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Décisions

CA Paris, 1re ch. A, 17 janvier 2006, n° 04-12455

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Etasse Rivoire et Associés (SCP)

Défendeur :

Brikas (Epoux), Bigot (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grellier

Conseillers :

Mmes Horbette, Mouillard

Avoués :

SCP Guizard, Mes Bettinger, Teytaud

Avocats :

Selarl Challan Belval, Mes Bonami, Durand

TGI Paris, 2e ch., 1re sect., du 22 mars…

22 mars 2004

Les époux Bigot ont signé le 3 septembre 1999 une promesse par laquelle ils s'engageaient à vendre aux époux Brikas le lot n° 6 d'un immeuble en copropriété situé boulevard d'Ornano à Paris.

Cette promesse était reçue par la SCP Etasse et Rivoire, notaires, en présence de M. Le Rossignol, notaire des acquéreurs; elle ne comportait pas d'autre condition que l'obtention d'un prêt. Une indemnité d'immobilisation de 56 000 F était versée par les bénéficiaires entre les mains de M. Le Rossignol, institué séquestre. Le délai pour lever l'option, initialement fixé au 29 octobre, a été reporté au 3 décembre.

Dans l'intervalle, les époux Brikas se sont rendus à une assemblée générale de la copropriété, sur les indications des époux Bigot, et ont appris l'existence de quelques contentieux et assisté au vote de travaux de ravalement. C'est à la suite de cette assemblée générale que les époux Brikas ont décidé de ne plus acquérir le bien, s'estimant victimes d'une tromperie, et ont demandé, sans succès, la restitution de l'indemnité d'immobilisation.

Par jugement en date du 22 mars 2004, le Tribunal de grande instance de Paris a débouté les époux Brikas de leur demande principale, ordonné le versement de l'indemnité aux époux Bigot et condamné la SCP Etasse et Rivoire à payer aux époux Brikas la somme de 1 500 euro de dommages et intérêts pour avoir failli dans son devoir de conseil.

Ceci étant exposé,

Vu l'appel de ce jugement par la SCP Etasse et Rivoire,

Vu ses conclusions déposées le 24 octobre 2005 dans lesquelles, poursuivant l'infirmation du jugement, elle sollicite le débouté des époux Brikas après constatation d'une absence de faute de sa part et de l'inexistence d'un préjudice et leur condamnation au payement de la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Vu les conclusions déposées le 9 novembre 2005 selon lesquelles les époux Bigot demandent la confirmation du jugement et la condamnation des époux Brikas à leur payer la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Vu les conclusions déposées le 14 novembre 2005 aux termes desquelles les époux Brikas sollicitent la réformation du jugement en ses dispositions qui leur sont défavorables et demandent à la cour l'annulation de la promesse de vente au visa de l'article 1116 du Code civil, subsidiairement la restitution de l'indemnité d'immobilisation au visa de l'article 1134 du Code civil, très subsidiairement la réduction de cette indemnité à 1 500 euro, au visa de l'article 1152 du Code civil, car elle serait une clause pénale, à défaut le rejet de la demande des époux Bigot sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à leur profit, la confirmation de la décision en ce qu'elle a estimé fondée la demande dirigée contre la SCP Etasse et Rivoire, la condamnation de cette dernière à les garantir de la restitution de l'indemnité d'immobilisation et de toutes les condamnations qui pouffaient intervenir contre eux au profit des époux Bigot, la condamnation in solidum des époux Bigot et de la SCP Etasse et Rivoire à leur verser la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR,

Considérant qu'au soutien de leurs prétentions à l'encontre des époux Bigot, les époux Brikas avancent que la situation d'une copropriété fait partie des éléments essentiels d'un lot de celle-ci et est déterminante dans la décision d'achat, qui se fait en excluant les risques, et que les promettants, en ne leur signalant pas ces risques, ont commis un dol qui entacherait leur consentement à la promesse alors qu'ils n'avaient pas les moyens d'assumer des charges qu'ils ont découvertes ultérieurement;

