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Décisions

Cass. crim., 29 novembre 2005, n° 04-87.608

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme Gailly

Avocat général :

Mme Commaret

Avocat :

Me Spinosi

Limoges, ch. corr., du 26 nov. 2004

26 novembre 2004

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par : X Marcel, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Limoges, chambre correctionnelle, en date du 26 novembre 2004, qui, pour administration irrégulière de substances anabolisantes à des animaux destinés à l'alimentation humaine, falsification et mise en vente, en récidive, de denrées falsifiées et exercice illégal de la médecine vétérinaire l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement, à 10 000 euro d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte des pièces de procédure que des contrôles des services vétérinaires ont révélé, dans la chair de veaux placés par la société Y en contrat d'intégration auprès d'éleveurs, des traces de beta estradiol, substance anabolisante dont l'administration à des animaux destinés à l'alimentation humaine a été interdite ; que, par l'arrêt attaqué, Marcel X, directeur général de la société Y, a été condamné pour avoir, en 1998 et 1999, administré des substances anabolisantes à des animaux dont la chair est destinée à la consommation humaine, fait prévu par les articles 2 et 6 de la loi n° 84-609 du 16 juillet 1984, falsifié et mis en vente, en récidive, des denrées servant à l'alimentation de l'homme, faits prévus par l'article L. 213-3 du Code de la consommation, et exercé illégalement la médecine vétérinaire, fait prévu par les articles 340 ancien et L. 243-1 nouveau du Code rural ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 513, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce qu'il ne ressort pas sans équivoque des mentions de l'arrêt attaqué que Marcel X ou son avocat ait eu la parole le dernier ;

"alors que la règle selon laquelle le prévenu ou son avocat auront toujours la parole les derniers s'impose à peine de nullité ; que l'arrêt attaqué, dont les mentions ne font pas expressément apparaître que Marcel X ou son avocat ait eu la parole les derniers lors de l'audience du 22 octobre 2004 ne met pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer qu'il a été satisfait aux prescriptions légales" ;

Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt qu'après l'interrogatoire du prévenu, l'audition des témoins et des parties civiles et les réquisitions du Ministère public, Me Y, avocat du prévenu, a présenté ses moyens d'appel avant que le président avise les parties de la date à laquelle serait prononcé l'arrêt ;

Attendu qu'en cet état, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que Me Y, avocat du prévenu, a eu la parole en dernier ainsi que le prescrit l'article 513, alinéa 4, du Code de procédure pénale ; qu'ainsi le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 et 6 de la loi n° 84-609 du 16 juillet 1984 relative à l'usage vétérinaire de substances anabolisantes et à l'interdiction de diverses autres substances, L. 213-1, L. 213-2, L.213-3 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a déclaré Marcel X coupable d'administration de substances anabolisantes à des animaux dont la chair était destinée à l'alimentation humaine, de falsification de denrées alimentaires et de vente desdits produits falsifiés et l'a condamné à une peine de deux ans d'emprisonnement et à une amende de 10 000 euro et l'a condamné à verser des dommages et intérêts aux différentes parties civiles dont elle a déclaré l'action recevable ;

