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Décisions

TPICE, président, 2 août 2006, n° T-69/06 R

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Aughinish Alumina Ltd

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

Mes Handoll, Waterson

TPICE n° T-69/06 R

2 août 2006

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Faits, cadre juridique et procédure

1 Aughinish Alumina Ltd exploite une raffinerie d'alumine dans la partie méridionale de l'estuaire du Shannon, en Irlande. La requérante, dont la société mère est Limerick Alumina Refining Ltd, fait partie du groupe Glencore, par lequel elle est entièrement détenue depuis 1999. Elle est la seule entreprise de la région du Shannon produisant de l'alumine.

2 La production d'alumine nécessite l'utilisation d'huiles minérales lourdes.

3 Il ressort de la décision de la Commission et des écritures des parties que le gouvernement irlandais a informé la Commission, par lettre du 28 janvier 1983, d'un engagement qu'il avait pris envers les promoteurs de la requérante en avril 1970 concernant une exonération des droits d'accise sur l'huile minérale destinée à être utilisée pour la production d'alumine.

4 Par lettre du 22 mars 1983, la Commission a indiqué que, si l'aide ne devait intervenir qu'à ce moment, elle pourrait considérer la lettre du 28 janvier 1983 adressée à elle par le gouvernement irlandais comme une notification au sens de l'article 93, paragraphe 3, du traité CEE (devenu article 88, paragraphe 3, CE).

5 Le gouvernement irlandais a confirmé que tel était le cas par lettre du 6 mai 1983.

6 La Commission n'a adopté aucune décision à la suite de cette correspondance.

7 L'exonération a été établie par ordonnance du 12 mai 1983 et était applicable aux huiles minérales importées ou livrées à partir d'une raffinerie ou d'un entrepôt douanier, ce à compter du 13 mai 1983. La requérante aurait bénéficié de cette exonération pour la première fois en septembre 1983.

8 L'article 6 de la directive 92/82/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant le rapprochement des taux d'accises sur les huiles minérales (JO L. 316, p. 19), abrogée depuis le 31 décembre 2003 par la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité (JO L. 283, p. 51), fixait à partir du 1er janvier 1993 le taux minimal de l'accise sur le fioul lourd à 13 euro par tonne.

9 Aux termes de l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur les huiles minérales (JO L. 316, p. 12), modifiée pour la dernière fois par la directive 94/74/CE du Conseil, du 22 décembre 1994 (JO L. 365, p. 46), et abrogée depuis le 31 décembre 2003 par la directive 2003/96, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut autoriser un État membre à introduire des exonérations ou des réductions supplémentaires pour des raisons tenant à l'existence de politiques spécifiques.

10 En application de cette procédure, l'Irlande a été autorisée, à partir de 1992 et pour la dernière fois en 2001, par plusieurs décisions successives du Conseil, à continuer à appliquer l'exonération de taux d'accise pour la production d'alumine dans la région du Shannon. La décision 2001/224/CE du Conseil, du 12 mars 2001, relative aux taux réduits et aux exonérations de droits d'accise sur certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques (JO L. 84, p. 23), a ainsi autorisé l'Irlande à continuer d'appliquer l'exonération de droits d'accise pour la production d'alumine dans la région du Shannon jusqu'au 31 décembre 2006, sous réserve d'un examen anticipé du Conseil, sur la base d'une proposition de la Commission.

11 Par lettre du 17 juillet 2000, la Commission a demandé à l'Irlande de notifier l'exonération qu'elle accordait aux fins d'examiner la conformité de celle-ci avec les règles en matière d'aides d'État. L'Irlande a répondu à cette demande par lettre du 18 octobre 2000.

12 Par décision du 30 octobre 2001, la Commission a ouvert la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE à l'égard de l'exonération des droits d'accise octroyée à la requérante par l'Irlande. Des procédures analogues ont été engagées en ce qui concerne la production d'alumine en Sardaigne (Italie) et dans la région de Gardanne (France) par décisions adoptées par la Commission le 30 octobre 2001. Ces décisions ont été publiées au Journal officiel des Communautés européennes du 2 février 2002.

13 L'Irlande a pris position sur la décision de la Commission par lettre du 8 janvier 2002. Par lettre du 18 février 2002, la Commission a demandé à l'Irlande de lui communiquer la preuve qu'un engagement contraignant avait été souscrit à l'égard de la requérante avant l'adhésion de l'Irlande à la Communauté économique européenne. L'Irlande a fait suite à cette demande par lettre du 25 avril 2002. Aucune autre correspondance n'a été échangée entre la Commission et les autorités irlandaises après cette date.

14 Le 27 octobre 2003, le Conseil a adopté la directive 2003/96 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité, abrogeant, comme indiqué aux points 8 et 9 ci-dessus, les directives 92/81 et 92/82 à dater du 31 décembre 2003.

