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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 22 juillet 1992, n° 90-2905

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Hass

Défendeur :

Casadessus (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Gadel

Conseillers :

Mm. Derdeyn, Thibault-Laurent

Avoués :

Me Auche, SCP Capdevila-Gabolde

Avocats :

SCP Poujade-Favel, Mes Deplanque

T. com. Perpignan, du 28 mai 1990

28 mai 1990

Le 12 décembre 1986, Catherinus Haas faisait l'acquisition auprès de la SA Casadessus d'une voiture " Austin Metro ".

Le 25 février 1988, Haas était victime d'un accident de la circulation et son véhicule était endommagé. Il le confiait à la société Casadessus pour réparations.

Après exécution de celles-ci, Haas constatait que l'état de son véhicule ne lui donnait pas satisfaction et il lui faisait subir un contrôle par le Centre Contrôle Automobile Auto Bilan CTAS. Après ce contrôle, il confiait à nouveau se voiture à la société Casadessus, mais ne parvenait pas, plusieurs mois plus tard, à obtenir la restitution de son véhicule réparé.

Sur assignation en référé délivrée à la requête de Haas, le juge d'instance de Perpignan avait, par ordonnance du 10 moi 1989, ordonné une expertise confiée à M. Tomas.

A la suite du dépôt du rapport d'expertise, le juge d'instance avait, par ordonnance de référé du 2 décembre 1969, condamné le société Casadessus à exécuter sur le véhicule les réparations préconisées par l'expert sous le contrôle de celui-ci dans le délai de quinze jours suivant le notification de l'ordonnancer sous astreinte définitive de 300 F par jour de retard.

Le Tribunal de commerce de Perpignan, saisi par Haas, a, par jugement du 28 mai 1990, homologuant les rapports de l'expert Tomas :

- ordonné la restitution à Haas du véhicule lui appartenant sous astreinte définitive de 500 F par jour de retard à compter de la signification du jugement,

- condamné la société Casadessus à payer à Haas la somme de 9 700 F avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- rejeté le demande de Haas en paiement d'une indemnité d'immobilisation.

Le tribunal s'est déclaré incompétent au profit du juge des référés pour liquider l'astreinte ordonnée le 22 décembre 1989 par ce dernier, a ordonné l'exécution provisoire de la décision et a alloué à Haas la somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le 2 juillet 1990, Haas a relevé appel de cette décision. La société intimée forme un appel incident.

Devant la cour, l'appelant conclut à le condamnation de la société Casadessus à lui verser à titre d'indemnité d'immobilisation de son véhicule le somme de 50 F par jour pour le période du 28 février 1988 à la date de restitution du véhicule et celle de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, faisant plaider :

- qu'il a été privé de son véhicule pendant plusieurs mois et que cela suffit à établir qu'il a subi un préjudice certain,

- qu'il est âgé de 75 ans et a besoin de sa voiture pour se déplacer.

De son côté, la société Casadessus demande à la cour, sur son appel incident, de déclarer irrecevable l'action de Haas ; subsidiairement de constater l'erreur de l'expert Tomas en ce qui concerne la prétendue non conformité du véhicule et de dire n'y avoir lieu à homologation de son rapport, plus subsidiairement encore de dire que le tribunal de commerce était incompétent pour liquider l'astreinte ordonnée par le juge des référés, en toute hypothèse de condamner Haas à lui payer la somme de 10 000 F pour résistance abusive et celle de 10 000 F , sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

En faveur 'de l'irrecevabilité de l'action, la société intimée argue de ce que, contrairement à l'opinion du tribunal, l'action engagée par Haas n'est pas une action en restitution de véhicule, mais une action en garantie des vices rédhibitoires et que ce dernier avait l'obligation d'agir à bref délai conformément aux dispositions de l'article 1648 du Code civil.

A l'appui de ses autres prétentions, la société Casadessus fait valoir :

- qu'elle a écrit au constructeur pour lui préciser les réparations qui avaient été faites et l'obligation dans laquelle elle s'était trouvée d'augmenter l'épaisseur des cales support des barres stabilisatrices de 2 mm et pour lui demander si cette augmentation était catégoriquement interdite par le constructeur et non conforme aux normes,

- que le constructeur a répondu que cette pratique était admise et avait pour effet "d'avancer les bras inférieurs en modifient ainsi l'angle de chasse",

- que la réparation telle qu'elle a été faite par la société Casadessus est donc conforme aux normes du constructeur,

- qu'au regard de cet argument technique, il convenait de désigner un nouvel expert,

- que dans la mesure où le juge des référés a ordonné une astreinte qui ne peut être que provisoire, le tribunal de commerce ne pouvait liquider cette astreinte, la liquidation de l'astreinte appartenant au juge qui l'a ordonnée,

- que Haas n'a subi aucun préjudice d'immobilisation puisqu'il ne justifie en aucun cas d'une location de véhicule pour remplacer le sien pendant le période des réparations.

