CA Rouen, 2e ch., 23 mars 2006, n° 04-04049
ROUEN
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Prevost (Epoux)
Défendeur :
Nourichard ; Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bignon
Conseillers :
Mme Vinot, M. Lottin
Avoués :
SCP Colin Voinchet Radiguet Enault, SCP Gallière Lejeune Marchand Gray, Me Couppey
Avocats :
Mes Prevost, Auriau, Gautier
Exposé du litige
Le 19 octobre 2002, M. Joël Prevost et son épouse ont acquis de M. Jean-Jacques Nourichard un mobil home Abi 30 Phoenix au prix de 8 384,70 euro TTC, financé par un prêt de 8 380 euro consenti par le Crédit Agricole de Normandie Seine sur une durée de 60 mois. Le même jour, ils ont loué pour une année un emplacement pour le mobil home sur le terrain exploité par M. Nourichard et situé à Gueures.
Se plaignant de désordres sur le mobil home, ils ont mis en demeure M. Nourichard le 30 septembre 2003 de leur restituer le prix d'achat.
Par acte en date du 3 novembre 2003, les époux Prevost ont assigné M. Nourichard en résolution de la vente, en restitution du prix et des intérêts outre l'allocation de dommages et intérêts. Ils ont en outre assigné la Caisse Régionale de Crédit Agricole de Normandie Seine et sollicité la condamnation de M. Nourichard à les garantir du remboursement du prêt.
La banque a fait des demandes reconventionnelles à titre principal à l'encontre des époux Prevost et à titre subsidiaire à l'encontre de M. Nourichard.
Par jugement rendu le 10 septembre 2004, le Tribunal de commerce de Dieppe:
- a reçu M. et Madame Prevost Joël dans leurs demandes, fins et conclusions et les en a déboutés,
- a reçu M. Nourichard Jean-Jacques dans ses conclusions et les a déclarées partiellement fondées,
- a reçu la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine dans ses demandes et les a déclarées bien fondées,
- a condamné M. et Madame Prevost Joël à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine le solde de l'emprunt soit 6 625,19 euro outre les intérêts contractuels au taux de 5,5 % suivant les dispositions prévues par l'acte d'emprunt,
- a condamné M. et Madame Prevost Joël à payer les sommes de :
* 250 euro à M. Nourichard Jean-Jacques,
* 250 euro à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine,
au titre de l'article 700 du NCPC,
- a rejeté toutes les autres demandes des parties,
- a condamné M. et Madame Prevost Joël à tous les dépens.
Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal a estimé d'une part que l'erreur matérielle commise par M. Nourichard sur la marque et le modèle du mobil home ne justifiait pas à elle seule la résolution de la vente et d'autre part que les époux Prevost ne rapportaient pas la preuve de l'existence de vices cachés et de leur antériorité à la vente et que leur action n'avait pas été intentée dans un bref délai.
Les époux Prevost ont interjeté appel de cette décision.
Par conclusions d'incident signifiées le 28 décembre 2005, les époux Prevost ont saisi le conseiller de la mise en état d'une demande d'expertise du mobil home,
M. Nourichard, par conclusions en réplique sur incident signifiées le 13 janvier 2006, a conclu au débouté de cette demande et a sollicité la condamnation des demandeurs à l'incident à lui payer une somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
En raison de l'imminence de l'audience des plaidoiries, cet incident a été joint au fond.
Prétentions et moyens des parties
Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions signifiées le 20 janvier 2006 par les époux Prevost, le 19 janvier 2006 par M. Nourichard et le 10 janvier 2006 par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine (Crédit Agricole), outre les conclusions d'incident évoquées ci-dessus. Leurs moyens seront examinés dans les motifs de l'arrêt.
Les époux Prevost sollicitent à titre principal l'infirmation du jugement, la résolution de la vente du mobil home et la condamnation de M. Nourichard à leur payer une somme de 8 384,70 euro avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure ainsi qu'une somme de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts, et à titre subsidiaire l'annulation de la vente sur le fondement des dispositions de l'article 1109 du Code civil et la restitution du prix de vente.
Par ailleurs, ils reprennent leur demande d'expertise du mobil home.
Ils demandent qu'il leur soit donné acte de ce qu'ils acquittent régulièrement le remboursement des mensualités du prêt et de ce que la somme restant due s'élève à 3 342,80 euro et sollicitent, en cas de résolution ou d'annulation de la vente, la résolution du contrat de prêt et la condamnation de M. Nourichard à les garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre au profit du Crédit Agricole et à leur rembourser la totalité des mensualités réglées, augmentées des intérêts de droit à compter de chaque échéance.
