CCE, 21 mars 2000, n° M.1636
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
MMS/DASA/Astrium
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 57, vu le règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1310-97 du Conseil (2), et notamment son article 8, paragraphe 2, vu la décision prise par la Commission le 3 décembre 1999 d'engager la procédure dans cette affaire, vu l'avis du comité consultatif en matière de concentrations entre entreprises (3), Considérant ce qui suit:
1. Le 29 octobre 1999, la Commission a reçu notification, en application de l'article 4 du règlement (CEE) n° 4064-89 (ci-après dénommé " Règlement sur les concentrations "), d'un projet de concentration par lequel Matra Marconi Space N.V. (MMS) et Daimler Chrysler Aerospace AG (DASA), par l'intermédiaire de sa filiale DASA Dornier Raumfahrt Holding GmbH (DDRH), acquerront le contrôle conjoint d'Astrium, nouvelle société appelée à opérer dans le secteur spatial, à laquelle seront transférés l'ensemble des actifs de MMS et la majeure partie des actifs de DASA se rapportant aux systèmes spatiaux.
2. Par décision datée du 3 décembre 1999, la Commission a constaté que l'opération notifiée soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun. Elle a par conséquent engagé en l'espèce la procédure prévue à l'article 6, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations.
I. LES PARTIES ET L'OPÉRATION
3. MMS est contrôlée conjointement par Matra Hautes Technologies SAS (MHT) et par Marconi Electronic Systems Limited (Marconi). Ses principales activités sont la fabrication et la fourniture de systèmes spatiaux, y compris les satellites et leur charge utile, de sous-systèmes pour lanceurs et véhicules spatiaux habités, de stations terrestres et de divers sous-systèmes et technologies.
4. MHT fait partie d'Aérospatiale-Matra, société française active principalement dans les domaines de l'aérospatiale commerciale et militaire, des armes téléguidées, de l'information et des télécommunications. Dans le secteur spatial, et en plus de sa participation dans MMS, Aérospatiale-Matra détient notamment des intérêts majoritaires dans des sociétés actives dans les domaines des lanceurs, des infrastructures spatiales et des équipements pour engins spatiaux. Aérospatiale-Matra est contrôlée par l'État français et par Lagardère, groupe français opérant également dans les secteurs de l'automobile et des médias.
5. Marconi, anciennement détenue par General Electric Company ("GEC"), a été intégrée à British Aerospace plc., maintenant rebaptisée BAe Systems plc. ("BAe Systems"). BAe Systems est un groupe britannique, qui opère principalement dans les secteurs de la construction aéronautique civile et militaire, des armes téléguidées, de la mécanique et de l'architecture navale et de l'électronique de défense. Dans le secteur spatial, et en plus de sa participation dans MMS, BAe Systems détient des intérêts majoritaires dans un certain nombre de sociétés fabriquant des équipements pour vaisseaux spatiaux.
6. DDRH est une filiale à 100% de DASA, société allemande qui regroupe les activités de la division Aviation et Systèmes spatiaux du groupe Daimler Chrysler. Dans le secteur spatial, et en plus des activités qu'elle cédera à Astrium, DASA détient, en particulier, des participations majoritaires dans Eurockot Launch Services GmbH, qui opère dans le secteur des services de lancement. DASA appartient au groupe Daimler Chrysler, qui opère aussi dans les secteurs de l'automobile et des services.
7. Conformément à un pacte d'actionnaires, Astrium sera une entreprise commune détenue à parts égales par MMS et DDRH. Astrium combinera toutes les activités de MMS (fourniture de systèmes et de sous-systèmes spatiaux) et toutes les activités actuellement exercées par DASA dans sa filiale Dornier Satellitensysteme GmbH (fourniture de systèmes et de sous-systèmes de satellites) et dans sa division Raumfahrt-Infrastruktur (fourniture d'infrastructures spatiales et de lanceurs). Astrium sera gérée comme une entité multinationale unique comprenant des divisions transfrontalières, et elle opérera principalement par l'intermédiaire de trois entités juridiques établies en France, en Allemagne et au Royaume-Uni.
II. CONCENTRATION
8. Astrium sera contrôlée conjointement par MMS et DASA (ci-après dénommées collectivement "les parties"). Un conseil d'administration composé de quatre membres, dont deux proposés par chacune des parties, sera élu à l'unanimité par les actionnaires. Toutes les décisions importantes concernant la politique commerciale et la stratégie d'Astrium, telles que le "mid-term plan" (équivalent du plan d'entreprise), le budget annuel et la nomination ou la destitution des représentants légaux des sociétés d'exploitation requièrent l'approbation unanime de MMS et DASA. Cela confère à MMS et DASA le contrôle conjoint d'Astrium, étant donné que les parties doivent prendre d'un commun accord les décisions importantes concernant la stratégie commerciale de l'entreprise.
9. Astrium remplira en outre de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome, étant donné qu'elle combinera toutes les activités de MMS et la plupart des activités spatiales de DASA et elle aura par conséquent accès aux actifs, au personnel, aux installations de fabrication et aux réseaux commerciaux et de service nécessaires pour exercer durablement ses activités.
10. À la lumière de ce qui précède, il est clair que l'opération projetée est une concentration au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations.
III. DIMENSION COMMUNAUTAIRE
11. Les parties à la concentration ont réalisé en 1998 un chiffre d'affaires total à l'échelle mondiale supérieur à 5 000 millions d'euro (4) et chacune des entreprises concernées a réalisé dans la Communauté un chiffres d'affaires de plus de 250 millions d'euro. Aucune des entreprises concernées n'a réalisé plus des deux tiers de son chiffre d'affaires total dans un seul et même État membre. L'opération notifiée a par conséquent une dimension communautaire au sens de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations. Elle ne constitue pas un cas de coopération au sens de l'accord EEE.
IV. COMPATIBILITE AVEC LE MARCHE COMMUN
12. Astrium s'occupera de la fabrication et de la fourniture de systèmes spatiaux et de leurs sous-systèmes et équipements. Comme il a été expliqué dans de précédentes décisions de la Commission (5), les systèmes spatiaux comprennent généralement deux principaux secteurs: un secteur spatial (satellite, plate-forme orbitale, lanceur, etc.), et un secteur terrien, qui soit commande et contrôle le secteur spatial (orbite, paramètres de mission, etc.), soit fournit une interface (telle que la transmission de signaux vocaux et de données) avec le secteur spatial. Le secteur spatial peut être subdivisé en satellites, infrastructures spatiales et lanceurs.
13. L'opération de concentration ne soulève pas de problèmes de concurrence sur les marchés des satellites de télécommunications civils, des secteurs terriens pour satellites et des services de lancement.
14. Les deux parties sont présentes sur les marchés des satellites scientifiques et d'observation, des sondes, des infrastructures spatiales et des équipements pour lanceurs, et la Commission avait émis des doutes sérieux au sujet de ces marchés dans sa décision du 3 décembre 1999 en application de l'article 6, paragraphe 1, point c) du règlement sur les concentrations. Elle avait également émis des doutes sérieux, dans cette même décision, au sujet des marchés des systèmes et équipements pour lanceurs. Toutefois, pour les raisons indiquées aux sections A à C ci-dessous, aucun problème de concurrence ne se pose sur ces marchés.
15. Enfin, les parties s'occupent également de certains équipements pour satellites et de satellites militaires, et il existe de bonnes raisons de penser que l'opération créerait ou renforcerait une position dominante dans les domaines suivants:
- roues mécaniques pour satellites en Europe (6) (Section A);
- satellites de télécommunications militaires en France (Section C).
A. SATELLITES
MARCHES DE PRODUITS EN CAUSE
Le niveau de la maîtrise d'œuvre
16. Les satellites sont des engins spatiaux complexes gravitant sur une orbite autour d'un corps céleste. Comme il a été indiqué dans de précédentes décisions de la Commission (7), on distingue quatre principales catégories de satellites: les satellites de télécommunications, les satellites de navigation, les satellites d'observation (télédétection) et les satellites scientifiques. Les satellites peuvent être utilisées pour des applications aussi bien civiles que militaires.
17. En gros, un satellite standard se compose de deux parties principales: la plate-forme et la charge utile. La plate-forme est la structure physique du satellite qui en assure la stabilité et le contrôle thermique, tandis que la charge utile régit les principaux paramètres de la plate-forme et est destinée à exécuter les tâches particulières pour lesquelles le satellite a été mis sur orbite.
18. On distingue souvent, dans le secteur des satellites, un segment commercial, comprenant les satellites (essentiellement les satellites de télécommunications) vendus aux opérateurs commerciaux et un segment institutionnel comprenant les satellites (essentiellement les satellites scientifiques et d'observation) vendus essentiellement aux agences spatiales telles que la NASA, le Centre national d'études spatiales ("CNES") ou l'Agence spatiale européenne ("ESA"). Les opérateurs commerciaux achètent généralement des satellites de conception éprouvée, en recourant à des procédures d'appel à la concurrence à l'échelle mondiale. À l'inverse, les clients institutionnels achètent en général des satellites spécifiques (souvent "sur mesure"), pour lesquels l'appel à la concurrence est généralement limité aux maîtres d'œuvre nationaux. Dans le cas de l'ESA, en particulier, les commandes sont régies par le principe géographique du " juste retour " qui veut que la part des commandes passées aux fabricants des différents États membres soit fonction de la contribution financière de ces États membres à l'ESA.
19. Les parties soutiennent qu'il convient de distinguer les satellites de télécommunications des satellites scientifiques et d'observation, étant donné qu'ils ne mettent pas en jeu les mêmes compétences technologiques et qu'ils ne s'adressent pas aux mêmes clients. Les résultats de l'enquête menée par la Commission ont largement confirmé ce point de vue, qui trouve également confirmation dans le fait que, pour les raisons exposées ci-dessus, les conditions de concurrence diffèrent entre le segment commercial et le segment institutionnel. Il apparaît par conséquent que les satellites de télécommunications, d'une part, et les satellites scientifiques et d'observation, d'autre part, appartiennent à des marchés de produits différents.
20. Aux fins de la présente affaire, il n'est pas nécessaire de définir les marchés de produits en cause dans le domaine des satellites de navigation étant donné que ce segment n'en est qu'à un stade initial de développement en Europe et que ni l'une ni l'autre des parties ne fabrique de tels satellites.
21. Les satellites commerciaux de télécommunications comprennent des satellites géosynchrones (Geosynchronous Earth Orbit - GEO), des satellites en orbite moyenne (medium earth orbit - MEO) et des satellites en orbite basse (Low Earth Orbit - LEO). Selon les parties, le segment des télécommunications connaît une évolution importante avec l'introduction de satellites de télécommunications multimédias, en particulier de constellations de satellites LEO (telles qu'Iridium et Globalstar), financés et exploités par des consortiums privés. Dans une décision antérieure (8), la Commission a établi une distinction entre les satellites GEO et les satellites MEO/LEO sur la base du coût, de la fonction et d'autres facteurs. Toutefois, aux fins de la présente affaire, il n'est pas nécessaire de définir plus précisément les marchés de produits en cause dans le domaine des satellites commerciaux de télécommunications étant donné que, quelle que soit la définition du marché envisagée, une concurrence effective ne serait pas entravée de manière significative dans l'EEE ou une partie substantielle de celui-ci.
22. Les clients institutionnels (principalement les agences spatiales) achètent surtout des satellites scientifiques et d'observation, des sondes spatiales (c'est-à-dire des véhicules spatiaux scientifiques destinés à explorer le système solaire et à aller au delà). Il s'agit généralement de produits "sur mesure" destinés à accomplir des missions particulières, notamment dans les domaines de la météorologie, de la cartographie, de l'astronomie, de l'étude des vents solaires, etc.
23. Les parties soutiennent que les satellites scientifiques et d'observation et les sondes spatiales (ci-après dénommés collectivement "satellites institutionnels") peuvent être considérés comme formant un seul marché de produits. Ce point de vue est confirmé par le degré apparemment élevé de substituabilité du côté de l'offre entre ces catégories de produits, les maîtres d'œuvre des satellites européens étant généralement présents dans tous les segments, et par le fait que les conditions de concurrence à l'intérieur des marchés institutionnels sont très homogènes, tous les produits étant achetés par les mêmes clients et selon des mécanismes de passation des marchés comparables. D'un autre côté, il semble qu'on assiste à l'émergence d'un marché commercial spécifique des satellites d'observation et, pour les raisons indiquées ci-dessus, la substituabilité du côté de la demande entre les différentes catégories de produits est apparemment inexistante. Toutefois, aux fins de la présente décision, il n'est pas nécessaire de définir plus précisément les marchés de produits en cause dans le domaine des satellites institutionnels civils étant donné que, quelle que soit la définition du marché envisagée, une concurrence effective ne serait pas entravée de manière significative dans l'EEE ou une partie substantielle de celui-ci.
24. Les satellites de télécommunications et d'observation peuvent être utilisés pour des applications civiles ou militaires. Il ressort des résultats de l'enquête réalisée par la Commission que les satellites militaires utilisent généralement les mêmes plates formes que les satellites civils, mais nécessitent certaines adaptations pour assurer l'intégrité du satellite, la protection des données, etc. Il semble également que les conditions de la concurrence ne soient pas les mêmes pour les applications militaires et les applications civiles étant donné, en particulier, que les gouvernements peuvent chercher à réserver les dépenses militaires aux fournisseurs nationaux. Selon les résultats de l'enquête menée par la Commission, il existerait donc des marchés de produits distincts pour les applications militaires.
