Cass. crim., 27 juin 2006, n° 06-80.103
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
Mme Guihal
Avocat général :
M. Finielz
Avocat :
Me Haas
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X Jean-André, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 19 octobre 2005, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 15 000 euro d'amende; - Vu le mémoire produit; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne des droits de l'Homme, L. 121-1, L. 212-6 et L. 213-1 du Code de la consommation, 121-6 et 121-7 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Jean-André X coupable de complicité de publicité mensongère et, en répression, l'a condamné à une amende de 15 000 euro;
"aux motifs qu'au soutien de leur décision de relaxe du prévenu, à qui il est seulement reproché des actes de complicité, les premiers juges retiennent que celui qui a été poursuivi en qualité d'auteur principal de l'infraction, Fred Y, a été lui même trompé par Marie-José Z ; qu'ils en déduisent qu'il ne peut être l'auteur d'une tromperie ; que cependant, en premier lieu, il s'agit d'une déduction de principe contestable, la victime d'une infraction de tromperie pouvant elle-même être l'auteur d'une infraction ultérieure de même nature portant sur le même produit, dès lors qu'entre temps elle a eu connaissance des faits de tromperie dont elle a été victime; qu'en second lieu, Jean-André X n'est pas poursuivi du chef de complicité de tromperie, mais de celui de complicité de publicité mensongère ; que par ailleurs, les faits de publicité mensongère nonobstant le décès de leur auteur, Fred Y, sont établis, tant par les procès-verbaux de la DGCCRF que par l'enquête de gendarmerie ultérieurement diligentée; qu'en effet, les mentions erronées relatives à l'origine de l'huile et à sa qualité figurent non seulement sur les étiquettes des bouteilles, selon les termes reproduits ci-dessus, mais également sur le tarif général de ses produits, édité par la société A, et sur le site internet www.C.com, exploité par cette dernière; que les huiles litigieuses y sont présentées sous la dénomination d' " huile d'olive vierge extra " à la rubrique " Les saveurs de notre pays de Provence "; qu'enfin, Jean-André X cherche à minimiser sa participation aux faits de publicité mensongère; que, d'une part, il était indiqué, sur le site internet précité, que les produits commercialisés par société A sous la marque C étaient " rigoureusement sélectionnés par Jean-André X, chef propriétaire [du restaurant D] "; qu'une photographie de ce dernier, en habit blanc de chef de cuisine, tenant sous son bras un panier rempli de légumes frais, avec en arrière-plan un village provençal au fond d'un champ d'oliviers, venait illustrer ces propos; que pour toute personne visitant le site, il ne pouvait faire aucun doute que le prévenu avait personnellement sélectionné les huiles offertes à la vente; que, d'autre part, l'utilisation du nom et de l'image de Jean-André X n'a pu se faire à son insu, comme il le prétend; qu'en effet, l'exploitation de l'hôtel-restaurant qu'il dirigeait, et la vente des produits qu'assurait la société A étaient étroitement imbriquées; qu'outre une même localisation, aux Baux de Provence, la SARL E, dont Jean-André X est le gérant, avait conclu le 1er juillet 1997, un contrat de licence de marque avec la SA A, dont Fred Y était le président-directeur général, ledit contrat, d'une durée de trente ans, portant sur la marque et le logo " C ", dont la SARL E était le propriétaire; que le même jour, un contrat d'assistance technique avait été conclu entre la société A et Jean-André X, en son nom propre, aux termes duquel ce dernier participait au comité de sélection des produits commercialisés par la société A ; qu'en rémunération de ses prestations, Jean-André X recevait des honoraires correspondant à 1 % du chiffre d'affaires de la société A avec un minimum garanti de 120 000 F en année pleine ; qu'enfin, une lettre de voeux circulaire, adressée le 31 décembre 1999 par Jean-André X à ses clients, versée au dossier, est établie sur papier à en-tête de " D - Les Baux de Provence " porte, au pied de la page, les références commerciales de la société A ainsi que l'adresse du site internet www.C.com;
" alors, premièrement, que la complicité n'est constituée qu'autant que le fait principal punissable a été caractérisé; que ne commet pas le délit de publicité mensongère celui fait état des qualités d'un produit au sujet desquelles il a lui-même été trompé ; qu'en considérant, pour déclarer Jean-André X complice de ce délit, que Fred Y avait commis le délit de publicité mensongère, sans rechercher si ce dernier, dont elle constatait qu'il avait été déclaré victime de tromperie par une décision judiciaire définitive, avait déjà acquis, au moment des faits de publicité mensongère poursuivis, la connaissance de l'inexactitude des mentions relatives à la qualité et à l'origine des huiles d'olive commercialisées par sa société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;
"alors, deuxièmement, qu'en déclarant Jean-André X coupable de complicité de la publicité mensongère commise par Fred Y, sans rechercher, ni, à plus forte raison, caractériser si ce dernier avait commis une imprudence ou une négligence dans la rédaction de ses messages publicitaires, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;
"alors, troisièmement, qu'en ne précisant pas en quoi Jean-André X avait personnellement commis des actes positifs d'aide ou d'assistance à la préparation d'une quelconque publicité, la cour d'appel n'a pas caractérisé les éléments constitutifs de la complicité et a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
"alors, quatrièmement, que, si le délit de publicité mensongère ne suppose pas la mauvaise foi de son auteur, le délit de complicité suppose au contraire que le complice ait agi en toute connaissance de cause ; qu'en l'espèce, en déclarant Jean-André X coupable de complicité de publicité mensongère sans constater la connaissance par ce dernier de l'inexactitude des indications litigieuses, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel du délit de complicité et a, de nouveau privé sa décision de base légale";
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'un contrôle réalisé sur des huiles vendues dans une épicerie de luxe des Baux-de-Provence par la société A, sous la marque "C", avec l'indication "huile d'olive vierge extra - Produit de France - L'art de vivre en Provence", a révélé qu'il s'agissait de simple huile d'olive vierge, provenant d'Espagne, et parfois mélangée à de l'huile de tournesol ; que l'enquête a établi que la société A se fournissait auprès d'une société F, laquelle se procurait auprès d'une autre entreprise une huile qui lui était facturée comme étant d'origine communautaire ; que la gérante de la société F a été condamnée pour tromperie au préjudice de la société A; que le président de cette dernière a été poursuivi pour publicité de nature à induire en erreur; que Jean-André X, restaurateur et gérant de la société E, titulaire de la marque du même nom, dont la société A était licenciée a été poursuivi pour complicité de ce délit ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable des faits reprochés, l'arrêt retient notamment qu'il était indiqué, sur le site internet de la société A, que les produits commercialisés sous la marque C étaient "rigoureusement sélectionnés par Jean-André X, Chef propriétaire du [restaurant D], lequel était représenté en photographie, vêtu d'un habit blanc de chef de cuisine, tenant sous son bras un panier de légumes frais, sur fond de village provençal et d'oliveraie, ce qui tendait à faire naître chez le consommateur l'opinion erronée que le prévenu avait personnellement sélectionné les huiles offertes à la vente; que les juges ajoutent que Jean-André X, dans ses lettres de voeux circulaires envoyées à ses clients mentionnait les références commerciales de la société A ainsi que l'adresse du site internet de cette société;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, les juges ont caractérisé en tous ses éléments la complicité de publicité de nature à induire en erreur ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.