15 Selon l'article 18, paragraphe 1, de la directive 2003/96, par dérogation aux dispositions de celle-ci, les États membres sont autorisés à continuer d'appliquer les niveaux réduits de taxation ou les exonérations énumérés à l'annexe II de ladite directive. Sous réserve d'un examen préalable du Conseil, sur la base d'une proposition de la Commission, il était prévu que cette autorisation expire le 31 décembre 2006 ou à la date prévue à l'annexe II. Le point 7, cinquième tiret, de l'annexe II, intitulée " Taux réduits et exonérations de droits d'accise visés à l'article 18, paragraphe 1 ", vise, notamment, en ce qui concerne l'Irlande, la production d'alumine dans la région du Shannon. Aux termes de l'article 28, paragraphe 2, de la directive 2003/96, les États membres devaient appliquer les dispositions de cette directive à partir du 1er janvier 2004, à l'exception, notamment, des dispositions de l'article 18, paragraphe 1, que les États membres pouvaient appliquer à partir du 1er janvier 2003.

16 Par ailleurs, l'article 26, paragraphe 2, de la directive 2003/96 dispose, d'une part, que des mesures telles que les exonérations, réductions, différenciations ou remboursements de taxe, prévues par la directive, pourraient constituer des aides d'État et doivent, dans ce cas, être notifiées à la Commission en application de l'article 88, paragraphe 3, CE et, d'autre part, que l'information communiquée à la Commission conformément à la directive ne dispense pas les États membres de l'obligation de notification prévue par l'article 88, paragraphe 3, CE.

17 La Commission a adopté, le 7 décembre 2005, la décision 2006/323/CE, concernant l'exonération du droit d'accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d'alumine dans la région de Gardanne, dans la région du Shannon et en Sardaigne, mise en œuvre respectivement par la France, l'Irlande et l'Italie (JO L. 119, p. 12, ci-après la " décision litigieuse ").

18 L'article 1er de la décision litigieuse dispose que les exonérations des droits d'accise sur les huiles minérales lourdes utilisées dans la production d'alumine accordées par la République française, l'Irlande et la République italienne jusqu'au 31 décembre 2003 constituent des aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE.

19 L'article 2 de la décision litigieuse prévoit que l'aide accordée entre le 17 juillet 1990 et le 2 février 2002, dans la mesure où elle est incompatible avec le marché commun, ne sera pas récupérée, car cette récupération serait contraire aux principes généraux du droit communautaire.

20 L'article 3 de la décision litigieuse dispose que l'aide accordée entre le 3 février 2002 et le 31 décembre 2003 est compatible avec le marché commun au sens de l'article 87, paragraphe 3, CE, dans la mesure où les bénéficiaires acquittent un droit d'au moins 13,01 euro par tonne d'huile minérale lourde.

21 L'article 4 de la décision litigieuse dispose que l'aide accordée entre le 3 février 2002 et le 31 décembre 2003 est incompatible avec le marché commun au sens de l'article 87, paragraphe 3, CE, dans la mesure où les bénéficiaires ne se sont pas acquittés d'un droit d'au moins 13,01 euro par tonne d'huile minérale lourde.

22 Aux termes de l'article 5 de la décision litigieuse, la République française, l'Irlande et la République italienne sont tenues de prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide incompatible visée à l'article 4 de cette décision, y compris les intérêts, auprès de ses bénéficiaires, la restitution ayant lieu sans délai, conformément aux procédures du droit national, pour autant qu'elles permettent l'exécution immédiate et effective de ladite décision.

23 Enfin, conformément à l'article 5, paragraphe 5, de la décision litigieuse, la République française, l'Irlande et la République italienne sont tenues d'ordonner aux bénéficiaires de l'aide incompatible de rembourser l'aide illégale majorée des intérêts, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision litigieuse.

24 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 23 février 2006, la requérante a introduit un recours, en vertu de l'article 230 CE, visant à l'annulation de la décision litigieuse, en tant qu'elle la concerne.

25 Par acte séparé, parvenu au greffe du Tribunal le 22 mars 2006, la requérante a déposé la présente demande en référé, en vertu de l'article 242 CE, visant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de la décision litigieuse en tant qu'elle la concerne. La requérante demande également la condamnation de la Commission aux dépens.

26 La Commission a présenté ses observations écrites sur la présente demande en référé le 29 mars 2006. Elle demande que soit rejetée la demande de sursis à exécution et que la requérante soit condamnée aux dépens.

27 La requérante a répondu à ces observations par acte déposé au greffe le 19 avril 2006.

28 La défenderesse a répondu aux observations de la requérante par acte déposé au greffe le 3 mai 2006.

29 Invitée à présenter ses observations sur le fumus boni juris, la Commission a soumis, à cet effet, par acte déposé au greffe le 7 juin 2006, son mémoire en défense dans le recours au principal.

