CA Paris, 1re ch. H, 4 juillet 2006, n° 2005-23732
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Trans Côte d'Azur (Sté)
Défendeur :
Planaria (EURL), Congrégation cistercienne de l'immaculée conception, Commune de Cannes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Conseillers :
Mmes Horbette, Mouillard
Avoués :
Me Blin, SCP Hardouin, SCP Taze Bernard & Belfayol Broquet, SCP Varin Petit
Avocats :
Mes Germani, Macagno, Lepage, Guerrini
Les îles de Lérins, situées à 800 mètres au large de Cannes, sont composées de deux grandes îles, l'île Sainte Marguerite (170 hectares) et l'île Saint Honorat (40 hectares), et de deux îlots, l'îlot de la Tradelière et l'îlot Saint-Féréol.
La desserte de ces îles n'est assurée que par des compagnies privées.
Le présent litige intéresse la desserte de l'île Saint Honorat, qui est séparée de l'île Sainte-Marguerite par un bras de mer de 600 mètres et qui peut être ralliée de Cannes en 20 minutes.
Cette île a la particularité d'être une île privée puisque, hormis la fraction qui relève du domaine public maritime, c'est la Congrégation cistercienne de l'immaculée conception (ci-après la Congrégation), association soumise au titre III de la loi du 1er juillet 1901, qui est propriétaire de la totalité des parcelles qui la composent. L'île a été déclarée site classé par un arrêté ministériel du 17 septembre 1941 et comporte, notamment, différents monuments de l'époque médiévale, dont un monastère fortifié, classé monument historique en 1840.
La Congrégation exerce une activité d'hôtellerie ainsi que de production et vente de différents biens de consommation. Elle accueille pendant la journée des visiteurs, qui sont admis à pénétrer dans l'église abbatiale et à participer à des offices liturgiques avec la communauté monastique, composée d'une trentaine de moines, étant précisé que, n'étant pas une association cultuelle soumise à la loi de 1905, elle n'est pas tenue d'assurer le culte pour les visiteurs.
Le domaine public est constitué des terres immergées du littoral jusqu'à la laisse des plus hautes mers. Il est inaliénable et imprescriptible, son propriétaire est l'Etat et sa gestion est confiée au préfet.
En 1989, l'île comprenait, en dehors d'un port-abri et d'une digue reliant l'église et l'abbaye au monastère fortifié, deux pontons et trois débarcadères s'avançant dans la mer, ayant le caractère de dépendances du domaine public maritime, et qui sont reliés à l'île par des escaliers privés construits sur le rocher.
Par un arrêté du 24 août 1989, le préfet des Alpes-Maritimes a accordé à la Congrégation, en contrepartie d'une redevance annuelle (qui s'élève actuellement à 3 139 euro), la concession pour trente ans à compter du 1er janvier 1989 de l'utilisation des dépendances du domaine public maritime pour le maintien, l'aménagement, l'entretien et l'exploitation de cinq ouvrages d'accostage sur le littoral de l'île Saint Honorat. Selon le cahier des charges, ces cinq ouvrages d'accostage occupent 389 m2 du domaine public maritime ainsi répartis :
- ouvrage n° 10 ponton (39 m2);
- ouvrage n° 11 : ponton (70 m2);
- ouvrage n° 12 débarcadère (110 m2);
- ouvrage n° 13 débarcadère (35 m2);
- ouvrage n° 14 débarcadère (135 m2).
La Congrégation est autorisée à confier à des tiers l'utilisation de tout ou partie de l'installation, étant observé que seuls les débarcadères n° 12 et n° 14 sont susceptibles d'être utilisés pour l'accostage de compagnies de transport maritime, les n° 10, n° 11 et n° 13 ne pouvant accueillir que des navires de plaisance. Ces ouvrages ont du reste été abandonnés par la Congrégation qui n'en avait pas l'utilité et qui a été autorisée à les faire démolir.
