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Décisions

CJCE, 5e ch., 7 mai 1987, n° 255-84

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Nachi Fujikoshi Corporation

Défendeur :

Conseil des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Galmot

Avocat général :

M. Mancini

Juges :

MM. Schockweiler, Everling, Joliet, de Almeida

Avocats :

Mes Nagel, Ehle, Ulrich, Feldmann, Schiller, Nehm

CJCE n° 255-84

7 mai 1987

LA COUR,

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 29 octobre 1984, la société Nachi Fujikoshi Corporation, Tokyo, Japon (ci-après "Nachi "), a introduit, au titre de l'article 173 du traité, un recours tendant à l'annulation du règlement n° 2089-84 du Conseil, du 19 juillet 1984, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de roulements à billes, dont le plus grand diamètre extérieur n'excède pas 30 mm, originaires du Japon et de Singapour (JO L 193, p.1).

2 Par le règlement n° 744-84, du 19 mars 1984 (JO L 79, p. 8), la Commission avait institué un droit antidumping provisoire sur les importations de ces microroulements à billes originaires du Japon et de Singapour.

3 Le recours tend, à titre principal, à l'annulation du règlement n° 2089-84 dans son ensemble et, à titre subsidiaire, à l'annulation de ce règlement dans la mesure seulement où il vise la société requérante.

4 En ce qui concerne le cadre réglementaire et les faits du litige de même que les moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

Sur la recevabilité

5 Le Conseil estime que le recours n'est recevable que pour autant qu'il vise le droit antidumping imposé à la requérante. Le Conseil fait valoir que l'acte attaqué est un règlement dont, par conséquent, seules les dispositions qui concernent directement et individuellement la requérante peuvent faire l'objet d'un recours en annulation.

6 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante établie notamment par l'arrêt du 21 février 1984 (Allied corporation et autres/Commission, 239 et 275-82, Rec. p. 1005), les actes portant institution de droits antidumping en application du règlement n° 3017-79 du Conseil, du 20 décembre 1979, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet de dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 339, p. 1), sont de nature à concerner directement et individuellement au sens de l'article 173, alinéa 2, du traité, celles des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu'elles ont été identifiées dans les actes de la Commission ou du Conseil où concernées par les enquêtes préparatoires. Le Conseil ne conteste pas que le règlement attaqué soit de nature à concerner directement et individuellement Nachi, qui y est nommément désignée.

7 Il convient cependant de préciser que le règlement attaqué n'édicte pas des règles générales applicables à un ensemble d'operateurs économiques indistinctement concernés, mais impose des droits antidumping différents à une série de sociétés fabricantes ou exportatrices de microroulements à billes installées au Japon et à Singapour qui sont nommément désignées, de même qu'aux autres sociétés, non désignées, se livrant aux mêmes activités dans ces mêmes pays. Il faut admettre, dans ces conditions, que Nachi est individuellement concernée par les seules dispositions du règlement attaqué qui lui imposent un droit antidumping particulier et en fixent le montant, et non pas par celles qui imposent des droits antidumping à d'autres sociétés.

8 Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir présentée par le Conseil doit être accueillie et que les conclusions principales du recours tendant à l'annulation du règlement n° 2089-84 dans son ensemble doivent être rejetées. Il y a lieu, par contre, d'examiner au fond les conclusions subsidiaires qui tendent à l'annulation du règlement attaqué dans celles de ses dispositions qui concernent exclusivement Nachi.

