CA Rennes, 5e ch. prud'homale, 27 avril 2004, n° 03-07001
RENNES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Galaxie (SA), Galaxie/Horeq (Sté)
Défendeur :
Billod Laillet, Bourgeois, Colmard (Epoux), Gaine (Epoux), Laine (Epoux), Lalau , Laurent, Le Bars, Marechal, Ninet, Oudart (Epoux), Pouliquen, Sauvaire
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ploux
Conseillers :
Mmes Citray, Van Ruymbeke
Avocats :
Mes Maze, Calvez, Ravassard, Turpin
Par acte du 10 octobre 2003, la société SA Galaxie formait un contredit à l'encontre d'un jugement en date du 10 octobre 2003 qui, dans le litige qui l'oppose à dix-sept personnes responsables d'hôtels de la chaîne B & B, après avoir dit que ces personnes étaient liées à la société Galaxie par un contrat de travail, retenait sa compétence pour statuer dans ce litige;
La société Galaxie conteste que les gérants mandataires des établissements hôteliers B & B qui ont saisi le Conseil de prud'hommes de Brest, aient le statut de salariés alors qu'ils ont librement choisi d'exploiter les hôtels dans le cadre de mandats et qu'ils ne sont soumis à aucun lien de subordination et jouissent d'une totale autonomie dans la gestion de leur établissement. Il est demandé de renvoyer l'affaire devant le Tribunal de commerce de Brest et à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise.
Mesdames Billod-Lallet, Bourgeois, Colmard, Laine, Marechal, Oudart, Gaine, Laurent et Messieurs Colmard, Laine, Lalau, Le Bars, Ninet, Oudart, Sauvaire, Gaine, Pouliquen, demandeurs devant le conseil de prud'hommes, faisant référence à une décision de la Cour d'Appel de Paris opposant des gérants d'hôtels au groupe Accor soutiennent qu'ils sont dans la même situation de subordination et que leur litige doit être soumis au Conseil de prud'hommes de Brest, ils sollicitent la confirmation du jugement;
Pour un exposé plus complet de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère au jugement déféré et aux conclusions régulièrement communiquées à l'adversaire qui ont été développées à l'audience des plaidoiries puis versées dans les pièces de procédure à l'issue des débats;
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le statut réel des responsables des hôtels B & B:
Considérant que les défendeurs au contredit, tous responsables d'hôtels B & B, ayant le statut juridique de gérants-mandataires associés de sociétés commerciales qui exploitent les hôtels B & B, ce qui leur confère au visa de l'article L. 120-3 de la loi du 11 février 1994 une position de non-salariés, il leur appartient de combattre cette présomption, en rapportant la preuve, par des éléments objectifs, qu'en réalité leur activité entre dans le cadre d'un contrat de travail ; qu'ils sont soumis dans l'exercice de leur fonction à une relation de subordination permanente à un employeur (Galaxie), lequel a sur eux le pouvoir de leur donner des ordres, de contrôler l'exécution de leur travail, de sanctionner leurs manquements, la rémunération qu'ils perçoivent étant la contrepartie du travail qui leur est imposé.
Lien de subordination
Considérant qu'il ne peut être contesté que la plupart des demandeurs avant d'entrer dans le groupe Galaxie, avaient déjà eu des responsabilités dans la gestion et la direction d'hôtels ou restaurants, ce qui veut dire qu'ils ne se sont pas engagés à la légère lorsqu'ils ont choisi le statut de gérant-mandataire alors qu'ils avaient la possibilité d'être gérants salariés ; ils ont accepté en connaissance de cause et librement de constituer une société commerciale, SARL ou EURL, d'être immatriculés au registre du commerce, choisi la fonction de gérant-mandataire de la dite société et assumé en toute liberté pour assurer le fonctionnement de l'établissement hôtelier, les prérogatives d'un chef d'entreprise à l'égard des collaborateurs et du personnel de l'établissement qu'ils ont eux-mêmes recruté sans avoir à en référer à Galaxie;
Considérant que contrairement au statut des salariés lesquels sont soumis à un horaire journalier et hebdomadaire précis, qu'ils doivent respecter et doivent rendre compte de leur activité sous peine de sanction, les gérants des hôtels jouissent d'une liberté totale dans l'organisation de leur journée, ont la possibilité de se faire remplacer pour convenance personnelle et de partir en congés sans obtenir l'autorisation de Galaxie, sauf à prévoir les mesures indispensables pour assurer la continuité du service de l'hôtellerie pendant leur absence, obligation qui résulte du contrat de mandat, cette liberté leur permettant d'exploiter en même temps d'autres fonds de commerce, ce qui est incompatible avec le statut de salarié à plein temps qui doit consacrer l'exclusivité de son activité à son employeur.