Le niveau des équipements
25. Comme il a été indiqué au considérant 17, un satellite standard comprend essentiellement une plate-forme et une charge utile. La plate-forme est la structure physique du satellite, dont elle assure normalement la stabilité et le contrôle thermique, maintient l'orbite et fournit l'énergie électrique. La charge utile régit les principaux paramètres de la plate-forme et est destinée à exécuter les tâches particulières pour lesquelles le satellite a été mis sur orbite. En conséquence, la plateforme se prête à plusieurs applications, tandis que la charge utile est généralement adaptée à la mission que doit exécuter le satellite.
26. La plate-forme et la charge utile se composent, à leur tour, d'un certain nombre de sous-systèmes (tels que les unités de propulsion ou les systèmes de correction d'attitude et d'orbite pour la plate-forme, ou les principaux instruments pour la charge utile) et d'équipements (tels que les capteurs à référence terrestre et les détecteurs d'étoiles, les générateurs solaires et les antennes). Il ressort des résultats de l'enquête menée par la Commission que chacun de ces produits pourrait constituer un marché de produits distinct.
27. Il existerait, en particulier, un marché de produits distinct pour les roues mécaniques, qui sont utilisées pour stabiliser l'orientation du satellite. La raison en est que, bien que d'autres équipements (à savoir les systèmes de propulsion et les roues magnétiques) puissent remplir la même fonction, aucun d'entre eux n'est apparemment substituable aux roues mécaniques.
28. Premièrement, les systèmes de propulsion peuvent être utilisés pour déterminer et corriger l'orientation du satellite, mais leur utilisation à cet effet entraîne une consommation d'énergie prélevée sur le stock disponible à bord. Étant donné que les quantités d'énergie stockées à bord sont limitées et que les roues mécaniques et magnétiques fonctionnent à l'aide de l'énergie produite en quantités suffisantes par les générateurs solaires, les systèmes de propulsion ne sont adaptés, dans la pratique, qu'à des engins dont la durée de vie est très courte (moins d'un an) et ils sont donc rarement utilisés. Les systèmes de propulsion sont aussi basés sur des technologies et un savoir faire très différents de ceux qui sont utilisés pour les roues mécaniques et magnétiques et ils ne sont généralement pas produits par les mêmes fabricants.
29. Deuxièmement, bien que les roues magnétiques et les roues mécaniques fonctionnent selon les mêmes principes de base, les performances et le coût des premières sont apparemment nettement supérieurs à ceux des secondes, de sorte qu'elles sont utilisées essentiellement pour les applications (par exemple les satellites d'observation) qui nécessitent une régulation d'attitude très précise. Les roues magnétiques et mécaniques se fondent aussi sur des technologies et un savoir-faire différents et, en Europe, elles ne sont généralement pas produites par les mêmes fabricants.
30. Globalement, à la lumière des résultats de l'enquête menée par la Commission, on peut conclure à l'existence d'un marché de produits distinct pour les roues mécaniques.
MARCHES GEOGRAPHIQUES EN CAUSE
Satellites de télécommunications commerciaux
31. Dans des décisions antérieures de la Commission (9), les marchés des satellites de télécommunications et des équipements pour satellites de télécommunications ont été considérés comme étant de dimension mondiale, étant donné que les clients du secteur commercial ne sont pas soumis, dans leur politique d'achat, à des impératifs géographiques. Les parties soutiennent que les conditions de concurrence dans le secteur des satellites de télécommunications sont suffisamment homogènes pour que le marché géographique soit considéré comme étant de dimension mondiale, puisque les clients demandent des offres et passent des commandes à toute une variété de fournisseurs en Europe et aux États-Unis.
32. Comme il a été indiqué dans la décision Aérospatiale/Matra (10) du 28 avril 1999, les satellites, les composants spatiaux et les sous-systèmes produits par des sociétés établies aux États-Unis sont soumis à un régime d'autorisation des exportations géré par le ministère de la défense (Department of Defense). À la suite d'une modification apportée récemment à la réglementation américaine International Traffic in Arms Regulation (ITAR), ce régime d'autorisation des exportations a été modifié et la responsabilité du contrôle des exportations de satellites de télécommunications commerciaux et d'équipements est repassée du ministère du commerce (Department of Commerce) au ministère des affaires étrangères (Department of State). Il convient d'examiner si cette modification peut influer sur les conditions de la concurrence sur le marché des satellites commerciaux.
33. Certaines des tierces parties qui ont répondu à l'enquête menée par la Commission ont exprimé la crainte que cet aménagement revienne à instaurer un régime plus strict d'autorisation des exportations, ce qui pourrait entraîner des retards dans la fourniture de composants pour satellites à partir des États-Unis et donc rendre l'utilisation de ces composants par les maîtres d'œuvre non américains plus aléatoire et plus difficile. D'autres ont indiqué qu'avec un régime d'autorisation des exportations plus strict, il pourrait aussi être plus difficile pour les fournisseurs européens d'offrir certains composants aux clients américains étant donné que les spécifications des produits que doivent acheter les maîtres d'œuvre établis aux États-Unis pourraient être moins facilement accessibles aux fournisseurs d'équipements non américains.
34. Il apparaît cependant que, tout bien considéré, cette modification ne peut, au stade actuel, être considérée comme une barrière effective aux échanges entre l'Europe et les États-Unis (sauf pour certaines technologies sensibles), et la plupart des tierces parties qui ont répondu à l'enquête menée par la Commission ont indiqué qu'elles considéraient encore les marchés des satellites de télécommunications et des composants pour satellites de télécommunications comme étant de dimension mondiale. On peut par conséquent considérer que les marchés des satellites de télécommunications et des composants pour satellites de télécommunications sont de dimension mondiale.
Satellites civils institutionnels
35. Comme il a été indiqué au considérant 22, les satellites scientifiques et d'observation et les sondes spatiales sont achetés essentiellement par les agences spatiales, et la concurrence se limite généralement aux maîtres d'œuvre nationaux.
36. Dans le cas de l'ESA, en particulier, les achats de satellites et d'équipements sont soumis au principe géographique du " juste retour " inscrit dans la Convention de l'ESA et en vertu duquel celle-ci i) " donne, dans toute la mesure du possible, la préférence aux industries de l'ensemble des États membres [de l'ESA]" et ii) doit " garantir que tous les États membres [de l'ESA] participent de façon équitable, compte tenu de leur contribution financière ". Il existe donc apparemment un marché européen des satellites scientifiques et d'observation et des sondes spatiales, ainsi que des équipements connexes (y compris les roues mécaniques).
37. Il pourrait également exister des marchés nationaux des satellites scientifiques et d'observation et des sondes spatiales dans les États membres où les agences spatiales nationales appliquent des procédures de passation des marchés similaires au niveau de la maîtrise d'œuvre. Il pourrait, en outre, exister un marché mondial des satellites d'observation vendus aux opérateurs commerciaux ou aux clients institutionnels en l'absence de producteur national (notamment en Asie), étant donné que ces clients acquièrent apparemment ces systèmes par voie d'appels à la concurrence à l'échelle mondiale. Toutefois, aux fins de la présente décision, il n'est pas nécessaire de définir plus précisément ces marchés géographiques ni ceux des équipements pour satellites étant donné que, dans l'hypothèse de marchés à l'échelle nationale ou mondiale, une concurrence effective ne serait pas entravée de manière significative dans l'EEE ou une partie substantielle de celui-ci.
Satellites militaires
38. Enfin, les parties font valoir que les marchés géographiques des satellites militaires sont au moins à l'échelle de l'EEE en raison, notamment, de la mise en œuvre de programmes bilatéraux et multilatéraux (tels que le satellite de reconnaissance militaire Helios 1, auquel participent la France, l'Italie et l'Espagne). De même, il apparaît que certains États membres acquièrent des satellites militaires par le biais de procédures d'appel d'offres ouvertes, auxquelles participent des maîtres d'œuvre européens et américains. Ainsi, pour les satellites de télécommunications, il semble que Hughes ait participé à tous les appels d'offres pour les satellites espagnols Hispasat I, tandis que Lockheed Martin est en compétition pour la fourniture du satellite britannique Skynet 5B.
39. D'un autre côté, certains États membres continuent apparemment d'acheter les satellites militaires à des producteurs nationaux. Ainsi, le ministère français de la défense a indiqué que pour l'achat des satellites militaires, il faisait jouer la concurrence entre MMS et Alcatel Space Industries (Alcatel Space). Étant donné que le jeu de la concurrence se limiterait, dans ces États membres, aux maîtres d'œuvre nationaux, on peut considérer qu'il subsiste, notamment en France, un marché géographique national pour la fourniture de satellites militaires.
40. En ce qui concerne les équipements pour satellites militaires, ils ne sont apparemment pas soumis à une règle stricte du "juste retour" (si ce n'est pour certains produits particuliers et critiques). Les satellites militaires utilisent, en particulier, généralement la même plate-forme que les satellites civils, et les produits pour plate-forme achetés par le maître d'œuvre peuvent provenir des mêmes fournisseurs que pour les applications civiles. C'est pourquoi, selon les produits concernés, il semble que les marchés géographiques des équipements pour satellites militaires soient soit nationaux, soit mondiaux. Toutefois, aux fins de la présente décision, il n'est pas nécessaire de définir plus précisément ces marchés géographiques en cause étant donné que, quelle que soit la définition du marché géographique envisagée, une concurrence effective ne serait pas entravée de manière significative dans l'EEE ou une partie substantielle de celui-ci.
APPRECIATION CONCURRENTIELLE EN CE QUI CONCERNE LES SATELLITES DE TELECOMMUNICATIONS COMMERCIAUX
41. Les activités des parties (et de leurs sociétés mères) ne se chevauchent pas dans le domaine des satellites de télécommunications, que ce soit au niveau de la maîtrise d'œuvre (où seule MMS est présente) ou au niveau des équipements (où Aérospatiale- Matra, MMS et DASA sont toutes présentes, mais vendent chacune des produits différents). L'opération entraînera cependant une intégration verticale entre les activités de MMS au niveau de la maîtrise d'œuvre et celles de DASA au niveau des équipements.
42. Certains fournisseurs concurrents ont indiqué que les aspects verticaux de l'opération pouvaient entraîner l'éviction de fournisseurs d'équipements ou de maîtres d'œuvre concurrents. Au niveau de la maîtrise d'œuvre, les parts de marché moyennes (en valeur) de MMS entre 1994 et 1998 n'excèdent cependant pas [10-15%]*, et Astrium restera soumis à la concurrence d'autre grands fabricants, en particulier les entreprises américaines Hughes, Loral et Lockheed Martin; au niveau des équipements, les parts de marché moyennes de DASA au cours de la période 1995-1997 ne sont supérieures à [20-30%]* sur aucun des marchés des équipements pour satellites à l'échelle mondiale.
43. À la lumière de ce qui précède, il apparaît que l'opération notifiée n'est pas de nature à créer ou à renforcer, sur le marché des satellites de télécommunications et des équipements, une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans l'EEE ou une partie substantielle de celui-ci.
APPRECIATION CONCURRENTIELLE EN CE QUI CONCERNE LES SATELLITES INSTITUTIONNELS
44. MMS et DASA exercent toutes deux des activités de maîtrise d'œuvre pour les satellites scientifiques et d'observation et pour les sondes vendus aux agences spatiales nationales et à l'ESA en Europe. Aérospatiale-Matra, MMS et DASA produisent également certains équipements pour ces systèmes, y compris des propulseurs chimiques (utilisés dans les systèmes de propulsion chimique), des panneaux solaires (utilisés sur les générateurs solaires), des roues mécaniques et des détecteurs terrestres et solaires.
45. L'opération conduira par conséquent à une intégration horizontale au niveau de la maîtrise d'œuvre, ainsi qu'à une intégration verticale entre la maîtrise d'œuvre et les activités des parties et celles d'Aérospatiale-Matra au niveau des équipements.
Caractéristiques du marché
46. Les satellites scientifiques et d'observation et les sondes spatiales sont généralement conçus, développés, produits et lancés dans le cadre de projets mis en œuvre par phases, dans lesquels la concurrence intervient à certains stades. Les satellites institutionnels font donc l'objet d'appels d'offres, et la concurrence sur ces marchés est déterminée par la présence de soumissionnaires capables d'offrir des alternatives crédibles par rapport aux produits offerts par les parties.
47. Une autre caractéristique importante de ces marchés tient au principe géographique du "juste retour" qui, comme il a été indiqué au considérant 36, régit la politique d'achat de l'ESA. En gros, ce principe veut que l'ESA i) s'approvisionne de préférence auprès de sociétés établies dans ses États membres et ii) respecte un équilibre entre la contribution financière des États membres de l'ESA et la part des contrats industriels attribués aux fabricants de ces États membres.
48. L'agence dispose d'une marge de flexibilité dans la gestion de chaque programme. Par exemple, dans le cas des satellites scientifiques et des sondes, le principe du "juste retour" est appliqué sur la base de périodes triennales, ce qui implique que l'équilibre géographique ne doit pas nécessairement être entièrement respecté pour chaque satellite ou chaque mission pendant la période considérée, pour autant qu'une contrepartie minimum soit assurée à la fin de chaque période triennale. De même, dans le cas des satellites d'observation, bien que des objectifs de "juste retour" soient fixés pour chaque mission, l'écart entre la contrepartie effective représentée par les parts d'activité industrielle et les objectifs initiaux peut atteindre 20%.