30 Les parties ont été entendues en leurs explications orales lors d'une audition tenue le 12 juin 2006.

En droit

31 En vertu des dispositions combinées de l'article 242 CE et de l'article 225, paragraphe 1, CE, le Tribunal peut, s'il estime que les circonstances l'exigent, ordonner le sursis à l'exécution de l'acte attaqué devant lui.

32 L'article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes de mesures provisoires doivent spécifier l'objet du litige, les circonstances établissant l'urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l'octroi des mesures provisoires auxquelles elles concluent. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l'une d'elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C-268/96 P(R), Rec. p. I-4971, point 30]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 29 juin 1999, Italie/Commission, C-107/99 R, Rec. p. I-4011, point 59).

33 En outre, dans le cadre de cet examen d'ensemble, le juge des référés dispose d'un large pouvoir d'appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l'espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l'ordre de cet examen, dès lors qu'aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d'analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement (ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C-149/95 P(R), Rec. p. I-2165, point 23).

Arguments des parties

34 S'agissant de la condition relative au fumus boni juris, la requérante invoque six moyens à l'appui de sa demande.

35 En premier lieu, la requérante fait valoir que la Commission aurait dû considérer l'aide en cause comme une aide existante relevant de l'article 88, paragraphe 1, CE. En deuxième lieu, la requérante soutient, en substance, que la Commission n'a pas pris en considération le cadre juridique relatif à l'harmonisation des droits d'accises sur les huiles minérales et, en particulier, d'une part, les exonérations accordées par le Conseil et, d'autre part, les dispositions de la directive 92/81 permettant à la Commission de mettre fin auxdites exonérations en cas de distorsion de concurrence. En troisième lieu, la requérante avance que, en adoptant la décision litigieuse, la Commission a négligé de tenir compte des exigences fondamentales des articles 3 CE et 157 CE. En quatrième lieu, la requérante soutient que la décision litigieuse est contraire aux principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique. En cinquième lieu, la requérante fait valoir que la procédure au titre de l'article 88, paragraphe 2, CE a eu une durée excessivement longue, 43 mois s'étant en effet écoulés entre la dernière communication avec l'un quelconque des trois États membres et parties intéressées et la date de la décision litigieuse, pour des raisons qui ne sont pas indiquées dans cette dernière. Un tel délai serait contraire aux principes de bonne administration et de sécurité juridique. Enfin, en sixième lieu, la requérante soutient que la Commission n'a pas dûment analysé les marchés pertinents et leur structure concurrentielle. Ainsi, alors qu'elle avait elle-même admis auparavant qu'il n'existait pas de distorsion de concurrence, et compte tenu du fait que le Conseil avait autorisé les exonérations jusqu'au 31 décembre 2006, il aurait incombé à la Commission de démontrer qu'elle avait effectué une analyse complète et pertinente démontrant clairement qu'il existait une distorsion réelle ou une menace de distorsion de la concurrence.

36 La Commission n'a, initialement, présenté aucune observation en ce qui concerne les arguments de la requérante sur la condition relative au fumus boni juris, considérant que la demande était, en tout état de cause, manifestement non fondée en ce qui concerne l'urgence et la balance des intérêts.

37 Invitée par le juge des référés à présenter ses observations sur le fumus boni juris, la Commission a soumis, à cet effet, par acte déposé au greffe le 7 juin 2006, son mémoire en défense dans le recours au principal. La Commission, en substance, y rejette comme non fondés l'ensemble des moyens avancés par la requérante.

38 Quant à l'urgence, la requérante soutient, en premier lieu, que, en application de l'article 5 de la décision litigieuse, elle sera tenue de verser 8 121 423,11 euro au gouvernement irlandais. Elle serait au surplus tenue d'acquitter un montant considérable au titre des intérêts. Elle estime que le paiement de ces sommes lui causera un préjudice grave et irréparable.

39 À cet égard, elle avance, en substance, que l'injonction de payer les montants indiqués la placera dans une situation financière extrêmement difficile. Elle indique que, selon le budget prévisionnel de sa maison mère, la société Limerick Alumina Refining Ltd, celle-ci, et par voie de conséquence la requérante, subira une perte nette de 36,9 millions de dollars (environ 30,4 millions d'euro) en 2006. Il s'agit là, selon la requérante, d'une tendance à court terme. L'injonction de payer une amende de huit millions d'euro soumettrait les finances de la requérante à une pression supplémentaire durant une période sensible de son existence et pourrait avoir un effet négatif important sur sa position financière et concurrentielle. Dans la mesure où sa position financière se trouverait affaiblie, il en serait de même de sa position concurrentielle vis-à-vis de ses concurrents mondiaux.

