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Décisions

Cass. crim., 5 février 1979, n° 78-92.093

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mongin

Rapporteur :

M. Guérin

Avocat général :

M. Dullin

Avocats :

Mes de Chaisemartin, Lépany

Paris, 13e ch., du 3 mai 1978

3 mai 1978

LA COUR : - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 12 de la loi du 1er août 1905, 24, 26, 27, 28 et 29 du décret du 29 janvier 1919, 156, 157, 158, 159, 162, 166, 172, 174 et 593 du Code de procédure pénale et de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810, violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale,

"En ce que l'arrêt confirmatif attaqué, pour déclarer le prévenu coupable du délit de fraude qui lui était reproché, a rejeté le moyen tiré de la nullité de l'expertise ordonnée par le magistrat instructeur conformément aux dispositions de l'article 26 du décret du 22 janvier 1919 ;

"aux motifs propres à la cour que s'il est regrettable qu'un seul expert se soit déplacé au laboratoire de Montpellier pour y effectuer l'analyse des échantillons, aucune disposition légale ou réglementaire n'exige en la matière que les deux experts assistent ensemble à toutes les phases de l'opération d'analyse ni même que les experts procèdent en commun aux examens, que le rapport indique qu'après les analyses, les deux experts se sont réunis à nouveau ce qui implique qu'ils ont procédé à un échange de vues, qu'aucune prescription n'impose que l'analyse porte sur les deux échantillons dans le même trait de temps ;

"et aux motifs adoptés des premiers juges que si le prévenu avait estimé l'instruction de son dossier insuffisante, il lui appartenait d'interjeter appel de l'ordonnance du juge d'instruction qui l'a renvoyé devant le tribunal de céans ;

"alors que d'une part, l'article 166 du Code de procédure pénale applicable à l'expertise judiciaire contradictoire prévue en matière de fraude par l'article 12 de la loi du 1er août 1905, pose le principe selon lequel les opérations d'expertise doivent être effectuées personnellement par les experts commis, que dès lors en l'espèce, les juges du fond ne pouvaient sans méconnaître ce texte, refuser de prononcer la nullité de l'expertise litigieuse après avoir constaté qu'un seul des deux experts commis avait effectué l'analyse ;

"alors que d'autre part, les juges du fond ont omis de rechercher si comme le prévenu le soutenait dans ses conclusions d'appel l'expertise n'encourait pas la nullité également parce que l'analyse d'un des échantillons avait été réalisée par un tiers qui n'avait pas été commis en qualité d'expert et qui n'avait pas été nommé ni désigné par le magistrat instructeur ;

"et alors qu'enfin, les juridictions correctionnelles ont qualité pour constater les nullités de l'information résultant de la violation des dispositions substantielles mettant en cause l'intérêt de l'ordre public" ;

Vu lesdits articles ; Attendu qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes, toutes les expertises nécessitées par l'application de cette loi doivent être contradictoires ; Que, d'autre part, en vertu des dispositions de l'article 166 du Code de procédure pénale, les experts doivent attester avoir personnellement accompli les opérations qui leur ont été confiées ; qu'enfin, selon l'article 162 du même Code, s'ils demandent à être éclairés sur une question échappant à leur spécialité ou à être assistés dans leurs travaux, ils peuvent se faire autoriser par le juge à s'adjoindre des personnes nommément désignées ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que X Jean-Alexandre, prévenu de fraude a soulevé avant toute défense au fond, la nullité de la procédure d'expertise contradictoire prévue par l'article 12 de la loi du 1er août 1905, aux motifs qu'un seul des deux experts commis a procédé à l'analyse d'un échantillon et qu'il a seulement assisté à l'analyse du deuxième échantillon, effectuée par une personne qui n'avait pas été désignée par le magistrat instructeur ;

Attendu que pour rejeter cette exception, la cour d'appel se borne à énoncer que, s'il est regrettable qu'un seul expert se soit rendu au laboratoire spécialisé de Montpellier pour accomplir sa mission, aucune disposition légale ou réglementaire n'exige que les deux experts assistent ensemble à toutes les phases de l'opération d'analyse, ni même qu'ils procèdent en commun aux examens ; que cette obligation n'est prévue par l'article 31 du décret du 22 janvier 1919 que dans le cas du contrôle bactériologique d'un seul échantillon prélevé ; que selon l'arrêt, les deux experts se sont réunis après le résultat des analyses, ce qui implique qu'ils ont procédé à un échange de vues ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les dispositions légales ci-dessus rappelées ;

Par ces motifs : Casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 3 mai 1978 et pour être statué à nouveau conformément à la loi, Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Versailles.