Sur le fond

9 La requérante invoque plusieurs moyens qui, eu égard aux différents arguments présentés, doivent être regroupés comme suit :

- plusieurs moyens sont relatifs à l'illégalité de la méthode de calcul de la marge de dumping. A cet égard, la requérante invoque :

- le caractère dissemblable des méthodes retenues pour calculer la valeur normale et le prix à l'exportation ;

- le caractère inéquitable de la comparaison ainsi effectuée aux fins d'établissement de la marge de dumping ;

- l'inégalité des ajustements dont la valeur normale et le prix à l'exportation ont fait l'objet ;

- plusieurs moyens sont relatifs à la violation du principe de proportionnalité entre le préjudice subi par l'industrie communautaire et le montant du droit imposé. A cet égard, la requérante invoque :

- l'illégalité et l'insuffisance de motivation du rejet sans examen de ses propositions d'engagements en matière de prix ;

- l'absence de lien entre le montant du droit imposé et le préjudice subi par la communauté du fait des importations effectuées par la requérante ;

- la fixation du montant du droit antidumping sur la base de taux de change officiels de la monnaie japonaise ne reflétant pas les rapports réels de pouvoir d'achat entre monnaies.

I - Sur les moyens tirés de l'illégalité de la méthode de calcul de la marge de dumping

10 Afin de préciser la portée des moyens et arguments invoqués à cet égard par la requérante, il convient de rappeler tout d'abord que, en vertu de l'article 2, paragraphes 2 et 3, sous A), du règlement n° 3017-79 du Conseil, un produit est considéré comme faisant l'objet d'un dumping lorsque son prix à l'exportation vers la communauté est inferieur à la valeur normale d'un produit similaire, c' est-à-dire au prix payé, au cours d'opérations commerciales normales, pour ce produit destiné à la consommation dans le pays d'exportation. Ainsi que le précise l'article 2, paragraphe 13, sous A), du règlement de base, il faut entendre par marge de dumping "le montant par lequel la valeur normale dépasse le prix à l'exportation".

11 Il résulte de ces dispositions que le prix à l'exportation et la valeur normale constituent les termes de la comparaison permettant d'établir la marge de dumping. En vertu de l'article 2, paragraphe 13, sous B) et C), du règlement n° 3017-79, "lorsque les prix varient, la marge de dumping peut être établie transaction par transaction ou en se référant aux prix les plus fréquemment constatés, représentatifs ou moyens pondérés ; lorsque les marges de dumping varient, des moyennes pondérées peuvent être établies".

12 Il ressort du point 11 du règlement attaqué que, en l'espèce, la valeur normale a été calculée sur la base d'une moyenne pondérée des prix pratiqués sur le marché intérieur. Le prix à l'exportation a été, comme l'indique le point 16 du règlement attaqué, calculé selon une formule transaction par transaction. Il ressort du dossier que, en vertu de cette formule, les prix à l'exportation supérieurs à la valeur normale ont été pris en compte après avoir été fictivement ramenés au niveau de la valeur normale et qu'une moyenne pondérée a été établie entre l'ensemble des prix à l'exportation constatés, qu'il s'agisse de prix inferieurs ou de prix égaux à la valeur normale. La marge de dumping a ensuite été établie par comparaison entre la valeur normale calculée selon la méthode de la moyenne pondérée et le prix à l'exportation calculé selon la méthode transaction par transaction.

A - Sur le caractère dissemblable des méthodes retenues pour calculer la valeur normale et le prix à l'exportation

13 La requérante fait valoir que le mélange de méthodes ainsi retenues pour calculer la valeur normale et le prix à l'exportation méconnait le principe énoncé à l'article 2, paragraphe 9, du règlement n° 3017-79, dont il résulterait que, aux fins de comparaison valable, la valeur normale et le prix à l'exportation devraient être calculés selon des méthodes identiques.

14 Il convient de constater, en premier lieu, que les méthodes de calcul de la valeur normale et du prix à l'exportation sont énumérées respectivement aux paragraphes 3 à 7 et au paragraphe 8 de l'article 2 du règlement n° 3017-79. Or, ces dispositions prévoient de manière indépendante plusieurs méthodes de calcul non similaires de chacun des termes de la comparaison.

15 Cette indépendance des méthodes de calcul susceptibles d'être retenues est confirmée par les termes précités de l'article 2, paragraphe 13, sous B) et C), du règlement n° 3017-79, qui se limitent à indiquer les différentes possibilités de calculer la marge de dumping sans formuler d'obligation de similitude ou d'identité des méthodes choisies aux fins de calcul de la valeur normale et du prix à l'exportation.