40 La requérante estime, en substance, à cet égard, que le Tribunal devrait, en examinant sa situation financière, reconsidérer sa jurisprudence concernant les requérants faisant partie d'un groupe économique. Selon elle, d'une part, bien qu'elle fasse partie du groupe Glencore, rien ne dit que, en cas de faillite de sa part, le groupe serait en mesure de trouver du travail pour les salariés qu'elle emploie, dans la mesure où les intérêts de Glencore sont largement dispersés, autant géographiquement que du point de vue de ses activités. D'autre part, contrairement à d'autres structures de groupe, les groupes commerciaux individuels au sein du groupe Glencore sont, selon la requérante, considérés comme des entités autonomes. Sa viabilité serait ainsi appréciée par le groupe indépendamment de celle de la société mère et des autres membres du groupe. La requérante ne pourrait ainsi espérer recevoir un appui financier de son groupe pour s'acquitter des sommes dues aux termes de la décision litigieuse.

41 En deuxième lieu, la requérante soutient que la pression supplémentaire qui s'exerce sur elle du fait du remboursement de l'aide perçue pourrait également avoir un effet négatif sur Glencore. Si la requérante était amenée à cesser son activité, la réduction des capacités de production aurait un effet significatif sur le marché de l'alumine et risquerait d'entraîner une importante hausse des prix de cette matière jusqu'à la construction de capacités supplémentaires, soit durant une période de quatre à cinq ans. Or, Glencore vendrait de l'alumine produite par la requérante aux termes d'une série de contrats de fourniture à long terme, à des prix calculés en fonction d'un pourcentage du prix de l'aluminium métal. La perte des unités de production de la requérante contraindrait Glencore à se fournir en alumine sur le marché dit " spot ", afin de remplir ses engagements contractuels. Les coûts supplémentaires occasionnés seraient significatifs et pourraient financièrement handicaper Glencore.

42 En troisième lieu, la requérante estime par ailleurs que des circonstances exceptionnelles justifient le sursis à l'exécution de la décision litigieuse, même s'il n'est pas établi que son existence soit en péril.

43 Premièrement, les moyens du recours en annulation et, en particulier, le refus de considérer l'aide comme une aide existante, le détournement de pouvoir, la violation des principes fondamentaux de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique soulèvent, selon la requérante, des doutes immédiats et particulièrement graves sur la légalité de la décision litigieuse. Or, la possibilité que des doutes sérieux quant à la légalité d'une mesure justifient, à titre exceptionnel, l'adoption de mesures d'urgence aurait, selon la requérante, été évoquée par le Tribunal dans les affaires ayant donné lieu aux ordonnances du président du Tribunal du 21 décembre 1994, Buchmann/Commission (T-295/94 R, Rec. p. II-1265, point 27), et Laakmann Karton/Commission (T-301/94 R, Rec. p. II-1279, point 30). La requérante estime que, même si, dans ces décisions, il a finalement été jugé que ces doutes sérieux n'existaient pas, les doutes soulevés dans la présente affaire justifient le sursis à l'exécution de la décision litigieuse.

44 Deuxièmement, la présente affaire aurait un caractère exceptionnel dans la mesure où l'exécution de la décision litigieuse ne serait pas le seul intérêt communautaire en cause. L'intérêt de la requérante à obtenir le sursis à l'exécution de la décision litigieuse afin d'éviter un grave préjudice financier coïnciderait avec l'intérêt de la Communauté à préserver les effets d'actes communautaires valablement adoptés, au regard d'une décision de la Commission dont la légalité est mise en doute.

45 La Commission soutient que la requérante n'a apporté, par ailleurs, aucun élément susceptible d'établir l'urgence de la mesure demandée.

46 En premier lieu, en ce qui concerne la prise en compte des ressources de Glencore, la Commission soutient que, pour apprécier si un requérant risque de subir un dommage grave et irréparable de nature pécuniaire en l'absence de mesures provisoires, il convient également, en vertu de la jurisprudence du Tribunal, de prendre en compte la situation et les ressources de l'ensemble de l'entreprise et pas uniquement celles de la personne morale que constitue le requérant (ordonnance du président du Tribunal du 30 juin 1999, Pfizer Animal Health/Conseil, T-13/99 R, Rec. p. II-1961).

47 La Commission rejette les arguments de la requérante selon lesquels il devrait en être autrement en l'espèce. La Commission avance, en substance, que la requérante est contrôlée intégralement par Glencore, dont le site Internet indique, d'une part, que le chiffre d'affaires du groupe était, en 2005, de 91 milliards de dollars et, d'autre part, que les avoirs de ses actionnaires s'élèvent à 6,4 milliards de dollars. Dès lors, le remboursement d'une dette de huit millions d'euro ne saurait causer un dommage, et encore moins un dommage grave et irréparable, à un groupe disposant de ressources aussi importantes.