49. Globalement, cette souplesse est néanmoins limitée dans la mesure où tout déséquilibre devra être compensé et où, sur une période donnée, les parts d'activité industrielle moyennes par pays devront représenter le "juste retour" des contributions des États membres concernés.
Acteurs du marché
50. Il est généralement reconnu que seules quatre sociétés en Europe peuvent concourir pour la maîtrise d'œuvre de satellites d'une certaine dimension ou complexité: MMS, DASA, Alcatel Space Industries (Alcatel Space, société française dont le capital est détenu conjointement par Alcatel, groupe spécialisé dans les équipements de télécommunications, et par Thomson-CSF, groupe spécialisé dans l'électronique de défense et professionnelle), et Alenia Aerospazio (Alenia, société italienne appartenant au groupe Finmeccanica). Pour les projets plus petits, Kayser-Threde, OHB Systems, et SSTL sont également des maîtres d'œuvre possibles. Au niveau mondial, il reste un certain nombre de concurrents importants, dont les sociétés américaines TRW, Lockheed et Ball Aerospace.
Incidence de l'opération sur les éventuels marchés nationaux ou mondiaux
51. Dans l'hypothèse où il existerait, au niveau de la maîtrise d'œuvre et/ou des équipements, des marchés nationaux des satellites scientifiques et d'observation dans les États membres dont les agences spatiales nationales achètent les satellites institutionnels à l'échelon national, l'opération n'entraînerait pas de chevauchements, étant donné que DASA et MMS n'opèrent pas dans les mêmes États membres. Pour la même raison, l'intégration verticale résultant de l'opération ne soulèverait pas non plus de problèmes de concurrence.
52. De même, s'il existait des marchés mondiaux pour la fourniture de satellites d'observation aux opérateurs commerciaux ou aux clients institutionnels en l'absence de producteur national, les parts de marché des parties (en termes de volumes commandés) n'excéderaient pas [25-35%]* et elles resteraient soumises à la concurrence d'autres grands maîtres d'œuvre de satellites, dont TRW [60-70%]*.
53. À la lumière de ce qui précède et en ce qui concerne les marchés à l'échelle nationale ou mondiale des satellites institutionnels, il apparaît que l'opération notifiée n'est pas de nature à créer ou à renforcer une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans l'EEE ou une partie substantielle de celui-ci.
Incidence de l'opération au niveau de la maîtrise d'œuvre en Europe
54. Étant donné le petit nombre de satellites scientifiques et d'observation et de sondes lancés chaque année en Europe, les parts de marché calculées sur une courte période ne reflètent pas nécessairement de façon précise la position réelle sur le marché des maîtres d'œuvre qui sont en présence. C'est pourquoi des parts de marché moyennes (en termes de valeur) ont été calculées pour la période 1994-1998.
55. Sur cette base, Astrium sera de toute évidence le premier maître d'œuvre pour les satellites institutionnels. En valeur, les sociétés mères d'Astrium représentaient [45- 55%]* des ventes de satellites institutionnels entre 1994 et 1998 (MMS : [25-35%]*, et DASA : [15-25%]*), les autres plus grands concurrents étant Alcatel Space [30- 35%]* et Alenia Aerospazio [5-10%]*. Alenia sera un concurrent effectif, fût-ce pour un nombre limité de projets
56. Il ressort de l'enquête menée par la Commission que le nombre de projets de l'ESA dont Alenia peut assumer la maîtrise d'œuvre est limité. La raison en est que la contribution italienne moyenne (12%) aux programmes de satellites institutionnels de l'ESA est sensiblement inférieure à la part des travaux (20-25%) normalement attribuée au maître d'œuvre et que le principe du "juste retour" implique que la contrepartie industrielle nationale soit fonction de la contribution au programme concerné. Bien que les contreparties réelles (et donc la capacité d'Alenia de livrer concurrence au niveau de la maîtrise d'œuvre) puissent varier d'une mission à l'autre et s'écarter des objectifs de "juste retour", force est de constater que la capacité d'Alenia à livrer concurrence en tant que maître d'œuvre pour des missions de l'ESA dans le domaine des satellites institutionnels sera limitée.
57. Alenia restera cependant un concurrent efficace pour un certain nombre de satellites institutionnels européens. En effet, elle pourra toujours exécuter les tâches principales (telle que l'intégration de la charge utile ou de la plate-forme) pour les programmes de l'ESA en matière de satellites institutionnels et agir en qualité de maître d'œuvre pour les programmes italiens (placés sous l'égide de l'agence spatiale italienne). Ces activités semblent suffisantes pour permettre à Alenia de maintenir sa compétitivité et de rester sur le marché, comme tend aussi à indiquer le fait qu'Alenia a été choisie comme maître d'œuvre du satellite scientifique Integral de l'ESA (qui doit être lancé en 2001). Alcatel Space sera un concurrent effectif d'Astrium pour la plupart des projets
58. À la lumière de ce qui précède, il apparaît que la concurrence s'exercera essentiellement entre Alcatel Space et Astrium, bien qu'Alenia soit encore en mesure de livrer concurrence pour la maîtrise d'œuvre de certains programmes de l'ESA.
59. Il apparaît également qu'Alcatel Space est à même de concurrencer efficacement Astrium : premièrement, Alcatel Space dispose actuellement des compétences de base nécessaires pour assurer la maîtrise d'œuvre de tout type de satellite; deuxièmement, cette capacité n'est pas restreinte par l'application du principe du "juste retour", étant donné que la contribution française aux programmes en matière de satellites institutionnels de l'ESA (environ 23%) est proche de la part moyenne des travaux exécutée par un maître d'œuvre. Absence de possibilités d'alourdir les coûts des rivaux par le biais de la règle du "juste retour"
60. Certains ont fait valoir qu'Astrium pourrait être en mesure d'alourdir considérablement les coûts de ses rivaux pour les programmes institutionnels de l'ESA. Ce raisonnement se fonde sur les considérations suivantes: i) étant donné le principe du "juste retour", une proportion donnée de la valeur de chaque marché devra être exécutée en Allemagne et au Royaume-Uni (soit au total environ 29%); ii) la position d'Astrium dans ces États membres serait telle que les autres maîtres d'œuvre seraient tributaires des contributions d'Astrium pour ces contreparties allemande et britannique, et iii) Astrium pourrait augmenter ses prix pour ces contributions jusqu'à faire en sorte que les offres de ses concurrents ne puissent être compétitives ou à forcer ses rivaux à réduire leurs marges au point de rendre ces offres non viables.
61. Rien n'indique qu'Astrium serait en état d'alourdir effectivement les coûts d'Alenia par ce mécanisme. La raison en est, premièrement, que dans les cas où Alenia serait en concurrence pour la maîtrise d'œuvre, sa part (et donc la contrepartie italienne) serait égale, voire supérieure, à la part des travaux allouée à un maître d'œuvre (20-25%). La contribution italienne excéderait donc, en l'occurrence, la part moyenne de 12% qui doit être atteinte globalement. Comme les parties n'exercent aucune activité en Italie et dépendraient d'Alenia pour l'essentiel de la contrepartie italienne, elles seraient tributaires d'une contribution d'Alenia pour la majeure partie de ces 20-25%. D'autre part, Alenia aurait la possibilité de s'approvisionner auprès d'Alcatel Space pour la contrepartie française, de même qu'elle pourrait s'approvisionner, pour une certaine part des contributions allemande et britannique, auprès de fournisseurs tiers de ces États membres. Globalement, Alenia ne dépendrait donc pas d'Astrium pour plus de 20% de la valeur contractuelle totale. Il s'ensuit qu'en pareils cas, Astrium dépendrait davantage d'Alenia que celle-ci ne dépendrait d'Astrium et que cette dernière ne serait par conséquent pas en mesure d'alourdir les coûts d'Alenia.
62. La situation pourrait être différente pour Alcatel Space. En effet, Alcatel Space devra s'approvisionner auprès d'Astrium pour une part des contreparties allemande et britannique, tandis qu'Astrium ne sera soumise à de telles contraintes que dans une mesure beaucoup plus limitée puisqu'elle pourra recourir à l'approvisionnement interne (par l'intermédiaire de l'ex-MMS-France) pour l'exécution de la contrepartie française. Globalement, il convient néanmoins de réfuter, en l'espèce, l'argument selon lequel Astrium pourrait alourdir sensiblement les coûts d'Alcatel Space.
63. Premièrement, il convient de noter qu'étant donné la règle du juste retour et la forte présence d'Alcatel Space dans certains États membres de l'ESA (tels que la Belgique, l'Espagne, le Danemark ou la Norvège), Astrium devra aussi recourir à une contribution d'Alcatel Space. Astrium dépendra donc aussi d'Alcatel Space pour une part de ses marchés et ses possibilités d'alourdir les coûts de ses rivaux s'en trouveront réduites (étant donné qu'Alcatel Space pourrait aussi alourdir les coûts d'Astrium, fût-ce dans une moindre mesure).
64. Deuxièmement, bien que les satellites institutionnels fassent souvent l'objet de marchés "sur mesure", dont le prix global peut être difficile à apprécier, l'ESA dispose manifestement d'une expérience et de possibilités de contrôle suffisantes de la ventilation des prix, ainsi que de modèles d'évaluation des coûts, pour être en mesure de déceler toute augmentation substantielle. Cela vaut d'autant plus que, comme il a été indiqué au considérant 46, les missions de l'ESA sont accomplies dans le cadre de projets comportant plusieurs phases, pour lesquels des estimations de prix sont fournies au fur et à mesure. L'ESA disposerait aussi, en l'occurrence, d'une puissance d'achat compensatrice suffisante pour faire baisser les prix. Cela réduit encore davantage la capacité d'Astrium d'augmenter ses prix pour les contributions allemande et britannique et donc d'alourdir les coûts d'Alcatel Space.
65. Globalement, il ressort des calculs effectués sur la base des données recueillies au cours de l'enquête menée par la Commission que, dans l'hypothèse où Astrium serait en mesure d'alourdir les coûts d'Alcatel Space, l'augmentation éventuelle aurait des effets limités (environ 2-3% de la valeur contractuelle totale). La compétitivité d'Alcatel Space n'en serait pas gravement affectée et, dans la mesure où la marge du maître d'œuvre s'élève généralement à [...]* de la valeur totale du marché, l'entreprise pourrait absorber une augmentation des prix de cet ordre. En conséquence, il apparaît qu'Astrium ne sera pas en mesure d'alourdir substantiellement les coûts d'Alcatel Space. Absence de possibilités d'exclure des marchés les autres maîtres d'œuvre
66. Il a également été argué du fait qu'Astrium serait un fournisseur important de certains équipements (réseaux de panneaux solaires, roues mécaniques, propulseurs chimiques, cryostats). Dans la mesure où les autres maîtres d'œuvre doivent se procurer les équipements sur le marché, il convient par conséquent d'examiner si, après l'opération, Astrium serait en mesure d'exclure ces concurrents.
67. Il convient de noter qu'Astrium ne sera pas en situation de restreindre les livraisons aux maîtres d'œuvre concurrents: étant donné que la sélection des fournisseurs s'opère le plus souvent après celle du maître d'œuvre, Astrium n'aurait apparemment aucun intérêt à appliquer de telles restrictions puisque celles-ci n'auraient pas de répercussions sur la sélection du maître d'œuvre mais auraient pour effet de réduire ses propres ventes; de plus, l'ESA ne manquerait vraisemblablement pas de déceler d'éventuelles restrictions des livraisons de la part d'Astrium et d'y remédier. En conséquence, le principal effet potentiel de l'opération tiendrait à la capacité d'Astrium d'alourdir les coûts de ses rivaux en augmentant les prix des équipements.
68. Il convient cependant de noter, premièrement, qu'au sein d'Astrium, la plupart des équipements concernés (tels que réseaux de panneaux solaires, propulseurs chimiques, cryostats et roues mécaniques (11)) ne sont produits que par DASA, MMS ou Aérospatiale-Matra. Étant donné que MMS et DASA opèrent de toute façon déjà également au niveau de la maîtrise d'œuvre, l'opération n'altérera pas sensiblement les conditions de la concurrence pour ces équipements.
69. Deuxièmement, certains des produits concernés (tels que les cryostats) ne sont en fait pas des équipements standard que l'on peut intégrer à tous les satellites, mais des produits tout à fait spécifiques, qui sont le fruit de programmes de R&D technologique de l'ESA. Pour ces produits, il apparaît qu'Astrium ne sera pas en mesure d'évincer les maîtres d'œuvre concurrents, étant donné que l'ESA peut soit exiger que les résultats de ces programmes de R&D soient mis à la disposition de tous les soumissionnaires, soit décider d'acheter directement le produit concerné et de le livrer au maître d'œuvre sélectionné.
70. Enfin, rien n'indique qu'Astrium puisse exclure des marchés les autres maîtres d'œuvre au moyen d'un produit dont il serait l'unique fournisseur en Europe. En effet, il s'agit d'équipements standard pour lesquels des conditions de prix normales sont déjà en vigueur et pour lesquels les parties ne pourraient augmenter leurs prix de façon substantielle sans que l'ESA ne détecte ce comportement et n'y remédie. De plus, ces produits ne représentent, en tout état de cause, qu'une petite partie de la valeur du satellite.