16 Il convient de relever, en second lieu, que, aux termes de l'article 2, paragraphe 9, du règlement n° 3017-79 :

"Afin d'établir une comparaison valable, le prix à l'exportation et la valeur normale doivent être examinés sur une base comparable quant aux caractéristiques physiques du produit, aux quantités et aux conditions de ventes."

17 Il résulte de cette dernière disposition, d'une part, qu'elle vise à définir les ajustements susceptibles d'être apportés à la valeur normale et au prix à l'exportation après que ceux-ci ont déjà été calculés selon les méthodes prévues à cette fin et, d'autre part, que les ajustements prévus portent exclusivement, comme l'indique le considérant 8 du règlement n° 3017-79, sur les différences observées en ce qui concerne les caractéristiques physiques et les quantités de produits, les conditions de vente et le niveau des transactions commerciales, pris en compte sur le marché intérieur et le marché d'exportation.

18 Il résulte de ce qui précède que le règlement n° 3017-79 n'impose pas que la valeur normale et le prix à l'exportation soient calculés selon des méthodes identiques.

19 Il convient, par conséquent, de rejeter le moyen susmentionné.

B - Sur le caractère prétendument inéquitable de la comparaison ainsi effectuée aux fins d'établissement de la marge de dumping

20 La requérante estime que le mélange de méthodes dénoncé ci-dessus a conduit à fausser les termes de la comparaison dans la mesure où la moyenne pondérée de l'ensemble des prix de vente pratiques sur un marché et portant sur une grande quantité de produits est nécessairement inferieure au prix établi transaction par transaction, sans pondération aucune, et portant sur des quantités plus réduites de marchandises vendues sur un autre marché. Aussi, le calcul de la marge de dumping effectué en l'espèce serait-il tout à la fois inexact et injustifié.

21 Il convient de noter que le choix entre les différentes méthodes de calcul indiquées à l'article 2, paragraphe 13, sous B), du règlement n° 3017-79, suppose l'appréciation de situations économiques complexes. Or, comme la Cour l'a jugé notamment dans l'arrêt du 11 juillet 1985 (Remia, 42-84, Rec. p. 2545), le juge doit limiter le contrôle qu'il exerce sur une telle appréciation à la vérification du respect des règles de procédure, de l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits ou de l'absence de détournement de pouvoir.

22 L'argumentation développée par la requérante revient à soutenir que les institutions ont commis une erreur manifeste dans l'appréciation des faits de la cause en retenant une méthode d'évaluation de la marge de dumping qui ne prend en compte qu'une partie des transactions concernées sur le marché d'exportation et conduit, dès lors, à un résultat inéquitable.

23 Cette argumentation ne peut être accueillie. Il convient de constater tout d'abord que, contrairement à ce que soutient la requérante, la méthode transaction par transaction utilisée par la Commission, comme la méthode de la moyenne pondérée, prend en compte l'ensemble des ventes et des quantités vendues à l'exportation et comporte également l'établissement d'une moyenne pondérée des prix pratiqués à l'exportation. Cette méthode diffère de celle dite de la moyenne pondérée par le fait que les prix supérieurs à la valeur normale sont ramenés fictivement au niveau de la valeur normale, puis intégrés dans le calcul de la moyenne pondérée de l'ensemble des prix pratiqués sur le marché d'exportation.

24 Il convient de souligner ensuite que la liberté de choisir l'une des méthodes indiquées à l'article 2, paragraphe 13, sous B), du règlement n° 3017-79 tend précisément à ce que soit retenue la méthode la plus appropriée à l'objet de la procédure d'institution d'un droit antidumping. Selon l'article 2, paragraphe 1, et l'article 4, paragraphe 1, du même règlement, une telle procédure vise à éliminer le préjudice ou la menace de préjudice résultant pour une production établie de la communauté d'une pratique de dumping.