48 En deuxième lieu, la Commission estime que la menace d'un dommage grave et irréparable n'a pas été démontrée, par ailleurs, par la requérante.

49 Premièrement, les arguments de la requérante s'articulent, selon la Commission, autour de la thèse selon laquelle la décision litigieuse la mettra dans une situation financière extrêmement difficile. Or, il ne serait pas possible de se fier, à cet égard, au " budget des recettes 2006 " présenté par la requérante, car aucune explication ne serait fournie par elle quant à la base ayant servi à la formulation de ces chiffres.

50 Deuxièmement, concernant l'argument de la requérante selon lequel Glencore ne serait pas en mesure de fournir des postes à ses employés au sein du groupe en cas de faillite de sa part, la Commission le rejette comme non étayé.

51 Troisièmement, l'allégation de la requérante selon laquelle celle-ci risquerait de faire faillite en raison d'une dette temporaire de huit millions d'euro serait démentie, selon la Commission, par l'affirmation selon laquelle les perspectives prétendument mauvaises pour l'année 2006 seraient uniquement des tendances à court terme.

52 Quatrièmement, la Commission soutient que l'argument selon lequel la requérante ne peut s'attendre à recevoir un soutien financier de la part du groupe auquel elle appartient pour effectuer les paiements exigibles est à la fois peu plausible et dénué de pertinence. En effet, indépendamment de l'investissement initial de Glencore lors de l'acquisition de l'usine de la requérante en 1999, le groupe a, selon la Commission, investi récemment 100 millions d'euro dans une centrale de production combinée de chaleur et d'électricité dans la raffinerie. La production de la centrale, laquelle aurait fait l'objet d'une expansion récente, serait de l'ordre de 1,8 million de tonnes par an. La Commission relève encore que Glencore semble estimer que les prix élevés des matières premières se maintiendront, ce qui serait confirmé par l'évolution des prix de l'aluminium et de l'alumine ces dernières années. Il n'est, par conséquent, pas concevable, selon la Commission, que Glencore puisse autoriser la fermeture d'une usine dans laquelle elle a réalisé depuis peu d'importants investissements, qui ne seraient, en outre, pas facilement transférables, selon la requérante elle-même, du seul fait de l'existence d'une dette transitoire de huit millions d'euro.

53 Cinquièmement, quant à l'allégation de la requérante selon laquelle la pression qu'impliquerait le paiement de huit millions d'euro pourrait paralyser financièrement Glencore, la Commission estime que, eu égard au chiffre d'affaires du groupe, cet argument est totalement dépourvu de sérieux et de pertinence.

54 Sixièmement, la Commission relève que, si la faillite de la requérante devait contraindre Glencore à acheter de l'alumine à des prix élevés sur le marché " spot " pour honorer ses obligations contractuelles, cela ne ferait que confirmer son opinion selon laquelle Glencore aurait toutes les raisons de fournir un soutien financier à la requérante afin de veiller à ce que le recouvrement de huit millions d'euro ne mette pas en péril la bonne marche de l'usine de la requérante.

55 En troisième lieu, quant à l'argumentation de la requérante relative à la prise en considération de circonstances exceptionnelles qui justifieraient que le sursis à exécution soit accordé même en l'absence de mise en péril de son existence, la Commission soutient que la partie demandant des mesures provisoires doit satisfaire, de façon cumulée, aux conditions relatives au fumus boni juris et à l'urgence, tout en démontrant aussi que la balance des intérêts penche en faveur de l'octroi des mesures provisoires. Or, la requérante tenterait de surmonter ses difficultés à démontrer l'urgence et l'existence d'une balance des intérêts penchant en sa faveur en s'appuyant sur ses allégations relatives au fumus boni juris pour en faire précisément l'un des aspects de l'urgence et de la balance des intérêts.

56 La Commission estime, à cet égard, que les références aux ordonnances Buchmann/Commission et Laakman Karton/Commission, point 43 supra, sont dénuées de pertinence.

57 À cet égard, la Commission, se référant à l'ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil (C-445/00 R, Rec. p. I-1461), dans laquelle il a été jugé que " l'urgence dont peut [...] se prévaloir la requérante doit d'autant plus être prise en considération par le juge des référés que [...] le moyen relatif à la violation [alléguée] paraît particulièrement sérieux ", soutient en substance que cette jurisprudence ne saurait être interprétée comme signifiant qu'une incapacité complète à établir l'urgence peut être compensée par un fumus boni juris suffisamment sérieux.

