CA Paris, 1re ch. H, 4 juillet 2006, n° 2005-23751
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
France Télécom (SA)
Défendeur :
Télécom Italia (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pezard
Conseillers :
M. Remenieras, Mme Mouillard
Avoués :
SCP Grappotte-Benetreau, Me Grappotte, Teytaud
Avocats :
Mes Clarenc, Henin
Par lettre du 14 septembre 1999, la société anonyme Neuf Télécom (ci-après Neuf Télécom) a demandé à la société anonyme France Télécom (ci-après France Télécom) de lui autoriser l'interconnexion à la paire de cuivre en mode ATM afin qu'elle puisse lancer une offre concurrente d'accès à Internet en haut débit. Ne se voyant proposer qu'une offre de revente des services de France Télécom et estimant que France Télécom abusait de sa position dominante, elle a saisi le 29 novembre 1999 le Conseil de la concurrence, assortissant cette saisine d'une demande de mesures conservatoires.
Statuant sur cette demande, le Conseil a dans sa décision n° 00-MC-01 du 18 février 2000 enjoint à France Télécom "de proposer aux opérateurs tiers, dans un délai maximum de huit semaines à compter de la notification de la présente décision, une offre technique et commerciale d'accès au circuit virtuel permanent pour la fourniture d'accès à Internet à haut débit par la technologie ADSL ou toute autre solution technique et économique équivalente permettant aux opérateurs tiers l'exercice d'une concurrence effective, tant par les prix que par la nature des prestations offertes".
Le recours formé par France Télécom contre la décision n° 00-MC-01 a été rejeté par la Cour d'appel de Paris le 30 mars 2000.
Le 18 avril 2000, France Télécom a proposé aux opérateurs tiers une offre dénommée "ADSL Connect IP" qui devait être disponible à partir du 2 mai 2000 pour une durée d'un an. L'opérateur historique a parallèlement annoncé la mise en place d'une offre dénommée "ADSL Connect ATM", destinée à se substituer à la première en octobre 2000, une phase expérimentale devant toutefois être lancée à compter du 1er juillet 2000.
Le 15 février 2001, Neuf Télécom a saisi le Conseil de la concurrence du non-respect par France Télécom de l'injonction prononcée à son encontre le 18 février 2000.
Dans sa décision n° 04-D-18 du 13 mai 2004, le Conseil a constaté qu'au 1er décembre 2000, France Télécom ne s'était pas conformée à l'injonction et lui a infligé une sanction pécuniaire de 20 millions d'euro.
La cour d'appel a confirmé cette analyse par arrêt du 11 janvier 2005 et a alourdi la sanction à hauteur de 40 millions d'euro ; le pourvoi formé contre cette décision a été rejeté par arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 14 mars 2006.
Sur le fond, une notification de griefs a été adressée par le Conseil de la concurrence à France Télécom le 8 septembre 2004 pour violation des dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce. Par le grief n°1, il était reproché à France Télécom d'avoir autorisé l'accès de ses concurrents à son réseau local dans des conditions restrictives injustifiées, et par conséquent d'avoir empêché, restreint et faussé le jeu de la concurrence entre elle et les autres opérateurs de réseau ou FAI sur le marché de détail et sur le marché amont du haut débit par ADSL. Dans le grief n° 2, il était reproché à France Télécom d'avoir refusé la demande faite par Neuf Télécom d'accès au circuit virtuel permanent en mode ATM à sa boucle locale, et par conséquent d'avoir empêché, restreint et faussé le jeu de la concurrence sur le marché de détail et amont du haut débit par ADSL.
Par décision n° 05-D-59 du 7 novembre 2005, le Conseil a infligé à France Télécom une sanction pécuniaire de 80 millions d'euro. Sur le second grief, il a estimé que la pratique de refus d'accès était avérée le 9 novembre 1999. Sur le premier grief, il a constaté que les conditions de l'offre "ADSL Connect ATM" du 1er décembre 2000 étaient restrictives et injustifiées et que cette offre n'a donc pas mis fin au refus d'accès à son réseau opposé par France Télécom. Le Conseil a retenu en conséquence qu'en refusant du 9 novembre 1999 au 15 septembre 2002 l'accès à son réseau, France Télécom a abusé de sa position dominante sur la boucle locale et son prolongement jusqu'au Broadband Access Server exclu, ce qui a eu pour objet et pour effet de maintenir artificiellement son quasi-monopole sur le marché amont du haut débit par l'ADSL.
