CJCE, 5e ch., 23 octobre 1997, n° C-375/95
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Commission des Communautés européennes
Défendeur :
République hellénique
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Gulmann
Juges :
MM. Wathelet, Moitinho de Almeida, Edward, Puissochet
Avocat général :
M. La Pergola
LA COUR (cinquième chambre),
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 30 novembre 1995, la Commission des Communautés européennes a introduit, en application de l'article 169 du traité CE, un recours visant à faire constater que, en instaurant et en maintenant en vigueur, en matière de taxation des voitures d'occasion importées, les dispositions
- de l'article 1er de la loi n° 363-1976 (modifié par la loi n° 1676-1986), qui, pour déterminer la base imposable de la taxe spéciale de consommation, permet seulement de déduire du prix de vente des voitures neuves correspondantes un pourcentage de 5 % par année d'utilisation, pourcentage qui ne peut excéder 20 % de la valeur des voitures neuves correspondantes,
- de l'article 3, paragraphe 1, de la loi n° 363-1976 (remplacé, en dernier lieu, par les dispositions de l'article 2, paragraphe 7, de la loi n° 2187-1994), qui régit la perception de la taxe spéciale additionnelle unique sans prévoir de réduction pour les voitures d'occasion, et
- de l'article 1er de la loi n° 1858-1989, [modifié ultérieurement par les lois nos 1882-1990 (articles 37, paragraphe 2, et 42, paragraphe 1), et 2093-1992 (article 10) et tel qu'il résulte de l'article 2, paragraphe 1, de la loi n° 2187-1994], qui octroie des avantages fiscaux (réduction de la taxe spéciale de consommation) aux seules voitures neuves de technologie antipollution et non pas aux voitures d'occasion importées de même technologie,
la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l'article 95 du traité CE.
2 La loi hellénique n° 363-1976, modifiée par la loi n° 1676-1986, a institué, pour les voitures particulières importées ou montées en Grèce, une taxe spéciale de consommation et une taxe spéciale additionnelle unique.
3 La taxe spéciale de consommation est payable à l'occasion de la première opération d'achat ou lors de l'importation de la voiture. Son taux varie en fonction de la cylindrée du moteur. Le montant de la taxe est égal à un certain pourcentage du prix de vente hors taxe de la voiture. En ce qui concerne les automobiles d'occasion importées, la valeur imposable est déterminée en diminuant le prix des automobiles neuves correspondantes de 5 % par année d'ancienneté des automobiles concernées, la diminution maximale étant en principe de 20 % (25 % si la voiture est endommagée ou présente une usure supérieure à celle due à un usage normal).
4 La taxe spéciale additionnelle unique est payable à l'occasion de la première immatriculation en Grèce d'une voiture, neuve ou d'occasion. Jusqu'en 1994, le montant de cette taxe était exprimé en drachmes, ce montant variant en fonction de la seule cylindrée du véhicule. Les voitures d'occasion importées étaient soumises à la taxe de la même manière que les voitures neuves, sans bénéficier d'aucune réduction. Depuis l'intervention de la loi n° 2187-1994, le montant de la taxe spéciale additionnelle unique est désormais égal à un certain pourcentage du prix de vente hors taxe de la voiture, son taux évoluant avec la cylindrée du moteur. La valeur imposable des véhicules d'occasion importés est déterminée de la même manière que pour la taxe spéciale de consommation.
5 La loi n° 1858-1989 a prévu une réduction des taux de la taxe spéciale de consommation pour les voitures dites de "technologie nouvelle" ou de "technologie antipollution" qui répondent à certains critères fixés par décret. Ces taux ont fait l'objet de nouvelles réductions en vertu des lois nos 1882-1990, 2093-1992 et 2187-1994. Ils s'élèvent, par exemple, pour les voitures de 1 000 cm3, 1 600 cm3 et 2 000 cm3, respectivement, à 20 %, à 25 % et à 45 % contre 80 %, 166 % et 304 % pour les taux normaux. Les voitures d'occasion importées qui relèvent de la catégorie des voitures dites de "nouvelle technologie" ou de "technologie antipollution" ne bénéficient pas des taux réduits.
