste source, tout en précisant, en outre, qu'aucune contrainte de tension n'est détectée sur le poste source.
La Compagnie du Vent considère qu'EDF a violé l'article 3 du décret du 13 mars 2003 en ne lui garantissant pas la possibilité d'injecter la totalité de sa production d'électricité dès le raccordement. Elle relève que Réseau de transport d'électricité (RTE), gestionnaire du réseau public de transport d'électricité, impute, sur le fondement d'informations non communiquées, l'indisponibilité du réseau à l'accumulation des demandes de raccordement dans la zone. Elle en déduit que le nombre de jours de délestage imposés dans la proposition technique et financière n'est pas lié au raccordement du parc " Les Longs Champs ". Elle estime, par conséquent, qu'EDF n'a pas justifié les périodes d'indisponibilité, dont la durée est excessive.
La Compagnie du Vent considère que l'article 5 du décret du 13 mars 2003 impose au gestionnaire de réseau de définir les renforcements à mettre en œuvre pour que le raccordement au réseau soit rendu possible dans des délais qui ne manifestent pas un comportement dilatoire. Elle constate que, d'après le gestionnaire de réseau, la décision de renforcement du réseau 90 kV ne sera pas nécessairement prise. Elle soutient que le délai indicatif de 7 à 10 ans prévu pour la réalisation des travaux de renforcement du réseau est excessif et que le comportement du gestionnaire de réseau, qui n'a pas hésité à radier son projet de la file d'attente, manifeste un refus implicite d'accès au réseau.
La Compagnie du Vent considère que la combinaison des articles 2 et 23-1 de la loi du 10 février 2000 impose aux gestionnaires des réseaux publics de distribution de renforcer les réseaux existants, afin de garantir les raccordements et l'accès des utilisateurs dans des conditions non discriminatoires. Elle estime que l'article 2 du décret du 26 avril 2001 ne permet pas au gestionnaire de réseau de distribution de facturer au producteur, lors de sa demande de raccordement, les coûts résultant des travaux d'adaptation du réseau, qui ne sauraient être distingués des renforcements. Elle rappelle qu'en application de l'article 1er du décret du 26 avril 2001, les tarifs d'utilisation des réseaux sont fixés nonobstant toute disposition contraire des cahiers des charges des concessions, des règlements de service des régies, des contrats et des protocoles. Elle en déduit qu'EDF ne peut lui opposer les dispositions des documents relatifs aux charges de connexion au réseau, qu'elle estime dépourvus de valeur réglementaire, pour mettre à sa charge la totalité des travaux d'adaptation du réseau. Elle observe qu'EDF reconnaît implicitement, mais nécessairement, le caractère hypothétique d'une partie de ces travaux, qui ne seront pas réalisés avant la mise en service des installations de production.
La Compagnie du Vent considère que la violation par EDF du délai de 3 mois, prévu à l'article 8.3 du cahier des charges du RAG pour transmettre une proposition technique et financière à tout producteur qui en fait la demande, indique que le comportement d'EDF à l'égard du projet est manifestement dilatoire et constitue un refus d'accès au réseau.
La Compagnie du Vent considère qu'aux termes de l'article 23 de la loi du 10 février 2000 et de l'article 8.3 du cahier des charges du RAG, EDF ne peut refuser d'adresser une convention de raccordement au motif qu'aucun accord n'est intervenu sur la proposition technique et financière. Elle soutient que l'article 8.4 du cahier des charges du RAG impose, par ailleurs, à EDF de transmettre un devis des travaux et de conclure avec le demandeur une convention précisant les modalités techniques et financières du raccordement de ses installations. Elle soutient que sa radiation de la file d'attente constitue un refus d'accès au réseau, alors qu'elle n'a pas pu vérifier la solution technique et financière et qu'elle est en désaccord avec les périodes d'effacement, ainsi que le montant et la nature de certains travaux mis à sa charge par le gestionnaire.
La compagnie du Vent demande, donc, à la Commission de régulation de l'énergie d'enjoindre à EDF de lui adresser un devis des travaux et une convention de raccordement conformes à sa demande dans un délai de 15 jours, après communication par EDF des informations requises concernant notamment la mise sous tension séquentielle, sans que puisse lui être abusivement opposée la durée de validité de 3 mois des propositions techniques et financières litigieuses.
La Compagnie du Vent demande à la Commission de régulation de l'énergie :
- de constater qu'EDF lui oppose un refus d'accès au réseau en violation de l'article 23 de la loi du 10 février 2000 ;
- d'ordonner à EDF d'instruire sa demande de raccordement au réseau HTA et de lui adresser, dans un délai de 3 mois, une proposition concernant les modalités techniques et financières de ce raccordement.
Vu les observations en défense, enregistrées le 22 août 2005, présentées par Electricité de France (EDF), société anonyme, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 552 081 317, dont le siège social est situé 22-30, avenue de Wagram, 75008 Paris, représentée par Monsieur Marc Espalieu, directeur d'EDF Réseau Distribution. EDF rappelle que la compétence de la Commission de régulation de l'énergie en matière de règlement de différends est encadrée par les dispositions de l'article 38 de la loi du 10 février 2000. Il considère que la Commission de régulation de l'énergie n'a pas vocation à se prononcer sur les contestations relatives aux périodes d'indisponibilité, qui n'empêchent pas l'accès au réseau, mais concourent à l'équilibre du système électrique et concernent le gestionnaire qui en a la charge en vue d'assurer la sûreté et la sécurité des réseaux.
EDF estime que La Compagnie du Vent ne saurait considérer que le délai fixé pour la réalisation de la liaison avec le poste source est excessif. Il soutient qu'il s'agit d'un délai moyen fondé sur l'expérience acquise en matière de raccordement et dont les motifs sont expliqués par l'article 3.3.2 de la proposition technique et financière transmise à La Compagnie du Vent le 17 août 2005. Il rappelle que des solutions alternatives ont été proposées pour diminuer ces délais, moyennant l'engagement de la responsabilité financière du demandeur, et que les délais nécessaires doivent être examinés au cas par cas.
EDF rappelle que l'article 5 du décret du 13 mars 2003 impose au gestionnaire de réseau de distribution de transmettre toutes les informations utiles au demandeur, sous réserve des informations confidentielles couvertes par la loi. Il estime que la transparence effective a été assurée dès l'envoi des résultats de l'étude exploratoire, dans laquelle figuraient notamment toutes les informations relatives à la saturation du réseau 90 kV et les limitations en injection corrélatives.
EDF considère que l'obligation qui lui est faite de garantir à tout utilisateur son raccordement au réseau, prévue par l'article 3 du décret du 13 mars 2003, doit être conciliée avec les règles de sécurité et de sûreté de son propre réseau, ainsi que des réseaux amonts et avals. Il estime que l'interprétation de l'article 3 du décret du 13 mars 2003 par La Compagnie du Vent mettrait à sa charge deux nouvelles obligations, d'une part la réalisation immédiate des adaptations nécessaires au raccordement, sans considération de la complexité des travaux, et d'autre part l'extension de sa responsabilité aux cas d'indisponibilité du réseau de transport. Il fait observer qu'il ne porte aucun jugement sur les périodes d'indisponibilité, déduites de la complexité des travaux.
EDF considère que l'article 5 du décret du 13 mars 2003 impose au gestionnaire de réseau de transport de prévoir et d'assurer les éventuels renforcements du réseau 90 kV. Il estime n'avoir comme seule possibilité que de transmettre au demandeur les informations communiquées par RTE. Il considère que l'obligation de transmettre les informations dans un délai non dilatoire n'est pas prévue par le décret et qu'il est constant que, lors de la construction d'ouvrages importants, les procédures administratives tendent à s'allonger significativement.