71. À la lumière de ce qui précède, il apparaît que l'opération notifiée n'est pas de nature à créer ou à renforcer, sur les marchés des satellites institutionnels au niveau de la maîtrise d'œuvre en Europe, une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans l'EEE ou une partie substantielle de celui-ci.
Incidence de l'opération au niveau des équipements en Europe
72. Comme il a été indiqué au considérant 44, MMS, DASA et Aérospatiale-Matra fabriquent certains équipements pour les satellites institutionnels (notamment des réseaux de panneaux solaires, des roues mécaniques, des propulseurs chimiques et des cryostats). L'opération ne provoquera pas de chevauchements d'activités au niveau des équipements, étant donné que les parties et Aérospatiale-Matra ne fournissent pas des produits similaires. En revanche, elle entraînera une intégration verticale entre les activités des parties sur les marchés en amont des équipements pour satellites et leurs activités sur les marchés en aval des satellites institutionnels.
73. Il convient par conséquent d'examiner les effets de l'opération notifiée au niveau des équipements. Certains fournisseurs concurrents se sont dits préoccupés, en particulier, par le fait que l'entité issue de l'opération (qui, pour eux, est à la fois un gros client et un concurrent) serait en mesure d'affaiblir leur position concurrentielle, par exemple en favorisant ses fournisseurs internes pour les marchés dont Astrium assurerait la maîtrise d'œuvre et/ou en imposant des conditions contractuelles plus rigoureuses aux fournisseurs tiers.
Équipements autres que les roues mécaniques
74. Ces préoccupations pourraient se rapporter à tous les équipements que l'une des parties ou ses sociétés mères produisent actuellement et que l'autre partie (ou les deux parties) achète(nt) aussi à des fournisseurs indépendants. Parmi ces équipements figurent les roues mécaniques, les générateurs solaires, les détecteurs terrestres et solaires, les équipements de propulsion chimique (moteurs d'apogée, réservoirs, propulseurs), etc. Sauf dans le cas des roues mécaniques, rien n'indique cependant que l'opération puisse avoir pour effet la création d'une position dominante des parties.
75. Premièrement, toute tentative faite par Astrium pour favoriser les fournisseurs internes serait refrénée par le fait que, conformément aux règles de passation des marchés de l'ESA, la sélection des fournisseurs s'opère généralement sur la base d'un appel à la concurrence surveillé par l'agence. Favoriser les fournisseurs internes serait d'autant plus difficile que si le maître d'œuvre souhaite soumissionner pour des équipements, il est généralement déchargé de la sélection du fournisseur de l'équipement en question, dont la responsabilité est confiée à un groupe d'évaluation désigné par l'ESA.
76. Deuxièmement, la plupart des produits concernés sont également fournis par des sociétés d'autres pays que la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni (où Astrium opère). Compte tenu de l'application, à la passation des marchés de l'ESA, de la règle du "juste retour" qui prévoit l'attribution d'une part donnée de la valeur du marché à des fournisseurs de tous les pays participants, la possibilité qu'aurait Astrium de favoriser ses fournisseurs internes ou d'imposer des conditions contractuelles injustifiées serait fortement limitée pour les équipements en question.
77. Enfin, il apparaît que, pour la plupart des produits concernés, certains fournisseurs n'ont pas actuellement MMS et DASA comme principaux clients. Ces fournisseurs resteraient donc compétitifs même si Astrium parvenait à favoriser ses fournisseurs internes. Il est même probable que ces fournisseurs verront leur position concurrentielle s'améliorer après l'opération, étant donné que les maîtres d'œuvre concurrents (tels qu'Alcatel Space et Alenia) préféreront probablement s'approvisionner auprès de fournisseurs indépendants.
78. À la lumière de ce qui précède et compte tenu des effets conjugués des trois facteurs décrits ci-dessus, il apparaît que l'opération notifiée n'est pas de nature à créer ou à renforcer, sur le marché européen des équipements pour satellites, exception faite des roues mécaniques, une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans l'EEE ou une partie substantielle de celui-ci.
Roues mécaniques
79. Au niveau européen, on ne trouve que deux producteurs de roues mécaniques: MMS, qui ne vend pas de roues mécaniques mais les utilisent à ses propres fins, et Teldix, société allemande qui approvisionne la plupart des maîtres d'œuvre européens (ainsi que des clients en dehors de l'Europe).
80. Teldix réalise une part substantielle de ses ventes par l'intermédiaire des parties, et a indiqué que les économies d'échelle étaient importantes dans le segment des roues mécaniques. Il apparaît, par conséquent, qu'au cas où l'entité issue de l'opération déciderait de restreindre ses achats à Teldix et de s'approvisionner plutôt auprès de MMS, la compétitivité de Teldix serait sérieusement compromise.
81. Il apparaît également que Teldix ne tirerait qu'une protection limitée des règles de passation des marchés de l'ESA (la plupart des produits vendus par Teldix étant destinés aux satellites de télécommunications, auxquels les règles de l'ESA ne sont pas applicables) et de l'application du principe du "juste retour" (Teldix étant une société allemande).
82. En conséquence, la Commission a constaté l'existence d'un risque sérieux qu'une fois l'opération réalisée, les parties soient en mesure de compromettre la compétitivité de leur seul concurrent dans le domaine des roues mécaniques. Cela conduirait à la création, sur le marché des roues mécaniques en Europe, d'une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans l'EEE.
83. Lorsque les parties ont été informées de ces préoccupations, elles ont proposé une mesure corrective, qui est décrite en détail à l'annexe. Cette mesure corrective consiste dans la cession par MMS de ses actifs dans le domaine des roues mécaniques (y compris les immobilisations corporelles, les contrats d'achat et de vente, les droits de propriété intellectuelle et le personnel).
84. Cette mesure corrective mettra fin aux activités de MMS dans le domaine des roues mécaniques. Pour autant qu'il soit mis en œuvre, cet engagement lèvera par conséquent les préoccupations émises par la Commission quant au risque de création par l'opération d'une position dominante sur le marché des roues mécaniques en Europe.
APPRECIATION CONCURRENTIELLE EN CE QUI CONCERNE LES SATELLITES ET LES EQUIPEMENTS MILITAIRES
85. Les satellites militaires exécutent généralement des missions comparables à celles des satellites commerciaux ou institutionnels. Ils utilisent normalement les mêmes plates formes que les satellites civils, mais nécessitent certaines adaptations pour répondre aux exigences d'intégrité du satellite, de protection des données, etc. Compte tenu de cette ressemblance technique, des faibles volumes de ventes de satellites militaires et de l'importance des économies d'échelle dans le secteur spatial, il apparaît que, pour être compétitif au niveau de la maîtrise d'œuvre pour les satellites militaires, un fabricant doit exercer aussi des activités substantielles dans le domaine des applications civiles équivalentes. Cela vaut plus particulièrement pour les satellites de télécommunications militaires, qui utilisent généralement les mêmes plates-formes que les produits civils et pour lesquels, étant donné l'utilisation de solutions " standardisées ", les économies d'échelle sont particulièrement importantes.
86. Pour les mêmes raisons, rien n'indique que l'opération pourrait avoir des conséquences préjudiciables sur la concurrence dans le domaine des satellites scientifiques et d'observation militaires ou sur le marché libre des satellites de télécommunications militaires. Rien ne permet non plus de penser que l'opération pourrait créer ou renforcer une position dominante au niveau des équipements. Premièrement, étant donné que MMS et DASA n'opèrent pas dans les mêmes États membres, l'opération n'altérera pas sensiblement les conditions de la concurrence pour ces produits (essentiellement les équipements critiques) lorsque le marché géographique est national. Deuxièmement, dans le cas des équipements pour lesquels le marché géographique est mondial, les parts de marché des parties n'excèdent pas [20-30%]*.
87. La Commission a néanmoins constaté qu'il existait un risque sérieux de création ou de renforcement d'une position dominante de MMS sur le marché des satellites de télécommunications militaires en France, où l'approvisionnement se fonde sur la mise en concurrence entre MMS et Alcatel Space au niveau de la maîtrise d'œuvre.
88. Sur ce marché, les modèles actuels d'Alcatel Space se fondent sur une plate-forme standard dénommée Spacebus 3000. DASA fournit un certain nombre de sous-systèmes et d'équipements pour cette plate-forme et apparaît, en particulier, comme la seule source d'approvisionnement pour les systèmes de gestion embarqués (12), les systèmes de propulsion unifiés (13) et les propulseurs chimiques (14).
89. Il ressort de l'enquête menée par la Commission qu'il pourrait être difficile, pour Alcatel Space, de trouver une autre source d'approvisionnement pour les produits susmentionnés (en particulier en ce qui concerne les systèmes de gestion embarqués, qui ne se vendent généralement pas sur le marché libre, mais sont normalement conçus directement par le maître d'œuvre, dans le cadre de ses activités au niveau des systèmes), et/ou que cela impliquerait des coûts et des délais supplémentaires considérables. À court terme, Alcatel Space dépend par conséquent des produits fournis par DASA pour ses activités dans le domaine des satellites de télécommunications militaires.
90. L'entité issue de l'opération deviendrait donc à la fois un fournisseur et un concurrent d'Alcatel Space. Il en résulterait pour DASA une incitation à restreindre ses livraisons à Alcatel Space, à en augmenter les prix ou à en réduire la qualité, de manière à affaiblir la position concurrentielle d'Alcatel Space, voire à évincer celle-ci du niveau de la maîtrise d'œuvre. Étant donné qu'Alcatel Space est le seul concurrent de MMS au niveau de la maîtrise d'œuvre en France, il n'y aurait plus d'autre choix possible qu'Astrium après l'opération. Tout porte à croire que cela conduirait à la création, sur le marché des satellites de télécommunications militaires en France, d'une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans cet État membre.
91. Lorsque les parties ont été informées de ces préoccupations, elles ont proposé une mesure corrective, qui est décrite en détail dans l'annexe. Cette mesure corrective consiste dans l'octroi par DASA de licences non-exclusives pour la fabrication et la vente de systèmes de gestion embarqués, de systèmes de propulsion unifiés et de propulseurs chimiques.
92. Cette mesure corrective permettra la création d'une source d'approvisionnement alternative pour les produits concernés et elle permettra d'éviter les effets dommageables possibles de l'opération. Pour autant qu'il soit mis en œuvre, cet engagement lèvera par conséquent les préoccupations émises par la Commission quant au risque de création par l'opération d'une position dominante sur le marché français des satellites de télécommunications militaires.
B. INFRASTRUCTURES SPATIALES
MARCHES DE PRODUITS EN CAUSE
93. Les infrastructures spatiales comprennent les systèmes spatiaux habités et non habités qui sont utilisés plusieurs fois pour des missions différentes, principalement dans le domaine de la recherche en milieu spatial (microgravité, vide, rayonnement) mais aussi pour des applications techniques et des essais en orbite. Contrairement aux satellites, les infrastructures spatiales ne sont pas conçues pour une mission donnée mais pour plusieurs missions successives utilisant les même systèmes de base, et dans certains cas (par exemple les stations spatiales habitées), elles doivent servir de cadre à une activité humaine. Étant donné que les infrastructures spatiales sont principalement utilisées à des fins scientifiques et ont rarement des applications commerciales directes, les acheteurs de ces systèmes sont essentiellement des agences spatiales telles que la NASA, l'ESA ou les agences nationales européennes.
94. Les infrastructures spatiales comprennent cinq grandes catégories de produits: i) les plates-formes non habitées réutilisables/récupérables (telles que les capsules destinées à la R&D en microgravité); ii) les laboratoires ou stations habités ou visitables (tels que les stations spatiales); iii) les systèmes d'entretien (tels que les systèmes utilisés pour approvisionner les stations spatiales en équipements et fournitures consommables); iv) les installations pour charge utile (telles que les appareils scientifiques destinés à des activités de recherche en milieu spatial et utilisés à l'intérieur d'un système spatial); et v) les infrastructures d'exploration (telles que les éléments d'infrastructure pour vols habités d'exploration planétaire ou interplanétaire, comme les cabines, les jeeps lunaires, etc.).
95. Les parties soutiennent que les infrastructures spatiales appartiennent à des marchés de produits distincts de ceux des satellites, étant donné qu'à la différence des satellites, elles sont destinées à un usage répété et doivent par conséquent se prêter à la maintenance ou satisfaire à des exigences particulières en matière de sécurité dans le cas des systèmes spatiaux habités. Ce point de vue a été largement confirmé par les résultats de l'enquête menée par la Commission.
96. Les parties ont également fait valoir qu'il n'était pas nécessaire d'établir une distinction entre les catégories de produits susmentionnées, étant donné que tous les acteurs du marché sont en mesure d'agir en qualité de maître d'œuvre dans tous ces segments.