6 Par lettre de mise en demeure du 31 décembre 1991, la Commission a fait savoir à la République hellénique qu'elle considérait le système grec de taxation des voitures particulières comme contraire à l'article 95 du traité au motif qu'il comportait des discriminations à l'encontre des voitures d'occasion importées des autres États membres par rapport aux voitures d'occasion achetées en Grèce.
7 En premier lieu, la Commission a mis en cause les modalités de calcul de l'assiette de la taxe spéciale de consommation pour les véhicules d'occasion importés. Elle a soutenu que, dans ce système, la base d'imposition de la taxe pour cette catégorie de véhicules était toujours supérieure à la valeur nette actuelle du véhicule national correspondant qui a supporté la taxe à l'état neuf. Il en résulterait que la taxe spéciale de consommation frappant les voitures d'occasion importées serait manifestement supérieure à la part résiduelle de la taxe incorporée dans la valeur des voitures d'occasion achetées en Grèce.
8 En deuxième lieu, la Commission a relevé que les automobiles d'occasion importées en Grèce étaient frappées de l'intégralité de la taxe spéciale additionnelle unique comme si elles étaient neuves. La surtaxation de cette catégorie d'automobiles par rapport aux voitures grecques d'occasion, qui ont supporté la taxe au moment de leur première immatriculation, serait ici aggravée par le fait qu'aucune dépréciation de la valeur des automobiles importées n'est prise en compte pour le calcul de la taxe.
9 En troisième lieu, la Commission a fait valoir que les voitures d'occasion importées de technologie antipollution ne bénéficiaient pas des taux réduits de la taxe spéciale de consommation. Ces voitures seraient ainsi discriminées par rapport aux voitures grecques d'occasion analogues qui ont bénéficié, au moment de leur achat à l'état neuf, des taux réduits en question et dont la valeur continue d'incorporer une part résiduelle de la taxe réduite d'autant.
10 La République hellénique a contesté, dans une lettre du 6 mars 1992, les griefs de la Commission. Elle a tout d'abord soutenu que les automobiles produites en Grèce et celles importées étaient taxées de la même manière. Elle a justifié la limitation à 5 % par an et à 20 % au maximum de la réduction de la valeur imposable des voitures d'occasion importées (25 % si la voiture est endommagée ou présente une usure supérieure à celle due à un usage normal) par le souci de décourager la mise en circulation de véhicules anciens, polluants et dangereux. Elle a ajouté que ce système répondait à la dépréciation réelle des véhicules si l'on tenait compte du fait que la durée de vie des automobiles en Grèce était plus longue qu'ailleurs et que le prix de la voiture neuve correspondante qui était pris en considération pour le calcul de la taxe était celui de l'année de la construction du véhicule d'occasion importé et non celui en vigueur l'année de son importation.
11 La République hellénique a également fait valoir que l'application des taux réduits de la taxe spéciale de consommation aux voitures d'occasion importées de technologie antipollution supposerait la mise en place d'un système de vérification individuelle de chaque véhicule, à la différence des véhicules neufs qui pouvaient faire l'objet d'un contrôle par sondage. Or, l'établissement d'un tel système se heurterait à des difficultés pratiques insurmontables.
12 Le 7 septembre 1993, la Commission a adressé à la République hellénique un avis motivé dans lequel elle réitérait l'intégralité de ses griefs.
13 Dans sa réponse du 22 novembre 1993, la République hellénique a maintenu ses positions. Elle a par ailleurs fait valoir que la taxe spéciale additionnelle unique s'appliquait uniformément à l'ensemble des voitures, qu'elles fussent nationales ou importées, neuves ou d'occasion. En effet, cette taxe frapperait les automobiles au moment de leur première immatriculation en Grèce et elle serait indépendante de la valeur du véhicule. A la suite de cette réponse de la République hellénique, la Commission a introduit le présent recours.