EDF rappelle que l'article 5 du décret du 13 mars 2003 prévoit que le gestionnaire de réseau sur lequel s'effectue le raccordement tient compte de l'état des ouvrages existants ou décidés ainsi que des installations déjà raccordées. Il en déduit qu'il peut décider les travaux d'adaptation nécessaires, afin d'assurer la sécurité du réseau et la qualité de l'énergie fournie. EDF considère que les travaux pour remédier à des contraintes de tension de court-circuit relèvent de l'adaptation, et non du renforcement, et doivent, donc, être à la charge financière du demandeur. EDF rappelle que les justifications des travaux ont été transmises au demandeur dans la proposition technique et financière du 17 août 2005 et que les nouveaux référentiels techniques prévoient que les travaux relatifs aux contraintes de puissance de court-circuit ne sont plus facturés au demandeur.
EDF considère que le délai de 3 mois pour la transmission de la proposition technique et financière prévu à l'article 8.3 du RAG a toujours été respecté et qu'il n'y a pas eu de refus d'accès au réseau.
EDF rappelle que la radiation du projet de la liste d'attente était contractuellement prévue dans l'hypothèse où la proposition de convention de raccordement restait sans réponse pendant plus de 3 mois. Il estime que le demandeur, professionnel averti, ne peut s'étonner d'une application de cette clause, alors que ce mécanisme doit garantir le traitement non discriminatoire de toutes les demandes de raccordement. Il considère qu'il ne peut être déduit de cette radiation un refus d'accès au réseau.
EDF fait observer que les propositions techniques et financières ont bien été transmises dans le délai réglementaire et présentent des solutions de moindre coût pour le producteur. EDF rappelle que le délai s'apprécie à compter du jour où le dossier de la demande est complet.
EDF soutient que les demandes de La Compagnie du Vent sont contradictoires. Il considère que la demande de proposition technique et financière est sans objet, dès lors qu'elle a déjà été satisfaite. Il estime que, compte tenu des démarches préalables à effectuer et des procédures à suivre, il n'est pas possible de transmettre la convention de raccordement dans un délai de 15 jours.
EDF demande, donc, à la Commission de régulation de l'énergie :
- de se déclarer incompétente pour se prononcer sur les problèmes d'indisponibilité liés à la sécurité et à la sûreté des réseaux ;
- de dire qu'il n'a pas entravé l'accès au réseau ;
- de dire qu'il a respecté les délais de remise de l'ensemble des documents relatifs au raccordement et, en particulier, de la seconde proposition technique et financière ;
- de débouter La Compagnie du Vent de l'ensemble de ses demandes.
Vu les observations, enregistrées le 22 août 2005, présentées par Réseau de transport d'électricité (RTE), gestionnaire du réseau public de transport d'électricité, domicilié Tour Initiale, 1, terrasse Bellini, TSA 41000, 92919 Paris La Défense Cedex, service d'Electricité de France (EDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 552 081 317, dont le siège social est situé 22-30, avenue de Wagram, 75008 Paris, pris en la personne de son directeur, Monsieur André Merlin, ayant pour avocat Maître Joseph Vogel, 30, avenue d'Iéna, 75116 Paris.
RTE observe qu'il est responsable de la sécurité du réseau public de transport d'électricité et qu'il n'est concerné par la requête de la Compagnie du Vent qu'en tant qu'il fournit des informations à EDF pour que ce dernier élabore sa proposition technique et financière.
RTE rappelle que les dispositions des articles 14 et 15 de la loi du 10 février 2000 et des articles 5 et 6 du décret du 27 juin 2003 lui imposent, en sa qualité de gestionnaire du réseau public de transport, de permettre le raccordement des producteurs et des consommateurs, seulement dans la mesure où la sécurité et la sûreté du fonctionnement du réseau sont assurées. Il observe qu'il doit faire droit aux demandes des producteurs de façon non-discriminatoire et qu'il doit concilier les différents projets et demandes de raccordement, de sorte qu'ils ne remettent pas en cause la sûreté du réseau. Il souligne que, conformément au décret du 13 mars 2003, EDF ne peut réaliser le raccordement au réseau de distribution que si certaines caractéristiques de sécurité et de qualité de l'électricité sont respectées.
RTE considère que les informations sur lesquelles il se fonde pour réaliser l'étude préalable à chaque demande de raccordement sont confidentielles, conformément à l'article 16 de la loi du 10 février 2000 et au décret du 16 juillet 2001. Il rappelle, néanmoins, que les informations communicables expliquant les indisponibilités du réseau et les méthodes de calcul des intensités maximales admissibles en permanence (IMAP) ont été transmises directement à La Compagnie du Vent. Il en déduit qu'il n'a pas refusé de raccorder le projet au réseau, mais a simplement assuré la sûreté du réseau conformément à sa mission.
RTE rappelle que les durées d'effacement, fondées sur la réalisation de toutes les hypothèses négatives, sont indicatives. Il souligne que la durée des effacements a été modifiée à plusieurs reprises, afin de prendre en considération la position du projet sur la liste d'attente. Il rappelle que ces données ne sont pas arbitraires, mais reposent sur des hypothèses réalistes destinées à garantir la sécurité du réseau et tiennent compte de l'ensemble des projets de raccordement. Il ajoute que la mise en place de ces périodes d'indisponibilité ne peut être considérée comme un refus d'accès au réseau, car elles ont vocation à permettre le raccordement demandé au réseau dans les meilleurs délais compte-tenu des contraintes techniques.
RTE relève que La Compagnie du Vent n'a jamais contesté le principe, ni les délais du renforcement de la ligne 90 kV avant d'introduire sa demande de règlement de différend. Il en déduit qu'elle est irrecevable. Il souligne qu'elle est également mal fondée.
RTE constate que la première proposition technique et financière transmise à La Compagnie du Vent l'a informée de la nécessité de renforcer le réseau, ce qu'elle n'a jamais contesté. Il fait observer que la décision de renforcement ne peut être adoptée qu'au terme d'une étude de détection des contraintes sur la ligne et d'une justification technico-économique des travaux, qui doivent être rendues à la fin de l'année 2005.
RTE soutient qu'EDF et La Compagnie du Vent ont toujours eu connaissance des délais de réalisation des travaux de renforcement, dont ils n'ont jamais contesté le bien-fondé. Il considère, par conséquent, que La Compagnie du Vent n'est pas recevable à invoquer leur caractère excessif, alors qu'ils n'ont fait l'objet d'aucun différend entre les parties préalablement à la saisine de la Commission de régulation de l'énergie. Il rappelle avoir communiqué ces mêmes délais dès la première demande de raccordement. Il souligne que ces délais sont indicatifs, bien que réalistes et fondés sur son expérience, et qu'ils sont justifiés pour l'essentiel par des procédures administratives, dont la durée est incompressible et indépendante de sa volonté. Il estime qu'il a justifié de sa propre initiative, dans un souci de transparence, les détails de ce délai à la Compagnie du Vent.
RTE demande à la Commission de régulation de l'énergie de :
- constater l'irrecevabilité de la demande de règlement de différend en ce qui concerne le principe et les délais de renforcement de la ligne 90 kV ;
- rejeter la demande de La Compagnie du Vent tendant à la suppression des périodes d'indisponibilité ;
- constater qu'il a respecté les principes de transparence et de non-discrimination ;
- débouter La Compagnie du Vent de ses demandes.
Vu les observations en réplique, enregistrées le 2 septembre 2005, présentées par La Compagnie du Vent.