Sur le fondement de cette concession, la Congrégation a, pendant une dizaine d'années, autorisé plusieurs compagnies maritimes cannoises à accoster sur les ouvrages concédés, parmi lesquelles se trouvait la société Trans Côte d'Azur. Créée en 1990, cette société avait développé une activité essentiellement touristique de promenade en mer avec navette régulière vers les îles de Lérins, étendue ensuite. Elle dessert aujourd'hui l'île Sainte-Marguerite, au départ de Cannes, et la ligne Nice-Cannes-Saint-Tropez. Elle assure également d'autres liaisons notamment avec Porquerolles et Monaco.
Le 12 juin 1998, le préfet des Alpes-Maritimes a interdit tout accostage sur l'ouvrage n° 14, après avoir constaté que son état de dégradation le rendait dangereux pour le public, laissant ainsi le seul débarcadère n° 12 affecté à l'accostage des navires de transport de passagers.
Le 12 janvier 1999, la Congrégation a créé la société Planaria pour assurer la desserte de l'île, puis la lui a confiée en exclusivité.
Le 6 mars 2000, l'interdiction de l'appontement n° 14 a été levée, à la suite de sa reconstruction mais, parallèlement, l'ouvrage n° 12 a été fermé, puis démoli. Toutefois, l'appontement n° 14 est demeuré interdit d'accès en dehors des périodes d'utilisation par la société Planaria, en vertu d'une lettre circulaire adressée le 22 mars 2000 par le préfet des Alpes-Maritimes aux différentes compagnies maritimes de la région cannoise.
Par deux décisions implicites du 24 avril 2000, le préfet a refusé d'enjoindre à la Congrégation de rétablir le droit des usagers sur le domaine public maritime et les ouvrages publics d'accostage de l'île et a refusé de rétablir les conditions matérielles et juridiques permettant une desserte concurrentielle de l'île Saint-Honorat.
Cette situation a suscité diverses procédures contentieuses qui ont donné lieu aux décisions suivantes :
- par ordonnance du 7 juin 2000, le président du Tribunal de grande instance de Grasse a fait interdiction à la société Trans Côte d'Azur d'accoster sur le ponton n° 14 de l'île Saint-Honorat ; cette ordonnance a été confirmée par un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 14 décembre 2001;
- la lettre-circulaire du 22 mars 2000 et les deux décisions de rejet du 24 avril 2000 du préfet des Alpes-Maritimes ont été annulées par un jugement du 15 avril 2003 du Tribunal administratif de Nice ; ce jugement a été frappé d'appel et l'instance est pendante devant la Cour administrative d'appel de Marseille.
C'est dans ces conditions que le 8 juillet 2005, la société Trans Côte d'Azur a saisi le Conseil de la concurrence, en invoquant une entente impliquant la Congrégation, la société Planaria, l'Etat et la commune de Cannes ainsi qu'un abus de position dominante de la part de la Congrégation et de la société Planaria, dénonçant à ce titre :
- la démolition de 4 des 5 ouvrages d'accostage de l'île Saint-Honorat et l'établissement de clôtures sur l'unique appontement subsistant sur l'île ;
- la création d'une société commerciale ad hoc, dont la Congrégation est l'unique associée, la société Planaria ;
- l'attribution, à cette société commerciale, d'une part, du droit d'utiliser à titre exclusif l'unique ouvrage d'accostage de l'île et, d'autre part, du droit de pénétrer dans l'île en usant du droit de propriété de la Congrégation et en excluant ainsi tout libre-accès aux dépendances du domaine public maritime.
Elle demandait également, à titre de mesures conservatoires, qu'il soit enjoint à la Congrégation et la société Planaria de cesser immédiatement l'exploitation monopolistique de l'unique ouvrage d'accostage de l'île Saint-Honorat en rétablissant :
- un libre-accès à l'appontement pour l'ensemble des compagnies de transport maritime,
- un libre-accès pour l'ensemble des usagers débarqués aux parties de l'île ouvertes au public et à tous ses rivages relevant du domaine public maritime, le tout, sous astreinte de 5% du chiffre d'affaires moyen journalier réalisé par la société Planaria par jour de retard en cas d'inexécution de la décision à intervenir dans le délai d'un mois à compter de sa notification.