LA COUR :
Vu la déclaration de recours de France Télécom déposée le 9 décembre 2005;
Vu l'exposé des moyens déposé le 10 janvier 2006, les conclusions déposées le 10 février 2006 et les conclusions déposées le 24 avril 2006 aux termes desquelles il est demandé par France Télécom à la cour de :
- Accorder à France Télécom l'entier bénéfice de son recours, de ses conclusions du 10 février 2006 et des conclusions en réplique ;
- Constater et dire que les observations du Conseil de la concurrence et du ministre de l'Economie au soutien de la décision sont inopérantes et entachées d'un défaut caractérisé de réponse circonstanciée aux moyens, faits et arguments du recours ;
- Déclarer irrecevable la demande d'intervention principale de Télécom Italia du 8 mars 2006, comme manquant aux exigences des articles 67, 325 et 329 du nouveau Code de procédure civile, et rejeter ses prétentions ;
- Déclarer irrecevable le mémoire de Télécom Italia du 12 avril 2006, comme abusivement tardif et méconnaissant à la fois le calendrier des débats contradictoires fixé par la cour et les droits de la défense, ainsi que la nouvelle prétention formée dans ce mémoire ;
- Recevoir France Télécom en ses deux moyens nouveaux et supplémentaires d'annulation de la décision, le premier tiré de la violation de l'article L. 463-1 et des droits de la défense par l'omission d'une formalité substantielle dans le dossier de la procédure, le second tiré de la rupture de l'égalité des armes résultant de l'ajout par le Conseil, dans ses observations à la cour, d'éléments à charge ne figurant pas dans sa décision ;
- A titre principal, annuler la décision ;
- A titre subsidiaire, réformer l'article 1er de la décision en disant que l'infraction imputée est dépourvue de base légale et entachée d'erreurs manifestes et d'un grave défaut de motivation pertinente et circonstanciée, et que, vu les éléments du dossier, aucune infraction ne saurait être valablement retenue à l'encontre des faits et pratiques en cause ;
- A titre très subsidiaire, réformer l'article 2 de la décision, en disant que la sanction de 80 millions d'euro est dépourvue de base légale, entachée de graves erreurs, contradictions et carences et d'un défaut manifeste de motivation pertinente et circonstanciée, et en tout état de cause disproportionnée, et que, vu la réalité des faits et des circonstances en cause, aucune sanction, sauf symbolique ou en tout cas extrêmement réduite, ne saurait être valablement infligée ;
- Condamner Télécom Italia à verser à France Télécom la somme de 25 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC ;
- Condamner le Trésor Public aux entiers dépens ;
Vu la demande en intervention volontaire principale de Télécom Italia déposée le 8 mars 2006 et les conclusions déposées le 12 avril 2006 aux termes desquelles il est demandé à la cour de :
- Accorder à Télécom Italia l'entier bénéfice de sa demande d'intervention volontaire dénoncée le 8 mars 2006 à France Télécom ainsi que des conclusions ;
- Déclarer recevable l'intervention volontaire principale de Télécom Italia ;
- Rejeter le recours de France Télécom ;
- Confirmer la décision n° 05-D-59 du 7 novembre 2005 du Conseil de la concurrence en ce qu'elle a établi que France Télécom a enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce ;
- Réformer la décision n° 05-D-59 du 7 novembre 2005 du Conseil de la concurrence du chef du montant de la sanction pécuniaire prononcée contre France Télécom ;
- Aggraver la sanction pécuniaire prononcée contre France Télécom ;
- Enjoindre à France Télécom de justifier de la conformité et de l'exactitude des éléments chiffrés communiqués au Conseil aux fins de détermination de la sanction pécuniaire au regard des dispositions de l'article L. 464-2 du Code de commerce ;
- Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans deux quotidiens nationaux d'information générale et politique ;
- Condamner France Télécom à verser à Télécom Italia une somme de 25 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- Condamner France Télécom aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Teytaud ;
Vu les observations écrites du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie déposées le 7 mars 2006 ;
Vu les observations écrites du Conseil de la concurrence déposées le 13 mars 2006 ;
Vu les observations écrites du Ministère public tendant au rejet du recours, mises à la disposition des parties à l'audience ;
Ouï à l'audience publique du 9 mai 2006 en leurs observations, les conseils des parties, le représentant du ministre de l'Economie et le Ministère public, le conseil de la requérante ayant eu la parole en dernier ;
Sur ce :
I - Sur l'intervention volontaire de Télécom Italia :
Considérant que Télécom Italia demande à la cour de déclarer recevable son intervention volontaire principale ;
