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Décisions

CE, 28 octobre 1991, n° 88551 88628 88666

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

JM Lorcy Kerlaan Mendon (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vught

Commissaire du gouvernement :

M. Toutée

Rapporteur :

M. Bandet

CE n° 88551 88628 88666

28 octobre 1991

LE CONSEIL : - Vu 1°) sous le n° 88 551, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 juin 1987 et 16 octobre 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la société JM Lorcy SA Kerlaan Mendon, 30, rue de la Boétie à Paris (75008) ; la société JM Lorcy SA Kerlaan Mendon demande que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir l'arrêté interministériel en date du 23 avril 1987 portant suspension de l'importation, de l'exportation et de mise sur le marché de conserves d'asperges originaires d'Espagne ; - Vu 2°) sous le n° 88 623, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 juin 1987 et 16 octobre 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la société anonyme Garcia, dont le siège est 104, Champs Elysées à Paris (75008) ; la société anonyme Garcia demande que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir l'arrêté interministériel en date du 23 avril 1987 portant suspension de l'importation, de l'exportation et de mise sur le marché de conserves d'asperges originaires d'Espagne ; - Vu 3°) sous le n° 88 666, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 juin 1987 et 16 octobre 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la société anonyme Pascual France, dont le siège est M International Saint-Charles à Perpignan (66000) ; la société anonyme Pascual France demande que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir l'arrêté interministériel en date du 23 avril 1987 portant suspension de l'importation, de l'exportation et de mise sur le marché de conserves d'asperges originaires d'Espagne ; - Vu les autres pièces des dossiers ; - Vu le Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; - Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu : - le rapport de M. Bandet, Conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Toutée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les trois requêtes susvisées tendent à l'annulation du même arrêté ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 21 juillet 1983 relative à la sécurité des consommateurs : "En cas de danger grave ou immédiat, le ministre chargé de la consommation et le ou les ministres intéressés peuvent suspendre par arrêté conjoint, pour une durée n'excédant pas un an, la fabrication, l'importation, l'exportation, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux d'un produit et faire procéder à son retrait en tous lieux où il se trouve ou à sa destruction lorsque celle-ci constitue le seul moyen de faire cesser le danger ... - Le ministre chargé de la consommation et, selon le cas, le ou les ministres intéressés entend et sans délai les professionnels concernés et au plus tard quinze jours après qu'une décision de suspension a été prise. Ils entendent également des représentants du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel de l'entreprise intéressée, ainsi que les associations nationales de consommateurs agréées - Ces arrêtés préciseront les conditions selon lesquelles seront mis à la charge des fabricants, importateurs, distributeurs ou prestataires de services, les frais afférents aux dispositions de sécurité à prendre en application des dispositions du présent article" ;

Considérant qu'en application de ce texte, le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, le ministre de l'agriculture, le ministre délégué chargé du budget, le ministre délégué chargé de la santé et de la famille, et le secrétaire d'Etat chargé de la consommation et de la concurrence ont, par l'arrêté attaqué en date du 23 avril 1987, suspendu pour une période d'un an à compter de la date de publication de l'arrêté, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux des conserves d'asperges originaires d'Espagne identifiées par le numéro 21 500/NA et fabriquées du 21 mars 1984 au 25 mai 1984 inclus ;

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué : - Considérant, d'une part, que si les sociétés requérantes soutiennent que la décision attaquée serait illégale pour ne pas avoir été précédée d'une procédure contradictoire, la loi du 21 juillet 1983, par les termes mêmes des dispositions précitées, a entendu exclure à cette phase une telle obligation ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le principe du contradictoire aurait été méconnu ne saurait être accueilli ;

Considérant, d'autre part, que la circonstance que la consultation des professionnels concernés et celle des associations nationales de consommateurs agréées prévues à l'article 3 de la loi du 21 juillet 1983 n'auraient pas eu lieu dans les conditions de délai prévues audit article est sans conséquence sur la légalité de l'arrêté interministériel susmentionné ;

Considérant enfin que l'arrêté attaqué précise de manière détaillée les raisons pour lesquelles l'interdiction a été prononcée ; qu'ainsi les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir qu'il serait insuffisamment motivé ;

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué : - Considérant, en premier lieu, qu'en décidant de suspendre pour un an l'importation et la mise sur le marché de conserves, à nouveau commercialisées sur le marché français, dont certaines, portant les mêmes numéros de référence et fabriquées aux mêmes dates, avaient antérieurement causé des intoxications graves, et en prévoyant le retrait et la destruction de ces produits, les auteurs de l'arrêté attaqué n'ont pas adopté une mesure excessive et disproportionnée au regard des risques pour la santé que présentaient les conserves en cause et n'ont donc pas méconnu les dispositions de l'article 3 précité de la loi du 21 juillet 1983 ; que si les sociétés requérantes contestent la légalité d'un précédent arrêté du 10 août 1984 ayant prononcé l'interdiction des mêmes produits pour une période précédente, l'éventuelle illégalité de cet arrêté serait en tout état de cause sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué ;

Considérant, en second lieu, que si les sociétés requérantes soutiennent que l'arrêté attaqué ne pouvait légalement interdire les conserves de type "California", alors que seules des conserves de type "Pic Nic" avaient été à l'origine d'intoxications, il ressort des pièces du dossier que, pour estimer que les deux types de conserves pouvaient présenter les mêmes dangers, les auteurs de l'arrêté attaqué se sont fondés sur la circonstance que les deux types de conserves étaient fabriqués dans les mêmes établissements et portaient les mêmes numéros de référence ; que, dans ces conditions, les sociétés requérantes ne sauraient se prévaloir de ce que, à défaut d'avoir produit dans la présente instance, les ministres devraient être réputés avoir acquiescé aux faits exposés par elles pour soutenir que l'arrêté attaqué a été pris sur la base de faits matériellement inexacts ;

Considérant, enfin, que les dispositions susrappelées de l'article 3 de la loi du 21 juillet 1983 dont l'administration a fait régulièrement application en l'espèce, l'habilitaient à disposer que les frais afférents au retrait et à la destruction des conserves en cause seraient mis à la charge des importateurs ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;

Décide :

Article 1er : Les requêtes de la société JM Lorcy SA Kerlaan Mendon, de la société anonyme Garcia et de la société anonyme Pascual France sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société JM Lorcy SA Kerlaan Locoal Mendon, à la société anonyme Garcia, à la société anonyme Pascual France, au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, au ministre de l'agriculture et de la forêt, au ministre délégué au budget, au ministre délégué à la santé et au ministre délégué à l'artisanat, au commerce et à la consommation.