Le 8 novembre 2005, le Conseil de la concurrence a rendu la décision n° 05-D-60 suivante :
"Article 1er : la saisine au fond enregistrée sous le numéro 05/0047 F est rejetée.
Article 2 : la demande de mesures conservatoires enregistrée sous le numéro 05/0048 M est rejetée."
LA COUR :
Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation formé le 9 décembre 2005 par la société Trans Côte d'Azur ;
Vu le mémoire déposé le 5 janvier 2006, soutenu par son mémoire en réplique du 5 mai 2006, par lequel la société Trans Côte d'Azur demande à la cour de :
- annuler la décision n° 05-D-60 du Conseil ;
- juger que la Congrégation et la société Planaria abusent d'une situation de position dominante prohibée par l'article L. 420-2 du Code de commerce ;
- juger que la Congrégation, la société Planaria, l'Etat et la commune de Cannes participent ou profitent d'une action concertée au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;
- sur le fondement de l'article L. 464-1 et suivants dudit code, enjoindre à la Congrégation et à la société Planaria de cesser immédiatement l'exploitation monopolistique de l'unique ouvrage d'accostage de l'île Saint Honorat en rétablissant :
- un libre-accès pour l'appontement pour l'ensemble des compagnies de transport maritime,
- un libre-accès pour l'ensemble des usagers débarqués aux parties de l'île ouvertes au public et à tous ses rivages relevant du domaine public maritime;
- en cas d'inexécution de la décision à intervenir leur ordonnant de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans le délai d'un mois à compter de sa notification, leur appliquer une astreinte de 5 % du chiffre d'affaires moyen journalier réalisé par Planaria par jour de retard ;
- infliger à Planaria une sanction pécuniaire à hauteur de 5 % du chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours des exercices clos depuis la création de la société ;
- ordonner la publication de la décision à intervenir ;
- condamner tout succombant aux dépens de première instance et d'appel avec faculté de recouvrement direct par application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les mémoires en réponse de la Congrégation, déposés le 6 mars 2006 et le 5 mai 2006, par lesquels cette dernière demande à la cour, à titre principal, d'infirmer la décision du Conseil de la concurrence en reconnaissant l'incompétence de la juridiction judiciaire du fait de la non-application du droit de la concurrence, subsidiairement, de confirmer la décision et de condamner la société Trans Côte d'Azur à lui payer une somme de 10 000 euro pour procédure abusive et une autre de 7 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, enfin de la condamner aux dépens avec application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu le mémoire en réponse de la société Planaria, déposé le 3 mars 2006, par lequel cette dernière demande à la cour de confirmer la décision attaquée, de débouter la société Trans Côte d'Azur de ses demandes, de constater qu'il n'existe qu'un seul marché pertinent, celui du transport de passagers du continent à l'île Sainte-Marguerite et qu'il n'existe aucun marché pertinent du transport de passagers du continent à l'île de Saint-Honorat, à titre subsidiaire, de constater que la situation de monopole dénoncée se trouve justifiée par des nécessités objectives, de constater le caractère infondé et l'absence de nécessité des mesures conservatoires, en tout état de cause, de condamner la société Trans Côte d'Azur à lui verser la somme de 8 000 euro au titre des frais irrépétibles outre les dépens avec faculté de recouvrement conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les conclusions de la commune de Cannes en date du 6 mars, du 30 mars et du 12 mai 2006 par lesquelles cette dernière poursuit la confirmation de la décision du Conseil de la concurrence en ce qu'il a décliné sa compétence pour statuer sur les demandes formées contre elle par la société Trans Côte d'Azur, demandant subsidiairement, le rejet des prétentions de la société Trans Côte d'Azur, et réclame à cette société une somme de 8 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les observations écrites du Conseil de la concurrence en date du 10 avril 2006, tendant au rejet du recours ;