Considérant que les dispositions des articles 328 à 330 du nouveau Code de procédure civile, auxquelles il n'est pas dérogé par le décret n° 87-849 du 19 octobre 1987 et qui ne sont pas incompatibles avec la nature propre du contentieux de la concurrence, sont applicables aux procédures suivies devant la cour sur les recours exercés contre les décisions du Conseil de la concurrence ; que l'intervention volontaire principale de Télécom Italia qui vient aux droits des sociétés Tiscali Télécom et Tiscali Acces, qui venaient elles-mêmes aux droits des sociétés LST et Liberty Surf respectivement opérateur et FAI, sera déclarée irrecevable pour défaut d'intérêt personnel et direct à agir ; qu'en effet, cet intérêt ne peut être inféré comme l'affirme l'intervenante de la seule référence catégorielle aux "FAI concurrents de Wanadoo" visée au paragraphe 126 de la décision;
II - Sur les moyens d'annulation de la décision déférée
Sur la violation de l'article L. 463-1 du Code de commerce et de l'article L. 36-10 du Code des postes et des communications électroniques
Considérant d'une part que la requérante invoque une violation du principe du contradictoire posé à l'article L. 463-1 du Code de commerce et des droits de la défense en ce que la lettre du 21 septembre 2000 par laquelle le Conseil sollicitait l'avis de l'ART sur les pratiques dénoncées au fond par Neuf Télécom n'a pas été communiquée au cours de l'instruction et de la procédure devant le Conseil ; que d'autre part elle reproche au Conseil d'avoir méconnu l'article L. 36-10 du Code des postes et des communications électroniques dans la mesure où la révélation a posteriori par le Conseil de l'existence de la lettre du 21 septembre 2000 précitée, et de la réponse de l'ART du 22 décembre 2000, ne saurait rétrospectivement leur conférer une existence et une valeur juridique dans la procédure ; que France Télécom considère au surplus que le Conseil n'aurait pas satisfait à son obligation de recueillir l'avis de l'ART en ce que l'Autorité lui a indiqué ne pas être en mesure d'émettre un avis sur les pratiques dénoncées et l'a invité à solliciter un avis ultérieurement ;
Mais considérant qu'il résulte du courrier de l'ART, en date du 22 décembre 2000, que, sollicitée le 21 septembre 2000 par le Conseil de la concurrence de donner son avis sur la procédure en cours, cette autorité, qui était alors saisie de plusieurs contentieux relatifs d'une part à la mise en œuvre du dégroupage de la paire de cuivre et d'autre part, aux conditions tarifaires appliquées par France Télécom dans le cadre de son offre d'interconnexion en mode ATM proposée à la suite de la décision du Conseil n° 00-MC-01 du 18 février 2000, a choisi de ne pas émettre d'avis sur les demandes au fond de Neuf Télécom, afin de ne pas être conduite "à se prononcer par avance et hors de toute procédure contradictoire, sur le dispositif qu'elle sera amenée à décider in fine dans le cadre de ces contentieux"; qu'il s'ensuit que le Conseil de la concurrence a satisfait aux dispositions de l'article L. 36-10 du Code des postes et des télécommunications électroniques, peu important que la demande d'avis, dont l'existence est ainsi avérée, n'ait été produite qu'en cause d'appel, cette communication tardive ne faisant pas grief aux parties;
Sur la rupture de l'égalité des armes
Considérant que France Télécom fait valoir que les observations du Conseil de la concurrence comportent une "imputation extrêmement grave ajoutant à celles retenues dans la décision" dont il ressort que le retard dans le déploiement des réseaux alternatifs à celui de France Télécom aurait concerné non seulement l'option 3 mais aurait également "empêché les opérateurs concurrents de se préparer au dégroupage"; qu'ainsi, "les opérateurs, plus mal préparés, ont dû retarder leurs investissements dans le dégroupage qui a dû attendre une année supplémentaire pour décoller commercialement";
Mais considérant que la faculté offerte au Conseil par l'article 9, alinéa 1er, du décret du 19 octobre 1987, de présenter dans la procédure du recours, des observations écrites portées à la connaissance des parties, ne porte pas atteinte par elle-même aux droits de l'entreprise poursuivie à un procès équitable, dès lors que cette dernière dispose de la faculté de répliquer par écrit et oralement à ces observations ; qu'en outre, le Conseil a dans sa décision (paragraphe 131) énoncé que "l'importance du dommage à l'économie doit s'apprécier en prenant en compte que la pratique reprochée à France Télécom s' est traduite par un retard important pris par l'entrée des opérateurs concurrents sur ce marché. Ce n'est, qu'à partir du début de l'année 2003 que des offres alternatives à l'option 5 de France Télécom ont été proposées par des opérateurs téléphoniques concurrents de France Télécom basées sur la mise en œuvre effective du dégroupage de la bouche locale (option 1)"; qu'il a ainsi expressément pris en compte dans son appréciation du dommage causé à l'économie le retard pris dans le développement du dégroupage;
Sur la violation du principe d'impartialité