En ce qui concerne le premier grief
14 Par son premier grief, la Commission met en cause la compatibilité, avec l'article 95 du traité, des modalités de calcul de l'assiette de la taxe spéciale de consommation pour les véhicules d'occasion importés dans la mesure où elles déterminent la valeur imposable de ces véhicules en diminuant le prix des voitures neuves correspondantes de 5 % par année d'ancienneté des véhicules concernés, la diminution maximale autorisée étant en principe de 20 %.
15 A titre principal, le Gouvernement hellénique dénie toute pertinence à la comparaison opérée par la Commission entre le traitement des voitures d'occasion importées et celui des voitures d'occasion achetées en Grèce au motif que ces dernières ont déjà supporté la taxe spéciale de consommation à l'état neuf.
16 Il convient tout d'abord de relever que la taxe spéciale de consommation ne s'applique pas aux transactions intérieures portant sur les voitures d'occasion dans la mesure où elle n'est perçue qu'une seule fois, au moment du premier achat du véhicule sur le territoire national, et qu'une part de cette taxe reste incorporée dans la valeur de ces voitures (voir, pour une imposition analogue, arrêt du 9 mars 1995, Nunes Tadeu, C-345-93, Rec. p. I-479, point 10).
17 Ensuite, il est constant que les voitures d'occasion importées et celles qui sont achetées sur place constituent des produits similaires ou concurrents et que les dispositions de l'article 95 du traité s'appliquent, par conséquent, à la taxe spéciale de consommation lorsqu'elle est perçue à l'occasion de l'importation des voitures d'occasion (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 1990, Commission/Danemark, C-47-88, Rec. p. I-4509, point 17).
18 Il en résulte que c'est à bon droit que la Commission, pour vérifier le respect de l'article 95 du traité, a procédé à une comparaison entre le montant de la taxe spéciale de consommation supporté par les voitures d'occasion importées et la part résiduelle de la taxe qui reste incorporée dans les voitures mises en circulation en Grèce à l'état neuf avant d'y être revendues.
19 A cet égard, il convient de rappeler que, pour l'application de l'article 95 du traité, il y a lieu de prendre en considération non seulement le taux de l'imposition intérieure frappant directement ou indirectement les produits nationaux et importés, mais aussi l'assiette et les modalités de cette imposition (arrêt du 11 décembre 1990, Commission/Danemark, précité, point 18; voir, également, arrêt du 12 mai 1992, Commission/Grèce, C-327-90, Rec. p. I-3033, point 11).
20 Par ailleurs, il a été jugé à diverses reprises que l'article 95, premier alinéa, était violé lorsque l'imposition frappant le produit importé et celle frappant le produit national similaire sont calculées de façon différente et suivant des modalités différentes, aboutissant, ne fût-ce que dans certains cas, à une imposition supérieure du produit importé (voir, notamment, arrêts du 17 février 1976, Rewe-Zentrale, 45-75, Rec. p. 181, point 15, et du 12 mai 1992, Commission/Grèce, précité, point 12).
21 En l'espèce, il est constant que les modalités de détermination de la valeur imposable des véhicules d'occasion importés entraînent, pour ces véhicules, quel que soit leur état d'utilisation, une diminution de la taxe spéciale de consommation par année d'ancienneté qui n'est que de 5 % du total de la taxe perçue sur une voiture neuve, cette diminution ne pouvant normalement excéder 20 % du total de cette dernière taxe, quel que soit l'âge du véhicule concerné. Dans le même temps, la part résiduelle de la taxe spéciale de consommation incorporée dans la valeur d'une voiture d'occasion achetée sur le territoire national diminue proportionnellement à la dépréciation du véhicule.