"aux motifs que, "dans quatre élevages du béta-estradiol a été trouvé dans les urines de plusieurs veaux ; que l'alimentation des animaux ainsi que les médicaments étaient fournis par Marcel X, technicien de la société Y, lequel délivrait les prescriptions et déterminait les posologies, pratiquant des soins curatifs ; que premier directeur général de la société Y, achetant les animaux, les aliments, les produits vétérinaires, organisant les services techniques de production, il contestait avoir utilisé des anabolisants ; qu'il reconnaissait en revanche constituer une pharmacie à partir d'ordonnances établies par le vétérinaire Jean-Pierre Z, son épouse ou sa secrétaire ; que notamment pour le traitement contre les poux, il utilisait du butox qu'il administrait lui-même ; qu'il contestait la présence de béta-estradiol dans les urines des animaux, expliquant que le produit avait pu à son insu être mélangé à d'autres qu'il testait sur les animaux ; que Michel A déclarait qu'il avait livré de l'estradiol à Marcel X qui l'avait payé en espèces ; ce produit était administré par voie transcutanée ; que, tant le 17 béta-estradiol que l'estradiol pouvaient avoir un effet anabolisant et étaient interdits et pouvaient être administrés lors d'un traitement anti-parasitaire ; que sur les vingt-sept élevages contrôlés en Corrèze en 1998 et 1999, quatre intégrés par la société Y et suivis par Marcel X comprenaient un total de 21 animaux présentant des traces de béta-estradiol ; que Marcel X avait délégation de pouvoir du conseil d'administration concernant le respect de la réglementation en matière d'alimentation et des soins aux animaux ; que ce n'est que lors de sa confrontation à Marcel Antin qu'il a reconnu l'administration de substances anabolisantes qu'il détenait en stock depuis une affaire précédente et qui lui avaient été fournis par Marcel A ; que Marcel X a dans les années 1998 et 1999 administré à des animaux dont la chair était destinée à l'alimentation humaine des substances à activité anabolisante, falsifiant ainsi des denrées servant à l'alimentation de l'homme, les mettant en vente ; qu'il est en état de récidive légale, ayant été condamné le 1er octobre 1997 par cette Cour dont la décision est devenue définitive le 8 octobre 1997, à la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis, 6 000 euro d'amende et publication de la décision pour la falsification de denrées alimentaires, boissons ou substances médicamenteuses nuisibles à la santé" ;

"alors, d'une part, que les juges ne peuvent appliquer une incrimination générale lorsque le législateur a incriminé spécialement un fait, si du moins les deux incriminations tendent à assurer la protection des mêmes intérêts ; qu'en l'espèce, en faisant application de l'incrimination de falsification de denrées alimentaires lorsque le législateur avait spécialement incriminé le fait de prescrire des anabolisants à des animaux dont la chair était destinée à la consommation dans l'article 6 de la loi n° 84-609 du 17 juillet 1984 relative à l'usage vétérinaire de substances anabolisantes et à l'interdiction de diverses autres substances, la cour d'appel a violé les articles L. 213-1 du Code de la consommation par fausse application et 2 et 6 de la loi du 17 juillet 1984, par refus d'application ;

"alors, d'autre part, que la vente de denrées alimentaires falsifiées suppose que soit constatée la mise en vente de telles denrées ; que la cour d'appel, qui a imputé au prévenu le traitement d'animaux avec du béta-estradiol, mais n'a pas constaté que les animaux ainsi traités avaient été mis en vente et vendus aux consommateurs, n'a pu caractériser la vente de denrées alimentaires falsifiées qu'elle impute au prévenu" ;

Attendu que, pour déclarer Marcel X coupable d'avoir mis en vente des denrées falsifiées servant à l'alimentation de l'homme, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la société Y a une activité de négociante en bestiaux et que le prévenu avait la responsabilité de la gestion de la production de l'entreprise ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que Marcel X a participé à la mise en vente des viandes falsifiées, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, dès lors que la peine prononcée est justifiée par la déclaration de culpabilité pour les faits de mise en vente de denrées falsifiées, qui n'entrent pas dans les prévisions de l'article 2 de la loi du 16 juillet 1984, ne peut être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 309, 340, 341 du Code rural ancien, L. 241-1 et L. 243-1 du Code rural, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Marcel X coupable d'exercice illégal de médecine vétérinaire ;

"aux motifs qu' "il a en outre en Corrèze et dans les mêmes années, alors qu'il ne remplissait pas les conditions d'exercice de la profession de vétérinaire, délivré des prescriptions et pratiqué des soins curatifs à titre habituel" ;

"alors que, la cour d'appel, qui a déclaré le prévenu coupable d'exercice illégal de la médecine vétérinaire, sans avoir précisé quels faits pouvaient en l'espèce lui être reprochés et sans notamment préciser quelles substances constituant des médicaments il aurait administrées ou fait administrer, a privé sa décision de toute base légale" ;

Attendu que, pour déclarer Marcel X coupable d'exercice illégal de la médecine vétérinaire, l'arrêt retient que, sans remplir les conditions pour exercer la profession de vétérinaire, il délivrait des prescriptions médicales aux éleveurs et pratiquait des soins curatifs à titre habituel ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.