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Décisions

Cass. com., 20 juin 2006, n° 04-14.663

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Germigat (SARL)

Défendeur :

Ducs de Gascogne (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

M. Sémériva

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan, SCP Boullez

T. com. Auch., du 19 juill. 2002

19 juillet 2002

LA COUR : - Statuant, tant sur le pourvoi principal de la société Germigat, que sur le pourvoi incident de la société Ducs de Gascogne ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 1er mars 2004), que la société Germigat a dénoncé, le 9 novembre 1999, le contrat de franchise la liant depuis 1983 à la société Ducs de Gascogne ; que ce franchiseur l'a assignée, le 25 septembre 2000, en paiement de diverses sommes au titre des encours de livraison, d'indemnités contractuelles de rupture sans préavis, et d'indemnisation de manquements à l'obligation de non-concurrence ; la société Germigat a soutenu que la rupture du contrat résultait des fautes du franchiseur, et reconventionnellement réclamé le paiement de dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de la société Germigat : - Attendu que cette société fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la résiliation du contrat était intervenue à son initiative, sans qu'aucune faute soit démontrée à l'encontre du franchiseur, et d'avoir en conséquence prononcé sa condamnation au paiement de diverses sommes au titre d'indemnités contractuelles de résiliation, alors, selon le moyen : 1°) qu'il appartient au franchiseur tenu d'une obligation d'assistance et de conseil envers son franchisé de rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ; qu'en faisant peser sur le franchisé la preuve d'un manquement de la société Ducs de Gascogne, franchiseur, à son obligation d'assistance et de conseil, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ; 2°) que si l'action s'éteint par prescription, l'exception est perpétuelle ; qu'en l'espèce, la société Germigat invoquait les manquements de la société Ducs de Gascogne à ses obligations contractuelles; non seulement pour fonder sa demande reconventionnelle en réparation, mais aussi comme moyen de défense pour obtenir le rejet des prétentions indemnitaires de son franchiseur ; qu'en considérant, pour accueillir les demandes de la société Ducs de Gascogne, que le rapport daté du 4 mai 1984, faisant suite à la visite du 24 avril 1984, et les faits visés au constat du 26 janvier 1989 étaient prescrits, la cour d'appel a méconnu l'article L. 110-4 du Code de commerce, ensemble le principe selon lequel les exceptions sont perpétuelles ; 3°) qu'à l'exception d'un bocal de terrine vendu sous la marque "Jean de Vayrac", il ressort du constat d'huissier établi le 26 janvier 1989 que les produits vendus au magasin "Nicolas" étaient commercialisés sous le seul nom "Ducs de Gascogne" ; qu'en affirmant que le constat relevait que les marchandises expédiées par la société Ducs de Gascogne étaient vendues sous la marque "Jean de Vayrac", la cour d'appel a dénaturé le constat et violé l'article 1134 du Code civil ; 4°) que le contrat de franchise stipulait sous la rubrique "exclusivité territoriale" que "la société Ducs de Gascogne s'engage à ne pas implanter d'autres représentations de sa marque dans la ville où la concession a été cédée" ; qu'il en résultait clairement que la société Ducs de Gascogne s'interdisait d'approvisionner avec des produits de sa marque toute autre boutique située dans la même ville que celle que détenait la société Germigat ; qu'en considérant que la société Germigat ne détenait que "le droit exclusif de commercialisation de la marque dans un magasin, seulement", de sorte que l'approvisionnement du magasin Nicolas situé dans la même ville ne contrevenait nullement au contrat de franchise, la cour d'appel a dénaturé cette convention et violé l'article 1134 du Code civil ; 5°) que la boutique "Nicolas", destinataire des produits litigieux, étant située dans le périmètre géographique pour lequel la société Germigat bénéficiait d'un droit d'exclusivité pour la commercialisation de la marque "Ducs de Gascogne", la cour d'appel ne pouvait décider que le droit concédé au franchisé n'avait pas été violé par le franchiseur sans constater que les marchandises litigieuses avaient été vendues par correspondance ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du Code civil ; 6°) que l'article 11 du contrat de franchise, relatif au fonctionnement du compte courant ouvert entre la société Ducs de Gascogne et la société Germigat stipulait que "la société Ducs de Gascogne et ses marques diverses suspendront leurs livraisons dans le cas où le concessionnaire dépasserait son encours de 100 000 F, dans l'attente de l'épuration de son compte" ; qu'ainsi, la société Ducs de Gascogne accordait à son franchisé une avance de trésorerie qui ne pouvait dépasser 100 000 F et devait être ramenée en deçà de ce plafond en cas de dépassement afin que les livraisons reprennent ; qu'en estimant que cette clause permettait au franchiseur de suspendre toute livraison dès lors que le plafond était dépassé, et ce aussi longtemps qu'un encours de marchandise d'un montant quelconque, même très inférieur au plafond, existait, la cour d'appel a dénaturé cette clause et violé l'article 1134 du Code civil ; 7°) que dans ses conclusions d'appel, la société Germigat faisait valoir que la société Ducs de Gascogne avait commis une faute, en excluant dès le mois d'août 1999, le nom et l'adresse de son franchisé de ses documents publicitaires ; que faute d'avoir répondu à ce moyen, accueilli par le premiers juges, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel ne s'est pas fondée sur l'absence d'une preuve dont elle aurait indûment imposé la charge au franchisé, mais seulement constaté que ce dernier admettait avoir reçu des visites suivies de comptes-rendus, puis souverainement déduit des faits de l'espèce, notamment de l'absence de protestation au regard de la longue durée des relations entre les parties, que le franchiseur avait satisfait à son obligation d'assistance et de conseil, encore que le franchisé fasse désormais valoir que ses comptes-rendus de visite étaient dépourvus d'utilité ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant retenu, par une interprétation nécessaire, que les faits en cause n'étaient pas invoqués à titre d'exceptions à une demande principale, mais à l'appui d'une demande reconventionnelle, dont ils constituaient le fondement, la cour d'appel a exactement écarté l'argumentation de la société Germigat objectant que les exceptions sont perpétuelles ;