L'appelant réplique

1°) sur le bref délai de l'article 1648 du Code civil

- que l'action engagée par Haas n'est pas une action fondée sur un soit disant vice rédhibitoire des réparations effectuées par la société Casadessus, mais une action en restitution de son véhicule immobilisé pendant de nombreux mois,

- qu'il est faux de prétendre qu'il n'est pas contesté que Haas ait utilisé son véhicule entre février 1988 et mars 1989, alors que la chronologie des faits démontre le contraire,

- qu'à l'exclusion de la seule journée du 3 juin 1988 où elle est sortie pour contrôle, la voiture est demeurée dans les ateliers de le société Casadessus du 25 février 1988 au 15 juin 1990, soit durant 28 mois,

2°) sur le rapport d'expertise

- que le rapport do l'expert Tomas précis et accablant quant à la compétence de le société Casadessus doit être purement et simplement homologué,

- que l'expert Tomas indique :"les craintes de Monsieur Haas de voir son véhicule non conforme aux normes constructeur après 16 mois d'immobilisation aux fins de réparations sont fondées et le fait constaté par les parties présentes et nous mime", "nous confirmons alors que le véhicule n'est pas réparé dans les règles de l'art en ce qui concerne la suspension avant... et que, d'autre part, le suspension arrière a été remplacée par un ensemble équipant précédemment un autre véhicule",

3°) sur l'astreinte

- qu'il n'existe aucune difficulté, le tribunal de commerce s'étant déclaré incompétent au profit du juge des référés pour liquider l'astreinte et celle-ci ayant été liquidée à la somme de 39 000 F par ordonnance du juge des référés en date du 17 octobre 1990, confirmée par arrêt du 28 août 1991,

4°) sur l'indemnisation du trouble de jouissance de Haas

- que le véhicule a été immobilisé durant 28 mois et que pendant toute cette période, l'appelant a dû utiliser des moyens de transport de substitution,

- que l'indemnisation du trouble de jouissance ne saurait se confondre avec l'astreinte qui n'est que la sanction infligée à la société Casadessus au titre du non respect des dispositions de l'ordonnance de référé du 22 décembre 1989.

SUR CE

Attendu, sur l'appel incident et sur l'irrecevabilité de l'action soulevée par la société Casadessus, que l'article 1648 du Code civil qui impartit un bref délai à celui qui introduit l'action en garantie des vices cachés, s'inscrit dans le cadre de la section II " De la garantie des défauts de la chose vendue " du titre VI "De la Vente" ; que le contrat conclu entre Haas et la société Casadessus tendant à la réparation des dommages causés au véhicule par un accident s'analyse en un contrat de louage d'ouvrage, et non de vente et que l'article 1648 est donc inapplicable ; que l'exception d'irrecevabilité doit ainsi être rejetée ;

Attendu, sur l'incompétence du tribunal de commerce pour liquider l'astreinte, que c'est une très mauvaise lecture jugement qui conduit le société intimée à soulever ce moyen, alors que le tribunal s'est déclaré incompétent ;

Attendu, sur le fond, que pour faire droit à la demande de Haas, le tribunal a, homologuant le rapport d'expertise, retenu, d'une part, que seul le berceau arrière avait été remplacé à l'exclusion des bras arrière, des roulements de tambours et des garnitures et cylindres de freins, d'autre part que des éléments de suspension avent n'avaient pas été remplacés, enfin qu'une cale élaborée sommairement dans une tôle de 3 mm d'épaisseur avait été interposée sous la chappe droite de fixation de la barre stabilisatrice, ce qui avait pour but de modifier l'angle de chasse de la roue avant droite et de rendre la géométrie correcte, réparation considérée par l'expert comme non conforme aux règles de l'art ;

Attendu que l'expert a, dans son rapport, plus précisément relevé que les écarts d'angle de chasse, carrossages et angles inclus, laissaient apparaître des anomalies importantes et non conformes aux normes de sécurité en vigueur qui. régissent l'utilisation des véhicules terrestres à moteur et que l'intervention effectuée par le société Casadessus en avril 1986 avait été inefficace ; que l'expert a, en autre, remarqué que la suspension arrière avait été remplacée par un ensemble équipant précédemment un autre véhicule

Attendu que la société Casadessus ne saurait sérieusement contester les conclusions de l'expert, alors qu'elle ne verse pas aux débats la moindre pièce, notamment l'avis du constructeur dont elle fait état dans ses écritures que le jugement doit ainsi être confirmé en toutes ses dispositions, à l'exception du débouté de Haas de sa demande d'indemnisation du préjudice d'immobilisation

Attendu, en effet, que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la demande présentée de ce chef par Haas ; que ce dernier a, en effet, apporté sa voiture au garage le 3 juin 1988 et n'a pu en reprendre possession que le 15 juin 1990, soit 28 mois et douze jours plus tard ;

Attendu qu'il y a lieu de retrancher un délai d'un mois pour procéder à la révision des réparations ; que Haas a donc été privé de façon illégitime de l'usage de son véhicule durant 27 mois et douze jours et a subi pour ce motif un préjudice qui ne saurait être contesté ; qu'il y a lieu de lui allouer à ce titre une indemnité de 50 F par jour, soit pour 27 mois et 12 jours :

27x30= 810 + 12x50 F = 41 100 F;

Attendu que les dépens doivent suivre le sort du principal ; qu'il convient, par application des nouvelles dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, d'alloué à l'appelant le somme de 4 000 F ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel régulier en la forme, Confirme le jugement déféré, sauf sur le rejet de la demande d'indemnité d'immobilisation, Le réformant de ce chef et statuant a nouveau, Condamne l'a société Casadessus à payer de ce chef à Catherinus Haas la somme de 41 100 F, Le condamne aux dépens d'appel et à payer à l'intimé la somme de 4 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.