25 Or, la méthode transaction par transaction, retenue en l'espèce pour le calcul du prix à l'exportation, est la seule qui permette de faire obstacle à certaines manœuvres qui consistent à dissimuler le dumping grâce à des pratiques de prix différents, tantôt supérieurs et tantôt inferieurs à la valeur normale. L'application, dans un tel contexte, de la méthode de la moyenne pondérée ne répondrait pas à l'objet de la procédure antidumping, dans la mesure où cette méthode aurait pour effet essentiel de masquer les ventes effectuées à prix de dumping par celles effectuées à dumping dit "négatif" et laisserait ainsi subsister intégralement le préjudice subi par la production communautaire concernée.

26 Il convient, dès lors, d'admettre que la Commission n' commis, en l'espèce, aucune erreur manifeste dans l'appréciation des faits de la cause en appliquant, comme elle l'a fait, la méthode transaction par transaction pour le calcul de la marge de dumping, et de rejeter le moyen analyse ci-dessus.

C - Sur l'inégalité des ajustements dont la valeur normale et le prix à l'exportation ont fait l'objet

27 La requérante fait valoir que la valeur normale et le prix à l'exportation doivent être établis après déduction des charges et coûts administratifs correspondants. Or, la Commission n'aurait tenu compte que des coûts ainsi exposés par ses filiales européennes et aurait omis de tenir compte des coûts administratifs supportés par sa filiale japonaise.

28 Il convient de souligner que, en vertu de l'article 2, paragraphe 8, sous B), du règlement n° 3017-79, le prix à l'exportation est établi selon une valeur construite lorsque le prix convenu pour les ventes à l'exportation ne peut servir de référence : il en est ainsi notamment lorsque, comme en l'espèce, les transactions sont effectuées entre parties associées ou liées par un arrangement de compensation. Le prix à l'exportation est alors constitué sur la base du prix auquel le produit importé est revendu pour la première fois à un acheteur indépendant ou sur toute base raisonnable. Dans ce cas, des ajustements sont opérés pour tenir compte "de tous les frais intervenus entre l'importation et la revente".

29 Il y a donc lieu de constater que la déduction de l'intégralité des frais exposés par les filiales européennes de Nachi dans le cadre de la constitution des prix à l'exportation fait une application correcte des dispositions du règlement n° 3017-79.

30 Il est vrai que, selon l'article 2, paragraphe 10, du règlement n° 3017-79, lorsque le prix à l'exportation et la valeur normale ne sont pas comparables en ce qui concerne les caractéristiques indiquées au paragraphe 9, précité, de cette même disposition, il est tenu compte des différences qui affectent la comparabilité des prix. Il en va ainsi, notamment, des différences dans les conditions de vente. A cet égard, l article 2, paragraphe 10, sous C), prévoit que les ajustements sont "limites en général aux différences qui ont une relation directe avec les ventes considérées et comprennent, par exemple, les différences de droits et taxes indirectes, les conditions de crédit, cautions, garanties, modalités, services après vente, commissions ou salaires payés aux vendeurs, emballage, transport ... ; en règle générale, aucun ajustement (n'est) accordé pour des différences dans les frais administratifs et généraux, y compris les frais de recherche et de développement ou de publicité ...".

31 Il convient, cependant, d'observer que les ajustements effectués au titre de l'article 2, paragraphe 10, sous C) du règlement n° 3017-79 se distinguent, tant par leur objectif que par leurs conditions d'application, des ajustements opérés dans le cadre de la constitution du prix à l'exportation.

32 D'une part, en effet, alors que ces derniers ajustements visent à déterminer le prix à l'exportation correspondant à des conditions commerciales normales, les ajustements effectués au titre de l'article 2, paragraphe 10, précité, tendent à redresser le prix à l'exportation où la valeur normale déjà calculés en application des règles fixées par l'article 2, paragraphes 3 à 8. Ces ajustements prévus par l'article 2, paragraphe 10, sont opérés en fonction d'éléments objectifs qui, énumères notamment sous C) dans cette même disposition, correspondent aux particularités de chaque marché (d'origine et d'exportation), se répercutent de manière inégale sur les conditions de vente et affectent en conséquence la comparabilité des prix.