La Compagnie du Vent soutient que conformément aux dispositions de l'article 23 de la directive 2003-54-CE du 26 juin 2003, transposées par la loi du 9 août 2004, la Commission de régulation de l'énergie peut être saisie de tout grief formé à l'encontre des gestionnaires de réseaux portant notamment sur les règles tarifaires, l'accomplissement par les gestionnaires de leur mission, les règles relatives à la gestion et à l'attribution de la capacité d'interconnexion ou le temps pris pour effectuer les raccordements et les réparations. Elle ajoute qu'il résulte des dispositions combinées des articles 23 et 38 de la loi du 10 février 2000 que la Commission de régulation de l'énergie est compétente pour se prononcer sur les périodes d'indisponibilité dues à des contraintes d'équilibre, dès lors que ces motifs sont invoqués par le gestionnaire du réseau public de transport afin de limiter l'accès d'un utilisateur. La Compagnie du Vent estime qu'EDF ne peut sérieusement soutenir que les périodes d'indisponibilité n'empêchent pas l'accès au réseau, dès lors qu'en l'espèce l'entrave est manifeste.
La Compagnie du Vent rappelle que conformément à l'article 5 du décret du 13 mars 2003, l'étude de raccordement est menée dans un cadre transparent et non discriminatoire. Elle soutient que le gestionnaire de réseau doit lui donner tous les éléments nécessaires pour qu'elle puisse constater que les solutions techniques et financières qui lui sont proposées sont les plus économiques et limitées à son seul raccordement. Elle remarque que le gestionnaire de réseau échoue à démontrer qu'un dialogue constant a bien eu lieu, alors qu'aucune justification sérieuse n'a été apportée et qu'EDF n'a pas hésité à radier le projet de la file d'attente malgré le désaccord sur les conditions techniques et financières du raccordement. Elle souligne que RTE échoue, également, à fournir des explications claires et précises.
La Compagnie du Vent observe que le délai de 9 mois prévu pour la transmission de la nouvelle convention de raccordement est d'autant plus injustifié que 3 mois ont suffi pour l'établissement, sous l'empire de la procédure du 7 juin 2004, de la première convention. Elle relève que certaines démarches administratives ont déjà été effectuées et que le tracé de la ligne de raccordement n'a pas été modifié par rapport au projet initial.
La Compagnie du Vent demande que, sauf à ce qu'EDF en justifie, les frais de " consultance " soient supprimés de la convention de raccordement.
La Compagnie du vent considère que les gestionnaires de réseaux n'ont pas justifié la nécessité, le principe et les délais du renforcement du réseau 90 kV, ni les périodes indisponibilités. Elle relève qu'EDF se limite à soutenir qu'il a transmis l'intégralité des informations disponibles. Elle soutient que le différend sur la question des indisponibilités existe depuis l'acceptation, sous réserve, de la première proposition technique et financière le 31 août 2004. Elle considère qu'en tout état de cause le différend persiste au vu de la proposition technique et financière du 17 août 2005.
La Compagnie du Vent constate qu'elle n'a pas connaissance de la nécessité, du principe et des délais de renforcement de la ligne 90 kV depuis 2003 et que les réponses apportées par RTE à ses questions sont incohérentes et insuffisantes. Elle considère qu'aucune donnée détaillée et chiffrée ne lui a été apportée clairement, que la présentation des méthodes et hypothèses retenues n'a pas été objective et qu'aucune solution alternative n'a été étudiée. Elle en déduit qu'elle n'est pas en mesure de vérifier l'existence de contraintes sur le réseau 90 kV. Elle soutient que l'argument de la confidentialité a été abusivement avancé et révèle l'absence de transparence en ce qui concerne l'existence de contraintes sur le réseau, la décision de renforcement de la ligne 90 kV et des délais annoncés pour le renforcement.
La Compagnie du Vent considère qu'il appartient à RTE de justifier de l'existence et de l'importance des contraintes sur le réseau. Elle observe que la décision de renforcement n'est pas encore prise par RTE et que son adoption n'est pas garantie. Elle ne comprend pas la nécessité de justifier les renforcements, alors même que RTE considère qu'il existe des contraintes sur le réseau. Elle considère que, dans ces conditions, aucune garantie n'est donnée sur le renforcement de la ligne ni sur les durées d'indisponibilité que le producteur devra effectivement supporter. Elle soutient que le manque de transparence ne lui permet pas de faire des prévisions.
La Compagnie du Vent considère que les délais annoncés pour le renforcement du réseau sont injustifiés et excessifs. Elle observe que la date de lancement de l'étude préalable au renforcement n'est pas précisée. Elle soutient qu'une confusion est entretenue sur la durée des travaux de renforcement. Elle estime que l'obligation de transparence dans la fixation des délais n'a pas été respectée, RTE n'indiquant pas en quoi les exemples d'opérations auxquels il se réfère sont similaires à son projet.
La Compagnie du Vent considère que les éléments apportés par RTE sont insuffisants pour justifier les restrictions apportées à son droit d'accès au réseau. Elle estime que la confidentialité à laquelle est tenu RTE ne saurait justifier un refus général de communication de toute information. Elle rappelle que les dispositions de l'article 3 du décret du 16 juillet 2001 permettent la communication d'informations sous forme agrégée. Elle demande à RTE de lui transmettre toutes les données chiffrées, au besoin sous forme agrégée, de justifier les hypothèses et les méthodes retenues, afin de lui permettre de vérifier la nécessité des durées d'effacement. Elle relève que l'évaluation des durées d'effacement est fondée tantôt sur des hypothèses réalistes, tantôt sur la réalisation de toutes les hypothèses négatives. Elle demande que RTE indique si le calcul des jours d'indisponibilité est fondé sur l'hypothèse d'une puissance maximale de l'installation. Elle estime que RTE doit prendre en considération la réalité de la courbe de puissance du projet, ainsi que la possibilité de brider volontairement l'installation. Elle demande que lui soit transmis l'ensemble des éléments indispensables pour justifier la nécessité et l'ampleur des indisponibilités.
La Compagnie du Vent considère qu'il appartient au gestionnaire de réseau d'étudier les solutions alternatives suggérées par le producteur souhaitant se raccorder. Elle estime qu'il doit, donc, étudier ses propositions concernant le " bridage " du parc éolien et l'installation d'automates de délestage, afin de limiter l'effacement aux périodes effectives de contraintes.
La Compagnie du Vent considère que les périodes d'indisponibilité prévues par la deuxième proposition technique et financière constituent un refus d'accès au réseau. Elle estime que l'impossibilité d'injecter la totalité de l'électricité produite n'est pas précisément justifiée. Elle remarque que le renforcement du réseau est sans lien avec sa demande de raccordement et relève que l'existence préalable de contraintes trahit de graves manquements d'EDF et RTE à leur mission de développement équilibré du réseau prévue aux articles 14 et 18 de la loi du 10 février 2000 et à l'article 9.a de la directive 2003-54-CE du 26 juin 2003. Elle soutient que le refus de RTE d'opérer des investissements en vue de dégager des capacités d'accueil pour de nouveaux projets dont la réalisation n'est pas certaine constitue une entrave à l'accès au réseau. Elle considère qu'elle n'a pas à supporter les carences du gestionnaire de réseaux, qui doit prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre le raccordement de son installation.
La Compagnie du Vent soutient que les dispositions des décrets du 13 mars 2003 et du 27 juin 2003, pris sur le fondement des articles 14 et 18 de la loi du 10 février 2000, doivent être interprétées au regard des objectifs poursuivis par la directive 2001-77-CE du 27 septembre 2001, qui accorde une priorité de principe aux installations produisant de l'électricité à partir d'énergies renouvelables pour l'injection sur les réseaux publics de transport et de distribution. Elle en déduit que ce type d'installations ne peut être effacé au bénéfice d'énergies non renouvelables, sauf motivation expresse et circonstanciée, liée notamment à la sûreté du réseau.
