CA Limoges, ch. civ. sect. 2, 9 novembre 2005, n° 04-1243
LIMOGES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Tabaraud
Défendeur :
Crama Centre Atlantique
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Conseillers :
Mme Barberon Pasquet, M. Pugnet
Avoués :
SCP Chabaud Durand Marquet, Me Garnerie
Avocats :
Mes Brecy Teyssandier, Clerc
Faits, procédure:
Christophe Tabaraud a confié à la SARL Action Service la construction d'une piscine moyennant le prix de 170 000 F TTC. Les travaux ont été réalisés et ont fait l'objet d'une facture du 20 juillet 1999 dont le montant a été intégralement réglé.
Le maître de l'ouvrage a pris possession de l'ouvrage et par courrier du 23 août 1999 a rappelé à son cocontractant l'existence de désordres signalés oralement lors de la réception des travaux et l'a informé de l'existence de nouveaux désordres.
Le 24 août 1999 M. Tabaraud a fait une déclaration de sinistre auprès de son assureur Crama Centre Atlantique qui a fait diligenter une expertise contradictoire.
La SARL Action Service a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire suivant jugement rendu le 21 juillet 19999 par le Tribunal de commerce de Limoges et d'une liquidation judiciaire le 24 novembre 1999.
M. Tabaraud n'a effectué aucune déclaration de créance et n'a pas demandé à être relevé de la forclusion sanctionnant cette carence.
Par acte du 12 septembre 2001, il a fait assigner la Crama Centre Atlantique devant le Tribunal de grande instance de Limoges afin de la voir déclarer entièrement responsable de son préjudice sur le fondement des articles 1382 et 1147 du Code civil pour manquement à son obligation de conseil en tant qu'assureur protection juridique et d'obtenir sa condamnation à lui verser la somme de 44 891,67 euro à titre de dommages et intérêts. A titre subsidiaire il se fondait sur l'action directe prévue à l'article L. 243-7 du Code des assurances en soutenant que la SARL Action Service était assurée par la Crama Centre Atlantique au titre de la garantie décennale.
Par jugement rendu le 30 juin 2004 le Tribunal de grande instance de Limoges a jugé qu'il n'était pas établi que M. Tabaraud avait subi une perte de chance d'obtenir directement de la SARL Action Service l'indemnisation des désordres affectant la réalisation des travaux, qu'il n'était pas établi d'autre part que ces désordres relevaient de la garantie décennale et, en conséquence, l'a débouté de ses demandes.
M. Tabaraud a déclaré interjeter appel de ce jugement le 3 septembre 2004.
Il demande à la cour d'annuler ou de réformer le jugement attaqué, et, statuant à nouveau, de condamner la Crama Centre Atlantique à lui verser une somme de 49 000 euro à titre de dommages et intérêts.
Il précise qu'il ne remet pas en cause le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande fondée sur la qualité d'assureur protection juridique de la Crama Centre Atlantique.
En revanche il affirme que la Crama Centre Atlantique était l'assureur de la société Action Service durant toute l'année 1999, période couvrant la date de réalisation des travaux incriminés, au titre de la garantie décennale et de parfait achèvement et produit le rapport d'expertise rédigé le 8 janvier 2001 par la société Polyexpert, mandaté par la Crama Centre Atlantique, qui n'avait pas été versé aux débats en première instance et qui fait apparaître l'existence de fissures affectant la terrasse et les joints, la présence d'humidité à environ 15 mètres de la piscine, le débit très différent entre les 2 refoulements laissant supposer l'existence d'une mauvaise installation des canalisations et l'existence de fissures sur la vanne après un an d'installation.
Selon lui il s'agit de vices qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination.
Par ailleurs s'agissant des désordres apparents lors de la réception qui affectaient pour l'essentiel le liner et la plage de la piscine ils sont indissociablement liés à ceux relevant de la garantie décennale alors que pour d'autres leurs conséquences étaient inconnues et c'est l'accumulation de Ces vices qui a rendu la piscine impropre à sa destination. En toute hypothèse ces désordres relèveraient de la garantie de parfait achèvement.
La Crama Centre Atlantique demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
Après avoir stigmatisé la rétention d'informations commise par M. Tabaraud qui avait omis de communiquer certaines pièces essentielles, ce qui a justifié l'intervention du juge de la mise en état, la Crama Centre Atlantique lui reproche d'avoir mis en cause sa responsabilité délictuelle au titre du contrat de protection juridique et d'un manquement à une obligation de conseil alors qu'il s'agit d'une obligation accessoire de nature contractuelle.
A titre subsidiaire elle fournit ensuite des explications sur cette garantie contractuelle découlant du contrat de protection juridique pour démontrer qu'elle avait mis en œuvre tout ce que lui imposaient ses obligations contractuelles à ce titre.
Quant à l'action directe prévue par l'article L. 243-7 alinéa 2 du Code des assurances qui permet aux victimes des dommages visés par la loi du 4 janvier 1978 d'agir directement contre l'assureur du constructeur responsable elle relève que M. Tabaraud n'a jamais exercé de recours contre cet assureur Groupama Périgord.
