Cass. crim., 12 octobre 1987, n° 86-90.540
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tachella (faisant fonction)
Rapporteur :
M. Gondre
Avocat général :
M. Rabut
Avocats :
SCP Labbé, Delaporte
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par Laverge André. contre un arrêt de la chambre d'accusation de la Cour d'appel d'Amiens, en date du 3 décembre 1985, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de falsification, mise en vente et détention de denrées servant à l'alimentation des animaux, falsifiées ou toxiques, a confirmé l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction en ce qu'elle a prescrit la destruction des marchandises saisies ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la loi du 1er août 1905, 1er et 2 de l'arrêté du 19 juillet 1976, article 4 de l'arrêté du 20 mars 1981, 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a ordonné au service de la répression des fraudes, la destruction de la marchandise (orge fourragère) entreposée dans les cellules 1 et 11 des silos à grains de la coopérative de Chauny ;
" aux motifs que l'analyse des échantillons prélevés les 15 et 17 avril 1980 qui contenaient des grains traités en vue d'être utilisés comme semence (grains rouges) a révélé la présence dans tous les grains colorés du lindane et de mercure dans des proportions excédant pour le mercure la teneur maximale de 0,1 mg/kg fixée par un arrêté du 19 juillet 1976 ; que l'analyse d'autres échantillons par l'institut Pasteur de Lille a confirmé la présence de mercure et de lindane mais dans des proportions moindres que les premières analyses ; que les différences paraissent s'expliquer par le manque d'homogénéité de la cargaison ; qu'il existe une probabilité statistique de dépassement et que tout échantillon supplémentaire pourrait avoir une teneur en mercure dépassant 0,1 mg/kg avec une probabilité d'environ 95 % ; que la cargaison saisie a une teneur en mercure qui excède la tolérance ; qu'en outre le lindane n'est pas un additif dont l'incorporation aux aliments pour animaux est autorisée par l'arrêté du 28 novembre 1973 ;
" alors, d'une part, que, en estimant au vu de probabilités statistiques que la marchandise litigieuse avait dans sa majeure partie une teneur en mercure dépassant la tolérance sans constater qu'il existait effectivement dans la marchandise une teneur en mercure supérieure à 0,1 mg/kg, la chambre d'accusation qui s'est prononcée par un motif hypothétique n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" alors, d'autre part, que, selon la directive de la CEE du 23 novembre 1976, la teneur en lindane ne doit pas être supérieure à 1,5 mg/kg, que l'arrêté du 28 novembre 1973 a été abrogé par l'article 4 de l'arrêté du 20 mars 1981 ; qu'en estimant au vu de l'arrêté du 28 novembre 1973 que le lindane n'était pas un additif dont l'incorporation aux aliments pour animaux est autorisée, sans rechercher si la nouvelle réglementation autorisait la présence de lindane dans les limites fixées par la directive de la CEE du 23 novembre 1976, la cour n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" alors enfin que les juges sont tenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont ils ont été régulièrement saisis ; que par conclusions régulièrement présentées devant la chambre d'accusation le 21 octobre 1985, Laverge demandait qu'il lui soit donné la possibilité dans un délai déterminé de transformer le stock saisi de sorte qu'il présente un taux homogène de mercure et de lindane, afin de pouvoir déterminer avec exactitude la teneur de la marchandise en mercure et lindane ; qu'en s'abstenant de répondre à cette demande, tout en constatant par ailleurs le manque d'homogénéité de la marchandise saisie et les résultats contradictoires des analyses des échantillons en découlant, la chambre d'accusation a méconnu l'article 593 du Code de procédure pénale " ;
Attendu que pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction qui, ayant dit n'y avoir lieu à suivre contre Laverge des chefs de falsification, mise en vente et détention de denrées servant à l'alimentation des animaux, falsifiées ou toxiques, a prescrit la destruction des marchandises saisies, la chambre d'accusation relève que l'analyse des échantillons d'orge fourragère a révélé, notamment, la présence de mercure dans des proportions excédant la teneur maximale de 0,1 mg par kg fixée par l'arrêté du 19 juillet 1976 ;
Qu'elle observe que si une seconde analyse, portant sur d'autres prélèvements, a fait apparaître la présence de mercure dans de moindres proportions que la première, les différences s'expliquent par le manque d'homogénéité de la cargaison ;
Qu'elle souligne que l'Institut Pasteur a conclu qu'il existait, statistiquement à hauteur de 95 %, une probabilité de dépassement des teneurs limites en mercure ; qu'elle en déduit que la cargaison saisie ne peut, en raison de la seule présence de mercure, être utilisée pour l'alimentation animale et a fortiori humaine ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations et abstraction faite de motifs surabondants, voire erronés, la chambre d'accusation, qui n'avait pas à répondre autrement qu'elle l'a fait aux conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision sans encourir les griefs formulés au moyen ;
Qu'en effet, aux termes de l'article 6 de la loi du 1er août 1905, dans sa rédaction issue de la loi du 10 janvier 1978, en cas de non-lieu ou d'acquittement, lorsque, comme en l'espèce, les marchandises ont été reconnues dangereuses pour l'homme ou l'animal, le juge ordonne à l'autorité qui en a pratiqué la saisie, de les faire détruire ou de leur faire donner une utilisation à laquelle elles demeurent propres ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.