58 Enfin, la Commission soutient que l'intérêt de la Communauté au maintien des exonérations accordées par le Conseil n'entre manifestement pas dans les conditions constitutives de l'urgence, et doit être examiné dans le cadre de la balance des intérêts.

59 Quant à la balance des intérêts, la requérante soutient qu'il existe des circonstances exceptionnelles justifiant que le sursis à l'exécution de la décision litigieuse soit accordé tenant, en premier lieu, à l'importance et à la solidité du fumus boni juris et, en deuxième lieu, à l'intérêt de la Communauté à suspendre la décision litigieuse afin de préserver les effets des décisions adoptées par le Conseil et de la directive 2003/96 dans l'attente de l'arrêt au principal. En troisième lieu, il serait nécessaire, selon la requérante, de tenir compte du fait que l'exonération avait été notifiée à la Commission en 1983, quelque 17 années avant que la Commission n'adopte la décision litigieuse. L'Irlande aurait donc agi de manière diligente afin de prévenir la survenance du dommage allégué et la requérante aurait pu légitimement s'attendre à ce qu'aucune aide ne soit récupérée. Dans ces circonstances, la requérante estime que la mise en balance des intérêts requiert que le recouvrement de l'aide soit suspendu jusqu'à ce que le Tribunal se soit prononcé au principal. En quatrième lieu, accorder le sursis ne causerait à la Commission ou à l'intérêt général aucun préjudice, à plus forte raison aucun préjudice grave et irréparable.

60 La Commission soutient que, dans le cadre d'une demande en référé visant à obtenir le sursis à l'exécution de l'obligation imposée par la Commission de rembourser une aide qu'elle a déclarée incompatible avec le marché commun, l'intérêt communautaire doit normalement, sinon presque toujours, primer sur celui du bénéficiaire de l'aide d'éviter l'exécution de l'obligation de la rembourser avant le prononcé de l'arrêt devant intervenir au principal (ordonnance du président du Tribunal du 4 avril 2002, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T-198/01 R, Rec. p. II-2153, points 113 et 114).

61 Par ailleurs, la Commission soutient qu'elle jouit d'un large pouvoir d'appréciation lorsqu'elle examine une aide au regard de l'article 87, paragraphe 3, CE (ordonnance du président du Tribunal du 3 décembre 2002, Neue Erba Lautex/Commission, T-181/02 R, Rec. p. II-5081, point 118). Elle considère, à cet égard, que la décision litigieuse tient pleinement compte de l'existence des dérogations accordées à l'Irlande par le Conseil en limitant le recouvrement à l'aide versée après la date à laquelle le requérant a été informé de l'enquête formelle ouverte par la Commission au titre de l'article 88, paragraphe 2, CE. Par conséquent, la décision litigieuse refléterait l'équilibre qui a été trouvé entre la mise en œuvre requise des règles en matière d'aides d'État et l'existence desdites dérogations.

62 La Commission considère, dès lors, en substance, que les éléments avancés par la requérante à l'appui de sa requête relatifs au fumus boni juris ne peuvent ni remplacer l'absence d'urgence ni obliger le Tribunal à procéder à la mise en balance des intérêts en présence en se référant uniquement au prétendu fumus boni juris.

Appréciation du juge des référés

63 Au regard des circonstances de la présente affaire, il convient de commencer par examiner si la condition relative à l'urgence est satisfaite.

64 À cet égard, il ressort d'une jurisprudence constante que le caractère urgent d'une demande en référé doit s'apprécier par rapport à la nécessité qu'il y a de statuer provisoirement afin d'éviter qu'un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. C'est à cette dernière qu'il appartient d'apporter la preuve qu'elle ne saurait attendre l'issue de la procédure au principal sans avoir à subir un préjudice de cette nature (voir ordonnance Neue Erba Lautex/Commission, point 61 supra, point 82, et la jurisprudence citée ; ordonnances du président du Tribunal du 10 novembre 2004, Wam/Commission, T-316/04 R, Rec. p. II-3917, point 26, et du 25 avril 2006, Componenta/Commission, T-455/05 R, non encore publiée au Recueil, point 34).

65 L'imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue, mais il suffit, particulièrement lorsque la réalisation du préjudice dépend de la survenance d'un ensemble de facteurs, qu'elle soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant. Toutefois, le requérant demeure tenu de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d'un préjudice grave et irréparable (voir ordonnance du président de la Cour du 12 octobre 2000, Grèce/Commission, C-278/00 R, Rec. p. I-8787, point 15 ; ordonnance Neue Erba Lautex/Commission, point 61 supra, point 83, et la jurisprudence citée ; ordonnance Componenta/Commission, point 64 supra, point 34).

66 En l'espèce, la requérante soutient que le remboursement de l'aide perçue la placerait dans une situation extrêmement difficile et qu'elle subirait, en l'absence de sursis à l'exécution de la décision litigieuse, un préjudice financier qui présenterait un caractère grave et irréparable.

