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Décisions

Cass. 3e civ., 26 janvier 1994, n° 91-20.934

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Commune de Bayeux

Défendeur :

Lebrun-Busquet (ès qual.), Ellipse (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

Mme Giannotti

Avocat général :

M. Baechlin

Avocats :

SCP Delaporte, Briard, Me Foussard

Caen, du 19 sept. 1991

19 septembre 1991

LA COUR : - Sur le premier moyen : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 19 septembre 1991), que, par acte du 28 août 1985, la commune de Bayeux a vendu un immeuble à la société Ellipse, moyennant un prix payable pour partie comptant et, pour le surplus, en treize ans par échéances trimestrielles ; que la société Ellipse ayant été déclarée en liquidation des biens, et plusieurs échéances étant demeurées impayées, la commune a demandé la résolution de la vente en application des stipulations du contrat ;

Attendu que la commune de Bayeux fait grief à l'arrêt de la condamner à restituer à Mme Lebrun-Busquet, ès qualités de liquidateur des biens de la société Ellipse, le montant de la taxe foncière, alors, selon le moyen, "qu'en cas de résolution, les parties ne peuvent être tenues à restitution que dans la stricte mesure de ce qu'elles ont effectivement reçu ; d'où il suit qu'en ordonnant la restitution d'une somme de 29 692 F, représentative de la taxe foncière, bien que cette somme ayant été payée entre les mains du Trésor public n'ait jamais figuré dans le patrimoine de la commune de Bayeux, les juges du fond ont violé l'article 1184 du Code civil ainsi que les principes régissant les restitutions en cas de résolution" ;

Mais attendu qu'après avoir exactement retenu que la résolution judiciaire de la vente avait effacé l'acte de vente et ce, tant pour ses conséquences à venir que pour ses conséquences passées, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que le vendeur étant réputé avoir conservé la propriété de son bien, était tenu personnellement du paiement de la taxe foncière et qu'il devait en rembourser le montant réglé par l'acquéreur ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la commune de Bayeux fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des intérêts de droit sur le montant des sommes restituées au titre du prix de vente, alors, selon le moyen, "qu'en cas de résolution imputable à l'acheteur, les intérêts de droit dus par le vendeur sur le prix de vente ne peuvent courir, même s'ils ont été d'ores et déjà demandés, avant que la résolution fût prononcée ; qu'au cas d'espèce, Mme Lebrun-Busquet ayant formé un appel général, le chef du jugement ayant prononcé la résolution n'a eu effet obligatoire qu'à compter du jour où, par voie de conclusions, Mme Lebrun-Busquet a déclaré limiter son appel (2 avril 1990) ; qu'ainsi, les intérêts de droit dus sur la vente devaient courir, non pas du 4 septembre 1989, mais seulement du 2 avril 1990 ; d'où il suit que l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 1184 du Code civil, ainsi que des principes régissant les restitutions en cas de résolution" ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la commune de Bayeux était condamnée à rembourser le montant du prix de l'immeuble à la suite de la résolution de la vente et que l'acquéreur était seul responsable de cette résolution, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que cette somme porterait intérêts au taux légal à compter du jour de la demande en restitution, c'est-à-dire de la date des conclusions déposées en ce sens devant le tribunal ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième et le quatrième moyens, réunis :- Vu l'article 544 du Code civil, ensemble les articles 1183 et 1184 du même code ;

Attendu que lorsque la vente d'une chose est résolue pour inexécution par une partie de ses obligations, cette chose est remise au même état que si les obligations nées du contrat n'avaient pas existé ;

Attendu que, pour débouter la commune de Bayeux de ses demandes tendant au paiement d'indemnités d'occupation pour les périodes antérieure et postérieure à la vente, l'arrêt retient que le contrat résolu est réputé n'avoir jamais été conclu et doit être considéré comme n'ayant produit aucun effet entre les parties, que Mme Lebrun-Busquet, ès qualités, ne pouvait être condamnée au paiement d'une indemnité d'occupation puisque la société Ellipse, par l'effet de la résolution judiciaire, doit être regardée comme n'ayant jamais occupé le local, et qu'il résulte de l'acte notarié que les sommes versées à titre d'indemnités d'occupation avant la vente font partie intégrante du prix de vente et ont été versées en avance sur ce prix, que ces sommes doivent être restituées au syndic à la suite de la résolution de la vente ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la résolution de la vente anéantit les stipulations du contrat et que l'acquéreur doit une indemnité d'occupation au vendeur de l'immeuble qui recouvre sa qualité de propriétaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a débouté la commune de Bayeux de sa demande en paiement d'indemnités d'occupation, l'arrêt rendu le 19 septembre 1991, entre les parties, par la Cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Rennes.