Dans tous les cas, les époux Prevost sollicitent ta condamnation de M. Nourichard à leur payer une somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à les garantir de toutes condamnations prononcées à ce titre au profit du Crédit Agricole.
M. Nourichard sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les époux Prevost de leurs demandes et, sur son appel incident, demande à la cour de condamner les époux Prevost à lui payer une somme mensuelle de 123,23 euro à compter du 1er avril 2003 jusqu'au 31 décembre 2004, soit au total une somme de 2 587,83 euro, ainsi qu'une somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le Crédit Agricole, qui s'en rapporte sur le mérite de l'appel interjeté par les époux Prevost à l'encontre de M. Nourichard, sollicite la confirmation de la décision entreprise en ce qui concerne la condamnation des époux Prevost à son bénéfice et demande qu'il lui soit donné acte de ce que sa créance au 1er janvier 2006 s'élève à la somme de 3 342,80 euro.
A titre subsidiaire, en cas de résolution ou de nullité du contrat de vente, le Crédit Agricole demande à la cour de condamner solidairement les époux Prevost à lui payer la somme de 3 198,06 euro au taux contractuel de 5,5 % à compter du 14 février 2006 et de les condamner, eux ou toute partie succombante, à lui payer une somme de 1 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés par elle en cause d'appel.
Sur ce, LA COUR,
Sur le bref délai prévu par l'article 1648 du Code civil
M. Nourichard fait valoir que les demandes des époux Prevost sont irrecevables dès lors qu'en application de l'article 1648 du Code civil, l'action en garantie des vices cachés doit être intentée dans un bref délai, suivant la nature des vices rédhibitoires et l'usage où la vente a été faite, il souligne que la vente S'est faite en octobre 2002, que les acheteurs ont utilisé le mobil home pendant le printemps et l'été 2003 et l'ont même loué à d'autres personnes, alors que l'assignation n'est intervenue que le 3 novembre 2003.
Toutefois, si la vente s'est effectivement réalisée en octobre 2002, le point de départ du bref délai est la connaissance du vice par l'acheteur.
En application du contrat de location, les époux Prevost ne pouvaient occuper le mobil home que pendant les vacances scolaires. Ils y ont effectué un court séjour lors dus congés de Pâques 2003, sans que des vices se soient alors révélés, puis le mobil home a été occupé plus longuement au cours de l'été 2003. Certains vices sont alors apparus qui ont amené les époux Prevost à faire examiner le mobil home par M. Valet, expert, le 27 septembre 2003. Les conclusions de cet homme de l'art, qui ont fait apparaître l'étendue des désordres, ont amené les époux Prevost à assigner M. Nourichard dès le 3 novembre 2003, soit moins de six mois après l'apparition des premiers désordres.
Ce délai est bref, et l'action en garantie des vices cachés sera en conséquence déclarée recevable.
Sur la demande de résolution de la vente
M. Nourichard soutient que les époux Prevost ne rapportent pas la preuve d'un vice ayant existé au moment de la vente, puisque la constatation de fuites importantes dans le mobil home a été faite un an après la vente et est selon lui la conséquence de la carence des acquéreurs qui ont omis de purger des canalisations pendant l'hiver 2002-2003, ce qui sous l'effet du gel a entraîné des dégâts importants sur les dites canalisations.
Il souligne que l'attestation d'un acquéreur potentiel du mobil home établit que ce dernier était en parfait état au moment de la vente et que celle de M. Gardy prouve que l'ancien propriétaire avait refait tout l'intérieur, plancher compris, et que les époux Prevost n'avaient pas mis leur mobil home hors d'eau depuis octobre 2002 pendant l'hiver.
Toutefois, s'agissant de vices cachés et non apparents, l'attestation de M. Sorel, qui n'a fait que visiter le mobil home en vue de l'acquérir, est inopérante, de même que celles des voisins du mobil home qui le déclarent en parfait état.
Il résulte aussi bien des conclusions de M. Valet, expert ayant examine le mobil home un septembre 2003, que des constatations du cabinet Indexo en juin 2005 que le plancher était pourri du fait de l'humidité et a fini par se percer complètement.
Les allégations de M. Nourichard quant aux causes de cette humidité doivent être écartées puisqu'il résulte de l'attestation émanant de M. Gardy, qu'il a lui-même produite aux débats, que " nous avons refait toute la plomberie au printemps 2003 pour la mettre aux normes françaises ". Cela implique en effet que les canalisations n'avaient pas été percées et n'ont pu l'être durant l'hiver 2002-2003, qui était alors achevé.