La Compagnie du Vent considère que si le raccordement ne pouvait être autorisé sans restriction, des scénarios alternatifs devraient être étudiés, tels que le " bridage " du parc ou la mise en place d'automates de délestage, afin de limiter les périodes d'effacement. Elle soutient que, dans la mesure où les contraintes sur le réseau ne lui sont pas imputables, EDF ne peut lui facturer le coût de l'installation des automates de délestage.
La Compagnie du Vent persiste dans ses précédentes conclusions et demande à la Commission de régulation de l'énergie :
- de constater qu'EDF et RTE ont gravement manqué à leurs obligations de traitement transparent et non discriminatoire de la demande de raccordement du parc éolien " Les Longs Champs " ;
- de constater que les restrictions d'injection figurant dans la proposition technique et financière reçue le 18 août 2005 constituent un refus d'accès au réseau, en violation de l'article 23 de la loi du 10 février 2000 ;
- d'ordonner, en conséquence, à RTE la communication de l'ensemble des éléments demandés ;
- d'ordonner à RTE et à EDF l'étude des scénarios alternatifs demandés (restrictions de puissance et installation d'automates de délestage) ;
- d'ordonner à EDF de lui transmettre une convention de raccordement au moindre coût, dans un délai de 3 mois à compter de la notification de sa décision.
Vu les observations en duplique, enregistrées le 14 septembre 2005, présentées par RTE, qui persiste dans ses précédentes conclusions.
RTE considère que les demandes de La Compagnie du Vent excèdent manifestement la compétence de la Commission de régulation de l'énergie au titre de l'article 38 de la loi du 10 février 2000. Il soutient qu'elle introduit des demandes nouvelles, telles que la communication de données agrégées ou l'étude de scénarii alternatifs, qui n'ont donné lieu à aucun litige entre les parties et qu'elle n'a jamais contesté le principe et les délais du renforcement. Il remarque qu'elle a demandé la justification des durées d'indisponibilité, et non celle du principe et des délais de renforcement. Il conclut, donc, à l'irrecevabilité des demandes de La Compagnie du Vent qui n'ont pas fait l'objet d'une contestation préalable.
RTE rappelle que l'article 16 de la loi du 10 février 2000 et le décret du 16 juillet 2001 autorisent le gestionnaire de réseau à communiquer certaines informations, sous réserve du respect de la confidentialité. Il soutient qu'il doit, pour répondre à son obligation de transparence, communiquer spontanément certaines informations au demandeur et répondre aux demandes complémentaires expressément formulées. Il observe que la transmission de données sous forme agrégée, que le décret du 16 juillet 2001 autorise mais n'impose pas, doit répondre à une demande expresse. Il rappelle que de nombreuses informations sont publiées sur son site Internet, telles que le schéma de développement du réseau public de transport et les capacités d'accueil de chaque poste.
RTE considère avoir répondu à toutes les demandes de précision de La Compagnie du Vent, à l'exception de celles dont la communication l'aurait conduit à divulguer des informations commercialement sensibles. Il rappelle qu'il a, notamment, exposé les modalités de calcul des réseaux de courbes de puissance.
RTE observe que La Compagnie du Vent était informée de l'éventuelle nécessité d'un renforcement du réseau et du délai envisagé, car ces informations étaient précisées dans sa proposition technique et financière du 20 novembre 2003. Il souligne qu'il a, par la suite, précisé ces délais et les différentes étapes de la procédure. Il rappelle que La Compagnie du Vent avait déjà été informée de ces délais à l'occasion de ses autres demandes de raccordement dans la région. Il constate que les explications fournies n'ont donné lieu à aucune demande d'information complémentaire ni à aucune contestation. Il observe que La Compagnie du Vent a poursuivi les discussions en demandant une étude de raccordement direct. Il relève que c'est à l'occasion du règlement de différend qu'elle conteste les informations transmises et l'absence de transparence dans la procédure.
RTE rappelle que la décision d'engagement du renforcement a été prise au terme du délai d'un an initialement annoncé. Il observe que les études nécessaires pour déterminer la solution la plus adaptée ne sont pas terminées. Il constate que la justification technico-économique des choix opérés est une obligation prévue par le décret du 11 juin 1970. Il estime, donc, avoir fait preuve d'une totale transparence en répondant à l'ensemble des demandes qui lui ont été adressées.
RTE considère que les délais indiqués pour effectuer le renforcement sont réalistes et fondés tant sur l'expérience que sur les obligations législatives et réglementaires qui encadrent la procédure d'enquête d'utilité publique. Il souligne qu'il ne maîtrise pas certains de ces délais, tels que les délais de concertation préalable et ceux de délivrance des autorisations administratives. Il constate qu'il ne saurait s'engager sur des délais, qui ne dépendent pas de sa compétence et qui n'ont été fixés ni par la loi, ni par les règlements. Il observe qu'il peut indiquer des délais précis lorsqu'il effectue lui-même des travaux. Il estime que l'indication de ces délais permet de garantir la transparence et doit aider le producteur à apprécier la rentabilité de ses projets.
RTE rappelle les délais prévus par les articles 6-I et suivants du décret du 11 juin 1970, en ce qui concerne les enquêtes d'utilité publique, et indique qu'ils peuvent être allongés par certaines procédures complémentaires. Il en déduit que les délais annoncés pour le renforcement sont indicatifs, mais réalistes.
RTE demande à la Commission de régulation de l'énergie de constater l'irrecevabilité de la demande de règlement de différend en ce qui concerne la communication d'informations complémentaires, formulée pour la première fois dans le cadre de la présente procédure.
Vu les observations en duplique, enregistrées le 15 septembre 2005, présentées par EDF, qui persiste dans ses précédentes conclusions.
EDF considère que La Compagnie du Vent tente d'induire la Commission de régulation de l'énergie en erreur, en voulant faire croire qu'il a volontairement occulté les informations transmises par RTE. Il soutient que, dans le même but, La Compagnie du Vent amalgame l'étude exploratoire, la proposition technique et financière et la convention de raccordement.
EDF soutient qu'il a largement démontré qu'un dialogue constant a été entretenu avec La Compagnie du Vent sur ce projet ainsi que sur les autres projets qu'elle souhaite développer dans la région. Il relève que La Compagnie du Vent était depuis longtemps informée des contraintes du réseau de transport.
EDF observe qu'il a transmis la totalité des documents en sa possession, y compris ceux communiqués par RTE. Il considère qu'il n'a pas manqué à ses obligations de transparence et que La Compagnie du Vent se contredit.
EDF soutient que les délais sont bien précisés dans les documents antérieurs et postérieurs à la première proposition technique et financière. Il soutient que La Compagnie du Vent ne peut prétendre ne pas connaître le niveau des contraintes du réseau de transport et les délais nécessaires à son renforcement, alors qu'elle mentionne elle-même, dans son mémoire en réplique, en avoir été informée dès l'étude exploratoire et lors de la présentation de la proposition technique et financière.
EDF indique que la convention de raccordement a déjà précisé clairement les aménagements des ouvrages qui sont nécessaires ainsi que le délai minimum de leur réalisation. Il soutient que le projet de La Compagnie du Vent a été radié de la file d'attente, conformément à la procédure de raccordement des producteurs, appliquée de manière scrupuleuse et non discriminatoire.
Il observe que La Compagnie du Vent, professionnel averti, ne peut ignorer les contraintes du réseau de transport, alors qu'elle développe, dans la région, plusieurs projets devant être raccordés à la même ligne et qu'elle a participé à des réunions d'explication pour tous ses projets.
EDF considère que La Compagnie du Vent confond les délais nécessaires au raccordement effectif du projet et ceux des travaux dans le poste source. Il constate que les différentes phases des délais pour assurer le raccordement effectif de l'installation ont bien été justifiées et détaillées dans la proposition technique et financière du 17 août 2005, ce qui a permis de répondre aux exigences de transparence. Il rappelle qu'il a indiqué une solution pour réduire le délai du raccordement ainsi que les risques financiers associés à cette solution.
