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Décisions

Cass. crim., 15 janvier 1985, n° 82-91.841

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Berthiau (faisant fonction)

Rapporteur :

Mme Guirimand

Avocat général :

M. de Sablet

Avocats :

SCP Desache-Gatineau, SCP Waquet

Pau, ch. corr., du 27 avr. 1982

27 avril 1982

LA COUR : - Cassation partielle sur le pourvoi formé par l'Union des groupements apicoles français, partie civile, contre un arrêt de la Cour d'appel de Pau, chambre des appels correctionnels, en date du 27 avril 1982 qui, après relaxe de X Bernard des chefs de tromperie sur les qualités de la marchandise vendue et fausse indication d'origine, l'a déboutée de sa demande. Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur les premier et troisième moyens de cassation, pris : le premier - de la violation des articles 1, 11 et 13 de la loi modifiée du 1er août 1905, sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services, de l'article 1 de la loi du 26 mars 1930 réprimant les fausses indications d'origine des marchandises, de l'article 6-2 a) du décret 76-717 du 22 juillet 1976 pris pour l'application de la loi du 1er août 1905 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale,

" en ce que l'arrêt attaqué, pour relaxer X d'avoir vendu du miel intitulé "miel gatinais et mille fleurs" ne provenant pas entièrement de l'origine indiquée, a déclaré que cette appellation était reconnue par les usages commerciaux comme s'appliquant à des miels récoltés sur le territoire français, ce qui était le cas du miel litigieux, la preuve n'ayant pas été formellement rapportée que les échantillons prélevés par les services des fraudes comportaient du miel autre que celui récolté sur le territoire français ;

"alors que le terme gatinais constitue un nom régional au sens de l'article 6 du décret du 22 juillet 1976 ;

Qu'il résulte du même texte qu'un miel ainsi dénommé doit provenir entièrement de la région indiquée ;

Qu'en décidant qu'un miel dénommé gatinais pouvait avoir été récolté en partie ou même en totalité en dehors de cette région, voire même dans une région totalement distincte telle que la région méditerranéenne, l'arrêt attaqué a violé les textes visés au moyen ;

" le troisième : de la violation des articles 1-11 et 13 de la loi modifiée du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services, de l'article 1 de la loi du 26 mars 1930 réprimant les fausses indications d'origine des marchandises, de l'article 6-2 a) et b) du décret n° 76-717 du 22 juillet 1976 pris pour l'application de la loi du 1er août 1905 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, "en ce que l'arrêt attaqué pour relaxer X d'avoir vendu du miel intitulé "miel gatinais et mille fleurs" s'est borné à relever que cette appellation était reconnue par les usages commerciaux comme s'appliquant à des miels récoltés sur le territoire français, ce qui était le cas du miel litigieux, la preuve n'ayant pas été formellement rapportée que les échantillons prélevés par les services des fraudes comportaient du miel autre que celui récolté sur le territoire français ;

" alors qu'en admettant même que le terme "gatinais" ne constitue pas un nom régional au sens de l'article 6-2 b) du décret du 22 juillet 1976 mais désigne un certain type de miel français, cette appellation reste contraire aux dispositions de l'article 6-2 a) du décret du 22 juillet 1976 qui exige une indication précise de l'origine florale ou végétale qui doit être prépondérante et répondre à des caractéristiques organoleptiques, physico-chimiques et microscopiques bien définies ;

Qu'il en va de même à fortiori de l'expression "mille fleurs" qui se réfère à l'origine florale du produit de façon encore plus imprécise et indéfinie ;

Qu'en outre la double expression "gatinais et mille fleurs" est contradictoire dans la mesure où le terme "gatinais" ne se réfère pas a une origine géographique mais désigne un certain type de miel, ce que les termes "mille fleurs" excluent nécessairement ;

Que l'arrêt attaqué qui n'a pas recherché si l'appellation miel "gatinais" et mille fleurs" était compatible avec les dispositions de l'article 6-2 a) du décret du 22 juillet 1976 qui doivent prévaloir sur les usages commerciaux antérieurs et ne constituait pas, par le caractère ambigu de chaque terme et contradictoire de leur réunion, une tromperie du consommateur au sens de l'article 1 de la loi du 1er août 1905, n'a pas mis la cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur l'application des textes visés au moyen ;

" les moyens étant réunis ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que si en matière de fraude commerciale, les juges du fond ont tout pouvoir pour reconnaître ou denier l'existence d'un usage, cette appréciation ne peut être faite qu'en l'absence d'une règlementation s'opposant audit usage ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que X a été poursuivi pour avoir, dans le courant de l'année 1979 notamment, commercialisé sous le nom de "miel gatinais" une marchandise ne pouvant prétendre à cette dénomination, sur le fondement des articles 1er de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications et de la loi du 26 mars 1930 réprimant les fausses indications d'origine ;

Attendu que pour relaxer X et débouter l'Union des groupements apicoles français, partie civile, de sa demande de réparation, les juges du second degré, après avoir rejeté les résultats, selon eux contradictoires, des analyses effectuées par trois laboratoires sur divers échantillons de marchandise prélevés par le service de la Répression des Fraudes, énoncent que la preuve n'est pas rapportée que ces échantillons comportaient du miel d'origine étrangère et que le produit litigieux pouvait être mis en vente sous l'appellation "miel gatinais et mille fleurs" reconnue par les usages commerciaux comme s'appliquant à des miels récoltés sur l'ensemble du territoire français ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans se référer aux dispositions du décret 76-717 du 22 juillet 1976 pris pour l'application de la loi du 1er août 1905 sur la Répression des Fraudes, lequel fixe les règles de la dénomination du miel, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé ; d'ou il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le deuxième moyen proposé, casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel de Pau en date du 27 avril 1982, mais seulement en celles de ses dispositions concernant les intérêts civils, et pour être à nouveau statue conformément à la loi, dans les limites de la cassation prononcée, renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Agen.