Considérant que France Télécom poursuit l'annulation de la décision pour non-respect du principe d'impartialité posé par l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales en ce que le Conseil s'est prononcé dans une formation comportant trois des membres ayant statué dans la décision n° 04-D-18 sur l'exécution de l'injonction prononcée à titre conservatoire par la décision n° 00-MC-01, dont un vice-président qui a mené les débats ;
Mais considérant que le Conseil, dans sa décision n° 04-D-18, s'est borné à constater le manquement de France Télécom à l'injonction prononcée par la décision n° 00-MC-01 ; qu'il n'a pas porté d'appréciation sur le fond de l'affaire ; qu'il ne peut dès lors pas lui être reproché d'avoir statué en l'espèce en ayant manqué au principe d'impartialité ;
Sur la violation de l'autorité de la chose établie
Considérant que la requérante soutient que l'infraction de refus d'accès imputée par la décision n° 05-D-59 pour la période allant du 18 février au 1er décembre 2000 est illégale comme manifestement contraire aux décisions n° 00-MC-01 et 04-D-18 ; que selon elle, l'incrimination serait contraire à la décision n° 00-MC-01 pour la période du 18 février au 18 avril 2000 en ce que cette dernière aurait mis fin au refus d'accès en lui enjoignant la fourniture d'une offre d'accès dans un délai pendant lequel l'infraction ne saurait être retenue à sa charge ; que par ailleurs, l'incrimination serait contraire à la décision n° 04-D-18 pour la période du 18 avril au 1er décembre 2000, en ce que cette décision aurait "admis comme non-répréhensible" le retard pris pour le lancement effectif le 1er décembre 2000 de l'offre enjointe ;
Mais considérant, d'une part, que dès lors que le délai de deux mois accordé à France Télécom pour se conformer aux mesures conservatoires était un délai de nature purement technique ne lui conférant pas d'impunité, l'infraction ne pouvait être retenue pendant cette période sans porter atteinte au principe de l'autorité de la chose établie par la décision n° 00-MC-01 ; que d'autre part, si le Conseil a, dans sa décision n° 04-D-18, déclaré sans objet de se prononcer sur le respect du délai de deux mois imparti au motif que l'offre présentée le 1er décembre 2000 ne respectait pas l'injonction, la requérante ne pouvait en inférer le caractère non-répréhensible du retard, le Conseil ayant jugé par ailleurs que l'offre " ADSL Connect IP " présentée le 18 avril 2000 aux opérateurs n'était déjà pas conforme à l'injonction ; que dès lors, le Conseil pouvait retenir une infraction pour la période du 18 avril au 1er décembre 2000, sans porter atteinte à l'autorité de la chose établie par la décision n° 04-D-18 ;
Sur la violation de la règle non bis in idem
Considérant que la requérante reproche à la décision n° 05-D-59 d'avoir violé la règle non bis in idem en sanctionnant les tarifs de l'offre "ADSL Connect ATM" appliqués du 1er décembre 2000 au 15 septembre 2002 comme constitutifs d'une pratique anti-concurrentielle de ciseau tarifaire, alors que cette pratique aurait déjà été condamnée par la décision n° 04-D-18 ;
Mais considérant que, s'il est constant que l'on ne peut sanctionner deux fois les mêmes infractions, cette règle n'interdit pas de condamner un manquement à des mesures conservatoires d'une part, et un comportement au fond d'autre part, même s'ils résultent des mêmes faits, sous réserve de ne pas dépasser la limite de la sanction maximale ; que la décision n° 04-D-18 sanctionne le non-respect de l'injonction imposée par la décision n° 00-MC-01 alors que la décision n° 05-D-59 se rapporte aux pratiques anti-concurrentielles en elles-mêmes ;
Sur la violation du principe de saisine in rem
Considérant que la requérante reproche à la décision déférée d'avoir violé le principe de saisine in rem en qualifiant la pratique de ciseau tarifaire imputée pour la période du 1er décembre 2000 au 15 septembre 2002 de pratique de refus d'accès ; qu'elle estime que cette pratique constitue une pratique distincte qui ne peut être regardée comme la poursuite dans les mêmes conditions et avec le même effet que la pratique de refus d'accès; que d'ailleurs elle a été justement qualifiée de pratique d'octroi d'accès dans des conditions restrictives injustifiées par la décision n° 04-D-18 ;
Mais considérant que la pratique de ciseau tarifaire imputée aux tarifs de l'offre "ADSL Connect ATM" appliqués du 1er décembre 2000 au 15 septembre 2002 est en réalité une modalité de l'infraction de refus d'accès en ce qu'elle a pour effet d'interdire l'interconnexion en mode ATM des concurrents de la requérante et par voie de conséquence, de maintenir son quasi-monopole sur le marché amont du haut-débit par l'ADSL ; que dans ces conditions, la pratique reprochée est constitutive d'une infraction continue de refus d'accès ;
Sur la violation des droits de la défense