EDF soutient que la proposition technique et financière du 26 mai 2004 ainsi que la première convention de raccordement ont été élaborées dans le cadre de l'ancienne procédure de raccordement des producteurs modifiée le 7 juin 2004. Il relève que la nouvelle procédure, élaborée après consultation de l'ensemble des professionnels du secteur, implique l'élaboration d'une convention de raccordement plus précise et plus détaillée que précédemment. Il observe que cela justifie un allongement des délais. Il considère que ces délais, fondés sur l'expérience acquise dans des projets similaires, sont réalistes et raisonnables. Il observe que ces délais peuvent être réduits, si les procédures administratives sont plus rapides que prévues.
EDF constate que La Compagnie du Vent lui a demandé expressément d'attendre son autorisation pour engager des études qui n'ont jamais été réalisées, car l'autorisation n'a jamais été donnée. Il soutient qu'il a justifié les délais nécessaires pour transmettre les documents relatifs au raccordement.
EDF rappelle que l'application de la procédure du 7 juin 2004 imposait à La Compagnie du Vent d'introduire une nouvelle demande de proposition technique et financière à la suite de la radiation de son projet.
EDF observe qu'il a retransmis à La Compagnie du Vent les informations, communiquées par RTE, relatives aux indisponibilités et aux travaux de renforcement de la ligne 90 kV. Il soutient que La Compagnie du Vent était parfaitement informée des congestions sur le réseau dans cette région par les explications fournies par les gestionnaires de réseaux ainsi que par les publications régulières sur le site Internet des gestionnaires de réseaux relatives aux capacités du réseau et aux règles de raccordement et de sécurité du système électrique.
EDF considère que les informations fournies dans la proposition technique et financière du 26 mai 2004 ne sont pas contradictoires. Il constate que, même si aucun projet d'une consommation inférieure à 10 MW ne se trouvait devant celui de La Compagnie du Vent dans la file d'attente des raccordements au poste source, une partie de la production devrait être refoulée sur le réseau public de transport, déjà saturé.
EDF indique que la solution technique de l'asservissement de la production à la capacité instantanée du réseau, demandée par La Compagnie du Vent, est encore expérimentale et qu'il n'en maîtrise pas encore suffisamment les conséquences techniques pour pouvoir la proposer.
EDF soutient, donc, qu'il a suffisamment informé La Compagnie du Vent et été transparent lors de l'instruction de la demande de raccordement. Il considère qu'il a justifié les délais de mise en disposition des ouvrages de raccordement et la nécessité des indisponibilités et que la solution proposée est de moindre coût. Il rappelle que les frais de " consultance " ont toujours été inclus dans les propositions techniques et financières, afin de couvrir les frais d'ingénierie, de gestion et de logistique.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 modifiée, relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié, relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 15 février 2001, relative au règlement intérieur de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 9 août 2005 du président de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction d'une demande de règlement de différend ;
Vu la directive 2001-77-CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001, relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité ;
Vu le décret du 23 décembre 1994, approuvant le cahier des charges type de la concession à Electricité de France du réseau d'alimentation générale en énergie électrique, ensemble l'avenant du 15 avril 1995 à la convention du 27 novembre 1958 pour la concession à Electricité de France, service national, du réseau d'alimentation générale en énergie électrique ;
Vu le décret n° 2001-630 du 16 juillet 2001, relatif à la confidentialité des informations détenues par les gestionnaires de réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité, pris pour l'application des articles 16 et 20 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;
Vu le décret n° 2003-229 du 13 mars 2003, relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les installations en vue de leur raccordement aux réseaux publics de distribution ;
Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique de la Commission de régulation de l'énergie, qui s'est tenue le 27 septembre 2005, en présence de :
Monsieur Jean Syrota, président, Madame Jacqueline Benassayag et Messieurs Eric Dyevre, Michel Lapeyre, Bruno Lechevin, et Pascal Lorot, commissaires,
Monsieur Olivier Challan Belval, directeur général, Madame Gisèle Avoie, directrice juridique,
Monsieur Roman Picard, rapporteur, Monsieur Nicolas Machtou, rapporteur adjoint, Maître Fabrice Cassin, Madame Marie-Hélène Poncet et Monsieur Jean-Mathieu Kolb, pour La Compagnie du Vent,
Messieurs Gilles Bernard, Jean-Claude Millien, Patrick Lemaire, pour EDF ;
Messieurs Olivier Lavoine, Gérald Bezat et Olivier Jallet, pour RTE EDF Transport (ci-après désigné " RTE "), venant aux droits de RTE, service d'Electricité de France (EDF) ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Monsieur Roman Picard, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de Maître Fabrice Cassin, pour La Compagnie du Vent : La Compagnie du Vent persiste dans ses moyens et conclusions. La Compagnie du Vent soutient que le différend porte toujours sur le même projet et qu'un désaccord persiste sur la proposition technique et financière transmise en cours de procédure. Elle remarque qu'une réunion proposée par EDF a dû être annulée en raison de l'indisponibilité de RTE ;
- les observations de Messieurs Gilles Bernard et Jean-Claude Millien, pour EDF : EDF persiste dans ses moyens et conclusions. EDF soutient que le projet de La Compagnie du Vent, aujourd'hui en discussion, est nouveau et n'a fait l'objet d'aucun litige formalisé. Il considère que la proposition technique et financière a bien été transmise dans le délai réglementaire de trois mois. Il observe qu'il a proposé en vain à plusieurs reprises à La Compagnie du Vent de se réunir pour discuter de la proposition technique et financière dont le contenu n'a jamais été contesté ;
- les observations de Monsieur Olivier Lavoine, pour RTE : RTE persiste dans ses moyens et conclusions.
La Commission de régulation de l'énergie en ayant délibéré le 27 septembre 2005, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.
Les faits :
Le 6 septembre 2001, La Compagnie du Vent a demandé à EDF une étude exploratoire pour le raccordement de son projet de centrale éolienne " Les Longs Champs ", à Fienvillers (Somme), d'une puissance de production de 10 MW. Elle a reformulé des demandes en ce sens les 10 septembre 2002 et 15 avril 2003.
Le 19 août 2003, EDF a présenté à La Compagnie du Vent le résultat de l'étude exploratoire en indiquant notamment la nécessité d'adapter le réseau de transport.
Le 9 septembre 2003, La Compagnie du Vent a demandé à EDF une étude détaillée pour le raccordement de son projet de centrale éolienne " Les Longs Champs ".
Après avoir reporté le traitement du dossier à la demande de La Compagnie du Vent, EDF a présenté, le 26 mai 2004, sa proposition technique et financière pour un montant de 866 908,30 euro HT prévoyant une durée de réalisation des travaux de raccordement au poste source de Doullens de dix huit mois et une indisponibilité du réseau 90 kV dépassant 50 % du temps. La Compagnie du Vent a demandé des éclaircissements avant de l'accepter, le 31 août 2004, avec des réserves.
Le 29 novembre 2004, EDF a adressé à La Compagnie du Vent un projet de convention de raccordement indiquant l'existence de contraintes sur le réseau 90 kV de nature à entraîner des effacements de la production, estimés par RTE à 171 jours par an pendant sept ans minimum.
Constatant l'absence de réponse à sa demande de proposition technique et financière du 14 avril 2005, La Compagnie du Vent a saisi la Commission de régulation de l'énergie, le 4 août 2005, d'une demande de règlement du différend qui l'oppose à EDF, sur les conditions techniques et financières de raccordement au réseau public de distribution de ses installations de production d'électricité éolienne.