67 S'il est établi qu'un préjudice de caractère financier ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu'il peut faire l'objet d'une compensation financière ultérieure, il est également établi qu'une mesure provisoire se justifie s'il apparaît que, en l'absence de cette mesure, la partie requérante se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l'intervention de la décision mettant fin à la procédure au principal ou de modifier de manière irrémédiable sa position sur le marché (ordonnance Neue Erba Lautex/Commission, point 61 supra, point 84 ; ordonnances du président du Tribunal du 20 juillet 2000, Esedra/Commission, T-169/00 R, Rec. p. II-2951, point 45 ; du 27 juillet 2004, TQ3 Travel Solutions Belgium/Commission, T-148/04 R, Rec. p. II-3027, point 46 ; ordonnance Wam/Commission, point 64 supra, point 29).

68 Il convient, par conséquent, d'examiner tout d'abord si, en l'espèce, la partie requérante se trouve dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l'intervention de la décision mettant fin à la procédure au principal.

69 S'agissant d'une prétendue atteinte à la situation financière de la requérante susceptible de mettre en péril son existence, il convient de rappeler que l'appréciation de la situation matérielle d'une requérante peut être effectuée en prenant notamment en considération les caractéristiques du groupe auquel elle se rattache par son actionnariat [ordonnances du président de la Cour du 7 mars 1995, Transacciones Marítimas e.a./Commission, C-12/95 P, Rec. p. I-467, point 12, et du 15 avril 1998, Camar/Commission et Conseil, C-43/98 P(R), Rec. p. I-1815, point 36 ; ordonnance du président du Tribunal du 4 avril 2006, Vischim/Commission, T-420/05 R, non encore publiée au Recueil, point 81].

70 La requérante soutient qu'il y a lieu, en l'espèce, pour le juge des référés, de s'écarter de cette jurisprudence, eu égard au fait que la structure du groupe Glencore, par lequel elle est entièrement détenue, pourrait conduire Glencore à ne pas intervenir financièrement à son soutien, dans la mesure où, notamment, les groupes commerciaux individuels au sein du groupe Glencore seraient considérés comme des entités autonomes.

71 La requérante a toutefois reconnu, dans ses observations en réponse aux observations de la Commission, qu'il ne saurait non plus être exclu que Glencore intervienne et lui apporte le soutien financier dont elle pourrait avoir besoin. Tout au plus indique-t-elle que la chose n'est pas certaine.

72 À cet égard, comme le juge des référés l'a rappelé au point 65 ci-dessus, si l'imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue, il faut toutefois que celle-ci soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant (ordonnance Neue Erba Lautex/Commission, point 61 supra).

73 Tel ne paraît manifestement pas être le cas en l'espèce.

74 En effet, tout d'abord, il n'est pas contesté par la requérante que Glencore a réalisé récemment un investissement de plus de 100 millions d'euro dans une centrale de production combinée de chaleur et d'électricité dans la raffinerie de la requérante.

75 Ensuite, les ressources du groupe Glencore, au demeurant non contestées par la requérante, sont telles qu'il n'est pas raisonnablement probable, dans ces conditions, que celui-ci ne vienne pas au soutien de sa filiale pour une dette d'un peu plus de huit millions d'euro, alors même que le Tribunal n'a pas encore statué sur le recours au principal.

76 Enfin, l'argument de la requérante suivant lequel la fermeture de l'usine de la requérante pourrait avoir pour conséquence d'obliger Glencore à se fournir en alumine sur le marché " spot ", à des prix plus élevés, afin de remplir ses engagements contractuels, tend, contrairement à ce que soutient celle-ci, à démontrer que Glencore aurait en réalité intérêt à soutenir financièrement sa filiale, à tout le moins dans l'attente de l'arrêt à intervenir au principal.

77 En outre, il convient de constater que la requérante n'apporte aucun élément sérieux à l'appui de sa thèse selon laquelle il conviendrait, en l'espèce, pour le juge des référés, de se départir de sa jurisprudence suivant laquelle l'appréciation de la situation matérielle de la requérante peut être effectuée en prenant notamment en considération les caractéristiques du groupe auquel elle se rattache par son actionnariat.

78 Or, dès lors que l'on prend en considération les ressources du groupe Glencore, force est de relever, d'une part, que la requérante n'apporte aucun élément de preuve de nature à justifier que son existence serait mise en péril en raison du montant qu'elle serait tenue de rembourser et, d'autre part, que les arguments qu'elle avance concernant les difficultés financières auxquelles pourrait être confronté Glencore sont, quant à eux, dépourvus de toute vraisemblance.

