CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 19 janvier 2006, n° 04-05335
TOULOUSE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
ADT Télésurveillance (SA)
Défendeur :
Rooryck
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Selmes
Avoués :
SCP Sorel-Dessart-Sorel, SCP Boyer-Lescat-Merle
Avocats :
Me Nizou Lesaffre, Aequo
Jean-Jacques Rooryck a souscrit, le 6 juin 1997, un contrat d'abonnement de télésurveillance auprès de la société Cipe, aux droits de laquelle se trouve la société ADT Surveillance, ainsi qu'un contrat de location de matériel auprès de la société Firent, le contrat étant conclu pour une durée de 48 mois irrévocable invoquant des difficultés financières, il a sollicité la résiliation anticipée du contrat par lettre recommandée en date du 3 mars 1998, ce qui a été refusé par la société Cipe qui, après avoir adressé une mise en demeure valant résiliation pour non-paiement, le 31 mars 1999, a assigné Jean-Jacques Rooryck en paiement.
Par jugement du 8juin 2000, le Tribunal d'instance de Marmande, saisi en application de l'article 47 du nouveau Code de procédure civile, Jean-Jacques Rooryck étant avocat au barreau de Bordeaux, a débouté la SA Cipe France de ses demandes.
Par arrêt du 6 mai 2002, la Cour d'appel d'Agen a condamné Jean-Jacques Rooryck à payer à la SA Cipe France la somme de 3 772,67 euro avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 mars 1999 et celle de 750 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par arrêt du 26 octobre 2004, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la Cour d'appel d'Agen en relevant que les juges d'appel n'avaient pas répondu aux conclusions de l'intimé invoquant l'existence d'une clause abusive dans le contrat d'adhésion.
Devant la cour de céans désignée comme juridiction du renvoi, la société ADT Télésurveillance, par conclusions du 9 février 2005 sollicite la réformation du jugement et la condamnation de Jean-Jacques Rooryck au paiement de la somme principale de 3 772, 42 euro et de celle de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en soutenant que la fixation initiale de la durée du contrat à 48 mois n'est pas une clause abusive d'autant que le co-contractant était avocat.
Par conclusions du 14 février 2005, Jean Jacques Rooryck sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société ADT à lui restituer la somme de 5 742,35 euro versée en exécution de l'arrêt de la Cour d'appel de Pau, avec intérêts à compter du 28 juin 2002, et celle de 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur quoi
Attendu que l'article L. 132-1 du Code de la consommation édicte : " Dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Les clauses abusives sont réputées non écrites";
Que le contrat d'abonnement de télésurveillance signé le 6 juin 1991 par Jean-Jacques Rooryck prévoyait en son article 13 " le présent contrat est stipulé pour une durée de 48 mois, irrévocable et indivisible. A défaut de notification, 3 mois avant son terme, d'une résiliation signifiée par Cipe ou l'abonné par lettre recommandée avec avis de réception, il se poursuivra par tacite reconduction pour des périodes successives d'un an..." tandis que l'article 11 stipulait en son avant dernier alinéa "à titre d'indemnité contractuelle de résiliation anticipée et pour compensation du préjudice en résultant, le solde des loyers de la période contractuelle deviendra de plein droit et immédiatement exigible";
Que Jean-Jacques Rooryck ayant souscrit un contrat de télésurveillance pour son domicile, 39, rue Jean Soula à Bordeaux, et non pour son cabinet professionnel, 132, cours Alsace-Lorraine à Bordeaux, a agi comme simple consommateur et non comme professionnel;
Que la clause pré imprimée du contrat - comportant au total quatre pages - fixant à quarante-huit mois, c'est-à-dire quatre ans, la durée irrévocable et indivisible de celui-ci avait manifestement pour effet avec la clause de l'article 11 précité de créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur qui:
- ne pouvait résilier même pour motif légitime le contrat au terme d'une durée raisonnable d'un an ou deux
- ne pouvait en conséquence faire jouer la concurrence pendant le délai anormalement long de quatre ans
- était seul tenu en cas de résiliation anticipée au paiement d'une indemnité contractuelle de résiliation égaie au solde des loyers de lac période contractuelle en cours, le consommateur étant alors tenu de s'acquitter dune somme d'argent correspondant à une prestation qui ne lui était plus fournie;
Que Jean-Jacques Rooryck ayant été lié à la société de Télésurveillance, par une clause d'un contrat d'adhésion qui lui était imposée, pour une durée de quatre ans excessivement longue sans possibilité de résiliation au terme d'une période plus courte pour motif légitime, est bien fondé à invoquer le caractère abusif de cette clause qui doit être réputée non écrite;
Attendu dès lors qu'en présence d'une résiliation opérée avec un préavis de trois mois au terme d'une première période d'un an, la société de Télésurveillance n'était pas en droit de prétendre à la condamnation de son abonné au paiement du solde des loyers réclamés pour trois années supplémentaires;
Que le société ADT Télésurveillance sera déboutée de ses demandes et condamnée à restituer à Jean-Jacques Rooryck les sommes payées en exécution de l'arrêt de la Cour d'appel d'Agen avec les intérêts au taux légal à compter de la notification, valant mise an demeure, de l'arrêt de la cour de cassation du 26 octobre 2004 ayant cassé l'arrêt infirmatif de la cour d'appel et ouvrant droit à restitution;
Qu'au titre des frais irrépétibles qu'elle a fait exposer à Jean-Jacques Rooryck par son action jugée infondée, la société ADT Télésurveillance devra payer à son adversaire la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Que la partie qui succombe doit supporter les dépens ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant an l'état de l'arrêt de la Cour de cassation du 26 octobre 2004, Confirmant le jugement entrepris, Rejette les demandes de la société ADT Télésurveillance, Condamne la société ADT Télésurveillance à restituer à Jean-Jacques Rooryck les sommes payées en exécution de l'arrêt de la Cour d'appel d'Agen du 6 mai 2002 avec les intérêts au taux légal à compter de la notification de l'arrêt de la Cour de cassation du 26 octobre 2004, et à lui payer la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la société ADT Télésurveillance aux entiers dépens avec pour ceux d'appel distraction au profit de la SCP Sorel Dessart, Sorel, avoués.