Sans tenir compte de la demande de mise à jour faite par La Compagnie du Vent, le 7 mars 2005, et en l'absence de signature de la convention, EDF a radié, le 17 mars 2005, son projet de la file d'attente.
Le 14 avril 2005, La Compagnie du Vent a demandé, de nouveau, à EDF une proposition technique et financière pour le raccordement de son projet de centrale éolienne " Les Longs Champs ".
Le 4 mai 2005, estimant le dossier incomplet, EDF en a demandé la mise à jour. La Compagnie du Vent a fourni les éléments manquants le 23 mai 2005.
Sur la compétence de la Commission de régulation de l'énergie :
Le 17 août 2005, EDF a remis à La Compagnie du Vent une nouvelle proposition technique et financière pour le raccordement de la centrale éolienne " Les Longs Champs ", qui prévoit des conditions équivalentes à celles établies dans le précédent projet de convention.
Aux termes de l'article 38 de la loi du 10 février 2000, " en cas de différend entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité [...] lié à l'accès auxdits réseaux [...] ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats et protocoles visés [...] à l'article 23 de la présente loi [...], la Commission de régulation de l'énergie peut être saisie par l'une ou l'autre des parties. [...] Sa décision, qui peut être assortie d'astreintes, est motivée et précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux [...] ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés [...] ".
Sur les conclusions dirigées contre EDF :
Dans sa saisine du 4 août 2005, La Compagnie du Vent, qui demande le raccordement au réseau HTA de ses installations de production d'électricité, dirige ses conclusions contre EDF, gestionnaire du réseau public de distribution.
La Commission de régulation de l'énergie est compétente pour connaître de ce différend qui oppose un utilisateur du réseau public de distribution d'électricité à son gestionnaire sur les conditions techniques et financières d'accès à ce réseau.
Sur les conclusions dirigées contre RTE :
Dans son mémoire en réplique du 2 septembre 2005, La Compagnie du Vent, tout en maintenant ses conclusions contre EDF, gestionnaire du réseau public de distribution, dirige, également, des conclusions contre RTE, gestionnaire du réseau public de transport.
Or, La Compagnie du Vent, qui ne demande pas le raccordement de ses installations de production d'électricité au réseau public de transport, n'a pas la qualité d'utilisateur du réseau public de transport. Dans ces conditions, il ne saurait y avoir de différend au sens des dispositions précitées de l'article 38 de la loi du 10 février 2000 entre La Compagnie du Vent et RTE. Par suite, l'ensemble des conclusions dirigées par La Compagnie du Vent contre RTE doit être rejetée comme irrecevable.
Sur les conclusions relatives aux jours d'indisponibilité :
Les jours d'indisponibilité, qui correspondent aux durées d'effacement imposées au producteur, constituent une limitation de son accès au réseau public. Dès lors, le différend relatif à la détermination de jours d'indisponibilité porte sur les " conditions d'ordre technique " de l'accès au réseau public, au sens de l'article 38 de la loi du 10 février 2000.
La Commission de régulation de l'énergie est, donc, compétente pour se prononcer sur les jours d'indisponibilité imposés par le gestionnaire du réseau à La Compagnie du Vent.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par EDF et RTE
EDF et RTE soutiennent que la demande de La Compagnie du Vent serait irrecevable au motif qu'à la date de la saisine de la Commission de régulation de l'énergie, le délai réglementaire de trois mois pour la transmission d'une proposition technique et financière n'était pas expiré et que, dans ces conditions, aucun litige n'était formalisé entre les parties, préalablement à la saisine de la Commission de régulation de l'énergie.
Une telle argumentation serait fondée pour une demande de raccordement concernant un nouveau projet. Toutefois, en l'espèce, la deuxième demande de raccordement concerne le même projet. Elle a été présentée uniquement en raison de la radiation de la file d'attente de la première demande.
Le projet qui a fait l'objet de la demande de proposition technique et financière du 14 avril 2005 est le même que celui qui avait fait l'objet de la précédente demande de raccordement. Il s'agit, en effet, d'une installation de même puissance, sur le même site, avec le même permis de construire et dont les principales caractéristiques de raccordement au réseau (tracé, longueur et type de câble) sont identiques. Seul l'aérogénérateur Gamesa G80 a été substitué à un aérogénérateur Vestas V80, mais, pour ces aérogénérateurs, les principales caractéristiques techniques sont analogues. La nouvelle proposition technique et financière, reçue par La Compagnie du Vent le 18 août 2005, prévoit, d'ailleurs, des modalités de raccordement au réseau public comparables, notamment en ce qui concerne les délais de travaux et les indisponibilités du réseau.
En effet, La Compagnie du Vent a demandé une première fois à EDF, le 9 septembre 2003, une étude détaillée pour le raccordement de son projet de centrale éolienne " Les Longs Champs ". Elle a signé la proposition technique et financière du 26 mai 2004, en émettant des réserves sur le délai des travaux de raccordement et le nombre de jours d'effacement. Elle a, ensuite, refusé de signer la convention de raccordement et, à l'issue d'un délai de trois mois imposé par EDF pour la gestion des demandes de raccordement, son projet a été radié de la file d'attente. C'est uniquement en raison de cette radiation de la file d'attente que La Compagnie du Vent s'est retrouvée dans l'obligation de présenter une nouvelle demande de proposition technique et financière, le 14 avril 2005.
Dans ces conditions, EDF n'est pas fondé à soutenir que le litige n'aurait pas été formalisé préalablement à la saisine de la Commission de régulation de l'énergie. La demande de règlement de différend est, donc, recevable.
Sur la méconnaissance par EDF de son obligation de traitement transparent et non discriminatoire dans le cadre de l'instruction des demandes de raccordement :
La Compagnie du Vent demande à la Commission de régulation de l'énergie de constater qu'EDF a manqué à son obligation de traitement transparent et non discriminatoire en ne justifiant pas la mise à sa charge des frais de " consultance ", les délais de réalisation des travaux dans le poste source de Doullens, la nécessité et les délais de renforcement du réseau public de transport ainsi que les jours d'indisponibilité imposés et le refus de recourir aux automates de délestage.
L'article 5 du décret du 13 mars 2003 dispose que : " l'étude de raccordement est menée dans un cadre transparent et non discriminatoire. Les méthodes générales et les hypothèses utilisées sont rendues publiques par le gestionnaire du réseau public de distribution. Les résultats sont communiqués à l'utilisateur par le gestionnaire de réseau sous réserve du respect des règles de confidentialité auxquelles il est tenu ".
Il résulte des dispositions précitées que, saisi d'une demande de raccordement au réseau public de distribution, EDF est soumis, lors de l'établissement de la proposition technique et financière, à une obligation de traitement transparent et non discriminatoire et qu'à ce titre il lui revient de fournir au demandeur tous les éléments lui permettant d'apprécier le bien fondé des solutions qu'il préconise. Cette obligation se justifie d'autant plus que le gestionnaire du réseau public de distribution se trouve en situation de monopole vis-à-vis des utilisateurs du réseau public de distribution qui demandent leur raccordement. Si les réponses apportées sont jugées insuffisantes, les demandes d'informations complémentaires ne peuvent être regardées comme nouvelles et il doit y être répondu dans le cadre du règlement de différend.
Sur le caractère excessif du délai de réalisation des travaux au poste-source de Doullens :
Lorsque la demande de raccordement est susceptible d'avoir des incidences sur le réseau public de transport, il appartient à EDF, gestionnaire du réseau public de distribution, de mettre en œuvre tous les moyens lui permettant d'obtenir, au besoin auprès de RTE, gestionnaire du réseau public de transport, l'ensemble des informations nécessaires pour remplir son obligation de traitement transparent et non discriminatoire lors de l'élaboration de la proposition technique et financière.
