CA Basse-Terre, 2e ch., 14 mars 1994, n° 9100980
BASSE-TERRE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Melange
Défendeur :
Marc Léon International Services (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Altenbach
Président de chambre :
M. Lecomte
Conseiller :
M. Levet
Avocats :
Mes Daninthe, Derussy
I - Faits, procédure, demandes des parties
Par arrêt du 25 mai 1992 auquel il convient de se référer pour les faits de la cause, la procédure et les demandes des parties la cour de ce siège a :
- ordonné une mesure d'instruction à l'effet de faire examiner par un expert le véhicule vendu par la société " Marc Léon International Services SARL" à M. Melange.
L'expert commis, M. Girondin, a remis son rapport le 2 décembre 1992, rapport dont les conclusions laissent apparaître que le compteur aurait été manipulé.
Au vu de ce rapport M. Melange, appelant, maintient ses demandes telles que précisées dans l'arrêt précité.
La société " Marc Léon International Services SARL", intimée, conclut, quant à elle, à la confirmation de la décision déférée et à la condamnation de M. Melange aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Motifs de la décision
Aux termes de l'article 1116 du Code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
En l'espèce il résulte des éléments du dossier que M. Melange a fait l'acquisition en avril 1990 d'un véhicule d'occasion de marque Mercedes 190 E, vendu par la SARL Marc Léon International Services ayant son siège à Colmar, la facture établie le 27 avril 1990 indiquant que ce véhicule modèle 1990 avait environ 13 000 kms.
Or, il a été trouvé à l'intérieur du véhicule livré une fiche de location budget mentionnant un kilométrage de 19 831 kms.
Par ailleurs l'expert Girondin commis pour rechercher si le compteur du véhicule présentait des traces d'intervention ayant pu modifier le kilométrage, a relevé des traces caractéristiques sur les têtes de vis qui indiquent que le compteur avait déjà été déposé ".
Il peut donc être valablement déduit, au vu de ces deux éléments concordants que M. Melange a fait l'acquisition d'un véhicule dont le kilométrage a été falsifié.
L'intimé conteste les résultats du rapport de l'expert, en raison de son caractère tardif, contestation qui ne saurait être retenue la société Marc Léon International Services SARL n'ayant pas daigner se présenter ou se faire représenter à l'expertise et ne fournissant aucun élément concret pouvant contredire les constatations de l'expert, se contentant d'alléguer, que M. Melange aurait pu lui-même être à l'origine de la manipulation du compteur.
Elle conteste également la valeur probante de la fiche Budget, document qui, selon elle, n'aurait aucun rapport avec le véhicule litigieux, affirmation démentie par les pièces du dossier et le propre comportement de l'intimée.
En effet le document administratif allemand dit " Fahrzeugbrief" correspond bien au véhicule livré ainsi que le démontre le n° dans la série du type, numéro identique à celui indiqué sur la Mercedes et relevé par le premier expert Gouffran.
Dès lors la fiche budget qui mentionne le même n° d'immatriculation que le document précité concerne nécessairement le véhicule litigieux.
Par ailleurs la volonté délibérée de l'intimée de ne pas remettre les documents nécessaires à l'immatriculation du véhicule, notamment le certificat de vente et sa réticence à fournir l'identité du précédent propriétaire laissent supposer que ce dernier est effectivement la société de location Budget et non un représentant du fabricant Mercedes comme elle l'a fait croire à son acquéreur, selon les dires non contestés de ce dernier.
Il convient donc de considérer, au vu de l'ensemble de ces constatations, que M. Melange a été trompé par son vendeur, tant sur le kilométrage du véhicule vendu que sur son origine et apparaît, dès lors, en droit, d'obtenir l'annulation du contrat.
L'intimée aura, en conséquence, l'obligation de rembourser à M. Melange la somme de 121 600 F montant du prix de vente du véhicule outre la somme de 32 269 F au titre des taxes, droits de douane et accessoires justifiés par les documents produits par l'appelant.
Ce dernier est également en droit d'obtenir réparation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil du préjudice lié aux tracasseries et désagréments par lui subis suite à la possession pendant plus de 3 ans d'un véhicule qu'il ne peut régulièrement immatriculer ni céder du fait du comportement de la société Marc Léon International Services SARL.
Ce préjudice peut valablement être évalué à 10 000 F.
Par contre la demande de M. Melange portant sur la remise, sous astreinte, du certificat de vente, des précédentes cartes grises et des documents relatifs à l'origine du véhicule n'apparaît plus justifiée dans la mesure ou l'annulation du contrat a nécessairement pour conséquence la restitution de ce véhicule.
Les dépens tant de première instance que d'appel, seront mis à la charge de la société Marc Léon International Services SARL.
L'équité commande enfin d'allouer à M. Melange une somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles engagés par lui dans la présente instance.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort Vu l'arrêt avant dire droit du 25 mai 1992. Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau: Prononce la nullité de la vente du véhicule Mercedes 190 E intervenue entre la société Marc Léon International Services SARL et M. Melange. En conséquence condamne M. Melange à restituer le véhicule à la société Marc Léon International Services SARL et cette dernière à rembourser à M. Melange la somme de 121 600 F en principal et celle de 32 268 F au titre des taxes, droits de douanes et accessoires. Condamne en outre la société Marc Léon International Services SARL au paiement d'une somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts ainsi qu d'une somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne là même aux entiers dépens. Dit que Me Daninthe, avocat, pourra recouvrer directement ceux des dépens dont il aura fait l'avance sans avoir reçu provision.