97. Toutefois, si les grands maîtres d'œuvre (p.ex. MMS, DASA et Alenia) peuvent apparemment couvrir toutes les catégories de produits, les résultats de l'enquête menée par la Commission tendent à indiquer qu'il convient de faire une distinction entre les "petits" produits (c'est-à-dire les plates-formes réutilisables/récupérables non habitées et les installations pour charge utile, qui représentent des marchés d'une valeur généralement inférieure à 50 millions d'euro) et les "grands" produits (en particulier les laboratoires ou stations habités ou visitables, dont la valeur excède souvent 500 millions d'euro). En effet, les maîtres d'œuvre actifs dans le segment des "petits" produits (par exemple Kayser-Threde, Carlo Gavazzi ou OHB) ne disposent pas nécessairement des compétences ou des ressources financières nécessaires pour produire des grands systèmes et limitent généralement leurs activités de maîtrise d'œuvre aux "petits" produits. En outre, les conditions de concurrence ne sont apparemment pas les mêmes pour les "grands" et les "petits" produits: si, pour les petits éléments d'infrastructure les contractants sont apparemment sélectionnés par voie d'appel à la concurrence, pour les grands éléments, la sélection des maîtres d'œuvre s'effectue largement sur la base de considérations de politique industrielle nationale.
98. Aux fins de la présente décision, il n'est cependant pas nécessaire de définir plus précisément les marchés de produits en cause dans le domaine des infrastructures spatiales étant donné que, quelle que soit la définition du marché envisagée, une concurrence effective ne serait pas entravée de manière significative dans l'EEE ou une partie substantielle de celui-ci.
MARCHES GEOGRAPHIQUES EN CAUSE
99. Comme il a été indiqué au considérant 93, les infrastructures spatiales sont achetées par les agences spatiales, en particulier l'ESA. La passation des marchés d'infrastructures et d'équipements spatiaux est donc soumise au principe du " juste retour ", et la concurrence entre fournisseurs d'infrastructures spatiales s'organise sur la base de programmes à l'échelle européenne.
100. En conséquence, il apparaît que le marché des infrastructures spatiales est de dimension européenne. Toutefois, aux fins de la présente affaire, il n'est pas nécessaire de définir plus précisément les marchés géographiques en cause dans le domaine des infrastructures spatiales étant donné que, même si les marchés géographiques étaient nationaux, une concurrence effective ne serait pas entravée de façon significative dans l'EEE ou une partie substantielle de celui-ci.
APPRECIATION CONCURRENTIELLE
101. Les infrastructures spatiales sont généralement constituées de produits "sur mesure" développés et fabriqués en vue d'applications très spécifiques dans le cadre de programmes nationaux ou internationaux pour lesquels les marchés sont passés par les agences spatiales. Dans la pratique, tous les programmes de l'ESA actuellement en cours ou approuvés pour l'avenir en matière d'infrastructures spatiales concernent le développement de la station spatiale internationale (ISS) par les États-Unis, la Russie, l'Europe, le Japon, le Canada et le Brésil. L'ESA se chargera, en particulier, de la passation des marchés relatifs au Columbus Orbital Facility (laboratoire visitable) pour l'ISS. Les premières parties de l'ISS ont été lancées et assemblées en décembre 1998, et la station devrait être achevée pour 2005.
102. Les marchés des infrastructures spatiales ont un certain nombre de points communs avec ceux des satellites institutionnels. Premièrement, étant donné que les éléments d'infrastructure sont développés et produits dans le cadre de projets mis en œuvre par phases et pour lesquels les marchés sont passés par les agences spatiales, il s'agit de marchés où l'on fait appel à la concurrence et où celle-ci est déterminée par la présence de soumissionnaires capables d'offrir des alternatives crédibles par rapport aux produits des parties. Deuxièmement, comme les satellites institutionnels, les programmes en matière d'infrastructures spatiales sont soumis à la règle géographique du "juste retour".
103. Les marchés des infrastructures spatiales diffèrent cependant aussi de ceux des satellites institutionnels à plusieurs égards. Premièrement, il apparaît que l'application du principe du "juste retour" est moins souple que pour les satellites institutionnels et que les contributions nationales peuvent être beaucoup plus élevées (jusqu'à 59% pour la contribution des Pays-Bas au European Robotic Arm). Globalement, cela implique que les possibilités de concurrence entre maîtres d'œuvre de plusieurs États membres sont plus limitées que pour les satellites institutionnels. Cela trouve confirmation dans le fait que, selon les résultats de l'enquête menée par la Commission, la mise en concurrence dans le programme de développement de l'ISS s'est en fait limitée aux études de faisabilité, aux petits éléments d'infrastructure et aux services.
104. Il apparaît en outre que les programmes en matière d'infrastructures spatiales (en particulier les grands produits tels que les stations habitées) sont beaucoup moins nombreux et plus importants (jusqu'à 700 millions d'euro) que les programmes en matière de satellites institutionnels. Les éléments d'infrastructures spatiales qui seront fabriqués ou développés dans un avenir prévisible seront donc déterminés par les quelques programmes existants ou à venir de l'ESA et l'incidence de l'opération sur la concurrence doit par conséquent être évaluée dans le contexte de ces programmes.
Grands systèmes d'infrastructures spatiales
105. MMS, Aérospatiale-Matra et DASA fournissent la plupart des grands éléments européens destinés à l'ISS (par exemple, DASA est le maître d'œuvre global du Columbus Orbital Facility). Collectivement, les parties et Aérospatiale-Matra représentaient de ce fait [60-70%]* de la valeur des programmes européens en matière d'infrastructures spatiales au cours de la période 1996-1998. Figurent également parmi les maîtres d'œuvre Alenia (environ 30%), qui est aussi en mesure d'offrir des produits de toutes les catégories, et, dans une moindre mesure, Kayser Threde, OHB Systems, Fokker Space et Carlo Gavazzi pour les petits produits (principalement des installations pour charge utile).
106. Il apparaît cependant que, premièrement, comme il est indiqué plus haut, l'appel à la concurrence pour le programme de développement de l'ISS s'est en fait limité aux études de faisabilité, aux petits éléments d'infrastructure et aux services. Pour les grands systèmes, il semble que la sélection des maîtres d'œuvre se soit opérée davantage sur la base de considérations de politique nationale et en tenant compte de la relation pouvant exister entre les nouveaux projets et des travaux antérieurs que sur la base de la libre concurrence. Dans ce contexte, les parts des ventes cumulées des parties et d'Aérospatiale-Matra reflètent apparemment davantage le niveau des contributions française et allemande au programme de développement de l'ISS [65-75%]* qu'elles ne témoignent de succès concurrentiels remportés dans le passé.
107. Deuxièmement, l'opération ne devrait pas avoir de conséquences dommageables pour les programmes existants en ce qui concerne les grands produits d'infrastructure dans la mesure où les maîtres d'œuvre et les fournisseurs ont déjà été sélectionnés et où les conditions contractuelles sont déjà définies. Il convient donc d'apprécier l'incidence de l'opération sur la concurrence dans le contexte des produits futurs, qui doivent être développés dans le cadre des programmes de développement existants et de ceux qui seront mis en œuvre dans un avenir prévisible.
108. Troisièmement, l'opération n'affectera pas les conditions de concurrence au niveau de la maîtrise d'œuvre pour les programmes à venir étant donné que, selon l'ESA, l'attribution des responsabilités à ce niveau est déjà prédéterminée. Les programmes portant sur de grandes infrastructures spatiales susceptibles d'être commandées jusqu'en 2005 concernent l'exploitation de l'ISS et le développement d'un véhicule pour le retour des équipages. Un consortium réunissant les principaux maîtres d'œuvre responsables du développement de l'ISS (Aérospatiale-Matra, DASA, MMS et Alenia) a été formé pour prendre en charge le programme d'exploitation de l'ISS et d'autres parties de ces programmes sont en fait la continuation de programmes antérieurs.
109. Enfin, l'opération ne devrait pas réduire le choix offert à l'ESA pour d'autres programmes éventuels. En effet, comme par le passé, la sélection du pays d'origine des maîtres d'œuvre se fera probablement sur la base de considérations de politique nationale (or Aérospatiale-Matra et MMS, d'une part, et DASA, d'autre part, ne sont pas constituées en société dans le même État membre) et de la relation pouvant exister entre les nouveaux projets et des travaux antérieurs.
110. À la lumière de ce qui précède, il apparaît que l'opération notifiée n'est pas de nature à créer ou à renforcer, sur les marchés des grands systèmes d'infrastructures spatiales, une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans l'EEE ou une partie substantielle de celui-ci.
Petits systèmes d'infrastructures spatiales
111. Comme il a été indiqué au considérant 97, les conditions de la concurrence sur les marchés des petits systèmes d'infrastructures spatiales ne sont apparemment pas les mêmes que pour les grands systèmes, le recours au jeu de la libre concurrence y étant, en particulier, plus important. Sur ces marchés, l'opération créera des chevauchements d'activité en ce qui concerne les installations pour charge utile, segment dans lequel, d'après les informations fournies par les parties, celles-ci et Aérospatiale-Matra représentent collectivement [35-45%]* (en volume) et [55-65%] (en valeur) des contrats de développement attribués par l'ESA depuis 1996.
112. Il convient cependant de noter, premièrement, que l'opération ne devrait pas avoir d'incidence négative sur les programmes existants étant donné que l'organisation des activités industrielles et les conditions contractuelles régissant ces programmes ont déjà été définies.
113. Deuxièmement, pour les systèmes nécessaires à l'avenir et pour lesquels l'application de la règle du "juste retour" laissera une place à la concurrence, les parties resteront soumises à la concurrence d'autres maîtres d'œuvre, dont Alenia (avec une part de marché de [20-25%]* en volume et [20-25%]* en valeur) ainsi que Carlo Gavazzi, OHB et Kayser-Threde. Toutes ces sociétés disposent apparemment du savoir-faire et des compétences nécessaires pour soumissionner en tant que maître d'œuvre pour des installations pour charge utile et elles ont toutes obtenu récemment des contrats de maîtrise d'œuvre dans ce domaine.
114. À la lumière de ce qui précède, il apparaît que l'opération notifiée n'est pas de nature à créer ou à renforcer, sur les marchés des petits systèmes d'infrastructures spatiales, une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans l'EEE ou une partie substantielle de celui-ci.
C. LANCEURS ET SERVICES DE LANCEMENT
MARCHES DE PRODUITS EN CAUSE
Services de lancement
115. Les systèmes spatiaux sont placés sur une orbite stable par des lanceurs à plusieurs étages propulsés par une fusée au moyen de systèmes de propulsion liquides ou solides. En général, on distingue deux types de lanceurs: les lanceurs non récupérables (Expendable launch vehicles - ELV), qui se désintègrent pendant le processus de lancement et les lanceurs partiellement ou totalement récupérables (Reusable launchers - RLV). On peut classer les ELV en trois groupes de produits, selon la masse de charge utile qu'ils sont capables de mettre sur orbite: les petits lanceurs peuvent mettre jusqu'à 2000 kg de charge utile en LEO ; les lanceurs moyens peuvent mettre des charges utiles d'un poids allant de 2000 kg à 6000 kg en LEO et en MEO ; et les lanceurs lourds peuvent mettre des charges utiles de plus de 4000 kg en GEO ou placer plusieurs petits satellites en LEO.
116. Dans la décision Astrolink (15) (du 25 juin 1999), la Commission est arrivée à la conclusion qu'il convenait de distinguer les lancements commerciaux des lancements militaires ou autres lancements commandités par les pouvoirs publics, qui ne sont généralement pas mis en concurrence, bien que les véhicules utilisés soient les mêmes. La Commission a également indiqué que les marchés des services de lancement commerciaux étaient vraisemblablement de dimension mondiale, l'attribution des marchés s'effectuant sur la base de procédures d'appel d'offres à l'échelle mondiale.
117. Dans leur réponse à l'enquête de la Commission, certaines tierces parties ont estimé que les services de lancement offerts respectivement par les petits, les moyens et les gros lanceurs constituaient des marchés de produits distincts. Elles ont indiqué, en particulier, que le lancement des satellites GEO nécessitait des lanceurs très puissants, d'un poids variant entre 500 et 800 tonnes.
118. Toutefois, aux fins de la présente décision, il n'est pas nécessaire de définir plus précisément les marchés de produits en cause pour les services de lancement étant donné que, quelle que soit la définition du marché envisagée, une concurrence effective ne serait pas entravée de manière significative dans l'EEE ou une partie substantielle de celui-ci.
Systèmes, sous-systèmes et équipements pour lanceurs
119. Aérospatiale-Matra, MMS et DASA fournissent des systèmes (par exemple des étages), des sous-systèmes (par exemple des équipements de propulsion, des systèmes d'orientation, etc.) et des équipements pour les lanceurs Ariane. Les parties soutiennent qu'il n'existe pas de marché pour ces systèmes ou sous-systèmes, au motif que ces produits sont conçus spécifiquement pour Ariane, et qu'ils ne sont donc pas offerts sur un marché libre.
120. Les lanceurs Ariane sont développés dans le cadre de programmes internationaux (financés par le secteur public) auxquels participent plusieurs pays européens. Après les études initiales de R&D et de faisabilité, ces programmes consistent essentiellement en une phase de développement et en une phase subséquente de production et de commercialisation, dans le cadre de laquelle des fusées Ariane conformes au modèle qualifié fournissent des services de lancement. Il a été décidé que la phase de développement de ces programmes serait placée sous la responsabilité de l'ESA qui, pour les programmes antérieurs, a délégué au CNES le rôle d'autorité responsable de la conception; il a également été décidé que la phase de production d'Ariane ainsi que la commercialisation des lanceurs serait confiée à Arianespace SA, société privée de droit français.