Vu les conclusions déposées au greffe le 5 janvier 2005 pour M. Tabaraud;
Vu les conclusions déposées au greffe le 10 mai 2005 pour la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Centre Atlantique dite Crama;
Considérant l'ordonnance de clôture intervenue le 1er septembre 2005 et le renvoi de l'affaire à l'audience du 28 septembre 2005 où elle fut plaidée et mise en délibéré;
DISCUSSION
Attendu qu'au stade de l'appel la responsabilité de la CRAMA en qualité d'assureur " Protection Juridique " de M. Tabaraud n'est plus débattue, celui-ci ayant indiqué qu'il ne remettait pas en cause le jugement déféré en ce qu'il l'avait débouté de la demande qu'il avait présentée sur ce fondement:
Attendu que le litige ne porte donc plus que sur les demandes de M. Tabaraud en ce qu'elle sont fondées sur l'action directe du maître d'ouvrage définie par les dispositions de l'article L. 243-7 du Code des assurances au titre des garanties décennale et de parfait achèvement;
Attendu qu'il doit être en premier lieu constaté que selon le document du 1er juillet 1999 intitulé " attestation d'assurance responsabilité civile décennale " c'est la Crama Centre Atlantique domiciliée 2 avenue de Limoges 79 044 à Niort qui, par l'intermédiaire de sa Direction Régionale de Limoges Groupama, assurait la SARL Action Service au titre de ses obligations de constructeur au sens des articles 1792 du Code civil du 1er mars 1999 au 31 décembre 1999;
Qu'elle reconnaît par ailleurs avoir assuré ladite société du 1er avril 1998 au 28 février 1999;
Attendu que les travaux en litige ont été réalisés au cours du premier semestre de l'année 1999 et sont donc couverts par l'assurance de la Crama Centre Atlantique;
Attendu que dans ses conclusions de première instance la Crama Centre Atlantique s'est opposée à l'action formée à son encontre par M. Tabaraud sur le fondement des articles 1792 et suivants du Code civil en soutenant d'une part qu'elle avait cessé, d'être son assureur à la date de réalisation des travaux et d'autre part que la piscine réalisée n'avait pas la nature d'un ouvrage de bâtiment tel le que visée au contrat d'assurance et qu'en conséquence la garantie décennale ne pouvait pas trouver application;
Attendu qu'en considérant qu'il n'était pas établi que l'ensemble des désordres dénoncés par le maître de l'ouvrage relevait de la garantie décennale comte tenu du caractère apparent de certains vices et du fait que les autres ne rendaient pas l'ouvrage impropre à sa destination, les premiers juges n'ont pas soulevé d'office un moyen de droit mais ont vérifié l'existence des conditions d'application de la règle invoquée, la garantie décennale, que le moyen se trouvait dans la cause, qu'aucun élément nouveau n'a été introduit dans le débat, qu'il n'y avait doue pas matière à réouverture des débats et qu'en l'absence de violation du principe du contradictoire la demande d'annulation du jugement doit être rejetée;
Attendu que M. Tabaraud verse aux débats devant la cour le rapport d'expertise rédigé le 8 janvier 2001 par la société Polyexpert qui avait été mandatée par la Crama Centre Atlantique en sa qualité d'assureur " protection juridique " de M. Tabaraud que la piscine construite par la SARL Action Service est affectée de nombreux désordres apparus ou qui se sont aggravés après la première année suivant la réception :
- Fissures de la terrasse et des joints qui clans le temps vont entraîner l'affaissement de la dalle,
- Présence d'humidité à environ 15 cm de la piscine,
- Débit très différent entre les 2 refoulements laissant supposer qu'une mauvaise installation au niveau des canalisations a été mise en œuvre,
- Fissures sur la vanne 6 voies après seulement un an à peine d'utilisation ;
Attendu que la Crama Centre Atlantique n'a pas présenté la moindre observation sur les caractéristiques de ces désordres eu égard à l'applicabilité de la garantie décennale alors qu'il était produit dans le débat par son contradicteur;
Attendu que la nature et l'importance de ces désordres rendent la piscine impropre à sa destination, qu'en outre les désordres apparents le jour où M. Tabaraud a pris possession de l'ouvrage (décollement du liner, défaut de pente de la plage qui empêche l'évacuation de l'eau) sont indissociables des vices cachés et rendent l'installation impropre dans sa totalité à sa destination ;
Attendu que le jugement entrepris, selon lequel il n'était pas établi que ces désordres relevaient de la garantie décennale, sera réformé sur ce point;
Attendu que la société Polyexpert a, le 8 janvier 2001 évalué de manière justifiée le coût des remèdes à apporter à ces désordres à la somme de 41 624,48 euro, que M. Tabaraud produit un devis estimatif d'un montant de 40 013,29 euro établi le 16 août 2001, qu'eu égard à l'inflation c'est la somme sollicitée de 43 000 euro qui indemnisera le préjudice subi par M. Tabaraud;
Attendu que M.Tabaraud allègue être privé de la jouissance de la piscine depuis environ 6 ans et sollicite l'allocation d'une indemnité de 6 000 euro, mais n'en justifie pas, que l'existence des désordres précédemment évoqués et les travaux de réfection constituent des troubles de jouissance qui seront réparés par l'allocation d'une somme de 1 000 euro;
Attendu que les données du litige justifient d'allouer à M. Tabaraud une somme de 1 500 euro au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant en audience publique, contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi; Confirme le jugement entrepris rendu le 30 juin 2004 par le Tribunal de grande instance de Limoges accepté par M. Tabaraud en ce qu'il avait dit qu'il n'était pas établi que celui-ci avait subi une perte de chance d'obtenir directement de la SARL Action Service l'indemnisation des désordres affectant la réalisation des travaux qu'elle avait effectués; Le Réforme pour le surplus; Statuant à nouveau; Rejette la demande d'annulation du jugement déféré présentée par M. Tabaraud; Condamne la Crama Centre Atlantique à verser à Christophe Tabaraud sur le fondement de la garantie décennale une somme de 44 000 euro en réparation de l'intégralité du préjudice qu'il a subi; Condamne la Crama Centre Atlantique à verser à M. Tabaraud une somme de 1 500 euro au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la Crama Centre Atlantique aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel et accorde à la SCP Durand- Marquet, avoué, le bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.