CA Lyon, 6e ch. civ., 3 mai 2005, n° 03-05564
LYON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Benoist
Défendeur :
Saby Centre de Controle Veritas
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lecomte
Conseillers :
Mmes Dumas, de la Lance
Avoués :
SCP Junillon-Wicky, SCP Aguiraud-Nouvellet, Me Barriquand
Avocats :
Mes Cievet, Geray, Hartemann
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Après un essai d'un véhicule super 5 le 31 mars 2002, Monsieur Pascal Saby l'a acquis auprès de Monsieur Frédéric Benoist le 2 avril suivant au prix de 1 524 euro, un contrôle technique ayant été effectué le jour m&ne par le Centre Auto Contrôle Servizières, enseigne Véritas. Estimant que le véhicule a un comportement anormal, Monsieur Saby demande un nouveau contrôle technique dès le 5 avril 2002 au Centre Auto Contrôle Saint-Etienne Villars, également enseigne Véritas, qui fait état d'un nombre important de défauts ne permettant pas l'utilisation du véhicule en l'état. Après des démarches auprès de Delkra Véritas automobile, Monsieur Saby a fait établir une expertise par Monsieur GOIX qui confirme le second contrôle technique. Le 13 décembre 2002, une nouvelle expertise est diligentée à la demande de l'assureur du Centre Auto Contrôle Servizières auprès du Bureau Commun Automobile, expertise contradictoire déposée le 21 mars suivant.
Par déclaration au greffe du 12 février 2003, Monsieur Saby a sollicité la convocation, devant le tribunal d'instance de Lyon, de Monsieur Benoist et du responsable du Centre Auto Contrôle Servizières pour demander la résolution de la vente, le remboursement du prix et des dommages et intérêts.
Par jugement du 7 août 2003, le tribunal a ordonné la résolution de la vente du véhicule Renault Super cinq conclue le 2 avril 2002 entre Monsieur Benoist et Monsieur Saby, a dit que Monsieur Saby devra restituer le véhicule à Monsieur Benoist, a condamné Monsieur Benoist à restituer le prix de 1 524 euro, a condamné in solidum Monsieur Benoist et le Centre Auto Contrôle Servizières à verser à Monsieur Saby la somme de 2 011,70 euro à titre de dommages et intérêts et 1 000 euro pour ses frais irrépétibles de défense.
Monsieur Benoist a interjeté appel de cette décision.
Monsieur Benoist soutient, en premier lieu, que Monsieur Saby, qui connaissait les griefs qu'il invoque dès l'expertise du 10 mai 2002, n'a pas agi dans le bref délai prévu à l'article 1648 du Code civil et ses demandes ne sont pas recevables, que, le véhicule ayant été grêlé pendant cette période, Monsieur Saby lui a également causé un préjudice en ne respectant pas les conditions de ce texte. Il soutient, ensuite, qu'il a acquis lui-même ce véhicule en mai 2001 sur la base d'un contrôle technique du 1l mai 2001 faisant état d'un pneu défectueux et d'un défaut sur la rotule de direction du train avant gauche, qu'il a changé les 4 pneus du véhicule ainsi que la rotule de direction, qu'un jeu important sur une rotule de direction, défaut réapparu, peut résulter d'un choc, que s'agissant d'un véhicule âgé de plus de 12 ans, une conduite l'ayant poussé au-delà de ses possibilités raisonnables a pu être à 1'origine des défauts constatés, dont certains sont sans conséquence sur la fiabilité du véhicule, que l'antériorité à la vente des défauts relevés n'est pas établie, qu'en tout état de cause, si les défauts existaient lors du contrôle technique du 2 avril 2002, le Centre Auto Contrôle a manqué à ses obligations contractuelles et que sa faute est à l'origine de tous les désagréments qu'il a vécus depuis. Subsidiairement, en raison de la contradiction aberrante entre les contrôles des 2 et 5 avril 2002, il fait valoir que le tribunal pourrait ordonner une expertise aux frais avancés de Monsieur Saby.
L'appelant demande à la cour de réformer le jugement entrepris, de constater que les dispositions de l'article 1648 du Code civil sur le bref délai n'ont pas été respectées, de relever que Monsieur Saby n'établit pas qu'à la date de la vente, le véhicule était affecté de vices cachés justifiant sa résolution, que, dans le cas contraire, le Centre Auto Contrôle Servizières devra le relever et garantir de l'intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, et, subsidiairement, d'instaurer une mesure d'expertise aux frais avancés de Monsieur Saby, pour rechercher, notamment, des informations auprès des précédents propriétaires et d'évaluer la remise en état de la carrosserie qui a été grêlée postérieurement à la vente.