121. Les fournisseurs de systèmes et de sous-systèmes pour les lanceurs Ariane sont généralement sélectionnés pendant la phase de développement et restent en principe les mêmes pour la phase de production. Étant donné que la phase de développement est placée sous la responsabilité de l'ESA, la passation des marchés est régie par le principe du "juste retour" et les fournisseurs sont sélectionnés au niveau européen.
122. Il ressort de l'enquête menée par la Commission qu'en raison de la spécificité des composants critiques du lanceur (tels que les moteurs) et de l'importance du savoir faire et des investissements qu'ils nécessitent, les intégrateurs de systèmes et les fournisseurs de certains sous-systèmes ne sont pas sélectionnés par voie d'appels à la concurrence mais sur la base du savoir-faire et des compétences et en fonction des contributions financières des États participant à Ariane. Cela tend à indiquer qu'il pourrait ne pas exister de marché concurrentiel au niveau des systèmes ou pour certains sous-systèmes critiques. Il apparaît, en revanche, que la concurrence peut s'exercer au niveau des équipements ainsi que pour certains sous-systèmes. Chacun des produits achetés par voie d'appel à la concurrence appartiendrait donc à un marché de produits en cause.
123. Toutefois, aux fins de la présente décision, il n'est pas nécessaire de définir plus précisément les marchés de produits en cause pour les systèmes et les sous-sytèmes destinés aux lanceurs Ariane, étant donné que, quelle que soit la définition du marché envisagée, une concurrence effective ne serait pas entravée de manière significative dans l'EEE ou une partie substantielle de celui-ci.
MARCHES GEOGRAPHIQUES EN CAUSE
Services de lancement
124. Les parties soutiennent que les marchés des services de lancement commerciaux sont de dimension mondiale étant donné que la concurrence pour ce type de services se livre à l'échelle mondiale, les clients ayant la possibilité de choisir entre des lanceurs exploités par des entités institutionnelles (telles qu'Arianespace) ou par des sociétés privées. Ce point de vue est largement confirmé par les résultats de l'enquête menée par la Commission, qui indiquent que la fourniture de services de lancements commerciaux est une activité à l'échelle mondiale (Arianespace réaliserait, par exemple, plus des deux tiers de ses ventes commerciales en dehors de l'EEE). Il apparaît, par conséquent, que les marchés des services de lancement commerciaux sont de dimension mondiale.
Systèmes, sous-systèmes et équipements pour lanceurs
125. Comme il a été expliqué au considérant 121, la sélection des fournisseurs de sous-systèmes et d'équipements pour les lanceurs Ariane s'effectue généralement pendant la phase de développement et elle est régie par le principe du "juste retour". Il apparaît par conséquent que la concurrence pour ces produits s'exerce au niveau européen.
APPRECIATION CONCURRENTIELLE
Services de lancement
126. Aérospatiale-Matra, MMS et DASA sont actives dans le secteur des services de lancement par l'intermédiaire de leurs intérêts dans Arianespace Participations SA (qui contrôle Arianespace SA, société responsable de la phase de production du lanceur Ariane, ainsi que de la commercialisation de la famille de lanceurs Ariane). En outre, DASA détient le contrôle en commun de Eurockot Launch Service GmbH, société créée en 1998 pour fournir des services de lancement pour satellites LEO à l'aide des petits lanceurs russes Rockot. Enfin, Aérospatiale-Matra détient le contrôle en commun de Vega Spazio SpA, société chargée de développer un petit lanceur pour compléter la gamme de produits d'Arianespace, et détient une participation dans Starsem, société créée pour commercialiser des services de lancement de satellites LEO et MEO par les lanceurs moyens russes Soyuz.
127. Rien n'indique cependant que les parties et leurs sociétés mères puissent contrôler conjointement Arianespace. [...]*
128. Dans ce contexte, si les services de lancement fournis respectivement par les petits lanceurs, les lanceurs moyens et les lanceurs lourds constituaient des marchés de produits distincts, l'opération n'entraînerait de chevauchements que pour les petits lanceurs, marché sur lequel Eurockot Launch Service GmbH et Vega Spazio sont présents. Or, Eurockot Launch Service GmbH n'est entrée que récemment dans ce secteur, tandis que Vega Spazio n'a encore développé aucun lanceur et que son avenir semble menacé après l'annonce faite récemment par le CNES, l'un des principaux participants, de son intention de se retirer du projet.
129. De même, s'il n'existait qu'un marché de produits pour les services de lancement, l'opération ne créerait pas une position dominante étant donné que la part de marché d'Eurockot (en termes de commandes) serait [<10%]* et que la part de Starsem serait d'environ [5-15%]*.
130. À la lumière de ce qui précède, il apparaît que l'opération notifiée n'est pas de nature à créer ou à renforcer, sur les marchés des services de lancement, une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans l'EEE ou une partie substantielle de celui-ci.
Systèmes, sous-systèmes ou équipements pour lanceurs
131. Deux lanceurs ont été développés en Europe au cours des 25 dernières années: la famille Ariane 1 à 4 (premier lancement en 1979), et le lanceur Ariane 5 (en exploitation commerciale depuis décembre 1999).
132. Outre leur participation dans le groupe Arianespace, les parties et leurs sociétés mères exercent un certain nombre d'activités en rapport avec les lanceurs Ariane. Premièrement, au niveau de la maîtrise d'œuvre, Aérospatiale-Matra est l'architecte industriel des lanceurs Ariane, et elle fournit, en particulier, une assistance technique au CNES (l'autorité responsable de la conception pour la phase de développement des lanceurs Ariane) ou à Arianespace (responsable de la production et de la commercialisation des lanceurs Ariane). Deuxièmement, au niveau des systèmes, Aérospatiale-Matra, MMS et DASA sont responsables de l'intégration de la plupart des étages des lanceurs actuels Ariane 4 et Ariane 5. Enfin, au niveau des sous-systèmes, Aérospatiale-Matra, MMS et DASA fournissent chacune certains équipements pour les lanceurs Ariane 4 et Ariane 5.
133. Comme il a été expliqué au considérant 120, les lanceurs Ariane sont développés et produits dans le cadre de programmes internationaux (financés par les pouvoirs publics), pour lesquels les fournisseurs sont sélectionnés pendant la phase de développement et restent généralement les mêmes pour la phase subséquente de production et de commercialisation. L'opération n'aura aucun effet préjudiciable pour les lanceurs existants, étant donné que les fournisseurs ont déjà été sélectionnés pendant la phase de développement et que les contrats de production existent déjà. Il convient donc d'apprécier l'incidence de l'opération sur la concurrence dans le contexte des produits qui seront développés à l'avenir, dans le cadre des programmes de développement existants et de ceux qui seront mis en œuvre dans un avenir prévisible.
134. En ce qui concerne les programmes de développement existants, la seule activité qui devrait avoir lieu dans un avenir prévisible concerne le récent programme " Arianeplus " , qui est destiné à accroître la capacité en charge utile du lanceur Ariane 5 et devrait durer jusqu'en 2006. Ce programme consiste principalement dans le développement d'un nouvel étage supérieur cryogénique (dénommé ESC) pour Ariane 5 et le développement d'un nouveau moteur cryogénique (dénommé VINCI) pour cet étage.
135. Les principales responsabilités ont apparemment déjà été définies pour ce programme (y compris la sélection de l'intégrateur de l'étage ESC et du fournisseur du moteur VINCI). Toutefois, étant donné que certains fournisseurs de sous-systèmes et d'équipements doivent encore être sélectionnés, que DASA est l'intégrateur de l'étage ESC et qu'Aérospatiale-Matra participe à certains des appels d'offres qui ont encore lieu pour la sélection des fournisseurs de sous-systèmes et d'équipements (en particulier le réservoir à oxygène liquide pour le nouvel étage supérieur et la structure inter-réservoirs), il convient d'examiner si l'opération pourrait conduire à la sélection par DASA d'Aérospatiale-Matra au détriment des autres fournisseurs en concurrence et si cette sélection pourrait créer ou renforcer une position dominante.
136. Les possibilités qu'aurait DASA de favoriser Aérospatiale-Matra semblent cependant très limitées. En effet, le principal moyen de provoquer une telle distorsion consisterait, pour DASA, à définir les spécifications du produit et les critères d'évaluation de manière à favoriser les fournisseurs internes, ce qui n'est plus possible étant donné que ces éléments sont déjà définis. En outre, il semble difficile pour DASA de modifier ces critères ou ces spécifications, ou d'altérer les résultats de l'évaluation, étant donné que la sélection des fournisseurs d'équipements dans la phase de développement est soumise à l'approbation du CNES, qui dispose d'un savoir-faire suffisant pour déceler toute distorsion de cette nature.
137. Enfin, en toute hypothèse (et même pour de nouveaux programmes éventuels de développement de lanceurs), les fournisseurs ont affaire à un nombre très limité de clients de haut niveau (actuellement uniquement le CNES et Arianespace pour les lanceurs Ariane), et il existe apparemment une concurrence effective dans le domaine des services de lancement (ce dont témoignent les fluctuations des parts de marché ainsi que la forte baisse apparente des prix unitaires de lancement). Dans ce contexte, le CNES et Arianespace devraient disposer d'une puissance d'achat compensatrice suffisante pour peser sur le comportement concurrentiel de leurs fournisseurs et avoir toutes les raisons d'user de ce pouvoir (ce dont témoignent les efforts accomplis actuellement pour améliorer les performances et réduire les coûts du lanceur Ariane 5), et les fournisseurs ne devraient pas avoir la possibilité d'augmenter les prix ou d'imposer des conditions contractuelles inacceptables.
138. Dans un avenir prévisible, il n'est pas exclu que l'on développe en Europe un nouveau lanceur, qui serait complémentaire par rapport à la famille Ariane. Actuellement, la possibilité la plus sérieuse dans ce domaine concerne Vega Spazio, un petit lanceur. Aérospatiale-Matra participe à ce programme par le biais du contrôle conjoint qu'elle exerce (avec Fiat Avio) sur Vega Spazio SpA, la société appelée à développer ce lanceur. Toutefois, comme il a été expliqué au considérant 128, le programme Vega Spazio est sérieusement menacé étant donné que le CNES, l'un de ses principaux promoteurs, a récemment annoncé son intention de se retirer du projet. En outre, rien n'indique que l'opération pourrait avoir un quelconque effet substantiel sur ce programme, étant donné que la passation des marchés et la sélection des fournisseurs pour tout nouveau lanceur seraient très probablement soumises à la règle du juste retour et que ni la France ni l'Allemagne ne participent plus à ce programme. Quoi qu'il en soit, les considérations formulées ci-dessus concernant l'existence d'une concurrence effective sur les marchés aval des services de lancement semblent valoir aussi dans le cas des petits lanceurs, ce qui limiterait selon toute vraisemblance fortement l'exercice d'un pouvoir de marché par un fournisseur d'équipements ou un intégrateur de systèmes.
139. À la lumière de ce qui précède, il apparaît que l'opération notifiée n'est pas de nature à créer ou à renforcer, sur les marchés des systèmes, des sous-systèmes et des équipements pour lanceurs, une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans l'EEE ou une partie substantielle de celui-ci.
D. SECTEUR TERRIEN
MARCHES DE PRODUITS EN CAUSE
140. Les systèmes terriens incluent toutes les installations au sol destinées à soutenir les activités du secteur spatial. Dans le cas des infrastructures spatiales, ces fonctions incluent le soutien logistique, la maintenance et les réparations, l'intégration et l'exploitation de la charge utile et le contrôle des infrastructures spatiales; dans le cas des satellites, elles peuvent couvrir la commande et le contrôle du vaisseau spatial, ou la fourniture d'une interface (c'est-à-dire la transmission de signaux vocaux et de données) avec les satellites ou les véhicules en orbite.
141. Bien que les systèmes au sol puissent être achetés conjointement avec les systèmes spatiaux, en particulier dans le cadre de marchés "clés en main", les systèmes au sol et les satellites peuvent aussi être achetés séparément; ainsi, les clients exploitant déjà plusieurs satellites n'achèteront généralement pas de nouveaux systèmes au sol, mais se contenteront d'améliorer les stations existantes ou de remplacer les équipements obsolètes. De même, les clients qui achètent aussi bien le secteur spatial que le secteur terrien peuvent sélectionner des fournisseurs différents pour chacun de ces secteurs. En conséquence, il apparaît que le secteur terrien et le secteur spatial appartiennent à des marchés de produits différents.
142. Les parties soutiennent qu'il convient de distinguer les systèmes au sol pour infrastructures spatiales des systèmes au sol pour satellites, étant donné que le secteur terrien des infrastructures spatiales doit satisfaire à des exigences très particulières en termes de communications et de sécurité (en particulier dans le cas des systèmes destinés à fonctionner dans le contexte d'un environnement visitable), et qu'il est de ce fait généralement constitué de systèmes plus grands caractérisés par une fonctionnalité, des logiciels d'application, des interfaces utilisateur et des équipements spécifiques.
143. Conformément à des décisions antérieures de la Commission (16), les parties considèrent également que les stations au sol se divisent en deux catégories: premièrement, celles qui sont destinées à la commande et au contrôle d'engins spatiaux et, deuxièmement, celles qui fournissent une interface (transmission de signaux vocaux et de données) avec le secteur spatial.
144. Ces définitions ont été largement confirmées par les résultats de l'enquête menée par la Commission. Toutefois, aux fins de la présente décision, il n'est pas nécessaire de définir plus précisément les marchés de produits en cause pour le secteur terrien étant donné que, quelle que soit la définition du marché envisagée, une concurrence effective ne serait pas entravée de manière significative dans l'EEE ou une partie substantielle de celui-ci.