79 La requérante soutient, par ailleurs, que, en cas de faillite, le sort de ses salariés serait incertain, dans la mesure où les intérêts de Glencore sont largement dispersés, autant géographiquement que du point de vue de ses activités.

80 Or, selon une jurisprudence constante, afin de prouver que la condition relative à l'urgence est remplie, le requérant est tenu de démontrer que le sursis à exécution demandé est nécessaire à la protection de ses intérêts propres. Pour établir l'urgence, le requérant ne peut invoquer une atteinte portée à un intérêt qui ne lui est pas personnel, telle une atteinte à un intérêt général ou aux droits de tiers, que ceux-ci soient des particuliers ou un État membre. De tels intérêts ne peuvent être pris en compte, le cas échéant, que dans le cadre de l'examen de la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance Wam/Commission, point 64 supra, point 28, et la jurisprudence citée ; ordonnance Componenta/Commission, point 64 supra, point 35).

81 Outre le caractère pour le moins hypothétique du risque allégué, il y a lieu de considérer que l'intérêt des salariés de la requérante ne se confond pas avec son intérêt propre et qu'il ne saurait, dès lors, être pris en considération afin d'établir l'existence d'un préjudice grave et irréparable qui soit personnel à la requérante (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 8 mai 1991, Belgique/Commission, C-356/90 R, Rec. p. I-2423, points 23 et 24).

82 Quant à une éventuelle affectation irrémédiable de sa position concurrentielle, force est de constater que la requérante n'apporte aucun élément probant de nature à étayer son allégation, qui doit dès lors être rejetée.

83 La requérante soutient, enfin, que des circonstances exceptionnelles justifient le sursis à l'exécution de la décision litigieuse. Ces circonstances exceptionnelles tiendraient, d'une part, à l'existence d'un fumus boni juris particulièrement fort et, d'autre part, à l'intérêt communautaire à préserver la validité et les effets d'actes du Conseil par lesquels des exonérations de droits d'accises ont été accordées à la requérante.

84 Ainsi que le relève à juste titre la Commission, si, au regard de l'arrêt Autriche/Conseil, point 57 supra, le caractère particulièrement sérieux du fumus boni juris n'est pas sans influence sur l'appréciation de l'urgence, il s'agit cependant, conformément aux dispositions de l'article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure, de deux conditions distinctes de l'obtention du sursis à exécution, de sorte qu'il appartient au requérant de démontrer l'imminence d'un préjudice grave et difficilement réparable, voire irréparable. La seule démonstration de l'existence d'un fumus boni juris, même particulièrement sérieux, ne saurait donc pallier l'absence complète de démonstration de l'urgence.

85 Or, force est de constater qu'en l'espèce la requérante reste en défaut de démontrer l'existence d'un préjudice grave et difficilement réparable, de sorte que la seule existence d'un fumus boni juris, même particulièrement sérieux, à supposer qu'il soit démontré, ne saurait suffire pour faire droit à sa demande.

86 Quant à l'intérêt qu'il y aurait à veiller à préserver les effets d'actes du Conseil dans l'attente du recours au principal, il y a lieu de relever qu'un tel intérêt ne peut être pris en compte, le cas échéant, que dans le cadre de l'examen de la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance Wam/Commission, point 64 supra, point 28, et la jurisprudence citée ; ordonnance Componenta/Commission, point 64 supra, point 35). L'argumentation de la requérante à cet égard ne saurait dès lors être accueillie en ce qu'elle aurait pour objet d'établir l'existence de la condition relative à l'urgence.

87 Pour autant que la requérante invoque l'atteinte aux droits qu'elle tirerait des décisions du Conseil lui ayant octroyé une exonération des droits d'accises, il y a lieu de relever qu'elle ne démontre pas pour autant qu'elle subirait de ce fait un préjudice grave et irréparable.

88 Au vu de ce qui précède, la requérante n'ayant aucunement étayé ses affirmations quant aux conséquences de l'exécution de la décision litigieuse, l'on ne peut que constater qu'elle n'est pas parvenue à établir que, à défaut d'octroi du sursis à l'exécution de ladite décision, elle subirait un préjudice grave et irréparable.

89 Il s'ensuit que la condition relative à l'urgence de la demande de sursis à exécution n'est pas établie à suffisance de droit. En conséquence, la demande en référé doit être rejetée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si les autres conditions d'octroi des mesures provisoires sont remplies.

90 Quoique la requérante n'ait pas été en mesure de démontrer qu'elle satisfaisait à la condition de l'urgence, le juge des référés estime cependant, eu égard à l'ensemble des éléments dont il dispose, que la demande n'était pas pour autant vexatoire et rejette les conclusions de la Commission visant à faire condamner la requérante aux dépens pour ce motif.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1) La demande en référé est rejetée.

2) Les dépens sont réservés.