Considérant que la requérante fait valoir que l'imputation d'une infraction du 18 février 2000 au 15 septembre 2002 viole les droits de la défense en méconnaissant la règle selon laquelle le Conseil ne peut condamner que des faits visés, examinés et poursuivis dans les griefs notifiés et le rapport ; que dès lors, l'infraction imputée jusqu'en septembre 2002 serait privée de base légale au regard des griefs notifiés en ce que ceux-ci ne visent que les faits antérieurs à la décision n° 00-MC-01 du 18 février 2000;
Mais considérant que l'ensemble des faits visés dans les griefs du 8 septembre 2004 est constitutif d'une infraction continue ; que France Télécom n'a mis fin aux pratiques telles que notifiées que le 15 septembre 2002 ; qu'en outre, comme elle l'indique dans ses écritures, France Télécom a pu contester contradictoirement la durée des pratiques telles que visée dans le rapport ; que dès lors, elle connaissait précisément les faits qui lui étaient reprochés et a pu exercer son droit de défense tout au long de la procédure ; qu'au surplus, le Conseil n'a retenu dans sa décision aucune autre pratique que celles dont les parties ont débattu contradictoirement en cours de procédure ; qu'en conséquence, la décision déférée n'est entachée d'aucune irrégularité de ce chef;
Qu'en conséquence, tous les moyens d'annulation seront rejetés ;
III - Sur les moyens de réformation de la décision déférée
- 1er moyen : la décision n'aurait pas valablement établi l'abus de refus d'accès injustifié imputé à France Télécom
- 1re branche : sur la caractère infondé et artificiel de la demande de Neuf Télécom
Considérant que France Télécom reproche à la décision du Conseil d'avoir "méconnu la légitimité possible [de son] refus au regard du caractère infondé et artificiel de la demande de Neuf Télécom" dans le cadre du processus de régulation de l'ouverture à la concurrence de l'accès à la boucle locale ; qu'elle fait valoir que l'avis tarifaire n° 99-582 du 7 juillet 1999 de l'ART invoqué par Neuf Télécom dans son courrier du 14 septembre 1999, pour justifier sa demande "d'interconnexion en mode ATM", ne recommandait aucunement en réalité une telle offre, ni même une offre "d'accès en mode ATM" du type de l'option 3 envisagée par l'ART dans sa consultation d'avril 1999, mais une offre "Turbo LL amendée", n'ayant selon elle rien à voir avec ces dernières; que le Conseil lui-même, dans sa décision n° 00-MC-01, n'aurait pas fait droit à cette demande dans la mesure où il ne lui avait pas enjoint de proposer une "offre d'interconnexion en mode ATM" ni une "offre telle que recommandée par l'ART dans son avis n° 99-582 du 7 juillet 1999", mais une offre d'accès en mode ATM de type option 3 telle que privilégiée par l'ART dans sa synthèse de décembre 1999 ; que la demande de Neuf Télécom avait en réalité pour seul objectif de forcer l'intervention de l'ART ;
Mais considérant que l'avis n° 99-582 du 7 juillet 1999 de l'ART énonce qu'il est "indispensable, au regard des règles du droit des télécommunications et de la concurrence, et afin de répondre aux besoins des utilisateurs, que France Télécom propose aux opérateurs tiers une offre leur permettant de fournir à leur tour des services de même nature que Netissimo et Turbo IP, en étant maîtres des éléments techniques et commerciaux essentiels de ces services (notamment zones géographiques, qualité, couche des services IP)" ; que dans cet avis, l'ART est demeurée vague sur les spécifications techniques et économiques de l'offre recommandée et a posé un objectif s'appréciant en terme de résultat; que la requérante est mal fondée à prétendre que l'ART ne recommandait ni une offre "d'interconnexion en mode ATM', ni une offre "d'accès en mode ATM" du type de l'option 3 envisagée par l'Autorité dans sa consultation d'avril 1999 mais seulement une offre "Turbo LL" amendée, dans la mesure où l'ensemble de ces offres pouvait répondre à son objectif ;
Que l'offre "Turbo LL" amendée, que l'ART recommandait dans son avis n° 99-582, correspond en réalité à une offre d'accès en mode ATM du type de l'option 3, car selon l'Autorité, "du point de vue de l'architecture technique, le service Turbo LL proposé par France Télécom est équivalent à la fonction de transport ATM sur ADSL servant de support logique aux services Netissimo et Turbo IP" ; que dès lors, en visant cet avis dans sa demande d'interconnexion en mode ATM, Neuf Télécom faisait nécessairement référence à l'option 3, peu important la dénomination choisie ;
Qu'en outre, le Conseil dans sa décision n° 00-MC-01 avait enjoint à France Télécom de proposer aux opérateurs tiers "une offre technique et commerciale d'accès au circuit virtuel permanent pour la fourniture d'accès à Internet à haut débit par la technologie ADSL ou toute autre solution technique et économique équivalente permettant aux opérateurs tiers l'exercice d'une concurrence effective, tant par les prix que par la nature des prestations offertes" ; que cette injonction visait une offre d'accès en mode ATM du type de l'option 3, quelles qu'en soient les modalités techniques et économiques ; que cette offre correspondait à la demande formulée préalablement par Neuf Télécom et aux recommandations de l'ART dans son avis ;