MARCHES GEOGRAPHIQUE EN CAUSE
145. Les parties déclarent que les systèmes au sol pour satellites de télécommunications commerciaux sont fournis aux maîtres d'œuvre ou aux exploitants des satellites par des fournisseurs européens et américains et considèrent dès lors que le marché des systèmes au sol pour satellites de télécommunications commerciaux est à l'échelle mondiale. Les parties soutiennent aussi que, compte tenu du principe du "juste retour" qui régit la fourniture d'infrastructures spatiales ou de satellites scientifiques et d'observation à l'ESA, les marchés des systèmes au sol pour infrastructures spatiales ou satellites scientifiques et d'observation sont généralement à l'échelle de l'EEE. Enfin, les parties soutiennent que, dans le secteur militaire, les systèmes au sol sont généralement achetés sur un marché géographique limité, qui peut être national ou multinational pour certains programmes.
146. Ce point de vue cadre avec les décisions antérieures de la Commission (17), dans lesquelles celle-ci a constaté que les principales catégories de clients pour les systèmes au sol civils étaient les agences et les organisations spatiales nationales ou internationales, ainsi que les opérateurs privés, et que les principaux clients pour les stations au sol militaires étaient les ministères de la défense. Si les agences et les organisations spatiales, ainsi que la clientèle militaire, achètent généralement les systèmes au sol à des maîtres d'œuvre nationaux, les opérateurs commerciaux tendent, pour leur part, à s'approvisionner à l'échelle mondiale.
APPRECIATION CONCURRENTIELLE
147. Les systèmes de contrôle des satellites comprennent deux grands sous-systèmes, un centre de contrôle du satellite (généralement situé dans les locaux de l'exploitant du satellite et comprenant les logiciels, les ordinateurs et les interfaces de commande) et une ou plusieurs stations de contrôle (assurant la liaison avec le satellite et comprenant notamment des équipements radiofréquence).
148. Dans ce secteur, MMS est active au niveau de la maîtrise d'œuvre, où elle fournit des systèmes de contrôle intégrés, ainsi qu'au niveau des sous-systèmes, où elle offre des centres de contrôle destinés à être intégrés dans des systèmes de contrôle des satellites de télécommunications. DASA opère également au niveau des sous-systèmes, où elle fabrique la partie radiofréquence des stations de contrôle des satellites de télécommunications par l'intermédiaire de sa participation dans Nortel DASA Network Systems, entreprise qu'elle contrôle conjointement avec Nortel Networks Corporation.
149. L'opération conduit par conséquent à une intégration verticale entre les activités de MMS dans la fourniture de systèmes de contrôle pour satellites de télécommunications et les activités de DASA concernant la partie radiofréquence des systèmes de contrôle. Toutefois, la concurrence pour la fourniture de satellites de télécommunications (et donc des secteurs terriens pour les satellites de télécommunications fournis dans le cadre de contrats "clés en main") se fait à l'échelle mondiale et tant la part de MMS pour les systèmes intégrés au sol que celle de DASA pour la partie radiofréquence restent inférieures à [5-15%]*.
150. L'opération peut aussi conduire à une intégration conglomérale au niveau des sous-systèmes, entre les activités de MMS dans le domaine des centres de contrôle et celles de DASA concernant la partie radiofréquence des systèmes de contrôle. Les parts de marché des parties n'excèdent cependant [5-15%]* sur aucun de ces segments, que ce soit à l'échelle européenne ou mondiale.
151. En ce qui concerne les marchés des systèmes destinés aux exploitants des satellites, l'opération entraînera certains chevauchements d'activités entre MMS et Nortel DASA Network Systems dans le domaine des VSAT (qui fournissent l'interface vers l'utilisateur final) et des terminaux mobiles (qui fournissent les mêmes services que les VSAT mais sont destinés à un usage mobile). Les parts de marché cumulées de ces sociétés n'excèdent cependant [5-15%]* sur aucun de ces marchés, que ce soit à l'échelle mondiale ou européenne.
152. À la lumière de ce qui précède, il apparaît que l'opération notifiée n'est pas de nature à créer ou à renforcer, sur les marchés du secteur terrien pour satellites, une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans l'EEE ou une partie substantielle de celui-ci.
V. ENGAGEMENTS ET APPRÉCIATION
153. Le 24 janvier 2000, les parties ont proposé certains engagements pour éliminer les problèmes de concurrence constatés par la Commission. Le 25 février 2000, les parties ont soumis des engagements modifiés de manière à tenir compte des ajustements exigés par la Commission eu égard, en particulier, aux résultats de l'analyse du marché. Le texte intégral des engagements est annexé à la présente décision.
154. Comme il est indiqué ci-dessus aux considérants 84 et 92, ces engagements, pour autant qu'ils soient mis en œuvre, lèveront les préoccupations émises par la Commission concernant le risque de création par l'opération d'une position dominante sur le marché français des satellites de télécommunications militaires et sur le marché européen des roues mécaniques.
VI. RESTRICTIONS ACCESSOIRES
155. Les parties et leurs sociétés mères ultimes (Lagardère, Aérospatiale Matra, Daimler Chrysler et BAe) ont conclu un accord de non-concurrence en vertu duquel elle n'exerceront pas certaines activités (telles que la fabrication de satellites, d'infrastructures spatiales et de certains composants et sous-systèmes pour satellites) exercées par Astrium. Cette clause s'applique tant que les sociétés en question détiennent une participation dans le groupe Astrium ou dans l'une de ses entreprises fondatrices.
156. Cette restriction consacre le retrait durable des parties et de leurs sociétés mères du champ d'activité exclusivement réservé à Astrium. Toutefois, le champ d'application de cet accord va apparemment au delà de ce qui est directement lié et nécessaire à la réalisation de l'opération de concentration notifiée, puisqu'il est prévu que l'accord continue de s'appliquer même au cas où les parties ou leurs sociétés mères ne détiendraient que des participations non majoritaires dans Astrium ou ses entreprises fondatrices et, par conséquent, dans l'hypothèse où ces sociétés n'auraient pas la possibilité d'exercer une influence déterminante sur Astrium.
157. Cet accord de non-concurrence est directement lié et nécessaire à la réalisation de l'opération de concentration notifiée et par conséquent couvert par la présente décision uniquement dans la mesure où les parties ou leurs sociétés mères détiennent une participation majoritaire dans Astrium ou ses entreprises fondatrices.
VII. CONCLUSION
158. La Commission est arrivée à la conclusion que les engagements pris par les parties sont suffisants pour éliminer les problèmes de concurrence qu'elle a constatés lors de l'examen du projet de concentration et qui sont décrits ci-dessus.
159. Conformément à l'article 8, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations et sous réserve du respect des engagements décrits ci-dessus et annexés à la présente décision, l'opération doit par conséquent être déclarée compatible avec le Marché commun et le fonctionnement de l'accord EEE, puisqu'elle n'est pas de nature à créer ou à renforcer une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans l'EEE ou une partie substantielle de celui-ci.
A arrêté la présente décision :
Article premier
Sous réserve que les engagements résumés ci-dessus et énoncés en détail dans l'annexe à la présente décision soient pleinement respectés, l'opération de concentration consistant dans la création d'Astrium, notifiée le 29 octobre 1999, est déclarée compatible avec le Marché commun et avec le fonctionnement de l'accord EEE.
Article 2
Matra Marconi Space N.V
c/o Price Waterhouse Vooren
Konninginnegracht
NL-2514AA La Haye
Pays-Bas
et
Daimler Chrysler
D-70546 Stuttgart
Allemagne
sont destinataires de la présente décision.
Notes :
1 JO L 395 du 30.12.1989, p. 1; version rectifiée: JO L 257 du 21.9.1990, p. 13.
2 JO L 180 du 9.7.1997, p. 1.
3 JO C XX, XX199. , p. XX.
4 Le chiffre d'affaires est calculé conformément à l'article 5, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations et à la Communication de la Commission sur le calcul du chiffres d'affaires (JO C66 du 2.3.1998, p 25). Dans la mesure où les montants se rapportent à la période antérieure au 1.1.1999, ils sont calculés sur la base des taux de conversion moyens de l'écu et convertis en euro sur une base de parité.
5 Voir par exemple l'affaire IV/M.437-Matra Marconi Space/British Aerospace Space Systems (JO C 245 du 1.9.1994, p. 9) ou l'affaire IV/M.1185-Alcatel/Thomson-CSF-SCS (JO C 272 du 1.9.1998, p.5).
6 Au sens de la présente décision, on entend par "Europe" l'EEE et la Suisse (et donc tous les États membres de l'Agence spatiale européenne).
7 Voir l'affaire IV/M.1185-Alcatel/Thomson-CSF-SCS (note de bas de page n° 5).
8 Voir l'affaire IV/35.518 - Iridium, JO L16 du 18.1.1997, p. 87.
9 Voir l'affaire IV/M.437 - Matra Marconi Space/British Aerospace Space Systems (note de bas de page n° 5).
10 Voir l'affaire IV/M.1309 - Matra/Aérospatiale
* Certains passages du présent document ont été supprimés afin de ne pas publier d'informations confidentielles; ils figurent entre crochets et sont indiqués par un astérisque.
11 Voir l'analyse aux considérants 78 à 83 ci-dessous.
12 Les systèmes de gestion embarqués comprennent le matériel et les logiciels destinés au traitement des informations relatives au système de correction d'attitude et d'orbite du satellite. Ils constituent une partie importante de la plate-forme et sont généralement considérés comme faisant partie des technologies de base que le maître d'œuvre doit fournir lui-même pour rester compétitif.
13 Le système de propulsion unifié est le sous-système de propulsion du satellite. Il met le satellite en orbite et est utilisé pour corriger son attitude et son orbite pendant sa durée de vie. Le sous-système de propulsion se compose à son tour d'un certain nombre d'équipements, y compris des moteurs, des propulseurs et des réservoirs.
14 Les propulseurs chimiques font partie du sous-système de propulsion.
15 Voir l'affaire IV/M.1564 - Astrolink
16 Voir, par exemple, les affaires IV/M.496 - Marconi-Finmeccanica (JO C 253 du 10.9.1994, p. 10) ou IV/M.1185 - Alcatel/Thomson-CSF-SCS (JO C 272 du 1.9.1998, p. 5).
17 Voir, par exemple, l'affaire IV/M.1185-Alcatel/Thomson-CSF-SCS (voir note de base de page n° 16).
ANNEXE
ENGAGEMENT
Sous réserve des dispositions qui suivent et sans préjudice des droits que leur confèrent les dispositions législatives et réglementaires applicables, Dasa Dornier Raumfahrt Holding GmbH (ci-après, "DDRH") et Matra Marconi Space NV (ci-après, "MMS") (collectivement, les "parties") prennent l'engagement suivant (ci-après, l'"engagement") en liaison avec l'opération Astrium notifiée à la Commission le 29 octobre 1999 (ci-après, l'"opération").
Le présent engagement prendra effet à la date de réception de la décision de la Commission portant approbation de l'opération (ci-après, "date d'effet"). Les parties s'engagent comme suit:
1. Systèmes de propulsion unifiés ("Unified Propulsion Systems" ou "UPS") Astrium N.V. ou l'une quelconque de ses filiales (ci-après, "Astrium") accordera à un fabricant spécialisé de sous-systèmes/d'équipements, [...]*, une licence non exclusive de longue durée couvrant tous les droits de propriété intellectuelle pertinents détenus par DASA (y compris la technologie, le savoir-faire, les procédés de fabrication, les procédures et les brevets pertinents), conformément à la procédure définie aux annexes 1 et 4, pour la production et la commercialisation des UPS, tels qu'ils sont actuellement fabriqués par Dasa ou ses entreprises affiliées, en vue de leur utilisation sur la plate-forme Spacebus 3000; dans le cadre de la licence, les parties veilleront à ce qu'Astrium fournisse à la demande du bénéficiaire de la licence et au prix coûtant, pendant une période suffisamment longue à compter de la date d'octroi de la licence, toute l'assistance technique raisonnablement nécessaire afin de permettre audit bénéficiaire de fabriquer, sans dépendre d'Astrium, le produit en question et/ou de fournir des services d'intégration au moyen de son propre personnel.
2. Propulseurs chimiques
En complément de la licence relative aux UPS ou séparément de celle-ci, Astrium accordera à un fabricant spécialisé de sous-systèmes/d'équipements, [...]*, une licence non exclusive de longue durée couvrant tous les droits de propriété intellectuelle pertinents détenus par Dasa (y compris la technologie, le savoir-faire, les procédés de fabrication, les procédures et les brevets pertinents), conformément à la procédure définie aux annexes 1 et 4, pour la production et la commercialisation des propulseurs à biergols pour la même fin que celle indiquée au point 1; dans le cadre de la licence, les parties veilleront à ce qu'Astrium fournisse à la demande du bénéficiaire de la licence et au prix coûtant, pendant une période suffisamment longue à compter de la date d'octroi de la licence, toute l'assistance technique raisonnablement nécessaire afin de permettre audit bénéficiaire de fabriquer, sans dépendre d'Astrium, le produit en question au moyen de son propre personnel.
