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Décisions

Cass. crim., 22 mai 1989, n° 88-85.105

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Tacchella

Avocat général :

M. Perfetti

Avocats :

SCP Rouvière, Lepître, Boutet.

Caen, ch. corr., du 16 mai 1988

16 mai 1988

LA COUR : - Cassation sur le pourvoi formé par X Louis, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 16 mai 1988, qui, pour refus de communication de documents et opposition à fonction des agents du service de la répression des fraudes, l'a condamné à 10 000 francs d'amende. - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation proposé, et pris de la violation des articles 6 de la loi du 28 juillet 1912 modifiée, 1, 5, 7, 11-3 de la loi du 1er août 1905, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré X coupable du délit d'opposition aux fonctions des agents du service de la répression des fraudes et l'a, en répression, condamné à une amende de 10 000 francs ;

" aux motifs que l'article 11-3 de la loi du 1er août 1905 n'est pas un texte de prévention, mais un texte de procédure ; que seul l'article 6 de la loi du 28 juillet 1912 constitue un texte de prévention et de répression de l'infraction d'entrave à la mission du service de la répression des fraudes ; qu'en fait X ne peut nier l'existence de formules de fabrication écrites ; qu'il ne saurait, au surplus, s'abriter derrière un secret de fabrication ; que ces données informatiques étaient des documents essentiels entrant dans le cadre de ceux dont l'Administration pouvait exiger la communication ; que l'examen d'une formule de fabrication en matière de denrées alimentaires cuisinées constitue un moyen primordial pour vérifier la régularité d'une composition et l'exactitude d'un étiquetage ; que l'article 6 de la loi du 28 juillet 1912 réprime le fait d'avoir mis les agents du service de la répression des fraudes dans l'impossibilité d'accomplir leurs fonctions, soit en leur refusant l'entrée des locaux de fabrication de dépôt ou de vente, soit de toute autre manière ; qu'il en est ainsi du refus délibéré et maintenu de remettre les formules de fabrication relatives à des denrées alimentaires composites et cuisinées ;

" alors que la cour d'appel ne pouvait estimer que les agents contrôleurs avaient été dans l'impossibilité d'accomplir leur mission et retenir la culpabilité du prévenu en raison de son refus de remettre les formules de fabrication, dès lors qu'il n'était pas contesté que lesdits agents avaient eu communication de la liste des ingrédients et disposaient, ainsi, de la composition du produit, mais surtout qu'ils pouvaient procéder à des prélèvements en vue d'analyses, comme le leur avait proposé X, ce qu'ils n'avaient pas fait, mais était exclusif d'une impossibilité d'exercer leurs fonctions ; qu'en tout état de cause, il appartenait à la cour d'appel de rechercher si, outre la remise des formules de fabrication, il n'existait pas, pour les agents, d'autres moyens d'accomplir leur mission ; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que selon l'article 6 de la loi modifiée du 28 juillet 1912 sera passible des peines prévues par les articles 1, 5 et 7 de la loi du 1er août 1905, celui qui aura mis les inspecteurs ou agents de la répression des fraudes dans l'impossibilité d'accomplir leurs fonctions, soit en leur refusant l'entrée de leurs locaux de fabrication, de dépôt, ou de vente, soit de toute autre manière ;

Attendu que pour infirmer la décision des premiers juges, l'arrêt attaqué énonce que le 18 juin 1987, lors d'un contrôle effectué dans le cadre de la loi du 1er août 1905 dans l'établissement dirigé par X, les inspecteurs des fraudes, après avoir procédé à l'inventaire des matières premières stockées et examiné la liste des ingrédients produits sur les emballages de divers biscuits, ont demandé en vain au responsable de l'entreprise commerciale de leur communiquer les formules de fabrication de ces produits afin d'en connaître la composition exacte et de pouvoir comparer la liste des ingrédients annoncés aux matières premières utilisées ; que la cour d'appel ajoute que bien que X ne se soit pas opposé à ce que les contrôleurs opèrent toutes saisies utiles et tous prélèvements sur cette sorte de marchandise, l'examen d'une formule de fabrication en matière de denrées alimentaires constituait un moyen primordial pour vérifier la régularité d'une composition et l'exactitude d'un étiquetage, et qu'ainsi le prévenu, en refusant de faire droit à la demande dont il était l'objet, s'était rendu coupable du délit qui lui était imputé ;

Mais attendu qu'en l'état de ces motifs qui n'établissent pas que X ait mis les agents des fraudes dans l'impossibilité d'accomplir leurs fonctions, mais constatent seulement qu'il n'a pas facilité leurs investigations, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de s'assurer de la légalité de la décision ; que dès lors l'arrêt attaqué encourt la cassation ;

Par ces motifs, et sans avoir à examiner le second moyen proposé : Casse et annule en toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour d'appel de Caen en date du 16 mai 1988, et pour être jugé à nouveau, conformément à la loi : Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Rennes.