Vu les observations écrites du ministre chargé de l'Economie, en date du 13 avril 2006, tendant au rejet des recours et invitant la cour, à titre principal, à constater que le litige met en cause des actes administratifs mettant en œuvre des prérogatives de puissance publique dont le contentieux échappe à l'appréciation du Conseil de la concurrence et, à titre subsidiaire, à confirmer l'appréciation du Conseil selon laquelle les faits dénoncés par la saisine ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants pour caractériser une entente ou un abus de position dominante au sens des articles L. 420-1 ou L. 420-2 du Code de commerce et, par voie de conséquence, à rejeter conformément aux dispositions de l'article L. 462-8 du Code de commerce la demande de mesures conservatoires ;
Vu les observations écrites du Ministère public, mises à la disposition des parties à l'audience, tendant au rejet du recours ;
Ouï à l'audience publique du 16 mai 2005, en leurs observations orales, les conseils des parties, ainsi que le représentant du ministre chargé de l'Economie et le Ministère public, chaque partie ayant été mise en mesure de répliquer ;
Sur ce :
Considérant que, pour rejeter les demandes de la société Trans Côte d'Azur faute d'éléments probants en application de l'article L. 462-8 du Code de commerce, le Conseil de la concurrence a, tout d'abord, retenu qu'il était incompétent pour connaître :
- de l'autorisation de démolition de l'appontement n° 12,
- de l'attribution à la Congrégation du droit exclusif d'utilisation et d'entretien des ouvrages d'accostage de l'île dans le cadre de la convention du 24 août 1989,
- du refus allégué d'exécuter le jugement du Tribunal administratif de Nice du 15 avril 2003,
- de celui de faire respecter l'arrêté de police inter-préfectoral du préfet des Alpes-Maritimes et du préfet maritime de la troisième région maritime en date du 24 juillet 1989, relatif à la durée des débarquements et des stationnements sur les ouvrages d'accostage des îles de Lérins, qui constituent des décisions à caractère administratif prises par le préfet en vertu de ses prérogatives de puissance publique pour répondre aux missions de service public qui lui incombent en qualité de représentant de l'Etat et de gestionnaire du domaine public maritime,
- des refus de la ville de Cannes d'intervenir pour constater une infraction au Code de l'urbanisme, à savoir l'édification sans autorisation d'une clôture sur le débarcadère n° 14 permettant de réserver l'exclusivité à la société Planaria, et pour organiser les transports maritimes pour la desserte des îles de Lérins, alors qu'elle est devenue l'autorité organisatrice des transports publics de personnes en vertu de la loi n° 2002-267 du 27 février 2002 modifiant la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, qui constituent des décisions administratives prises par la commune dans le cadre de sa mission de service public avec usage de ses prérogatives de puissance publique ;
Qu'il a en revanche retenu sa compétence pour apprécier si l'activité de transport de passagers mise en œuvre par la Congrégation par l'intermédiaire de la société Planaria pour desservir l'île Saint Honorat respectait le jeu de la concurrence, dès lors qu'elle constitue une activité commerciale de prestation de services, étrangère à une mission de service public, s'agissant du transport de passagers vers une île privée ;
Qu'en conséquence de ces constatations préliminaires, il a estimé que, la légalité des décisions administratives prises par la commune de Cannes et l'Etat ne pouvant être discutée devant lui, le grief d'entente ne pouvait concerner que la Congrégation et la société Planaria ; qu'il a cependant constaté que la Congrégation était l'unique associé de la société Planaria, qui est une EURL et dont le gérant est l'un de ses moines, de sorte que cette dernière ne peut être considérée comme autonome par rapport à la Congrégation, et en a déduit qu'il ne peut exister une entente, au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce, entre la Congrégation et sa propre société de transport ;