EDF ne saurait se soustraire à cette obligation, sauf à justifier auprès de la Commission de régulation de l'énergie que la transmission des informations demandées ne pourrait se faire sans la communication de données confidentielles au sens du décret du 16 juillet 2001 susvisé. Or, en l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que les données dont RTE refuse la communication auraient un caractère confidentiel. Au demeurant, il n'appartient qu'à EDF de se prononcer sur le caractère confidentiel ou non des informations demandées par les utilisateurs dans le cadre d'un raccordement au réseau public de distribution. Dès lors, en se bornant à transmettre les informations générales et incomplètes communiquées par RTE, EDF, gestionnaire du réseau public de distribution, n'a pas satisfait à son obligation de transparence et a méconnu les dispositions précitées de l'article 5 du décret du 13 mars 2003.
Dans ces conditions, La Compagnie du Vent est fondée à invoquer le caractère excessif du délai de réalisation des travaux au poste source de Doullens. EDF devra faire connaître, dans le projet de convention de raccordement, le délai de réalisation des travaux au poste source de Doullens, qui ne saurait, en tout état de cause, excéder une durée d'un mois à compter de la signature de cette convention par La Compagnie du Vent.
La Compagnie du Vent soutient que le délai pour la réalisation des travaux au poste-source de Doullens est excessif.
La Compagnie du Vent soutient qu'EDF n'a pas justifié les frais de " consultance ". Elle demande, donc, à la Commission de régulation de l'énergie d'en décider la suppression.
En se bornant à indiquer que les frais de " consultance " couvrent " les frais d'ingénierie et les frais exposés par EDF Réseau Distribution pour la gestion et la logistique " et qu'ils " représentent un pourcentage par palier et par type de travaux du montant des travaux à effectuer ", EDF n'a pas justifié de manière précise et circonstanciée les coûts qu'il met à la charge de La Compagnie du Vent.
Sur l'absence de justification du principe et des délais de renforcement du réseau public de transport :
RTE soutient que la demande de La Compagnie du Vent tendant à ce que soit constatée l'absence de justification du principe et des délais de renforcement du réseau public de transport serait irrecevable, au motif qu'aucun litige n'aurait été formalisé entre les parties avant la saisine de la Commission de régulation de l'énergie.
Il ressort, toutefois, des pièces du dossier, notamment de la lettre en date du 31 août 2004, qu'un litige a bien été formalisé entre La Compagnie du Vent et EDF sur les indisponibilités du réseau 90 kV et le délai pour que l'installation puisse injecter la totalité de sa production. La présente demande est, donc, recevable.
EDF soutient qu'il a transmis toutes les informations et justifications communiquées par RTE concernant le renforcement de la ligne 90 kV, et s'est ainsi acquitté de son obligation de transparence. Or, pour justifier les délais de renforcement du réseau 90 kV, RTE n'a communiqué qu'une " procédure administrative type " de construction d'ouvrages à 90 kV, qui ne prend pas en compte les caractéristiques particulières du projet de La Compagnie du Vent. Il ressort, en outre, des observations de RTE, que le principe même de la réalisation des travaux de renforcement de la ligne 90 kV n'est pas arrêté. RTE précise, en effet, que l'étude de détection des contraintes doit être suivie par une étude pré-décisionnelle de renforcement de la ligne 90 kV et que c'est au vu des résultats de ces études que la décision devrait être prise avant la fin de l'année 2005 de lancer les travaux de renforcement.
La charge des coûts de " consultance " dont La Compagnie du Vent, n'a été, à aucun moment de l'instruction de sa demande, en mesure de connaître la justification, ne saurait, dès lors, lui être imputée.
Dès lors, en se contentant de transmettre les informations communiquées par RTE, EDF n'a pas apporté les éléments permettant de justifier le principe et les délais de renforcement du réseau 90 kV. La Compagnie du Vent est, donc, fondée à soutenir qu'EDF n'a pas fourni les justifications du renforcement de la ligne 90 kV et des délais annoncés pour ce renforcement.
Sur l'absence de justification des périodes d'indisponibilité du réseau :
Il appartient à EDF de définir et de justifier les conditions et les éventuelles périodes d'effacement des utilisateurs raccordés à son réseau public de distribution, en fonction des limites en soutirage et en injection imposées au niveau du poste source de Doullens par le gestionnaire du réseau public de transport.
EDF soutient qu'il a transmis tous les éléments communiqués par RTE concernant les périodes d'effacement prévisible du producteur.
Or, RTE s'est borné à communiquer les méthodes générales de calcul, qui ne permettent pas de connaître la justification au cas d'espèce des périodes d'effacement imposées par EDF à La Compagnie du Vent. Celle-ci ne dispose, donc, pas des données et hypothèses lui permettant de vérifier les conditions et durées de ces effacements.
Dès lors, en se contentant de transmettre les informations communiquées par RTE, EDF n'a pas apporté les éléments qu'il lui incombe de fournir pour justifier les périodes d'effacement prévisible du producteur. La Compagnie du Vent est, donc, fondée à invoquer le défaut de justification des périodes d'indisponibilité du réseau.
Il résulte de tout ce qui précède, qu'en se bornant à transmettre à La Compagnie du Vent les informations communiquées par RTE, qui sont insuffisantes pour justifier les décisions prises, EDF a méconnu l'obligation de transparence qui lui incombe en application des dispositions de l'article 5 du décret du 13 mars 2003.
La Compagnie du Vent est, donc, fondée à demander à la Commission de régulation de l'énergie de dire qu'EDF a manqué à son obligation de transparence dans le traitement de sa demande de raccordement.
Elle est, en outre, fondée à demander la communication des éléments permettant de fournir la justification du principe et des délais de renforcement et des périodes d'indisponibilité du réseau.
EDF devra justifier les éventuelles périodes d'effacement, en fonction des limites en soutirage et en injection imposées au niveau du poste source de Doullens par le gestionnaire du réseau public de transport et les délais de renforcement de la ligne 90 kV, que la Commission de régulation de l'énergie considère, en tout état de cause, ne pouvoir excéder une durée de trente mois à compter de la notification de la présente décision.
EDF se conformera à cette obligation, sauf à justifier auprès de la Commission de régulation de l'énergie que la transmission des informations demandées par La Compagnie du Vent ne pourrait se faire sans la communication de données confidentielles au sens du décret du 16 juillet 2001 susvisé.
Sur la demande de La Compagnie du Vent tendant à ce qu'EDF lui adresse une proposition technique et financière de raccordement sous trois mois :
Dans sa saisine du 4 août 2005, La Compagnie du Vent demande à la Commission de régulation de l'énergie de constater qu'EDF a méconnu le délai réglementaire de 3 mois pour transmettre une proposition technique et financière. Elle demande, par conséquent, à la Commission de régulation de l'énergie d'ordonner à EDF de lui adresser dans un délai de 3 mois une proposition concernant les modalités techniques et financières du raccordement de son installation.
L'article 8.3 du cahier des charges de la concession à EDF du RAG, annexé au décret du 23 décembre 1994, dispose que " [...] à la suite de toute demande de raccordement d'une installation de production autonome, le concessionnaire est tenu de faire au producteur autonome, dans un délai de trois mois, une proposition concernant les modalités techniques et financières de raccordement de la source [...] ".
Il y a lieu, dans ces conditions, pour la Commission de régulation de l'énergie, d'inviter EDF à communiquer à La Compagnie du Vent, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision, les éléments qu'elle demande, dans son mémoire en réplique du 2 septembre 2005, permettant de justifier les renforcements de la ligne 90 kV ainsi que les périodes d'indisponibilité imposées au projet.