22 Or, comme l'a observé la Commission, il convient de relever à cet égard que la diminution annuelle de la valeur des automobiles est d'ordinaire sensiblement supérieure à 5 %, que cette dépréciation n'est pas linéaire, en particulier les premières années où elle se révèle beaucoup plus forte que par la suite, et, enfin, que ce phénomène se poursuit au-delà de la quatrième année de mise en circulation des véhicules.
23 Il en résulte que la taxe spéciale de consommation qui frappe les voitures d'occasion importées est généralement supérieure à la part résiduelle de la taxe qui reste incorporée dans la valeur des voitures d'occasion préalablement immatriculées et achetées sur le marché grec (voir, dans le même sens, arrêt Nunes Tadeu, précité, point 14).
24 Le Gouvernement hellénique a cependant soutenu que les taux de réduction de la valeur imposable des voitures d'occasion importées répondent à la dépréciation réelle de ces véhicules si l'on tient compte du fait que la durée de vie des automobiles en Grèce est plus longue qu'ailleurs et que le prix de la voiture neuve correspondante qui est pris en considération pour le calcul de la taxe est celui de l'année de la construction du véhicule d'occasion importé et non celui en vigueur l'année de son importation.
25 Sur le premier point, il suffit de relever que le Gouvernement hellénique n'a produit aucune donnée précise concernant la longévité particulière des automobiles en Grèce, qui soit de nature à remettre en cause les constatations de la Commission sur la dépréciation normale des véhicules.
26 Quant à la prise en compte du prix des voitures neuves correspondantes qui était en vigueur l'année de la construction des véhicules d'occasion importés, elle ne serait susceptible de compenser les effets discriminatoires des modalités de calcul de la valeur imposable de ces véhicules que dans l'hypothèse où les constructeurs procéderaient régulièrement à des hausses de prix particulièrement fortes. Or, un tel élément, en raison de son caractère aléatoire, ne permet pas, en tout état de cause, de garantir que le produit importé n'est en aucun cas soumis à une pression fiscale supérieure à l'imposition du produit national correspondant.
27 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que les modalités de détermination de la valeur imposable des voitures d'occasion importées aux fins de l'application de la taxe spéciale de consommation entraînent une taxation discriminatoire de ces voitures.
28 Le Gouvernement hellénique a encore soutenu que les limites posées à la réduction de la valeur imposable des véhicules d'occasion importés étaient justifiées par le souci de décourager la mise en circulation de véhicules anciens, dangereux et polluants.
29 Toutefois, la poursuite d'un tel objectif ne dispense pas un État membre du respect de la règle de non-discrimination de l'article 95 du traité. En effet, conformément à une jurisprudence constante, un système de taxation ne peut être considéré comme compatible avec cette disposition que s'il est établi qu'il est aménagé de façon à exclure en toute hypothèse que les produits importés soient taxés plus lourdement que les produits nationaux et, dès lors, qu'il ne comporte, en aucun cas, des effets discriminatoires (voir, notamment, arrêt du 17 juillet 1997, Haahr Petroleum, C-90-94, non encore publié au Recueil, point 34).
30 En conséquence, le premier grief de la Commission doit être accueilli.
En ce qui concerne le deuxième grief
31 Par son deuxième grief, la Commission met en cause la compatibilité, avec l'article 95 du traité, des modalités de calcul de la taxe spéciale additionnelle unique sur les voitures d'occasion importées.
32 Il convient tout d'abord de s'interroger sur la recevabilité de ce grief même si celle-ci n'a pas été contestée par le Gouvernement hellénique (arrêts du 31 mars 1992, Commission/Italie, C-362-90, Rec. p. I-2353, point 8, et du 12 juin 1997, Commission/Irlande, C-151-96, non encore publié au Recueil, point 10).