Attendu, en troisième lieu, que les faits décrits au constat du 26 janvier 1989 ayant ainsi été déclarés prescrits, les motifs analysant les termes de ce constat, le périmètre de l'exclusivité territoriale contractuelle et la dérogation relative à la vente par correspondance sont surabondants ;

Attendu, en outre, qu'en se bornant à constater que, selon l'article 11 de la convention des parties, la suspension des livraisons était possible lorsque l'encours excédait la limite permise, la cour d'appel n'a nullement dénaturé cette stipulation ;

Et attendu enfin, que la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des conclusions alléguant que la liste des franchisés, sur laquelle ne figurait plus la société Germigat, avait été "vraisemblablement éditée vers le mois d'août 1999", peu important que les premiers juges aient retenu cette pure hypothèse ; d'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, ne peut être accueilli en ses autres branches ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Ducs de Gascogne : - Attendu que cette société fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'indemnisation du préjudice résultant de la violation de la clause de non-concurrence par la société Germigat, alors, selon le moyen : 1°) que les juges du fond sont tenus d'analyser au moins sommairement les éléments de preuve produits par les parties ; qu'au cas d'espèce, les juges ont retenu que la société Ducs de Gascogne ne produisait aucune pièce justificative de ce que la société Germigat avait poursuivi son activité, tout en omettant de s'expliquer sur la lettre du 6 novembre 1999 par laquelle la société Germigat reconnaissait elle-même continuer son activité après la résiliation et ce jusqu'à écoulement des stocks ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur cette pièce, les juges du fond ont violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2°) que la personne qui subit un dommage a droit à une indemnité correspondant à l'exacte mesure du préjudice subi ; qu'en relevant, pour écarter l'indemnisation du préjudice subi par la société Ducs de Gascogne du fait de la violation par son franchisé de la clause de non-concurrence, que le contrat de franchise ne prévoyait au titre de la concurrence déloyale aucune indemnité de nature forfaitaire, alors que l'existence d'une telle clause est sans incidence sur l'existence du droit à réparation de cette société du fait du préjudice subi par la violation de la clause de non-concurrence, les juges ont statué par un motif inopérant, et par suite violé les articles 1147, 1149 et 1150 du Code civil ; 3°) qu'un trouble commercial s'infère nécessairement de la poursuite d'une activité en violation d'une clause de non-concurrence ; qu'en décidant qu'elle ne justifie pas du préjudice résultant de la poursuite de son activité par la société Germigat, en violation de la clause de non-concurrence, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé que le franchiseur réclamait des dommages-intérêts en alléguant que le franchisé avait poursuivi son activité pendant la durée de la procédure, la cour d'appel n'était pas tenue de s'expliquer sur un courrier qui, quels qu'en soient les termes relatifs à l'écoulement des stocks, était antérieur à la délivrance de l'assignation, et a pu constater qu'aucune pièce ne venait justifier de la réalité d'une telle poursuite d'activité, notamment sous la forme de cet écoulement, au-delà de cette date ;

Et attendu, en second lieu, que le moyen s'attaque pour le surplus à des motifs surabondants ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette les pourvois, tant principal qu'incident.