33 D'autre part, alors que les ajustements relatifs à la constitution du prix à l'exportation sont opérés d'office par les institutions communautaires en application des dispositions de l'article 2, paragraphe 8, du règlement n° 3017-79, les ajustements visés par l'article 2, paragraphe 10, peuvent l'être également sur la demande d'une partie intéressée. Cette partie doit alors apporter la preuve que sa demande est justifiée, c'est-à-dire que la différence dont elle se prévaut concerne l'un des facteurs énumérés par l'article 2, paragraphe 9, que cette différence affecte la comparabilité des prix, et, enfin, s'agissant plus particulièrement comme en l'espèce de différences dans les conditions de vente, que ces différences ont une relation directe avec les ventes considérées.

34 Il ne ressort, en l'espèce, ni des pièces du dossier ni des débats menés devant la Cour que Nachi ait apporté la preuve que sa demande d'ajustements au titre de l'article 2, paragraphe 10, sous C), du règlement n° 3017-79 ait réuni les conditions exigées par ces dispositions.

35 En effet, celles-ci excluent, en général, les ajustements pour des différences dans les frais administratifs et Nachi n'a prouvé l'existence d'aucune circonstance particulière de nature à justifier une dérogation à la règle ainsi posée.

36 Ce moyen doit, dès lors, être rejeté.

II - Sur les moyens tirés de la violation du principe de proportionnalité

A - Sur l'illégalité et la prétendue insuffisance de motivation du rejet à priori des propositions d'engagements en matière de prix présentées par Nachi

37 La requérante estime que l'affirmation générale contenue au point 24 du règlement attaqué, selon laquelle les engagements en matière de prix ne constituent pas un moyen approprié pour lutter contre les pratiques de dumping, procède tout à la fois d'une insuffisance de motivation du refus d'examiner les propositions d'engagements et d'une violation du principe de proportionnalité. A cet égard, la requérante fait valoir que le pouvoir, conféré à la Commission par l'article 10 du règlement n° 3017-79, d'apprécier si une proposition d'engagement est ou non acceptable tend, précisément, à ce que le droit antidumping imposé corresponde au préjudice causé par l'exportateur visé.

38 Il ressort d'abord des pièces du dossier que les propositions d'engagements de la requérante ont été rejetées au terme d'un examen individuel, au cours duquel elle a été invitée à s'exprimer sur les critiques formulées par le Conseil à l'encontre dédites propositions.

39 Il y a lieu de rappeler, ensuite, en ce qui concerne le grief d'insuffisance de motivation, que, selon une jurisprudence constante, rappelée notamment par l'arrêt du 26 juin 1986 (Nicolet Instrument, 203-85, Rec. p. 2049), la motivation exigée par l'article 190 du traité doit faire apparaitre, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaitre les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits, et à la cour d'exercer son contrôle.

40 Cette exigence a été satisfaite en l'espèce par les motifs exposés au point 24 du règlement attaqué dont il ressort que l'expérience acquise dans le secteur des roulements à billes a démontré que les engagements ne constituent pas une solution satisfaisante aux problèmes engendrés par les pratiques de dumping dans ce secteur.

41 Il convient enfin de souligner que, ce faisant, les institutions ont correctement appliqué les textes et rempli la fonction que leur assigne la réglementation communautaire.

42 En effet, aucune disposition du règlement n° 3017-79 ne fait obligation aux institutions d'accepter des propositions d'engagements en matière de prix. Comme la requérante l'a admis, il résulte, bien au contraire, de l'article 10 de ce règlement que le caractère acceptable de tels engagements est défini par les institutions dans le cadre de leur pouvoir d'appréciation. Or, Nachi n'a pas démontré que les motifs du refus de prendre en compte les propositions d'engagements qu'elle avait formulées, exposés au point 24, précité, et étayés par le Conseil dans ses mémoires écrits, excédaient la marge d'appréciation reconnue aux institutions.

