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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 4 juillet 2006, n° ECEC0813198X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Unidoc (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pezard

Conseillers :

M. Remenieras, Mme Mouillard

Avoué :

SCP Bernade Chardin Cheviller

CA Paris n° ECEC0813198X

4 juillet 2006

Saisi le 30 décembre 1996 par le ministre délégué aux Finances et au Commerce extérieur de pratiques anticoncurrentielles mises en œuvres à l'occasion de marchés de signalisation routière horizontale dans les régions Picardie et Nord-Pas-de-Calais, le Conseil de la concurrence a, le 22 décembre 2004, notifié des griefs d'entente et de concertation sur le fondement de l'article L. 420-1 du Code de commerce :

- aux sociétés Confort routier de l'Axtois (CRA), Natanni, Unidoc et Sotnaro, pour se répartir les marchés de marquage des routes nationales de la direction départementale de l'équipement (DDB) du Pas-de-Calais en 1992 et 1995,

- aux sociétés CRA, Natanni, Unidoc, Viamark et Somaro, pour se répartir les lots du marché de marquage des routes départementales lancé par le Conseil général du Pas-de-Calais en février 1992,

- aux sociétés Société d'applications routières (SAR) et CRA à l'occasion de la première consultation pour le marché peinture pour le marquage des routes nationales, pour 1995, lancé par la DDE de l'Oise.

Le 6 décembre 2005, le Conseil de la concurrence a rendu la décision n° 05-D-67 suivante :

"Article 1er : la société Signeurop (venant aux droits de la société Natanni) est mise hors de cause.

Article 2 : il n 'est pas établi que la société SAR a enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 3 : il est établi que les sociétés CRA Unidoc, Somaro et Viamark ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

• Article 4 : sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

* 2 500 euro pour la société CRA.

* 132 000 euro pour la société Viamark

* 1 000 000 euro pour la société Somaro,

* 250 000 euro pour la société Unidoc."

LA COUR :

Vu le recours en annulation, subsidiairement en réformation, formé contre cette décision par la société par actions simplifiées Unidoc le 23 décembre 2005 ;

Vu le mémoire déposé le 8 février 2006 par la société Unidoc à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique du 24 mai 2006, par lequel cette dernière demande à la cour de :

- à titre principal, sur la procédure :

• constater l'acquisition de la prescription à son égard, un délai de plus de trois ans s'étant écoulé entre le dernier acte d'instruction et la saisine du Conseil de la concurrence

• à titre subsidiaire, constater l'acquisition de la prescription à son égard, en raison de son interruption artificielle par le rapporteur,

• constater la rupture de l'égalité des armes entre les parties en raison du délai écoulé depuis les faits, en conséquence, constater la nullité de la procédure,

• dire que les autorités de poursuite ont violé le principe de la présomption d'innocence, en conséquence constater la nullité de la procédure,

• constater la nullité de la procédure en raison de l'absence de la lettre de demande d'enquête du ministre au dossier,

- à titre subsidiaire, sur le fond,

• constater que les preuves relevées par le Conseil de la concurrence sont insuffisantes à démontrer sa participation à une entente sur l'un quelconque des marchés visés par la prévention, la renvoyer des fins de la poursuite

• à titre subsidiaire, constater que sa participation à une entente n'est pas établie sur le marché du Conseil général en 1992, constater la situation particulièrement délicate dans laquelle elle se trouve aux plans économique et stratégique, constater la particulière sévérité de la sanction infligée par le Conseil,

• en conséquence infirmer la décision et statuer ce que de droit en tenant compte de sa situation en prononçant une réduction significative de la sanction pécuniaire infligée;

Vu les observations écrites du Conseil de la concurrence en date du 18 avril 2006;

Vu les observations écrites du ministre chargé de l'Economie en date du 13 avril 2006;

Vu les observations écrites du Ministère public, mises à la disposition des parties à l'audience;

Ouï à l'audience publique du 6 juin 2006, en leurs observations orales, la société requérante et son conseil, qui ont eu la parole en dernier, ainsi que le représentant du ministre chargé de l'Economie et le Ministère public;

Sur ce:

Considérant que l'article L. 462-7 du Code de commerce, en sa rédaction applicable aux faits de la cause, dispose que le Conseil ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction;

Considérant que pour écarter l'exception de prescription invoquée par la société Unidoc notamment, le Conseil a retenu que la prescription avait été interrompue, entre la saisine du ministre du 30 décembre 1996 et la notification de griefs du 2 décembre 2004, par :

- une demande de pièces complémentaires adressée le 4 février 1999 par le rapporteur à la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de Lille,

- des courriers adressés par le rapporteur le 20 décembre 2001 aux sociétés Prosign, Unidoc et SAR pour leur demander la communication de leurs bilans et comptes de résultats ainsi que des modifications éventuellement intervenues dans leur actionnariat, raison sociale ou filiales,

- les réponses fournies par ces trois sociétés datées, pour la société Unidoc, du 31 décembre 2001, pour la société SAR, du 10 janvier 2002 et pour la société Prosign, du 8 février 2002, ces réponses, dans la mesure où elle font expressément référence à la demande du rapporteur, interrompant également la prescription ;

Considérant que c'est à juste titre que la société Unidoc critique la prise en compte, pour la computation du délai de prescription, de ces courriers en réponse dès lors que des courriers d'entreprises répondant aux questions du rapporteur ne constituent pas des actes tendant à la recherche, la constatation ou la sanction des pratiques visées par l'instruction, au sens de l'article L. 462-7 susvisé, peu important que les demandes du rapporteur revêtent elles-mêmes un tel caractère ;

Qu'il suit de là, aucun acte interruptif n'ayant été accompli entre le 20 décembre 2001 et le 22 décembre 2004, que la prescription était acquise à cette dernière date ;

Que la décision déférée doit dès lors être réformée en ce sens ;

Par ces motifs, Réforme la décision du Conseil de la concurrence n° 05-D-67 en date du 6 décembre 2005 mais seulement en ses articles 3 et 4, en ce qu'elle retient la culpabilité de la société Unidoc sur le fondement de l'article L. 420-1 du Code de commerce et lui inflige une sanction pécuniaire de 250 000 euro, Et statuant à nouveau de ce chef, Constate l'acquisition de la prescription au profit de la société Unidoc ; Met cette dernière hors de cause; Laisse les dépens, à la charge du Trésor Public.