Considérant que pour permettre au réseau d'hôtels B & B de se développer, le groupe Galaxie doit présenter à sa clientèle une bonne image de marque commerciale et répondre à ses attentes en l'assurant que dans tous ses établissements elle trouvera le même confort, les mêmes prestations hôtelières de qualité, la même tarification, etc... ce qui exige un minimum d'uniformité et d'harmonisation entre les hôtels et justifie la réalisation d'un livret d'exploitation commun à tous les établissements du groupe puisque tous les hôtels B & B doivent du point de vue commercial offrir les mêmes services, de même que tous les concessionnaires d'une même marque automobile, qui sont pourtant propriétaires de leur fonds et commerçants indépendants, doivent se soumettre à des obligations imposées par le constructeur (publicité commune, mêmes prestations, mêmes tarifs, mêmes modèles de véhicule ...) qu'il en est de même dans la grande distribution, s'agissant des grandes marques de produits alimentaires qui ont leurs exigences, s'agissant de la présentation des produits.
Considérant enfin que les gérants et responsables des établissements, parties au procès, ne justifient pas qu'ils aient pendant l'exercice de leur mandat fait l'objet de sanctions, avertissements, mises à pied, licenciement disciplinaire) au sens de l'article L. 122-34 du Code du travail de la part de Galaxie, ce qui est un élément essentiel du lien de subordination.
Rémunération
Considérant que les rémunérations des gérants et de leurs épouses lorsqu'elles sont salariées de la société exploitant l'hôtel, ne sont jamais assurées, ni fixées par la société Galaxie mais par la société elle-même qui prélève sur ses fonds propres les sommes nécessaires à la rémunération des gérants lesquels sont soumis à la TVA au titre de leur activité de commerçant; d'ailleurs dans les comptes de résultats des sociétés, les sommes versées aux gérants apparaissent sous la rubrique 14100 rémunération gérant et non sous celle des salaires,
Considérant que le seul fait que des gérants d'établissements hôteliers d'un groupe concurrent (Accor) aient obtenu du Conseil de prud'hommes d'Evry et de la Cour d'appel de Paris une décision leur reconnaissant le statut de salarié, ne suffit pas à conférer dans le présent litige aux gérants des hôtels B & B le même statut, alors que d'autres juridictions ont décidé le contraire et que l'on ignore si les conditions de travail des gérants mandataires du Groupe Galaxie sont les mêmes que celles des gérants mandataires du groupe Accor, pour ces motifs le jugement sera infirmé;
Par ces motifs, Statuant, publiquement, contradictoirement, Infirme le jugement du 10 octobre 2003; Constate que l'activité des gérants-mandataires des établissements hôteliers B & B du Groupe Galaxie (société Galaxie et société Galaxie/Horeq) Mesdames Billod- Lallet, Bourgeois, Colmard, Laine, Marechal, Oudart, Gaine, Laurent et Messieurs Colmard, Laine, Lalau, Le Bars, Ninet, Oudart, Sauvaire, Gaine, Pouliquen, n'entre pas dans le cadre d'un contrat de travail ; Dit que les juridictions du contentieux prud'homal ne sont pas compétentes pour en connaître; Renvoie les demandeurs devant le Tribunal de commerce de Brest; Les condamne aux dépens.