43 En particulier, la requérante n'a pas réfuté les arguments précis du Conseil, selon lesquels ses propositions d'engagements étaient insuffisantes.

44 Le moyen invoqué par Nachi doit, dès lors, être rejeté.

B - Sur l'illégalité du montant du droit antidumping, eu égard au faible préjudice subi par l'industrie communautaire du fait des importations de la requérante

45 La requérante fait valoir que le montant du droit antidumping qui lui a été imposé ne correspond pas au préjudice que ses importations étaient susceptibles de causer à l'industrie communautaire. Après avoir souligné que le préjudice défini par ces institutions résulte de l'addition des importations en provenance du Japon et de Singapour, la requérante souligne qu'elle n'a importé des micro roulements à billes qu'en provenance du Japon et que les parts de marché qu'elle détient dans la communauté sont très faibles.

46 Cet argument ne peut être retenu. Il ressort, en effet, des termes de l'article 4 du règlement n° 3017-79 que le préjudice subi par une production établie de la communauté du fait d'importations effectuées à prix de dumping doit être apprécié globalement, sans qu'il soit besoin, ni d'ailleurs possible, d'individualiser la part de ce préjudice qui est imputable à chacune des sociétés responsables.

47 En revanche, le règlement attaqué à défini individuellement, pour chaque société visée, en fonction de l'origine de ses importations, en l'occurrence le Japon, la marge de dumping imputable à celle-ci. Cette marge de dumping a été fixée à 9,65 % pour Nachi et le droit définitif qui lui a été imposé a été égal à ce montant, en raison de l'importance du préjudice globalement subi par l'industrie communautaire.

48 Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce qu'affirme la requérante, le taux du droit retenu correspond à la marge de dumping et, partant, au préjudice causé à l'industrie communautaire du fait de ses importations de roulements à billes.

49 Le moyen invoqué doit, dès lors, être rejeté.

C - Sur le moyen tiré de ce que le montant du droit antidumping a été défini sur la base des taux de change officiels de la monnaie japonaise

50 La requérante fait valoir que, en fondant le taux du droit antidumping sur les taux de change officiels, le Conseil lui a imposé un droit antidumping supérieur au préjudice causé par ses importations. Selon la requérante, le respect du principe de proportionnalité imposerait de tenir compte, non des taux de change officiels, mais du taux d'équivalence du pouvoir d'achat à la Consommation auquel se référeraient notamment l'OCDE, l'ONU et l'Office fédéral des statistiques de Wiesbaden.

51 Il ressort tout d'abord du dossier que l'évolution de la monnaie japonaise n'a eu aucune incidence sur la détermination du préjudice subi par l'industrie communautaire, dans la mesure où les ventes des importateurs ont été évaluées dans la monnaie de l'État membre d'importation.

52 En revanche, il est exact que la comparaison entre la valeur normale et le prix à l'exportation exprimés en des monnaies différentes a été effectuée par conversion des prix définis en Yens selon les taux de change officiels et que ces derniers ont ainsi eu une incidence sur le calcul de la marge de dumping.

53 A cet égard, il y a lieu de relever qu'une marge de dumping doit être définie aux fins de corriger l'effet concret d'importations à prix de dumping de produits en provenance de pays tiers, sur le secteur industriel correspondant de la communauté. Cet effet ne peut être apprécié qu'en prenant en compte les taux de change officiels sur la base desquels s'effectuent les transactions du commerce international.

54 Il y a lieu de préciser, en outre, qu'en l'espèce les institutions ont tenu compte d'un taux de change moyen calculé sur une période de douze mois, afin de tenir compte de l'évolution des taux de change observée entre le début et la fin de la période couverte par l'enquête.

55 Il résulte de ce qui précède que le moyen invoqué n'est pas fondé et doit, dès lors, être rejeté, comme l'ensemble du recours.

Sur les dépens

56 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

Déclare et arrête :

1) le recours est rejeté.

2) la partie requérante supportera les dépens, y compris ceux exposés par les parties intervenantes.