33 Il ressort du point 4 du présent arrêt que la taxe spéciale additionnelle unique a été modifiée au cours de la période qui s'est écoulée entre l'émission de l'avis motivé et l'introduction du présent recours par la Commission. Initialement, cette taxe variait seulement en fonction de la cylindrée de l'automobile et les voitures d'occasion importées y étaient soumises de la même manière que les voitures neuves, sans bénéficier d'aucune réduction. Depuis l'intervention de la loi n° 2187-1994 qui a modifié l'article 3, paragraphe 1, de la loi n° 363-1976, la taxe est désormais assise sur le prix de vente hors taxe de la voiture et son taux évolue en fonction de la cylindrée du moteur. La valeur imposable des véhicules d'occasion importés est déterminée de la même manière que pour la taxe spéciale de consommation.
34 Dans ces conditions, les critiques émises par la Commission au cours de la phase précontentieuse ne portaient que sur la taxe spéciale additionnelle unique telle qu'elle était établie avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2187-1994. Dans les motifs de sa requête, la Commission n'a pas repris ces critiques autrement que sous la forme d'un simple renvoi aux développements figurant dans son avis motivé. Elle a, en revanche, indiqué les raisons pour lesquelles la taxe spéciale additionnelle unique, dans sa nouvelle version, lui apparaissait encourir les mêmes reproches que la taxe spéciale de consommation, puis conclu à ce que la Cour déclare incompatible avec le traité cette taxe telle qu'elle existait avant et après 1994.
35 Selon une jurisprudence constante, la Commission est tenue, dans toute requête déposée au titre de l'article 169 du traité, d'indiquer les griefs précis sur lesquels la Cour est appelée à se prononcer, ainsi que, de manière à tout le moins sommaire, les éléments de droit et de fait sur lesquels ces griefs sont fondés (voir, notamment, arrêt du 31 mars 1992, Commission/Danemark, C-52-90, Rec. p. I-2187, point 17). Il n'est pas satisfait à cette obligation si les griefs de la Commission n'apparaissent dans la requête que sous forme d'un simple renvoi aux motifs indiqués dans la lettre de mise en demeure et dans l'avis motivé (arrêt du 13 mars 1992, Commission/Allemagne, C-43-90, Rec. p. I-1909, points 7 et 8).
36 Il en résulte que, dans la mesure où il porte sur la taxe spéciale additionnelle unique telle qu'elle était organisée avant 1994, le recours est irrecevable.
37 Il convient ensuite de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un recours introduit en vertu de l'article 169 du traité est circonscrit par la procédure précontentieuse prévue par cette disposition et que, par conséquent, l'avis motivé de la Commission et le recours doivent être fondés sur des griefs identiques (voir, notamment, arrêt du 14 juillet 1988, Commission/Belgique, 298-86, Rec. p. 4343, point 10).
38 La Cour a toutefois précisé que cette exigence ne saurait aller jusqu'à imposer en toute hypothèse une coïncidence parfaite entre les dispositions nationales qui sont mentionnées dans l'avis motivé et celles qui apparaissent dans la requête. Lorsqu'un changement législatif est intervenu entre ces deux phases de la procédure, il suffit en effet que le système mis en place par la législation contestée au cours de la procédure précontentieuse ait été, dans son ensemble, maintenu par les nouvelles mesures adoptées par l'État membre postérieurement à l'avis motivé et qui sont attaquées dans le cadre du recours (arrêt du 17 novembre 1992, Commission/Grèce, C-105-91, Rec. p. I-5871, point 13).
39 Or, tel est précisément le cas, pour les raisons indiquées par M. l'avocat général au point 10 de ses conclusions, de la législation grecque relative à la taxe spéciale additionnelle unique après les modifications subies en 1994. Il s'ensuit que le deuxième grief de la Commission, en tant qu'il porte sur la nouvelle version de cette taxe, doit être déclaré recevable.
40 Sur le fond, il suffit de rappeler que, depuis l'intervention de la loi n° 2187-1994, les modalités de détermination de la valeur imposable des voitures d'occasion importées aux fins de l'application de la taxe spéciale additionnelle unique sont analogues à celles en vigueur pour la taxe spéciale de consommation. Elles entraînent ainsi également, pour les raisons qui figurent aux points 14 à 29 du présent arrêt, une taxation discriminatoire de ces voitures.