Monsieur Saby soutient qu'il est établi que le véhicule ne pouvait rouler du fait de sa dangerosité constatée par le contrôle technique et les experts, que les vices étaient non apparents, que l'action engagée avant la remise du rapport d'expertise sollicitée par le Centre Auto Contrôle Servizières et moins d'un an après la découverte des vices, après échanges de courriers et enquête de la Répression des fraudes, a bien été diligentée à bref délai, qu'aucun usage abusif du véhicule n'est démontré, que le jeu de la rotule existait déjà lors de l'achat par Monsieur Benoist, que ce dernier, pouvant être considéré comme un professionnel compte tenu de sa profession, est réputé de mauvaise foi, que ses préjudices des chefs du trouble de jouissance et des frais engagés sont établis, que les sommes fixées par le tribunal devront être confirmées, qu'il a engagé des frais de gardiennage du véhicule, de 15 euro par mois, depuis le mois de février 2003, que le centre de contrôle a commis une faute en ne révélant pas les défauts du véhicule, et que cette faute a un lien direct avec les dommages qu'il a subis.
Il demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de prononcer la résolution de la vente, d'ordonner la restitution du prix qui sera garantie pas le Centre Auto Contrôle, de condamner in solidum Monsieur Benoist et le Centre Auto Contrôle Servizières à lui payer la somme de 2 146,70 euro à titre de dommages et intérêts (2 206,70 euro le jour de l'audience) et celle de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le Centre Auto Contrôle Servizières fait valoir que Monsieur Saby n'ayant engagé son action que 9 mois après avoir été informé de l'existence de vices cachés, la cour devra apprécier si l'exigence du bref délai a été respectée, que, si l'action est recevable, aucune faute ne peut être démontrée à son égard, que, de plus, la mauvaise foi du vendeur justifie qu'il ne puisse formuler aucune demande à son encontre, qu'il n'est pas démontré que les défauts présentés par le véhicule le 5 avril existaient déjà le 2 avril précédent, que l'utilisation du véhicule entre ces deux dates est ignorée, qu'il n'est pas certain que les contrôles aient été réalisés sur le même véhicule en raison des différences importantes relevées, que sa responsabilité doit être écartée, qu'à défaut, le Centre ne saurait être tenu que des frais accessoires à la vente et non au remboursement du prix du véhicule ni du prix des deux jantes, acquisition étrangère au litige, que la perte de salaire n'est pas justifiée comme ayant un lien avec le litige, et que la somme fixée pour le trouble de jouissance est excessive.
Le Centre Auto Contrôle Servizières demande à la cour de réformer le jugement entrepris, de rejeter les demandes formées par Monsieur Saby et Monsieur Benoist à son encontre, à titre subsidiaire, de rejeter toute demande de dommages et intérêts non justifiés, à défaut d'en réduire le montant, de condamner Monsieur RENOIST à le relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, de condamner Monsieur Saby et Monsieur Benoist à lui payer la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur la recevabilité de l'action:
Attendu, comme l'a retenu le premier juge, que Monsieur Saby, en possession de deux contrôles techniques contradictoires, n'a eu connaissance certaine de l'existence de vices caches qu'à la réception du rapport de Monsieur Goix du 10 mai 2002 ; que les éléments du dossier établissent qu'il a tenté des démarches auprès de la Société Dekra Véritas, qu'une enquête de la Direction de la répression des fraudes, qu'il a saisie, était en cours en novembre 2002 et que le Centre Auto Contrôle Servizières avait sollicité une nouvelle expertise, déposée seulement en mars 2003
Attendu que le jugement, ayant déclaré recevable l'action de Monsieur Saby comme bien engagée à bref délai, doit être confirmé;
- Sur l'existence de vices cachés:
Attendu que le contrôle technique du 2 avril 2002 ne relève aucun défaut sur le véhicule en cause que le contrôle du 5 avril suivant relève de nombreux défauts et, notamment, pour les défauts "à corriger avec obligation d'une contre visite", un jeu important dans la rotule de train avant gauche et une fuite importante dans la canalisation et le silencieux d'échappement et, pour les défauts "à corriger avec obligation d'une contre visite", un mauvais état de la crémaillère et du boîtier de direction, un montage inadapté des pneumatiques, une déformation mineure du berceau, une mauvaise fixation et un défaut d'étanchéité du moteur ; que l'expert, Monsieur Goix, conclut le 10 mai 2002, que le véhicule présente un caractère dangereux et' raison, notamment, de l'usure importante de la rotule de bras inférieure gauche, du fonctionnement anormal de la crémaillère de direction, de la déformation du berceau moteur et du montage inadapté des pneumatiques; que l'expertise contradictoire du 21 mars 2003, établie par le Bureau Commun Automobile, constate les mêmes anomalies "qui représentent un caractère de dangerosité", retient que certaines anomalies figuraient sur le contrôle du Il mai 2001 et que le Centre Auto Contrôle Servizières a commis une faute, son contrôle ne reflétant pas l'état du véhicule;
