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Décisions

Cass. com., 4 juillet 2006, n° 05-14.838

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Inbev France (Sté), Verry (Epoux)

Défendeur :

Elidis boissons services (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

M. Sémériva

Avocats :

SCP Bouzidi, Bouhanna, SCP Célice, Blancpain, Soltner

Douai, du 9 déc. 2004

9 décembre 2004

LA COUR : - Attendu, selon les arrêts attaqués (Douai, 9 décembre 2004 n° 02-07214, rectifié le 3 mars 2005), que, par contrat du 13 février 1995, M. et Mme Verry se sont engagés à s'approvisionner exclusivement en bières débitées dans leur commerce, soit auprès de la société Interbrew France (la société Interbrew), devenue la société Inbev France, soit auprès de l'entrepositaire désigné au contrat, la société Claude Charie, devenue la société Elidis boissons services (la société Elidis) ; que cette dernière a poursuivi l'indemnisation du préjudice résultant du manquement à cette obligation à l'encontre, tant de M. et Mme Verry, que de la société Interbrew, devenue la société Inbev France, en reprochant à celle-ci sa complicité dans cette violation contractuelle, pour avoir dirigé ces débitants de boissons vers un autre entrepositaire appartenant à son propre réseau de distribution ; que la société Interbrew a reconventionnellement réclamé l'allocation de dommages-intérêts en raison de fautes commises par la société Elidis ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Inbev France fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée, solidairement avec M. et Mme Verry, au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que, sollicitant la confirmation du jugement entrepris, elle avait fait valoir que M. et Mme Verry n'avaient pas cherché à se soustraire à leurs obligations contractuelles et que c'est de bonne foi qu'ils se sont approvisionnés chez un autre entrepositaire, se voyant proposer par la société Elidis des bières de marques concurrentes à celles de la société Interbrew, alors que la société Elidis avait signé la convention du 13 février 1995 ; qu'infirmant le jugement entrepris, la cour d'appel qui retient la responsabilité de M. et Mme Verry à l'égard de la société Elidis à raison d'un manquement à leurs obligations nées du contrat susvisé, sans nullement rechercher ni préciser, ainsi qu'elle y était pourtant invitée et tenue, si le propre comportement de la société Elidis qui proposait et livrait aux clients de la société Interbrew, liés à celle-ci par une convention de fourniture exclusive, des marques de bières concurrentes et avait même proposé à certains d'entre eux une subvention de 150 000 francs en contrepartie de la signature d'un contrat au profit de la brasserie Kronenbourg, concurrente directe, et ce en méconnaissance manifeste de l'engagement de s'approvisionner exclusivement en bières de la gamme Interbrew, ne privait pas de tout caractère fautif le comportement de M. et Mme Verry, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 1121 du dit code ;

Mais attendu que le débiteur étant condamné au payement de dommages-intérêts à raison de l'inexécution de son obligation, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes prises de la bonne foi de la partie défaillante ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Inbev France fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen : 1°) qu'en se bornant à constater que c'est "en accord avec Interbrew" que le contrat initial s'était poursuivi avec un autre distributeur, pour affirmer que la société Interbrew serait, ce faisant, "intervenue activement" dans la rupture des relations contractuelles, sans préciser en quoi ce simple accord avait pu avoir pour effet de contribuer effectivement à la rupture des relations contractuelles entre la société Elidis et M. et Mme Verry, et partant pouvait être fautif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 2°) qu'en se bornant à retenir que la société Interbrew avait "pris la défense" de M. et Mme Verry, mis en demeure par la société Elidis de respecter le contrat du 15 février 1995, pour affirmer qu'elle était, ce faisant, "intervenue activement" dans la rupture des relations contractuelles, sans indiquer en quoi la simple prise de position de la société Interbrew sur l'attitude de M. et Mme Verry avait pu avoir pour effet de contribuer à la rupture des relations contractuelles entre ces derniers et la société Elidis et, partant, pouvait être constitutive d'une faute, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 3°) qu'ayant constaté que M. et Mme Verry avaient cessé de s'approvisionner en bières Interbrew auprès du distributeur Elidis à compter du 17 octobre 2000 et que c'est par lettre du 1er décembre 2000, adressée à la société Elidis, que la société Interbrew avait pris la défense de M. et Mme Verry, ce dont il ressortait que la rupture des relations entre M. et Mme Verry et la société Elidis préexistait à la prise de position de la société Interbrew, la cour d'appel, qui affirme néanmoins que cette dernière était, par cette prise de position, intervenue activement dans la rupture des relations entre M. et Mme Verry et la société Elidis, et que sa responsabilité était donc engagée à l'égard de la société Elidis, a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que le moyen s'attaque ainsi à l'appréciation souveraine des faits par les juges du fond, qui n'étaient pas tenus de déduire de la seule chronologie des courriers produits l'absence d'implication de la société Interbrew dans la rupture des relations contractuelles entre les époux Verry et la société Elidis ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen : - Attendu que la société Inbev France fait enfin grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen, qu'en déboutant la société Interbrew de sa demande reconventionnelle tendant à la condamnation de la société Elidis à lui payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts à raison des fautes qu'elle avait commises, sans assortir sa décision d'aucun motif, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en retenant que la convention d'approvisionnement avait été rompue sans motif valable, la cour d'appel a motivé sa décision écartant toute faute de la société Elidis ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.