3. Roues mécaniques
Astrium cédera à un acheteur approprié l'activité "roues mécaniques" qu'exerce MMS au Royaume-Uni, telle que décrite à l'annexe 2. Cette cession se fera selon la procédure prévue aux annexes 3 et 4. En attendant la cession, Astrium veillera à ce que l'activité "roues mécaniques" de MMS soit gérée dans le cadre des affaires courantes et normales de la société, conformément aux usages habituels et selon des règles de prudence, et que toutes les mesures raisonnables soient prises afin de protéger et de conserver la valeur des actifs en question. Pendant une période de [...]* à compter de la cession, Astrium s'engage à ne pas faire concurrence à l'acheteur de l'activité "roues mécaniques" pour ce qui est de cette activité et à ne pas chercher à débaucher son personnel.
4. Systèmes de gestion embarqués
Astrium accordera une licence non exclusive de longue durée couvrant les droits de propriété intellectuelle pertinents détenus par Dasa (y compris les brevets), conformément à la procédure définie aux annexes 1 et 4, à un fabricant spécialisé de sous-systèmes/d'équipements, [...]*, pour la fabrication (sur une base "build-to-print") et la commercialisation des systèmes de contrôle d'attitude et d'orbite de Dasa utilisés sur la plate-forme Spacebus 3000, y compris le système informatique embarqué et le logiciel système embarqué destinés à équiper la plate-forme Spacebus 3000; dans le cadre de la licence, les parties veilleront à ce qu'Astrium fournisse à la demande du bénéficiaire de la licence et au prix coûtant, pendant une période suffisamment longue à compter de la date d'octroi de la licence, toute l'assistance technique raisonnablement nécessaire afin de permettre audit bénéficiaire de fabriquer, sans dépendre d'Astrium, le produit en question au moyen de son propre personnel. Matra Marconi Space N.V. Dasa Dornier Raumfahrt Holding GmbH
Nom: Nom:
Fonction: Fonction:
ANNEXE 1
LICENCES
Les parties conviennent d'accorder les licences mentionnées aux points 1, 2 et 4 de l'engagement (ci-après, "les licences") conformément à la procédure suivante: Les parties feront en sorte qu'Astrium accorde la licence en question, moyennant une redevance raisonnable, à un bénéficiaire approprié qui sera approuvé par la Commission (ci-après, "le bénéficiaire") dans un délai de [...]* à compter de la date d'effet.
1. Le bénéficiaire de la licence devra avoir la capacité de fabriquer avec succès et en toute indépendance le produit concerné et/ou de fournir les services d'intégration concernés. Plus particulièrement, le bénéficiaire potentiel devra disposer de compétences ainsi que d'installations de production et d'essai suffisantes dans le domaine d'activité concerné.
2. Pour aider la Commission à juger de l'aptitude du bénéficiaire proposé, les parties lui soumettront une proposition dûment documentée et motivée, qui lui permettra de vérifier
(i) que les parties n'ont aucune participation matérielle (directe ou indirecte) dans l'entreprise bénéficiaire;
(ii) que la licence permet à son bénéficiaire d'être un concurrent viable sur le marché et
(iii) que la licence est appropriée et suffisante, notamment en ce qui concerne sa durée et la fourniture de l'assistance technique, pour permettre au bénéficiaire de fabriquer avec succès et en toute indépendance le produit concerné et/ou de fournir les services d'intégration concernés.
3. Les parties obtiendront l'accord préalable de la Commission sur le projet de licence définitif. Cet accord ne pourra pas leur être refusé sans motif. La demande visant à obtenir ledit accord sera déposée en même temps que celle destinée à faire approuver le bénéficiaire.
4. Dans un délai de dix (10) jours à compter de la date d'effet, les parties désigneront un mandataire indépendant et expérimenté (ci-après, le "mandataire intérimaire"), chargé de contrôler que les parties respectent les modalités de l'engagement.
5. Si la licence n'a pas été accordée par les parties dans un délai de [...]* à compter de la date d'effet, ces dernières confieront au mandataire temporaire, conformément aux dispositions de l'annexe 4, le mandat irrévocable d'octroyer la licence aux meilleures conditions possibles dans un délai de [...]*.
6. Dès que cela sera concrètement possible après qu'il aura été désigné, les parties veilleront à ce que le mandataire temporaire obtienne l'accord préalable de la Commission concernant une liste de bénéficiaires potentiels, après en avoir d'abord discuté avec les parties et en se fondant sur les critères indiqués aux points 1 et 2. Les parties feront en sorte que le mandataire temporaire tienne la Commission régulièrement informée de toute discussion en cours avec des bénéficiaires potentiels.
7. Le mandataire temporaire sera désigné selon la procédure définie à l'annexe 4.
ANNEXE 2 (SECRETS D'AFFAIRES)
DESCRIPTION DE L'ACTIVITÉ "ROUES MÉCANIQUES" DE MMS L'activité "roues mécaniques" de MMS comprend:
1. les actifs corporels fixes de MMS suivants affectés à l'activité "roues mécaniques" (ci-après, "l'activité"): [...]*
2. tous les droits portant sur les contrats pertinents relatifs à l'activité, ainsi que les coordonnées des clients et des fournisseurs;
3. tous les droits de propriété intellectuelle détenus par MMS en liaison avec la conception des roues mécaniques ainsi que les descriptions des procédés de fabrication et les documents et procédés de fabrications relatifs à l'activité;
4. [...]*
ANNEXE 3
CESSION D'ACTIFS
Les parties conviennent de mettre en œuvre les dispositions contenues au point 3 de l'engagement selon la procédure suivante:
1. Les parties feront en sorte qu'Astrium cède à un acquéreur approprié (ci-après, "l'acquéreur"), qui devra être approuvé par la Commission, l'activité "roues mécaniques" de MMS (ci-après, "l'activité") dans un délai [...]* à compter de la date d'effet (période 1).
2. L'acquéreur devra avoir la capacité de fabriquer avec succès et en toute indépendance le produit concerné. Plus particulièrement, l'acquéreur potentiel devra disposer de compétences ainsi que d'installations de production et d'essai suffisantes dans le domaine d'activité concerné.
3. Pour aider la Commission à juger de l'aptitude de l'acquéreur proposé, les parties lui soumettront une proposition dûment documentée et motivée, qui lui permettra de vérifier
(i) que les parties n'ont aucune participation matérielle (directe ou indirecte) dans l'entreprise candidate à l'acquisition;
(ii) que la cession permet à l'acquéreur de fabriquer le produit concerné avec succès et en toute indépendance et
(iii) qu'à la date où l'accord de cession de l'activité doit être conclu, l'acquéreur a obtenu, ou peut raisonnablement s'attendre à obtenir, des autorités de concurrence compétentes de la Communauté européenne, toutes les approbations nécessaires à l'acquisition.
4. Dans un délai de dix (10) jours à compter de la date d'effet, les parties désigneront un mandataire indépendant et expérimenté (ci-après, "le mandataire temporaire"), chargé de contrôler que les parties respectent les modalités de l'engagement au cours de la période 1.
5. Si l'acquéreur de l'activité n'a pas été approuvé par la Commission dans un délai de [...]* à compter de la date d'effet, les parties confieront au mandataire temporaire, conformément aux dispositions de l'annexe 4, le mandat irrévocable de vendre ladite activité. Ce mandat aura une durée de [...]* à compter de la fin de la période 1 (période 2).
6. Dès que cela sera concrètement possible après sa désignation, le mandataire temporaire obtiendra l'accord préalable de la Commission concernant une liste d'acquéreurs potentiels, après en avoir d'abord discuté avec les parties. Le mandataire temporaire tiendra la Commission régulièrement informée de toute discussion en cours avec des acquéreurs potentiels.
7. Le mandataire temporaire sera désigné selon la procédure définie à l'annexe 4.
ANNEXE 4
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
1. Les parties proposeront à la Commission le nom d'un établissement indépendant et expérimenté qu'elles jugent apte à être désigné comme mandataire. Cette proposition sera faite dans les dix (10) jours ouvrables qui suivront la date à laquelle l'obligation de désigner un mandataire entre en vigueur. La Commission aura la possibilité d'approuver ou de rejeter l'établissement proposé conformément au point 10 ci-dessous. Si l'établissement proposé est rejeté, les parties soumettront le nom d'au moins deux autres établissements dans un délai de cinq (5) jours ouvrables à compter de la date à laquelle elles ont été informées du rejet. Si plus d'un nom est approuvé par la Commission, les parties sont libres de choisir le mandataire à désigner parmi les noms approuvés. Si tous les nouveaux noms sont rejetés par la Commission, cette dernière désigne le mandataire qui doit être nommé par les parties.
2. Le mandataire sera nommé dans les cinq (5) jours ouvrables qui suivent la date d'approbation explicite ou implicite de la Commission, conformément aux points 1, 8 et 10.
3. Les parties joindront à leur demande visant à obtenir de la Commission qu'elle approuve le mandataire proposé un projet de mandat décrivant dans le détail le champ d'application du mandat (y compris la façon dont le mandataire sera encouragé à faire de son mieux pour parvenir à une transaction rapide et optimale) et les missions confiées à l'établissement dans le cadre du mandat. À la demande de la Commission - et pour autant que cela soit raisonnable -, les parties modifieront le mandat présenté afin de veiller à ce qu'il soit conforme aux dispositions du présent engagement. Une fois que le mandat aura été signé, les parties ne seront plus autorisées à y apporter quelque modification que ce soit sans l'accord préalable de la Commission.
4. Le mandataire aura les missions suivantes:
(i) contrôler que les parties s'acquittent de façon satisfaisante des obligations qui leur incombent en vertu du présent engagement (pour autant que celles-ci relèvent du champ d'application du mandat);
(ii) fournir des rapports écrits à la Commission sur les progrès réalisés par le mandataire dans l'exécution de sa tâche, en précisant tout élément du mandat dont celui-ci n'aura pas pu s'acquitter. Ces rapports, rédigés en anglais, seront communiqués dans les dix (10) jours ouvrables qui suivent l'expiration de chaque période de deux (2) mois à compter de la date de désignation du mandataire ou à tout autre moment ou dans tout autre délai que la Commission pourrait spécifier, et porteront sur les évènements survenus au cours des deux mois précédents. Les parties recevront simultanément une copie non confidentielle de ces rapports du mandataire;
(iii) à tout moment, fournir à la Commission, à la demande de cette dernière, un rapport écrit ou oral concernant des questions qui relèvent de son mandat. Les parties recevront simultanément une copie non confidentielle de ces rapports écrits supplémentaires et seront rapidement informées du contenu non confidentiel de tout rapport oral.
5. Si le présent engagement requiert que le mandat inclue pour le mandataire la tâche de mener des négociations et de proposer un bénéficiaire de licence ou, selon le cas, un acquéreur, le mandataire:
(i) notifie à la Commission dès que cela est pratiquement possible l'identité des bénéficiaires de licence ou acquéreurs potentiels, après en avoir d'abord discuté avec les parties, et indique à la Commission les raisons pour lesquelles il estime que ces bénéficiaires ou acquéreurs conviennent, eu égard aux critères définis plus haut;
(ii) met un terme à toute négociation menée avec un acquéreur potentiel, si la Commission estime que celui-ci ne convient pas et
(iii) mène les négociations avec pour objectif de parvenir à un accord contraignant (sous réserve de la conclusion de l'opération) qui tienne compte de l'intérêt financier des parties (c'est-à-dire en obtenant les meilleurs prix et conditions possibles dans le cadre de son mandat).
6. Les parties fourniront au mandataire l'assistance et les informations, y compris copie de tous les documents pertinents, que celui-ci pourrait raisonnablement demander afin d'exécution ses tâches; sous réserve des restrictions en matière de sécurité, le mandataire disposera d'un accès sans restriction au personnel, aux livres, aux archives, aux documents, aux installations et aux données techniques d'Astrium ayant trait à la fabrication des produits qui doivent faire l'objet de la licence, ou à toute autre information utile que le mandataire pourrait raisonnablement demander, l'accès étant toutefois limité au champ d'application de son mandat.
7. Dès que la mesure corrective spécifique dont le mandataire a été chargé est mise en œuvre, le mandat prend fin à cet égard sous réserve de l'accord préalable de la Commission. La Commission peut cependant demander à tout moment que le mandataire reprenne ses fonctions s'il apparaît après coup que la mesure corrective en question pourrait ne pas avoir été complètement et correctement mise en œuvre.
8. Si, dans un délai de quinze (15) jours ouvrables à compter de la réception d'une demande dûment documentée et motivée, la Commission n'a pas rejeté par écrit une proposition qui lui a été présentée en vue d'obtenir son approbation conformément au présent engagement, ladite proposition est réputée avoir été approuvée.
9. Dans le cas où des circonstances exceptionnelles rendraient impossible ou très difficile le respect de l'échéancier spécifié ci-dessus - et pour autant que les parties apportent à la Commission une preuve raisonnable de la survenue de telles circonstances -, les délais indiqués aux annexes 1 et 3 pour la mise en œuvre de l'engagement peuvent être étendus d'un commun accord par les parties et la Commission.
10. Toute demande ou proposition requérant l'approbation de la Commission est adressée au directeur de la direction B au sein de la direction générale de la Commission chargée de la concurrence, 150 Avenue de Cortenberg, 1000 Bruxelles. Toute communication aux parties est adressée aux personnes dont le nom sera transmis à la Commission avant la date d'effet.