Que, s'agissant du reproche d'abus de position dominante, il a observé que la Congrégation est en situation de monopole sur le marché de la desserte de l'île Saint-Honorat, puisqu'elle détient l'exclusivité de l'utilisation du ponton n° 14 - qui seul autorise l'accostage des navires transportant des passagers - qu'elle a réservée à sa propre compagnie de transport de passagers ;
Qu'il a rappelé le principe selon lequel un opérateur en position dominante sur un marché donné ne peut utiliser cette position dominante pour se réserver un marché connexe, sauf justifications objectives et à condition qu'aucun autre moyen moins attentatoire à la concurrence ne permette d'aboutir au même résultat ;
Qu'il a relevé à cet égard qu'en procédant comme elle l'a fait, la Congrégation avait étendu son monopole du transport des passagers à destination de la partie privée de l'île à celui des passagers qui ne seraient candidats qu'à la visite du domaine public, mais a toutefois retenu que cette extension répondait à la nécessité objective de préserver la tranquillité du site monastique et de sauvegarder l'intégrité du site classé ; que, pour se déterminer ainsi, il s'est fondé, en premier lieu, sur la géographie particulière des lieux, le domaine public étant restreint et peu propice à la circulation (s'agissant d'un îlot rocheux qui domine la mer de 1 mètre à 1 mètre 50, ce domaine est constitué de la partie de rochers qui le ceinture, difficilement praticable car il n'existe pas de chemin permettant de faire le tour de l'île sans pénétrer dans la propriété privée de la Congrégation), en second lieu, sur le caractère privé de l'île qui, en l'absence de clôture, ne peut être protégée des visites intempestives, en troisième lieu, sur la nécessité de contrôler le flux des visiteurs, les expériences passées s'étant révélées désastreuses à cet égard ; qu'enfin, estimant que ce flux ne pouvait être maîtrisé efficacement que par une billetterie centralisée, il en a déduit l'absence de solution alternative permettant d'atteindre les mêmes objectifs avec moins de restrictions de concurrence ;
Considérant que la société Trans Côte d'Azur fait valoir que la Congrégation exploite abusivement une infrastructure essentielle, en l'occurrence l'unique appontement d'accostage à l'île Saint-Honorat et estime que, de toute façon, l'exploitation monopolistique de cette structure ne peut être justifiée par des nécessités objectives qu'elle soutient qu'un dispositif de quotas peut être mis en œuvre et que l'appréciation du Conseil selon laquelle le littoral serait peu accueillant est erronée; qu'elle en déduit que la cour doit annuler la décision du Conseil et juger que :
la Congrégation a commis un abus de position dominante car elle a fallacieusement interprété son droit de propriété et la convention d'utilisation dont elle bénéficie pour organiser une desserte monopolistique de l'île au profit de la société Planaria dont elle est l'unique actionnaire, en usant des prérogatives de puissance publique qu'elle détient en matière d'occupation du domaine public au titre de la convention du 24 août 1989 pour accorder en dehors de toute procédure de mise en concurrence des droits exclusifs à une entreprise dans un domaine pour lequel la loi n'a créé aucun monopole de droit, et pour refuser à des entreprises concurrentes l'accès à des infrastructures essentielles ;
que l'Etat et la commune de Cannes ont pris une part active dans cette situation, le premier en autorisant la démolition de l'appontement n° 12 et en s'abstenant d'assurer l'exécution du jugement du Tribunal administratif de Nice du 15 avril 2003, l'appel n'étant pas suspensif en la matière, et celle de l'arrêté préfectoral de police organisant les conditions d'une libre concurrence de la desserte des îles de Lérins et en particulier de l'île Saint-Honorat, la seconde pour avoir refusé de poursuivre les infractions au Code de l'urbanisme et à la législation sur les sites commises par la Congrégation pour conforter le monopole de la société Planaria ;
