Cass. crim., 17 juin 1981, n° 80-94.558
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dauvergne (faisant fonction)
Rapporteur :
Mme Desgranges
Avocat général :
M. Guilloré de la Landelle
Avocats :
SCP Calon, Guiguet
LA COUR :- Statuant sur les pourvois formés par : - X Jean-Pierre - Y Dominique - la SA des Z - contre un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 1er octobre 1980 qui, pour détention dans les lieux de vente de denrées alimentaires corrompues, a condamné X et Y chacun à une amende de 8 000 francs et à des dommages et intérêts, a ordonné la publication et l'affichage de la décision et a déclaré la société civilement responsable ; - Joignant les pourvois vu la connexité ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 4 de la loi du 1er août 1905, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
En ce que l'arrêt attaqué a déclaré les demandeurs coupables de détention sans motifs légitimes de marchandises servant à l'alimentation de l'homme qu'ils savaient corrompues;
Aux motifs que Jean-Pierre X, en sa qualité de responsable du rayon boucherie se devait de vérifier le degré de réfrigération de la vitrine dans laquelle les denrées étaient présentées à la vente, que, de son coté, le prévenu Dominique Y, en sa qualité de directeur de l'établissement, était tenu de vérifier que les denrées alimentaires proposées à la vente à la clientèle étaient propres à la consommation humaine;
Alors que la mauvaise foi suppose la connaissance de l'état de la marchandise détenue vendue ou mise en vente et ne saurait être constituée par un simple défaut de surveillance et de contrôle, qu'il n'en est autrement que si ces négligences sont susceptibles d'établir par elles-mêmes que le prévenu a agi sciemment;
Alors que la cour n'a pas établi, en l'espèce, que le défaut de vérification retenu impliquait la connaissance par les demandeurs de l'état de la marchandise;
Alors en outre en ce qui concerne plus particulièrement le sieur Y que l'obligation de vérification que la cour a fait peser sur lui est en contradiction, pour les viandes, avec la présence d'un responsable du rayon boucherie, auquel la surveillance des viandes était spécialement confiée;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement dont il adopte les motifs non contraires, que lors d'un contrôle effectué par les services vétérinaires, a été constatée la présence au rayon boucherie d'un grand magasin de deux lots de viandes impropres à la consommation;
Attendu que pour déclaré X responsable du rayon et Y directeur de l'établissement commercial, coupables de détention sans motif légitime, dans un lieu de vente, de denrées servant à l'alimentation de l'homme qu'ils savaient corrompues, infraction prévue par l'article 4 de la loi du 1er août 1905, les juges du fond, après avoir constaté qu'en méconnaissance des prescriptions règlementaires fixant à 3 degrés la température maximale des vitrines réfrigérées, la température de celle où se trouvaient les denrées contrôlées atteignait 9 degrés retiennent d'une part que X devait, en sa qualité de responsable du rayon, vérifier tout particulièrement en raison de la saison estivale durant laquelle les faits se sont produits, le degré de réfrigération de la vitrine dans laquelle les denrées étaient présentées à la vente, qu'ils énoncent, d'autre part, qu'Y chargé de la direction générale du magasin était tenu de vérifier que les denrées alimentaires proposées à la vente à la clientèle étaient propres à la consommation humaine;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance et de contradiction, la cour d'appel a justifié sa décision; - Qu'en effet, dès lors qu'est établi l'élément matériel de l'infraction poursuivie qui d'ailleurs, en l'espèce, n'est pas contesté, les juges du fond pour retenir la culpabilité du prévenu ont toute liberté pour fonder leur conviction sur les divers éléments de preuves régulièrement versés aux débats, qu'en matière d'infraction à la loi du 1er août 1905, s'il est vrai que les textes n'édictent aucune présomption de tromperie contre celui qui a négligé de procéder a toutes les vérifications utiles avant de livrer la marchandise a la vente, les juges peuvent, comme ils l'ont fait en l'espèce souverainement, déduire la mauvaise foi des prévenus du fait que ceux-ci se sont soustraits a l'obligation qui leur incombait personnellement a raison de la nature du commerce qu'ils exerçaient, d'effectuer les contrôles nécessaires avant de se dessaisir des produits qu'ils vendaient; d'ou il suit que le moyen ne saurait être accueilli;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 46 de la loi du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat, 1382 du Code civil, 2, 3, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale;
En ce que l'arrêt attaqué a alloué à chacune des parties civiles, le groupement d'information et de défense des consommateurs des Alpes maritimes et l'Union départementale des consommateurs des Alpes maritimes la somme de 1 000 francs à titre de dommages-intérêts;
Au motif que les dommages-intérêts alloues et les mesures de publicités ordonnées assurent une juste réparation du préjudice subi par ces groupements;
Alors que si les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs tiennent des dispositions de l'article 46 de la loi du 27 décembre 1973, le pouvoir si elles ont été agrées à cette fin d'exercer devant toutes les juridictions l'action civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs, les demandes d'une telle association tendant à l'attribution de dommages intérêts en réparation d'un dommage causé par ces infractions ne sauraient pourtant être accueillies qu'autant qu'il est justifié d'un préjudice direct;
Alors qu'il ne ressort pas des énonciations de l'arrêt attaqué quelle a pu être, en dehors de l'atteinte portée à sa mission générale et qui ne saurait justifier des réparations civiles, la nature du préjudice directement causé aux associations, parties civiles, par le délit retenu en l'espèce;
Attendu que l'arrêt attaqué énonce que X et Y ont été trouvés détenteurs dans les lieux de vente, de denrées servant à l'alimentation de l'homme qu'ils savaient être corrompues, qu'en cet état, la cour d'appel a accordé à bon droit des réparations civiles au groupement d'information et de défense des consommateurs des Alpes maritimes et à l'Union départementale des consommateurs des Alpes maritimes;
Qu'en effet, l'article 46 de la loi du 27 décembre 1973, par dérogation aux principes généraux de la procédure pénale d'après lesquels seul un préjudice directement causé par l'infraction donne ouverture devant les tribunaux répressifs à l'action civile, admet les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire la défense des intérêts des consommateurs, qui sont agrées à cette fin, à poursuivre la réparation du préjudice même indirect causé par une infraction à l'intérêt collectif des consommateurs dès lors que, comme en l'espèce, le préjudice ainsi invoqué, est distinct du préjudice social dont le ministère public poursuit la réparation; d'ou il suit que le moyen doit être rejeté;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;
Rejette les pourvois.