Il ressort de cette disposition que le gestionnaire du réseau public de distribution doit adresser, dans le délai de trois mois, à tout producteur qui en fait la demande une proposition technique et financière pour le raccordement de son installation. Or, le délai réglementaire de trois mois s'apprécie à compter du jour où le dossier de la demande est complété.
En l'espèce, EDF a indiqué à La Compagnie du Vent le 4 mai 2005 que son dossier de demande de proposition technique et financière était incomplet et erroné. Le dossier a été régularisé le 23 mai 2005, avec l'envoi des éléments manquants et corrigés.
Dans ces conditions, La Compagnie du Vent n'est pas fondée à invoquer une méconnaissance du délai réglementaire de trois mois qui n'était pas expiré à la date de la saisine.
Au surplus, EDF a remis le 17 août 2005 à La Compagnie du Vent la proposition technique et financière pour le raccordement de son projet de centrale éolienne " Les Longs Champs ".
Sur la prise en charge des coûts d'adaptation du réseau HTA :
La Compagnie du Vent soutient qu'EDF n'a pas justifié la mise à sa charge des coûts d'adaptation du réseau HTA. Elle demande, donc, à la Commission de régulation de l'énergie de dire que les coûts afférents à l'adaptation du réseau HTA ne seront pas mis à sa charge.
Dans la proposition technique et financière du 17 août 2005, EDF n'a pas facturé les coûts d'adaptation du réseau HTA.
Par conséquent, la demande susmentionnée est devenue sans objet et doit être rejetée.
Sur la demande de La Compagnie du Vent tendant à ce qu'EDF lui adresse un projet de convention de raccordement dans un délai de 3 mois :
Dès lors sa demande tendant à ce qu'EDF lui adresse une proposition technique et financière de raccordement sous trois mois, devenue sans objet, ne peut qu'être rejetée.
Il résulte de tout ce qui précède que par son manque de transparence, notamment sur les choix opérés dans la convention de raccordement du 29 novembre 2004, EDF a méconnu le droit d'accès au réseau de La Compagnie du Vent.
Sur le caractère excessif du délai de transmission du projet de convention de raccordement :
La Compagnie du Vent soutient que le délai de production de la convention de raccordement, estimé à 9 mois par EDF, est excessif. Elle demande, donc, à la Commission de régulation de l'énergie d'ordonner à EDF de lui transmettre une convention de raccordement au moindre coût dans un délai de 3 mois.
Il ressort des pièces du dossier qu'EDF a été en mesure de communiquer dans un délai de trois mois à La Compagnie du Vent un projet de convention de raccordement le 29 novembre 2004, après l'acceptation avec réserves de la proposition technique et financière le 31 août 2004. Or, la demande actuelle porte sur le même projet d'installation et de raccordement.
La Compagnie du Vent est donc fondée à invoquer le caractère excessif du délai de production du projet de convention de raccordement de son installation.
Sur la possibilité d'inclure des indisponibilités dans le projet de convention de raccordement :
Si La Compagnie du Vent soutient que les dispositions de l'article 7 de la directive 2001-77-CE du 27 septembre 2001 " donnent la priorité aux installations utilisant les sources d'énergie renouvelables ", c'est seulement " dans la mesure permise par le fonctionnement du système électrique national ", le gestionnaire du réseau de transport d'électricité devant garantir, à tout instant, l'équilibre des flux, la sécurité et la sûreté du réseau qu'il exploite. En l'espèce, RTE invoque des motifs de sécurité et de sûreté du réseau pour imposer des périodes d'effacement aux installations de production de La Compagnie du Vent. Dès lors, La Compagnie du Vent ne saurait invoquer utilement les dispositions de la directive précitée pour demander la suppression des périodes d'effacement de la production.
Le nouveau projet de convention de raccordement ne doit, toutefois, plus contenir de périodes d'effacement de la production, sauf si EDF démontre, par une étude, l'impossibilité pour La Compagnie du Vent d'injecter en permanence et en totalité l'énergie produite par son installation de production, compte-tenu des limites en soutirage et en injection imposées au niveau du poste source de Doullens.
Sur l'étude de scénarios alternatifs lors de l'élaboration de la convention de raccordement :
Si l'étude réalisée conclut à la nécessité des durées d'effacement imposées au producteur, La Compagnie du Vent demande qu'EDF étudie ses propositions alternatives de raccordement. EDF soutient que cette demande est nouvelle et n'avait pas fait l'objet d'un litige entre les parties préalablement à la saisine de la Commission de régulation de l'énergie. Il en déduit qu'elle est irrecevable.
Or, l'article 5 du décret du 13 mars 2003 dispose que : " le gestionnaire du réseau effectue une étude pour déterminer le schéma de raccordement. Il prend en compte les caractéristiques de l'installation à raccorder, les caractéristiques des ouvrages existants ou décidés ainsi que celles des installations déjà raccordées. Il examine les divers scénarios de fonctionnement du système et les aléas qui peuvent le perturber ".
EDF est, ainsi, tenu, lorsqu'il est saisi d'une demande de raccordement au réseau public d'une installation de production, d'instruire cette demande en étudiant tous les scénarios de raccordement au réseau public afin de déterminer la solution technique et financière de meilleur coût, tant pour le gestionnaire de réseau que pour le demandeur.
La demande de proposition technique et financière, formulée par La Compagnie du Vent avant la saisine, implique pour EDF l'étude de l'ensemble des scénarios de raccordement. Par conséquent, la demande susmentionnée ne saurait être considérée comme nouvelle. Elle est, donc, recevable.
Le nouveau projet de convention de raccordement comportera, donc, l'installation d'automates de délestage ou d'un système de " bridage ", sauf si EDF démontre et justifie l'impossibilité technique de recourir à ce type d'équipements pour le projet de La Compagnie du Vent. L'installation et la mise en œuvre des éventuels automates de délestage ou de l'éventuel système de " bridage " sont un palliatif au renforcement du réseau public de transport. Les coûts correspondants ne sauraient, en conséquence, être mis à la charge de l'utilisateur de réseau, et ne seront donc pas supportés par La Compagnie du Vent.
Il y a lieu, en conséquence, pour la Commission de régulation de l'énergie, d'inviter EDF à adresser à La Compagnie du Vent, dans le délai de 3 mois qu'elle sollicite, un projet de convention de raccordement conforme aux principes rappelés ci-dessus.
Décidé :
Article 1er. - Electricité de France a manqué à son obligation de transparence dans le traitement des demandes de raccordement et a méconnu le droit d'accès au réseau de La Compagnie du Vent.
Article 2. - Electricité de France communiquera à La Compagnie du Vent, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision, les éléments justifiant de manière précise et circonstanciée les délais de renforcement de la ligne 90 kV et les éventuelles périodes d'effacement.
Il ressort des observations en duplique d'EDF, que les scénarios alternatifs proposés par La Compagnie du Vent n'ont pas été examinés. Par suite, EDF, en s'abstenant d'étudier ces solutions alternatives, à savoir l'installation d'un système de " bridage " ou d'automates de délestage, a méconnu les obligations qui lui incombent en application des dispositions précitées de l'article 5 du décret du 13 mars 2003.
Article 3. - Electricité de France adressera à La Compagnie du Vent, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, un projet de convention de raccordement répondant aux principes rappelés dans les motifs.
Article 4. - Electricité de France communiquera à la Commission de régulation de l'énergie, dans les mêmes délais que ceux prescrits aux articles 2 et 3, tous les éléments lui permettant de s'assurer de l'exécution de la présente décision.
Article 5. - Le surplus des conclusions de La Compagnie du Vent, les conclusions d'Electricité de France et les conclusions de RTE EDF Transport sont rejetés.
Article 6. - La présente décision sera notifiée à La Compagnie du Vent, à Electricité de France et à RTE EDF Transport ; elle sera publiée au Journal officiel de la République française.