Mais considérant que les conditions de l'article 1116 du Code civil ne sont nullement réunies en l'espèce ; qu'en effet, si la réticence du vendeur qui dissimule sciemment des éléments qu'il sait essentiels à l'acquéreur peut être constitutive d'un dol, encore faut-il qu'il ait pu connaître la valeur que celui-ci attache à ces éléments ; qu'en l'espèce, la modicité des créances de la copropriété ne justifie pas le dol avancé par les époux Brikas ; qu'ils ne sauraient non plus reprocher aux promettants de ne pas les avoir informés d'un projet de ravalement que ces derniers ne pouvaient pas encore connaître, puisqu'il a été débattu à une assemblée générale postérieure à la promesse et a laquelle les époux Brikas assistaient, quel qu'ait pu avoir été alors leur pouvoir de s'y opposer; que les attestations qu'ils produisent, émanant d'autres copropriétaires présents à l'assemblée, ne sont pas aptes à modifier cette analyse ; qu'il leur était loisible, si ces points étaient pour eux déterminants, d'en faire l'une des clauses suspensives de la promesse puisqu'ils étaient conseillés lors de cet acte ; que tel n'a pas été le cas alors qu'il résulte des pièces versées en procédure que les bénéficiaires de la promesse ont eu connaissance du procès verbal d'une précédente assemblée générale par l'intermédiaire du directeur de l'agence immobilière qui leur avait fait visiter le bien ; que son témoignage, bien que non conforme aux dispositions de l'article 202 du nouveau Code de procédure civile, n'est pas sérieusement contredit par les époux Brikas qui ne prétendent pas avoir demandé une information qui leur aurait été refusée;

Considérant que les époux Brikas soutiennent également que la clause relative à l'indemnité d'immobilisation serait inapplicable avant la date prévue pour la réalisation;

Mais considérant que la promesse a été conclue avec une seule condition suspensive liée à l'obtention d'un prêt ; que la clause relative à l'indemnité d'immobilisation est ainsi libellée "Si l'une ou l'autre des conditions suspensives ci-dessus exprimées n'est pas réalisée et que, en conséquence, la vente ne puisse être signée, cette somme restera acquise au bénéficiaire. Si toutes les conditions suspensives ci-dessus exprimées se réalisent et que le bénéficiaire ne veuille plus acheter l'immeuble, cette somme sera acquise au promettant." ; qu'elle a donc vocation à s'appliquer dès réalisation de la condition suspensive sans qu'aucune condition de délai n'y soit posée, l'indemnité due étant liée au refus de l'acheteur à quelque moment qu'il s'exprime;

Considérant enfin que les époux Brikas mettent en avant l'idée selon laquelle cette clause serait une clause pénale susceptible d'être réduite;

Mais considérant que la stipulation d'une indemnité d'immobilisation n'a pas pour objet de faire assurer par une des parties l'exécution de son obligation mais la simple réparation d'un préjudice ; qu'elle n'est donc pas une clause pénale;

Considérant que pour l'ensemble de ces motifs, la demande des époux Brikas relative à la restitution de l'indemnité d'immobilisation ne saurait prospérer, le jugement étant confirmé à ce titre;

Considérant que pour demander l'infirmation du jugement dont elle a fait appel, la SCP Etasse et Rivoire soutient qu'elle n'avait pas à fournir ses conseils au stade de la promesse, les renseignements utiles étant de la responsabilité du négociateur, agent immobilier, et du fait que les époux Brikas étaient eux mêmes assistés lors de cet acte;

Considérant qu'il sera rappelé que, dès lors qu'elles entendent faire appel à un notaire, notamment pour des actes qui ne le requièrent pas légalement, les parties manifestent, par ce choix, leur souhait d'être entourées de tous les conseils nécessaires; que le devoir de conseil du notaire doit donc s'exercer, la présence, aux côtés d'une partie, de son propre conseil, n'ayant pas pour effet de le dispenser de la sienne; qu'il appartenait en conséquence au notaire rédacteur de la promesse de vente à tout le moins de s'assurer que les bénéficiaires en avaient mesuré toutes les conséquences quant à leurs propres obligations;

Que c'est donc sans contradiction que les premiers juges ont retenu la responsabilité de la SCP appelante, la nature de celle-ci étant différente et indépendante de celle des co-contractants ; que leur décision sera donc confirmée en ce qu'elle a condamné la SCP Etasse et Rivoire au paiement de la somme de 1 500 euro aux époux Brikas en réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait du manquement au devoir de conseil du notaire qui, pour les motifs ci-dessus énoncés, ne saurait se confondre avec l'obligation pré-contractuelle elle-même, justifiant ainsi qu'il ne soit pas fait droit à la demande de condamnation au payement de l'indemnité d'immobilisation;

Considérant qu'il serait inéquitable de faire supporter aux époux Bigot les frais irrépétibles qu'ils ont du engager pour faire face au présent appel ; qu'il le serait tout autant des époux Brikas;

Que toutes les prétentions de la SCP étant rejetées, elle sera condamnée aux entiers dépens;

Par ces motifs, Confirme le jugement rendu le 22 mars 2004 par le Tribunal de grande instance de Paris en toutes ses dispositions Condamne les époux Brikas à payer aux époux Bigot la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la SCP Etasse et Rivoire à payer aux époux Brikas 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la SCP Etasse et Rivoire aux dépens de l'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.