Cass. crim., 12 février 1964, n° 63-90.265
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Zambeaux
Rapporteur :
M. Costa
Avocat général :
M. Reliquet
Avocats :
Mes Martin-Martiniere, Peignot
LA COUR : - Rejet dés pourvois formés par : 1° X (Magin) ; 2° X (Ramon) ; 3° Y (André) ; 4° Z (Léon), contre un arrêt du 19 décembre 1962 de la Cour d'appel de Montpellier qui, pour falsification de vin et complicité, les a condamnés les deux premiers à 5 000 nouveaux francs d'amende chacun, les deux autres à 3 000 nouveaux francs d'amende chacun la cour, vu la connexité, joignant les pourvois ;
Sur le pourvoi de Y, attendu que Y ne produit pas de moyen à l'appui de son pourvoi ;
Sur les pourvois de X (Magin), X (Ramon), et de Z ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le premier moyen de X (Magin) et X (Ramon) et le premier moyen de Z réunis, pris de la violation par fausse application dés articles 690 et 695 du Code de procédure pénale, ensemble violation de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs et manque de base légale, "en ce que l'arrêt attaqué a consacré la compétence de la juridiction répressive française pour connaître du délit imputé aux demandeurs alors que s'agissant de vin d'Espagne, expédié de ce pays à destination de l'Allemagne où se trouvait l'acheteur, donc simplement en transit en France pour les nécessités du transport, et, devrait-on admettre la réalité de la falsification dont il avait été excipé, ce qui n'était pas le cas, l'adjonction irrégulière de glycérine à ce vin, encore qu'ayant eu lieu en France, ne pouvait être détachée de l'ensemble dés opérations entre vendeur et acheteur, ce qui interdisait à la juridiction répressive française de connaître d'un fait spécial qui aurait été accompli en France et qui, ce qui n'est pas autrement dénié, n'impliquait aucun délit en Allemagne ;
"et de la violation dés articles 690 et 695 du Code de procédure pénale, 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs et manque de base légale, "en ce que l'arrêt attaqué a admis la compétence de la juridiction répressive française pour connaître du délit imputé au demandeur, alors que, s'agissant de vin d'Espagne expédié de ce pays à destination de l'Allemagne où se trouvait l'acheteur, c'est-à-dire du vin en transit en France pour les nécessités du transport, l'adjonction de glycérine à ce liquide, encore qu'elle ait eu lieu en France, ne pouvait être détachée de l'ensemble dés opérations entre vendeur et acheteur, ce qui interdisait à la juridiction répressive française de connaître d'un fait spécial qui aurait été accompli en France et qui, ce qui n'est pas autrement dénié, n'avait pas le caractère délictueux en Allemagne" ;
Attendu qu'il résulte dés énonciations de l'arrêt attaqué qu'une certaine quantité de vin a été expédiée fin 1958 et début 1959 par X (Ramon), de Barcelone, à destination de l'Allemagne, en utilisant les services, pour la marchandise arrivée à Sète, de la société que gère X (Magin), frère du précédent, et pour la marchandise débarquée à Cerbère, les services de la société W ; Qu'au moment du transvasement du vin dans les wagons-foudres destinés à l'acheminer vers l'Allemagne, une certaine proportion de glycérine a été introduite dans la marchandise par Y, à Sète, et par Z, à Cerbère ;
L'un et l'autre agissant sur les instructions reçues dés deux frères X ; Que les quatre inculpés ont été poursuivis pour falsification, et non pour tromperie ; Qu'en conséquence, c'est à bon droit que l'arrêt attaqué a écarté le moyen pris par les prévenus dans leurs conclusions et tendant à soutenir l'incompétence dés juridictions françaises, leurs agissements portant sur dés vins en provenance d'Espagne et vendus à destination de l'Allemagne ; Qu'en effet, la falsification est un acte matériel, indépendant du contrat conclu entre le vendeur et l'acheteur, et que l'article 3-1° de la loi du 1er août 1905 réprimé au lieu où il a été commis, du moment que ce lieu est, comme en l'espèce, situé sur le territoire français ; d'où il suit que les moyens doivent être rejetés ;
Sur le second moyen de cassation de X (Magin) et X (Ramon) et le second moyen de cassation de Z, réunis et pris de la violation dés articles 1er et 3 de la loi du 1er août 1905, ensemble violation de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs et manque de base légale, "en ce que l'arrêt attaqué confirmant la décision dés premiers juges a dit les demandeurs convaincus du délit de falsification de vin pour avoir ajouté de la glycérine à ces vins lesquels se trouvaient en France, et ce sans répondre aux conclusions dés demandeurs dans lesquelles ceux-ci faisaient valoir que l'adjonction de glycérine à laquelle il avait été procédé n'avait pas pour résultat de falsifier le vin qui en avait été l'objet, étant donné, d'une part, que la législation sur les vins ne reconnaît aucune prohibition expresse de l'emploi de la glycérine pour l'amélioration du vin, d'autre part, que la glycérine existe toujours dans une proportion notable dans le vin, proportion qui n'a pas été démontrée avoir été dépassée" ;
Et de la violation dés articles 1er et 3 de la loi du 1er août 1905, 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs, manque de base légale, "en ce que l'arrêt attaqué, confirmant la décision dés premiers juges, a dit le demandeur convaincu du délit de falsification de vin pour avoir ajouté de la glycérine à ce vin, ce sans répondre aux conclusions du demandeur faisant valoir que cette opération n'avait pas pour résultat de falsifier le vin qui en avait été l'objet étant donné, d'une part que la législation ne prohibe nullement l'emploi de la glycérine pour améliorer le vin et que, d'autre part, ce corps existe toujours dans une proportion notable dans le vin, proportion qui n'a pas été démontrée avoir été dépassée" ;
Attendu que l'arrêt attaqué a suffisamment répondu aux conclusions dés demandeurs en énonçant à bon droit que s'il est exact que toute mixtion dont un produit fait l'objet ne constitue pas nécessairement une fraude, il n'est pas davantage exigé que la manipulation ait pour résultat une dénaturation de ce produit ; que l'adjonction d'une substance, fût-elle de même nature que certains composants naturels de ce produit, réalise l'élément matériel de la falsification dés l'instant qu'elle a pour but et pour résultat de dissimuler la médiocrité de cette marchandise où d'accréditer faussement la pureté de son origine, exception étant évidemment faite dans les cas où la loi elle-même autorise de telles adjonctions, qu'en l'espèce il n'est pas contesté par les inculpés que la glycérine ne figure dans aucun texte autorisant l'emploi de certaines substances pour corriger la faiblesse de certains vins ; d'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
Et attendu que l'arrêt attaqué est régulier en la forme ;
Rejette les pourvois.