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Décisions

CA Papeete, ch. civ., 26 février 1998, n° 273-86

PAPEETE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Laborde

Défendeur :

Dujarrier

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Calinaud

Conseillers :

MM. Moyer, Goulard De Curraize

Avocats :

Mes Quinquis, Girard

T. civ. Papeete, du 26 avr. 1995

26 avril 1995

LA COUR,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant sur l'appel de M. Laborde et l'appel incident de Melle Dujarrier contre un jugement du Tribunal de première instance de Papeete du 26 avril 1995 ayant prononcé la résolution de la vente d'un véhicule consentie à Melle Dujarrier le 21 janvier 1992 et ayant condamné M. Laborde à payer à celle-ci 200 000 FCP à titre de dommages et intérêts et 80 000 FCP pour frais irrépétibles.

Faits, procédure et moyens des parties,

Melle Nathalie Dujarrier a acquis de M. Roger Laborde en date du 21 février 1992 un véhicule Peugeot d'occasion pour une somme de 1 490 000 FCP.

Melle Dujarrier estimant que le véhicule était atteint de vices cachés, a par requête du 10 février 1992, saisi le juge des référés du Tribunal de première instance de Papeete d'une demande contre M. Laborde aux fins de désignation d'expert.

Par ordonnance du 13 février 1992, le juge des référés désignait M. Bonnard, en qualité d'expert.

Par requête du 6 août 1992, Melle Dujarrier a engagé devant le Tribunal de première instance de Papeete contre M. Laborde une action en résolution de la vente, en paiement de 500 000 FCP à titre de dommages et intérêts et de 80 000 FCP pour frais irrépétibles ainsi qu'en condamnation aux dépens.

M. Laborde résistait à la demande et sollicitait 100 000 FCP pour frais irrépétibles outre la condamnation de Mme Dujarrier aux dépens.

Melle Dujarrier a sollicité l'exécution provisoire, porté sa demande pour frais irrépétibles à 150 000 FCP sollicitant paiement de 55 451 FCP pour frais de réparation.

M. Laborde a accepté de régler à Melle Dujarrier 14 079 FCP pour frais de réparation.

Par requête enregistrée le 13 juin 1995, M. Laborde a interjeté appel du jugement du 26 avril 1995 demandant à la cour de débouter Melle Dujarrier de ses demandes, à l'exception de celle concernant la facture de 14 079 FCP qu'il acceptait de régler et de la condamner à lui payer 200 000 FCP pour frais irrepétibles.

Il fait valoir que, faute d'avoir été introduite à bref délai, l'action de Melle Dujarrier est irrecevable, à titre subsidiaire il estime que le véhicule n'était pas atteint de vices rédhibitoires compte tenu du bilan technique du véhicule et remis à l'acquéreur, et des constatations de M. Choquet, expert, les défectuosités constatées par l'expert Bonnard ne rendant pas le véhicule impropre à sa destination ; il soutient que Melle Dujarrier qui utilise régulièrement le véhicule, ne peut en tout état de cause rendre le véhicule dans l'état d'acquisition il estime que le prix de vente du véhicule est sans rapport avec l'action en résolution de la vente d'autant que ce prix librement fixé entre les parties était justifié ; il s'oppose à la demande additionnelle concernant le coût d'entretien du véhicule justement rejetée par le premier juge ; il renouvelle sa proposition de rembourser le montant du changement de freins ; il s'oppose à des dommages et intérêts non justifiés.

Par conclusions des 20 février 1997, Melle Dujarrier estime avoir été trompée sur la valeur du véhicule acquis pour plus de deux fois sa valeur réelle elle Soutient que son action a été engagée à bref délai, la demande en référé interrompant les délais et le point de départ du bref délai étant en tout état de cause la notification du rapport d'expertise.

Elle se fonde sur le rapport d'expertise pour estimer que le véhicule ne pouvait être utilisé sans danger, les freins arrière étant inefficaces et comportant divers désordres inadmissibles compte tenu du prix de vente à savoir défaut de baguette de porte, lumière intérieure défectueuse, défaut de cache-fusible, jauge d'huile incorrecte, pot d'échappement percé et bruyant, moteur défectueux.

Elle rappelle que selon l'article 1644 du Code civil l'acquéreur a le choix entre l'action rédhibitoire ou estimatoire sans que la gravité du vice ait de l'influence sur cette option.

Melle Dujarrier justifie sa demande de 11 409 556 FCP au titre du préjudice matériel subi par les réparations indues qu'elle a dû effectuer et sa demande de 500 000 FCP de dommages et intérêts par les soucis et tracas occasionnés.

M. Laborde réplique que l'intimée tente de lui imputer des charges normales d'entretien d'un véhicule d'occasion, que son adversaire ne démontre pas de lien de causalité entre sa prétendue faute et le préjudice prétendument subi.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 janvier 1998.

Motifs de la décision,

Sur la recevabilité de l'appel de M. Laborde

L'appel de M. Laborde interjeté le 13 juin 1995 sans qu'il soit justifié qu'une signification du jugement lui ait été délivrée doit être considéré comme formé dans les formes et délais prévus par les articles 196, 197 et 207 du Code de procédure civile de la Polynésie française il est donc recevable.