M. Gardy précise aussi que, ainsi que le soutient M. Nourichard, l'ancien propriétaire M. Boutelier avait refait tout l'intérieur et notamment le plancher. Or c'est précisément à cette réfection inadaptée que le cabinet Indexo, dont M. Nourichard ne critique pas les travaux, attribue l'origine des désordres: l'absence d'étanchéité du sous bassement et l'affaissement antérieur du plancher ont eu pour effet la formation d'une cuvette dans laquelle l'humidité s'est installée et a stagné. Le précédent propriétaire, pour cacher cette dégradation et obtenir un plancher plat, a collé et vissé des plaques de contreplaqué, mais l'absence de dépose des anciens panneaux et d'isolement avec le nouveau plancher qui n'était pas hydrofuge a eu pour conséquence la propagation de l'humidité à la partie supérieure du plancher qui a pourri puis s'est percé. Ce vice caché, qui existait au moment de la vente, rend impropre le mobil home à l'usage auquel il est destiné. Il en est de même des installations de plomberie et électriques, non conformes aux normes de l'habitat mobile et dangereuses selon les deux experts successifs.
M. Nourichard, vendeur professionnel, ne pouvait ignorer l'existence de ces vices.
La demande en résolution de la vente est en conséquence justifiée.
M. Nourichard sera condamné à restituer aux époux Prevost le prix de 8 384,70 euro avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 1er octobre 2003.
Il sera un outre condamné à payer une somme de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts.
En raison du caractère rétroactif de la résolution de la vente, M. Nourichard, qui est toujours resté propriétaire du mobil home, sera débouté de sa demande d'indemnité d'occupation.
Sur le contrat de prêt
Il résulte des articles L. 311-21 et L. 311-22 du Code de la consommation que:
- le contrat de crédit affecté à l'acquisition d'un bien est résolu lorsque le contrat de vente de ce bien est lui même judiciairement résolu,
- Si la résolution judiciaire survient du fait du vendeur, celui-ci peut, à la demande du préteur, être condamné à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt, sans préjudice de dommages et intérêts vis-à-vis du prêteur et de l'emprunteur.
En l'espèce, le contrat de vente du mobil home ayant été résolu du fait du vendeur, le contrat de prêt consenti par le Crédit Agricole est également résolu.
La somme un capital sollicitée à ce titre par le Crédit Agricole correspond au solde restant dû à la date de l'audience, alors qu'il ne peut être tenu compte ni de cette somme qui résulte du paiement d'intérêts, ni du taux contractuel de 5,5 % dès lors que le contrat de prêt est résolu. Les époux Prevost seront en conséquence condamnés à payer le montant du prêt (8 380 euro) sous déduction des mensualités versées au 14 février 2006 (6 242,34 euro), soit une somme de 2 137,66 euro, avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2006 selon la demande qui en est faite par la banque.
La protection du consommateur prévue par la loi en pareil cas permet à l'emprunteur de se faire garantir par le vendeur du remboursement du capital prêté auquel il est tenu et il sera fait droit à cette demande des époux Prevost.
A l'inverse, les époux Prevost ne sont pas fondés à demander la condamnation de M. Nourichard à leur rembourser la totalité des mensualités versées au titre du prêt.
M. Nourichard sera débouté de sa demande faite sur le fondement de l'article 200 du nouveau Code de procédure civile et sera condamné à payer à ce titre aux époux Prevost une somme de 2 000 euro et au Crédit Agricole une somme de 1 000 euro.
Par ces motifs, LA COUR, infirmant le jugement entrepris, Déboute les époux Prevost de leur demande d'expertise, Prononce la résolution de la vente du 19 octobre 2002 faite par M. Nourichard aux époux Prevost portant sur un mobil home, Déboute M. Nourichard de sa demande faite à l'encontre des époux Prevost au titre de l'indemnité d'occupation, Condamne M. Nourichard à rembourser aux époux Prevost la somme de 8 384,70 euro avec intérêts de droit à compter du 1er octobre 2003, Condamne M. Nourichard à payer aux époux Prevost une somme de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts, Constate la résolution du contrat de prêt consenti par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine aux époux Prevost le 28 octobre 2002, Condamne les époux Prevost à payer à la Caisse Régionale de Crédit. Agricole Mutuel de Normandie Seine la somme de 2 137,66 euro avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2006, Condamne M. Nourichard à garantir les époux Prevost des condamnations prononcées à leur encontre au profit de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine, Déboute les époux Prevost de leur demande de condamnation de M. Nourichard à leur rembourser les mensualités déjà réglées à cette banque, Condamne M. Nourichard à payer aux époux Prevost la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne M. Nourichard à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie Seine la somme de 1.000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute M. Nourichard dc sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne M. Nourichard à payer les dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.