Que dès lors, France Télécom ne pouvait valablement prétendre que cette demande était infondée juridiquement ni qu'elle avait pour seul objectif de faire pression sur le régulateur, au motif que son objet ne correspondait pas à ce que l'ART avait jugé indispensable de mettre en place dans son avis précité ;
Qu'au surplus, le Conseil a justement retenu qu'à aucun moment France Télécom n'avait opposé à Neuf Télécom que sa demande était infondée ou inappropriée du fait de son caractère unilatéral au regard de la consultation ouverte par l'ART et ne l'a renvoyé à un cadre multilatéral de discussions ;
- 2e branche : sur la confiance légitime et la sécurité juridique
Considérant que France Télécom soutient que la décision du Conseil aurait méconnu la légitimité possible de son comportement "au regard de la confiance légitime et de la sécurité juridique attachées au processus, en plein cours à l'époque des faits litigieux, de régulation de l'ouverture à la concurrence de l'accès à la boucle locale par l'ART"; qu'elle affirme que "si, au lieu de procéder à sa demande du 14 septembre 1999 puis à sa saisine du 29 novembre 1999, Neuf Télécom avait, comme l'ensemble des autres opérateurs intéressés, attendu que l'ART propose son dispositif de mise en place de l'option 3, l'offre correspondante aurait été discutée et mise en place sous l'égide de l'ART, avec la sécurité juridique attachée à un tel processus";
Mais considérant qu'il ressort des pièces versées au débat que l'option 3 était clairement identifiée et connue des entreprises du secteur, et faisait incontestablement partie des options envisagées par l'ART dans sa consultation publique; que la requérante ne saurait dès lors se prévaloir de la sécurité juridique pour justifier le refus qu'elle a opposé aux demandes d'accès à la boucle locale; qu'au surplus, elle est mal fondée à se prévaloir du processus multilatéral de régulation de l'ouverture à la concurrence de l'accès à la boucle locale dans la mesure où elle a elle-même continué de développer ses propres offres commerciales sans attendre l'aboutissement de la régulation multilatérale ;
- 3e branche : sur le caractère essentiel de l'accès à la couche ATM
Considérant que France Télécom fait valoir que la décision comporterait "des contradictions et carences manifestes de motivation dans son imputation d'un caractère "essentiel" à l'accès à la couche ATM" ;
Qu'elle estime d'abord que le Conseil ne pouvait valablement exciper de l'absence du dégroupage à cette date pour considérer que l'accès à la couche ATM avait alors un caractère essentiel, dans la mesure où l'accès à la couche ATM était également absent et que l'accès à la paire de cuivre était depuis l'origine réputé beaucoup plus " essentiel " que l'accès à la couche ATM;
Qu'ensuite, le Conseil a méconnu la portée de l'avis n° 99-582 de l'ART en estimant que l'offre "Turbo LL" ne pouvait "permettre à un opérateur de fournir aux FAI une offre concurrençant le couple constitué par Netissimo et Turbo IP", dans la mesure où l'Autorité ne disqualifiait pas l'offre "Turbo LL" en cours d'expérimentation et estimait même que " la fourniture par France Télécom d'un service Turbo LL amendé permettrait aux opérateurs de fournir des services équivalents à l'ensemble constitué par Netissimo et Turbo IP ";
Qu'enfin, la décision a méconnu le caractère plus "essentiel" et urgent, à l'époque des faits, de la mise en œuvre de l'option 5 ;
Mais considérant qu' à l'époque des faits, France Télécom détenait en quasi-monopole la boucle locale ; que les opérateurs souhaitant concurrencer les offres de France Télécom à destination des FAI devaient obligatoirement avoir accès à la boucle locale et en l'absence de dégroupage, à la portion du réseau en amont du Broadband Access Server, car ils "ne pouvaient proposer des offres équivalentes sur les réseaux câblés" ; que comme l'avait constaté l'ART, "l'ampleur des investissements nécessaires ne permettait raisonnablement pas d'envisager la duplication, pour une partie géographique significative du territoire, de la boucle locale de France Télécom" ; que l'accès à la boucle locale de France Télécom et son prolongement jusqu'au Broadband Access Server exclu était techniquement possible, comme l'a démontré l'existence à l'époque des offres faites par France Télécom ; qu'ainsi, le Conseil a justement retenu que l'accès à la boucle locale revêtait un caractère essentiel ; qu'il a pu valablement se fonder sur l'absence de dégroupage à cette date pour considérer que l'accès à la couche ATM avait un caractère essentiel ;
Qu'en outre l'ART, dans son avis n° 99-582 du 7 juillet 1999, a estimé que le service "Turbo LL" ne permettait pas aux opérateurs tiers de fournir des services de même nature que ceux proposés par France Télécom, du fait que les différences "de réglage technique conduisent à des différences de tarifs, et à ce qu'un opérateur achetant "Turbo LL" ne puisse pas fournir aux clients finals et aux ISP [FAI] une offre concurrençant le couple constitué par Netissimo et Turbo IP";