Sur la recevabilité de l'action

Selon l'article 1646 du Code civil l'action résultant de vices rédhibitoire doit être intentée à bref délai. Dès lors que La vente du véhicule a eu lieu le 21 janvier 1992 et que Melle Dujarrier n'a pu connaître l'existence précise et l'étendue des vices atteignant la voiture qu'au moment du dépôt du rapport de l'expert désigné en référé, soit le 20 mars 1992, la saisine du juge du fond par requête du 6 juin 1992, moins de 3 mois après ce dépôt, doit être considérée comme intervenue à bref délai.

L'action de Melle Dujarrier est donc recevable.

Sur les vices cachés

Selon l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à sa destination ou qui diminuent tellement son usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

En l'espèce, l'expert Bonnard a constaté certains défauts apparents (pare-chocs, pédale d'embrayage, porte de fusibles, baguette, éclairage) ; il a par ailleurs constaté d'autres vices tels que casse de la jauge à huile, désordres du pot et du tuyau d'échappement qui, en raison de l'accès difficile de ces éléments, doivent être considérés comme cachés pour un non professionnel.

Il a enfin constaté des désordres de freins et un mauvais fonctionnement du moteur.

Ces désordres doivent certainement être considérés comme cachés dès lors qu'au moment de la vente, Melle Dujarrier avait reçu selon M. Laborde un bilan technique versé aux débats faisant état d'un bon freinage et d'un démarrage et fonctionnement du moteur bons.

M. Bonnard estime que les freins arrières sont inefficaces et dangereux, que le véhicule ne peut être utilisé sans danger et que l'acquéreur était fondé à exiger un moteur tournant régulièrement, sans ratés, sans caler et sans difficulté de démarrage.

M. Laborde conteste la gravité des désordres concernant le freinage et le moteur en se fondant tant sur une attestation de M. Choquet, expert automobile admettant avoir constaté des traces de gras sur les freins mais estimant ce désordre sans gravité, que sur le bilan technique satisfaisant versé aux débats.

Le rapport non contradictoire de M Choquet ne peut être opposé à Melle Dujarrier et le bilan technique ne fait état que d'une apparence.

Les constatations minutieuses de l'expert et ses conclusions sur le caractère dangereux du système de freinage comme sur l'importance du dysfonctionnement du moteur ne peuvent être sérieusement contestées et permettent de considérer que le véhicule est impropre à sa destination, le fait que la voiture soit vendue d'occasion étant sans intérêt dans l'appréciation de cette impropriété de destination.

Les désordres du pot et du tuyau d'échappement et de la jauge d'huile, s'ils ne rendent pas le véhicule impropre à sa destination, sont tels que Melle Dujarrier aurait donné du véhicule un prix moindre que celui de 1 490 000 FCP correspondant à un véhicule en parfait état.

Sur la résolution de la vente

Selon l'article 1644 du Code civil, l'acheteur à le choix lorsqu'il engage une action sur le fondement des vices cachés entre rendre la chose et s'en faire restituer le prix ou la garder et se faire rendre une partie du prix.

Dès lors que Mellee Dujarrier a opté pour la restitution de la close et la restitution du prix. M. Laborde ne peut se contenter d'offrir un remboursement partiel du prix de vente ou ce qui revient à un remboursement partiel, le coût de réparation des freins.

Si M. Laborde affirme que Melle Dujarrier n'est pas en mesure de lui restituer le véhicule dans l'état où il était au moment de la vente en maison de son utilisation, il ne rapporte pas actuellement la preuve de cet état plus médiocre.

Il convient donc comme l'a fait le premier juge d'ordonner la résolution de la vente du véhicule, la restitution de celui-ci à M. Laborde et le remboursement par M. Laborde à Melle Dujarrier du prix de vente soit 1 490 000 FCP.

Sur les dommages et intérêts

Selon l'article 1645, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est dû outre la restitution du prix tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

En l'espèce. M. Laborde, vendeur professionnel, ne pouvait ignorer les vices de la chose parfaitement visibles pour un professionnel par un simple examen attentif du véhicule.

Si Melle Dujarrier ne peut prétendre à titre de dommages et intérêts au paiement des factures d'entretien postérieures à la vente, il apparaît qu'elle n'a pas pu utiliser dans des conditions normales le véhicule acheté et qu'elle a été contrainte à des réparations n'entrant pas dans le cadre des seules opérations d'entretien.

C'est à juste titre que les dommages et intérêts ont été fixés par le premier juge à la somme forfaitaire de 200 000 FCP.

Sur les frais irrépétibles

Il est inéquitable que Melle Dujarrier subisse la totalité de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

C'est à bon droit que le premier juge a alloué à Melle Dujarrier la somme de 80 000 FCP pour frais irrépétibles de première instance et il y a lieu à lui allouer de ce chef, pour frais irrépétibles d'appel, la somme de 80 000 FCP.

Sur les dépens

M. Laborde qui succombe, sera condamné en tous les dépens de première instance et d'appel et de référé y compris frais d'expertise.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ; Déclare recevables les appels ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ; Y ajoutant, Condamne M. Laborde à payer à Mme Dujarrier la somme de 80 000 FCP (quatre vingt mille francs pacifiques) pour frais irrépétibles d'appel ; Condamne M. Laborde aux dépens d'appel distraits au profit de Me Girard, avocat, sur son affirmation d'en avoir fait l'avance.