41 Dans ces conditions, le deuxième grief formulé par la Commission doit être accueilli en tant qu'il porte sur les modalités de calcul de la taxe spéciale additionnelle unique sur les voitures d'occasion importées, telle qu'elle est organisée depuis 1994.
En ce qui concerne le troisième grief
42 Par son troisième grief, la Commission reproche à la République hellénique d'exclure, en toute hypothèse, les voitures d'occasion importées du bénéfice des taux réduits de la taxe spéciale de consommation applicables aux automobiles de technologie antipollution.
43 Il est constant qu'un État membre ne saurait, sans enfreindre la règle de non-discrimination de l'article 95 du traité, conférer des avantages fiscaux aux automobiles les moins polluantes tout en refusant ces avantages à des voitures en provenance des autres États membres qui répondent pourtant aux mêmes critères que les voitures nationales bénéficiaires.
44 Le Gouvernement hellénique s'est cependant prévalu d'une déclaration inscrite au procès-verbal d'une réunion du Conseil des ministres de l'Environnement des 20 et 21 décembre 1990, dans laquelle la Commission aurait reconnu les problèmes particuliers de pollution auxquels la République hellénique est confrontée et admis les mesures fiscales litigieuses destinées à favoriser l'achat de véhicules neufs et moins polluants.
45 A cet égard, il convient de souligner qu'une telle déclaration n'est pas de nature à affecter la portée d'une disposition du traité et que la Commission ne saurait donner à un État membre des garanties concernant la compatibilité avec le traité d'une législation fiscale nationale. Au demeurant, dans la déclaration en cause, la Commission a expressément soumis son approbation des mesures nationales en cause à la condition qu'elles respectent les règles du traité, en particulier l'interdiction de toute discrimination entre véhicules nationaux et véhicules importés.
46 Le Gouvernement hellénique a également fait valoir que l'application aux voitures d'occasion importées des taux réduits de la taxe spéciale de consommation exigerait de procéder à un contrôle technique individuel de ces voitures lors de leur importation et que la mise en place d'un tel contrôle se heurte, pour le moment, à de sérieuses difficultés pratiques.
47 Il convient toutefois de souligner que, à supposer que leur existence soit établie, de telles difficultés ne sauraient être de nature à justifier l'application d'impositions intérieures discriminatoires à l'égard des produits originaires d'autres États membres, contrairement à l'article 95 du traité (voir, en ce sens, arrêts précités du 12 mai 1992, Commission/Grèce, point 24, et Nunes Tadeu, point 19).
48 Dans ces conditions, le troisième grief de la Commission doit être accueilli.
49 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que, en déterminant, pour l'application de la taxe spéciale de consommation et de la taxe spéciale additionnelle unique, la valeur imposable des voitures d'occasion importées en diminuant le prix des voitures neuves correspondantes de 5 % par année d'ancienneté des véhicules concernés, la diminution maximale ne pouvant en principe excéder 20 %, et en excluant les voitures d'occasion importées de technologie antipollution du bénéfice des taux réduits de la taxe spéciale de consommation applicables à ce type de voitures, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 95 du traité.
Sur les dépens
50 Aux termes de l'article 69, paragraphe 3, du règlement de procédure, la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. La République hellénique ayant cependant succombé en l'essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre)
déclare et arrête:
1) En déterminant, pour l'application de la taxe spéciale de consommation et de la taxe spéciale additionnelle unique, la valeur imposable des voitures d'occasion importées en diminuant le prix des voitures neuves correspondantes de 5 % par année d'ancienneté des véhicules concernés, la diminution maximale ne pouvant en principe excéder 20 %, et en excluant les voitures d'occasion importées de technologie antipollution du bénéfice des taux réduits de la taxe spéciale de consommation applicables à ce type de voitures, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 95 du traité CE.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) La République hellénique est condamnée aux dépens.