Que de surcroît, l'ART précise dans cet avis qu'il "est indispensable, au regard des règles du droit des télécommunications et de la concurrence, et afin de répondre aux besoins des utilisateurs, que France Télécom propose aux opérateurs tiers une offre leur permettant de fournir à leur tour des services de même nature que Netissimo et Turbo IP, en étant maîtres des éléments techniques et commerciaux essentiels de ces services (notamment zones géographiques, qualité, couche des services IP)", et que "la fourniture d'une telle offre est une condition nécessaire au développement des services de données à hauts débits" ; que ces préconisations de l'ART démontrent qu'aucune offre existant à l'époque n'aurait pu permettre le développement d'offres concurrentes d'accès à Internet en haut débit ;
Qu'enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, la mise en place de l'option 5 n'était pas, à l'époque, considérée comme une solution plus essentielle et urgente par l'ART et par les opérateurs alternatifs ; qu'en effet, dans ses avis n° 99-582 et 00-28 comme dans la synthèse de sa consultation, l'ART a considéré l'option 5 comme une option transitoire ; qu'aux termes de la consultation publique lancée en 1999, ce sont les options 1 (accès à la paire de cuivre/dégroupage) et 3 (accès au circuit virtuel permanent) qui ont été préconisées, l'option 1 étant considérée par Neuf Télécom comme la solution optimale ;
Qu'ainsi les motifs invoqués par la requérante ne permettent pas de démontrer en quoi la décision déférée comporterait des carences de motivations ou des contradictions ;
- 2e moyen : la décision n'établirait pas valablement l'infraction pour la période du 18 février 2000 au 15 septembre 2002
- 1re branche : sur l'infraction de refus d'accès pour la période du 18 février 2000 au 1er décembre 2000
Considérant que la requérante reproche au Conseil d'avoir retenu une infraction de refus d'accès durant cette période alors que selon elle aucune infraction de refus d'accès injustifié ne peut lui être reprochée durant le délai de deux mois qu'il lui avait accordé dans sa décision n° 00-MC-01 du 18 février 2000 ; que si l'offre "ADSL Connect ATM" avait été présentée le 18 avril 2000, elle n'a pu être effectivement lancée que le 1er décembre, à l'issue d'une période d'échanges et d'expérimentations avec les opérateurs tiers ; qu'à ce titre selon la requérante, la décision n° 04-D-18 n'avait pas considéré cette date de lancement effectif comme constitutive d'un retard fautif au regard des termes de la décision n° 00-MC-01 ni d'un quelconque refus d'accès injustifié ; qu'en conséquence, France Télécom estime qu'aucune infraction de refus d'accès injustifié n'est établie durant la période du 18 février 2000 au 1er décembre 2000 ;
Mais considérant ainsi qu'il a été précédemment dit, que d'une part, nonobstant le délai de deux mois accordé par le Conseil dans sa décision n° 00-MC-01 à France Télécom pour se plier à l'injonction, la pratique reprochée à la requérante a perduré pendant la période du 18 février 2000 au 18 avril 2000 ; que d'autre part, il est inexact de dire que le Conseil dans sa décision n° 04-D-18 n'a pas tenu grief du retard pris par la requérante dans la mise en œuvre des mesures enjointes par lui ; que le Conseil a en effet jugé sans objet de se prononcer sur le respect du délai imparti puisqu'il a considéré en tout état de cause que les conditions de l'offre "ADSL Connect ATM" du 1er décembre 2000 étaient restrictives et injustifiées et ne mettaient pas fin au refus d'accès ; que pour autant que le Conseil ne se soit pas prononcé sur le respect du délai, il n'en demeure pas moins que la pratique existait pendant cette période ; que dès lors, la requérante est mal fondée à prétendre que l'infraction n'est pas établie;
- 2e branche : sur la caractérisation de l'infraction résultant de l'offre "ADSL Connect ATM" du 1er décembre 2000
Considérant que la requérante reproche à la décision de ne pas avoir établi l'infraction se rapportant aux conditions tarifaires de l'offre "ADSL Connect ATM" appliquées le 1er décembre 2000 et de s'être contentée de renvoyer à la décision n° 04-D-18 et à l'arrêt du 11 janvier 2005 de la cour d'appel ; que ni la notification de griefs du 8 septembre 2004, ni le rapport du 3 juin 2005 ne visaient ce tarif;
Mais considérant que d'une part, il n'est pas nécessaire que les griefs notifiés ou le rapport se réfèrent aux tarifs successifs mis en œuvre par la requérante dès lors qu'ils visent une pratique continue ; que d'autre part, si l'infraction retenue a été clairement établie par la décision n° 04-D-18, le Conseil peut y renvoyer;
- 3e branche : sur l'infraction de refus d'accès durant la période du 1er juin 2001 au 15 septembre 2002