Attendu que sur la base de ces éléments, suffisants pour permettre à la cour de statuer sans instaurer une nouvelle expertise, et des autres pièces produites, il apparaît que ces différents contrôles et expertises, désignant le véhicule examiné par son numéro d'immatriculation et son numéro de série et indiquant un kilométrage compatible avec le temps écoulé, concernent bien le même véhicule, que certains défauts, et principalement le jeu important de la rotule avant gauche, et la fuite importante du groupe moto-propulseur, figuraient sur le contrôle du Il mai 2001 et que Monsieur Benoist ne justifie pas du remplacement de la rotule avant gauche au printemps 2001; qu'ainsi, il est démontré que le même véhicule a été examiné par les différents intervenants, que les vices décelés te 5 avril 2002 sont bien des vices cachés qui existaient lors du contrôle du 2 avril précédent et que, à tout le moins, certains d'entre eux étaient connus de Monsieur Benoist lors de la vente;
Attendu, en conséquence, comme l'a retenu le premier juge, que l'existence des vices cachés et leur antériorité à la vente ainsi établies justifient la résolution de la vente, qu'en application de l'article 1645 du Code civil, Monsieur Benoist sera tenu, outre la restitution du prix, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur et que le Centre Auto Contrôle Servizières a commis une faute en établissant un contrôle technique ne faisant pas apparaître les défauts du véhicule, faute ayant un lien de causalité direct avec le dommage subi par Monsieur Saby, qui n'aurait pas acquis le véhicule s'il avait été informé de son état;
Attendu que le Centre Auto Contrôle Servizières sera donc condamné in solidum avec Monsieur Benoist à réparer l'ensemble des préjudices subis par Monsieur Saby et tenu de relever et garantir Monsieur Benoist de toutes les condamnations prononcées à son encontre et ce, à hauteur de la moitié, Attendu que, si l'expert du Bureau Commun Automobile a constaté que le capot et le pavillon du véhicule étaient grêlés, cet élément n'a pas lieu d'être pris en compte dans la restitution du prix, la valeur vénale du véhicule se révélant trop faible au regard de l'ensemble des travaux à effectuer pour le remettre en état de circuler;
- Sur la demande en dommages et intérêts:
Attendu que le premier juge, par des motifs que la cour adopte expressément, ajustement retenu et évalué les préjudices liés aux frais du contrôle technique, aux frais d'expertise de Monsieur Goix, au coût des deux jantes acquises, et au titre de la perte de salaire ; que le jugement doit être confirmé sur ces points;
Attendu que le trouble de jouissance invoqué en raison de la privation de véhicule pendant moins de deux mois sera indemnisé par une somme de 800 euro, que le coût du gardiennage du véhicule, justifié par une attestation, depuis le mois de février 2004, s'élève en mars 2005 à 195 euro;
Qu'il sera ainsi alloué une somme totale de 1 656,70 euro à Monsieur Saby à titre de dommages et intérêts;
Attendu que l'équité commande d'accorder une somme de I 200 E à Monsieur Saby, en sus de celle accordée par le premier juge, en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, mise à la charge de Monsieur Benoist et du Centre Auto Contrôle Servizières, qui supporteront également les dépens;
Par ces motifs, LA COUR, Reçoit en la forme l'appel de Monsieur Frédéric Benoist, Réforme partiellement le jugement déféré, Statuant à nouveau sur l'ensemble des demandes, Prononce la résolution de la vente du véhicule Renault Super cinq, immatriculé n° 467 PA 69 conclue entre Monsieur Benoist et Monsieur Pascal Saby, Dit que Monsieur Saby devra restituer le véhicule à Monsieur Benoist, Condamne in solidum Monsieur Benoist et le Centre Auto Contrôle Servizières à restituer à Monsieur Saby le prix de vente de 1 524 euro et à lui payer la somme de 1 656,70 euro à titre de dommages et intérêts, Condamne le Centre Auto Contrôle Servizières à relever et garantir Monsieur Benoist à hauteur de la moitié de l'ensemble de ces condamnations, Rejette toutes les autres demandes, Condamne in solidum Monsieur Benoist et le Centre Auto Contrôle Serviziéres à payer à Monsieur SAJ3Y la somme de 2 200 euro au titre de l'article 100 du nouveau Code de procédure civile, incluant la somme accordée par le premier juge, Condamne in solidum Monsieur Benoist et le Centre Auto Contrôle Servizières aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant distraits au profit de Maître Barriquand, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.