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Décisions

Cass. crim., 6 novembre 1979, n° 79-90.296

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Malaval (faisant fonction)

Rapporteur :

M. Ledoux

Avocat général :

M. Davenas

Avocats :

Mes Guinard, Nicolay

Reims, ch. corr., du 14 déc. 1978

14 décembre 1978

LA COUR : - Vu les mémoires produits en demande et en défense; Sur le premier moyen de cassation pris de la violation et fausse application des articles 1er et suivants de la loi du 1er août 1905, 10 du décret du 22 janvier 1919 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi, 593 du Code de procédure pénale et 7 de la loi du 20 avril 1810 pour défaut de motifs et manque de base légale,

"en ce que l'arrêt attaqué (Reims, du 14 décembre 1978) a condamné la demanderesse pour tromperie en se basant sur un procès-verbal qui constate qu'un prélèvement a été effectué sur une quantité totale de 24 centilitres d'une liqueur contenue dans une bouteille entamée;

"sans s'expliquer sur l'irrégularité de ce prélèvement qui devait être divisé en trois échantillons et, à supposer que la quantité fut insuffisante, faire l'objet d'une saisie de la totalité du produit considéré;

"alors que le jugement dont appel avait relaxé au bénéfice du doute en raison de l'impossibilité où le juge se trouvait d'établir la vérité, du fait de l'irrégularité de ce prélèvement, ce qui avait été expressément soulevé par la demanderesse devant le premier juge;

"et alors surtout qu'en requérant du juge d'appel la confirmation du jugement de relaxe par les motifs énoncés à ce jugement, la demanderesse reprenait par cela même devant le juge d'appel le moyen soulevé par elle devant le premier juge et sur le fondement duquel elle avait été relaxée";

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que le service de la répression des fraudes a procédé dans l'hôtel-restaurant tenu par Marie-Thérèse X, épouse Y, au prélèvement de la totalité du liquide, soit 24 centilitres, contenu dans une bouteille de la marque "Z"; que ce liquide paraissait non conforme aux indications apposées sur ladite bouteille; qu'un seul échantillon a été constitué; attendu que pour répondre au moyen de défense de la prévenue, qui contestait la validité de ce prélèvement, en ce qu'il n'avait porté que sur un échantillon unique, les juges d'appel énoncent que le prélèvement a été effectué selon les prescriptions des articles 17 et 17 bis du décret du 22 janvier 1919, la quantité de produit saisi ayant été estimée, avec raison, trop faible; attendu qu'en statuant ainsi la cour d'appel a fait l'exacte application des articles 17 et 17 bis précités et a donné une base légale à sa décision; d'où il suit que le moyen doit être écarté;

Sur le second moyen de cassation pris de la violation et fausse application des articles 1er et suivants, 13 de la loi du 1er août 1905, 593 du Code de procédure pénale et 7 de la loi du 20 avril 1810, pour défaut de motifs et manque de base légale,

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné la demanderesse pour tromperie;

"au seul motif qu'elle a été trouvée détentrice dans une bouteille à bouchon verseur, en vue de la vente, d'un produit étiqueté anis Z, qui aurait consisté en un mélange de Ricard et de Pernod et que le fait ainsi énoncé ne saurait, par lui-même, constituer une tromperie au sens de l'article 1er de la loi que s'il avait été commis avec intention délictuelle en l'absence de laquelle il apparaît comme une contravention définie par l'article 13 de la loi;

"alors que la loi ne permet de présumer aucune intention de fraude comme résultant du seul fait matériel constaté et que l'intention frauduleuse qui constitue un élément de l'infraction ne résulte pas de l'affirmation qu'il n'aurait été commis ni erreur ni inadvertance;

"alors d'ailleurs que le juge n'a pas recherché quel était l'auteur du fait ni dans quelles conditions il aurait été commis, pas plus que l'affirmation que l'intention criminelle qui résulte de la connaissance du caractère illicite d'un acte ne se confondrait avec le mobile caractérisant l'intention frauduleuse, alors d'ailleurs que le juge du fond admet que la demanderesse pouvait n'avoir aucun intérêt à la fraude dont elle était prévenue";

Attendu que pour déclarer la prévenue coupable du délit de tromperie, les juges d'appel, après avoir rappelé que l'expertise avait conclu à un mélange de 40 a 50 % de Ricard et de 60 à 50 % de Pernod 45, énoncent que la bouteille litigieuse portait une étiquette et était munie d'un bouchon verseur automatique, que s'il s'agissait de produits anisés, ils étaient d'aspect et de présentation différents et que la possibilité d'une erreur de manipulation ou d'une simple inadvertance était exclue; qu'ils précisent enfin qu'il n'importe que les deux apéritifs se vendent au même prix, la connaissance du caractère illicite d'un acte ne se confondant pas avec les motifs; attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des preuves soumises aux débats contradictoires, et desquelles les juges ont déduit l'existence, à la charge de la demanderesse, de l'élément intentionnel du délit de tromperie, la cour d'appel a justifié sa décision; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé; et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.