Considérant que France Télécom soutient qu'elle n'a pas pu débattre dans la procédure au fond de la conformité aux règles de la concurrence des conditions tarifaires de l'offre "ADSL Connect ATM" appliquées du 1er juin 2001 au 15 septembre 2002 ; que par ailleurs, à partir du mois de mars 2001, c'est l'ART qui a fixé le tarif de l'offre "ADSL Connect ATM" et que France Télécom a appliqué ce tarif le 1er juin 2001 ; que les évolutions tarifaires des offres "ADSL Connect ATM" et "IP/ADSL", à partir du 1er juin 2001 et jusqu'au 15 septembre 2002, ont non seulement été contrôlées et régulées par l'ART à travers ses différents avis tarifaires mais également mises en œuvre par France Télécom en stricte conformité avec ces avis ; qu'en conséquence, la requérante estime contradictoire et inexact de lui faire grief d'avoir poursuivi sa pratique de ciseau tarifaire jusqu'au 15 septembre 2002 ;
Mais considérant qu'il est constant qu'un opérateur ne saurait s'exonérer de sa responsabilité au titre des règles de la concurrence au motif que son comportement se serait inscrit dans un secteur régulé, dès lors que cet opérateur dispose d'une autonomie de comportement ; que l'ART dans son avis n° 01-549 du 19 juin 2001, estimait que les tarifs des offres " Collect IP/ADSL " et " IP/ADSL " reconstituaient l'effet de ciseau tarifaire qui aurait dû être supprimé par la modification des tarifs d' " ADSL Connect ATM " intervenue le 1er juin 2001 ; qu'elle affirmait encore, dans son avis n° 02-346 du 30 avril 2002, que l'effet de ciseau tarifaire perdurait ; que cet effet n'a pris fin qu'avec les conditions tarifaires proposées par France Télécom pour son offre "ADSL Connect ATM" le 15 septembre 2002 qui permettaient aux opérateurs de bâtir des offres destinées aux FAI viables économiquement et concurrentes de celles de France Télécom ; que dans ces conditions, le Conseil a justement qualifié la pratique reprochée ;
Qu'en conséquence, les deux moyens seront rejetés ;
IV - Sur les moyens d'annulation et de reformation de la sanction
Considérant que la requérante reproche à la décision du Conseil de lui avoir infligé une sanction pécuniaire qu'elle estime infondée et arbitraire dans ses motifs et inique dans son montant ;
Mais considérant que contrairement à ce qu'allègue France Télécom, la décision comporte un examen de la gravité des faits visés dans les griefs et du dommage à l'économie qui leur est imputable ; qu'en effet, le Conseil a examiné l'ensemble des faits constituant l'infraction continue ; qu'il n'était pas tenu, pour évaluer le dommage, de distinguer le refus de France Télécom de faire droit à la demande de Neuf Télécom des autres faits dénoncés ; que la durée de l'infraction ne saurait être réduite à trois mois dans la mesure où l'effet de ciseau tarifaire s'est maintenu jusqu'au 15 septembre 2002, date à laquelle France Télécom a proposé une offre "ADSL Connect ATM" permettant aux opérateurs concurrents de proposer des offres destinées aux FAI qui soient viables et concurrentes des siennes ;
Que contrairement à ce que prétend la requérante, l'application de la règle non bis in idem n'est pas entachée d'un défaut manifeste de motivation et de proportionnalité ; qu'eu égard à la proportionnalité d'une part, le Conseil n'était pas tenu en l'espèce, pour déterminer le montant de la sanction au fond, de reprendre le rapport mathématique entre la durée des faits et le montant de la première sanction, dont il a d'ailleurs justement tenu compte ; qu'ainsi la sanction déférée de 80 millions d'euro n'est pas disproportionnée eu égard à la gravité des faits ; qu'en ce qui concerne la motivation d'autre part, le Conseil a retenu avec pertinence qu'au vu de l'ensemble des éléments dont il disposait, la pratique anti-concurrentielle de France Télécom était très grave ;
Qu'en outre contrairement à ce qu'allègue encore France Télécom, le montant de 80 millions d'euro n'est manifestement pas démesuré ; qu'en effet, d'une part, le Conseil n'est pas lié par la proposition de sanction du Commissaire du gouvernement dès lors que tous les éléments de détermination ont été soumis au débat contradictoire ; que d'autre part, le montant étant bien inférieur au seuil fixé par la loi, la requérante n'établit pas le caractère inique de ce montant au regard du principe de légalité des peines ;
Qu'enfin, la requérante ne rapporte pas la preuve que les motifs de gravité et de dommage à l'économie retenus par la décision sont entachés de inexactitudes, contradictions et carences ;
Que dans ces conditions, le Conseil a par des motifs pertinents que la cour fait siens justement évalué le montant de la sanction pécuniaire qu'il a prononcée ;
Qu'en conséquence, les moyens seront rejetés ;
Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Considérant que pour des raisons tirées de l'équité il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs - Déclare irrecevable l'intervention volontaire de la société Télécom Italia. - Rejette le recours de la société France Télécom contre la décision n° 05-D-59 du Conseil de la concurrence en date du 7 novembre 2005. - Rejette toute autre demande. Laisse les dépens à la charge de la société France Télécom.