Qu'elle ajoute que ces pratiques ont porté une atteinte grave et immédiate à l'économie du secteur concerné, à l'intérêt des consommateurs et au sien, et demande en conséquence que soient ordonnées les mesures conservatoires propres à assurer une organisation sereine de la desserte de l'île Saint-Honorat ;
Mais considérant que, pour l'essentiel, la société Trans Côte d'Azur se borne à reprendre les arguments qu'elle a déjà invoqués devant le Conseil de la concurrence et que celui-ci a écartés par des motifs pertinents que la cour adopte en leur totalité ;
Qu'au demeurant, ne sont pas critiqués les motifs par lesquels le Conseil a délimité le périmètre de sa compétence et qui rendent inopérante la prétention persistante de la société Trans Côte d'Azur à voir sanctionner la commune de Cannes ou l'Etat au titre d'une entente, entente qui n'est pas davantage constituée entre la Congrégation et la société Planaria, la seconde n'étant pas autonome par rapport à la première ;
Qu'en ce qui concerne l'abus de position dominante allégué, et même en admettant que l'appontement n° 14 puisse être qualifié d'infrastructure essentielle, ce que le Conseil n'a pas jugé utile de faire, il n'en demeure pas moins qu'il a, à suffisance, souligné que le refus opposé par la Congrégation aux autres compagnies maritimes était justifié par des nécessités objectives, étant encore observé que la société Trans Côte d'Azur ne démontre pas que la solution des quotas qu'elle préconise resterait économiquement avantageuse pour elle, alors qu'il est constant que la société Planaria ne réalise aucun bénéfice particulier puisqu'elle facture la traversée à prix quasiment coûtant (10 euro);
Qu'au surplus, la société Trans Côte d'Azur n'établit pas que le Conseil se soit livré à une appréciation erronée des circonstances de la cause, dès lors qu'elle ne verse aux débats aucun élément établissant que le domaine public de l'île serait plus vaste et plus "accueillant" que le Conseil ne l'a retenu - par une appréciation que la cour partage - au vu des pièces du dossier ; qu'elle se contredit en soutenant qu'elle souscrit au principe d'une limitation de la fréquentation de l'île mais que des quotas pourraient être fixés par décision préfectorale ou municipale, tout en faisant valoir qu'une régulation des flux est irréaliste et qu'une libre concurrence contribuerait, par la mise en place de plusieurs vedettes sur la même ligue, à mieux satisfaire la demande concentrée de fait sur les mêmes créneaux horaires, en évitant aux usagers de devoir attendre que l'unique vedette de Planaria ait effectué plusieurs traversées pour pouvoir embarquer, démontrant ainsi que sa demande a pour objet de parvenir à un accroissement sensible du flux des passagers dont précisément, le Conseil a retenu, au titre d'une nécessité objective justifiant la restriction de concurrence constatée, que la nature particulière de l'île impose qu'il soit limité ;
Que la saisine étant rejetée faute d'éléments suffisamment probants, la demande de mesure conservatoire doit l'être également ;
Que, dès lors, le recours ne peut qu'être rejeté ;
Considérant que la société Trans Côte d'Azur n'a pas fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice ; que la Congrégation doit donc être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ; Et considérant que la Congrégation, la société Planaria et la commune de Cannes ont dû exposer des frais non-compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge ; qu'il convient de leur allouer à chacune une somme de 5 000 euro à ce titre ;
Qu'enfin, la représentation des parties n'étant pas obligatoire en cette matière, les dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile sont inapplicables à la présente instance ;
Par ces motifs, Rejette le recours de la société Trans Côte d'Azur contre la décision n° 05-D-60 du Conseil de la concurrence en date 8 novembre 2005; Déboute la Congrégation cistercienne de l'immaculée conception de sa demande de dommages et intérêts ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Trans Côte d'Azur à payer à la Congrégation cistercienne de l'immaculée conception, à la société Planaria et à la commune de Cannes, à chacune, la somme de 5 000 euro et rejette sa demande ; Condamne la société Trans Côte d'Azur aux dépens.